DÉCISIONS MARQUANTES DE 2013 ET 2014 1

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DÉCISIONS MARQUANTES DE 2013 ET 2014 1
DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS EN COMMERCIALISATION TROMPEUSE:
DÉCISIONS MARQUANTES DE 2013 ET 2014
BOB H. SOTIRIADIS*
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
AVOCATS ET AGENTS DE BREVETS ET DE MARQUES DE COMMERCE
1.
INTRODUCTION
Bien avant l’existence du registre des marques de commerce canadien et de son
mécanisme d’enregistrement, les cours d’équité anglaises donnèrent naissance au
recours en « passing off » ou en commercialisation trompeuse1 comme il est connu
en droit québécois. Ce recours tire ses racines du motif de poursuite qui s’appuie sur
la fraude tout en empruntant quelques éléments au délit de tromperie2.
Le fondement historique en équité de ce type de recours place les premières causes
rapportées aux alentours du dix-neuvième siècle, hormis la cause Southern v. How3.
La provenance du recours (les cours d’équité) fait en sorte qu’à ses débuts, ce
dernier repose davantage sur les questions de faits que de droit4. En effet, à ses
balbutiements, le recours en passing off nécessitait la preuve de fraude pour que la
demande en justice soit fondée. De nos jours, par contre, il n’y a aucune obligation
que l’action de la partie défenderesse soit intentionnellement frauduleuse, malicieuse
ou même négligente5.
Une brève analyse étymologique des termes anglais « passing » et « off » permet de
conclure qu’il s’agit de se faire passer pour quelqu’un ou quelque chose d’autre, et
© CIPS, 2014.
* Avocat, Bob H. Sotiriadis est membre de ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats,
d’agents de brevets et d’agents de marques de commerce, avec la participation de Steven Bento à la
recherche et la rédaction. Texte présenté dans le cadre du colloque du 2014-11-14 Développements
récents en droit de la propriété intellectuelle (2014) organisé par le Service de la formation continue du
Barreau du Québec (Cowansville,(QC), Yvon Blais, 2014). Publication 439.
1 Dans le cadre du présent article, les expressions «commercialisation trompeuse» et «passing-off»
sont employées de manière interchangeable.
2 Christopher WADLOW, The Law of Passing-Off, 2 éd., Londres, Sweet & Maxwell, 1995 , p.9.
3 (1618) Cro. Jac. 468; Poph. 143; 2 Roll Rep. 26 (Dodderidge J.).
4 Christopher WADLOW, The Law of Passing-Off ., préc. note 2, p. 13.
5 Dentec Safety Specialists Inc. v. Degil Safety Products (1989) Inc., 2012 ONSC 4721, par. 8.
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ce, en quelque sorte pour bénéficier d’un avantage qui revient à cette chose ou
personne.
Le système plus structuré de registre des marques de commerce se veut en soi un
mécanisme qui offre entre autres une protection contre une tentative intentionnelle
ou non de bénéficier d’un ou des avantages que détient un tiers, souvent
compétiteur, en vertu de sa réputation ou de son achalandage. Par l’entremise d’une
fiction juridique, il y a création, lors de l’enregistrement d’une marque, d’un
achalandage automatique au plan national. Le tout protégé, entre autres, par le test
de violation de droits qui s’appuie sur le critère du souvenir imparfait élaboré dans
l’affaire Veuve Clicquot6.
2.
LA COMMERCIALISATION TROMPEUSE EN TROIS CRITÈRES
Les deux mécanismes fonctionnent en parallèle et bien que le recours en passing off
soit plus flexible (entre autres, car il ne requiert pas d’enregistrement et qu’il tire son
fondement simplement des droits de Common Law), il est aujourd’hui enraciné aux
articles 7(b), 7 (c) et 7 (d) de la Loi sur les marques de commerce7. De plus, malgré
sa flexibilité, il ne reçoit application que si les trois critères suivants sont présents :
L'existence d'un achalandage;
La déception du public due à la représentation trompeuse;
La preuve de dommages actuels ou possibles pour le demandeur8.
À la lecture de l’article 7 (b) il en ressort que le critère de confusion est crucial pour
l’existence de commercialisation trompeuse. Récemment, ma collègue Alexandra
Steele faisait état des principes directeurs provenant des décisions Mattel9 et Veuve
Clicquot10. Dans le but de préparer le terrain pour la revue jurisprudentielle, nous
proposons ci –dessous un bref résumé desdits principes directeurs :
•
Les marques de commerce ont toujours pour objet, sur le plan juridique, de
distinguer les produits et services de l'un, de ceux des autres, et d’éviter ainsi la
«confusion» sur le marché.
•
La confusion survient si l’acheteur éventuel – l’acheteur occasionnel plutôt pressé
– est susceptible d’être amené à conclure à tort « que les marchandises liées à
ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées,
ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même
6 Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23.
7 Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13, ci-après citée comme « Loi sur les
marques de commerce ».
8 Ciba-Gigey Inc. c. Apotex Inc., 1992 CanLII 33 (CSC),[1992] 3 SCR 120.
9 Mattel inc. c. 3894207 Canada inc., 2006 CSC 22.
10Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, préc. note 6.
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personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même
catégorie générale ».
•
La preuve d’une confusion réelle est une circonstance pertinente, mais pareille
preuve n’est pas nécessaire. En effet, la question pertinente est la « probabilité
de confusion » et non la « confusion réelle ». Une conclusion défavorable peut
toutefois être tirée de l’absence d’une telle preuve dans le cas où elle pourrait
facilement être obtenue si l’allégation de probabilité de confusion est justifiée.
•
Le critère applicable en matière de confusion est celui de la première impression
que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la
marque alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce
antérieures et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas
plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les
marques.
•
Pour en juger, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y
compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.
•
Le genre de marchandises ou de services en cause est pertinent, mais la
différence entre les marchandises ou les services ne constitue pas un facteur
propre à éliminer en soi les autres facteurs, pas plus que la notoriété de la
marque. Cela dit, une grande différence entre les biens ou services en cause
peut avoir pour effet d'éloigner tout risque de confusion.
•
C’est l’emploi d’une marque de commerce et non l’enregistrement qui confère un
droit prioritaire sur la marque et le droit exclusif de l’employer.
•
Dans la plupart des cas, l’évaluation de la ressemblance entre les marques doit
constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion. En effet, il arrive
souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus
d'importance dans l'analyse relative à la confusion.
•
Dans l'analyse d'une marque de commerce, le tribunal ne doit pas considérer
chaque partie de celle-ci séparément des autres éléments. Il convient plutôt
d'examiner la marque telle que le consommateur la voit, à savoir comme un tout,
et sur la base d'une première impression.
•
Les juges doivent examiner chaque marque litigieuse globalement, mais aussi eu
égard à sa caractéristique dominante, sa caractéristique la plus frappante ou
singulière. Il faut rechercher l’aspect frappant ou unique de la marque.
•
On ne peut fonder l’analyse en matière de confusion sur l’emploi qu’une
entreprise a réellement fait de sa marque après l’avoir fait enregistrer. Il faut
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plutôt tenir compte de toute la portée des droits exclusifs que l’enregistrement
d’une marque confère.
•
Constitue une erreur le fait de croire qu’en général, étant donné que le
consommateur à la recherche de biens et de services onéreux consacre un
temps appréciable à s’informer sur la source de tels biens et services, cela donne
à penser que la probabilité de confusion dans un tel cas sera moins grande. Il
convient plutôt d’évaluer la confusion en se fondant sur la première impression du
consommateur s’apprêtant à faire un achat coûteux lorsqu’il voit la marque de
commerce.
•
Il faut s’en tenir à la question de savoir comment le consommateur ayant un
vague souvenir des marques d’une entreprise aurait réagi en voyant la marque
de l’autre entreprise.
3.
DÉCISIONS CANADIENNES DE 2013
3.1 Ryan c. Zemla, 2013 ONSC 95, 226 A.C.W.S. (3d) 559
Les parties en l’espèce sont respectivement propriétaires de commerces de salles
d’entraînement de boxe à Toronto et possèdent des parts dans la même société. Le
requérant cherche à obtenir une injonction interlocutoire afin d’empêcher le
défendeur, M. Zemla, d’utiliser la marque de commerce BLOOR FITNESS 24/7 et de
faire acte de commercialisation trompeuse vis-à-vis son commerce nommé « Bloor
and Street Boxing & Fitness ».
La Cour estime que le requérant ne remplit pas le second critère du test de
l’injonction interlocutoire. En effet, l’allégation de Ryan selon laquelle le nombre de
membres de son établissement aurait été réduit après l’implantation du commerce
du défendeur dans un établissement proche ne convainc pas la Cour. La
jurisprudence est claire à ce sujet : le requérant doit rapporter la preuve que le
préjudice irréparable est établi et non seulement spéculatif11. La Cour laisse ainsi
entendre que si le demandeur avait produit des listes des clients établissant qu’ils
ont transféré leur commerce vers le défendeur, cela aurait permis d’emporter la
conviction du juge. En effet, en matière d’injonction interlocutoire, les règles de
procédure civile imposent que les preuves déposées à l’appui de la demande soient
fortes dans la mesure où une injonction a de sérieuses conséquences pour les
parties.
Enfin, la Cour note que le requérant a attendu deux ans à compter du début du litige
pour introduire une requête en injonction interlocutoire. Cette constatation ne joue
évidemment pas en sa faveur dans la mesure où la finalité même de l’injonction
11 Paradigm Shift Technologies Inc. v. Oudovikine, 2012 ONSC 148, [2012] O.J. No. 190 (Ont.
S.C.J.), par. 54.
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interlocutoire consiste à faire cesser des actes susceptibles de causer un préjudice
irréparable avant toute procédure au fond.
La requête est donc rejetée.
3.2 Solutions Abilis Inc. c. Groupe Alithis Inc., 2013 QCCS 1179
Les parties en l’espèce interviennent dans le domaine du conseil informatique. Après
avoir tenté en vain d’acquérir la société Solutions Abilis Inc. (« Abilis »), le groupe
Alithis (« Alithis ») a fait enregistrer les termes « Groupes Alithis inc. » et « Alithis
Services-conseils inc. » comme marques de commerce. Abilis a alors introduit une
requête en injonction interlocutoire à l’encontre des défenderesses. Il est ainsi
intéressant de voir comment la commercialisation frauduleuse et la concurrence
déloyale ont résulté d’une transaction n’ayant pas réussi entre les parties, les
demanderesses ayant fait ces enregistrements après avoir tenté d’acheter Abilis.
À l’appui de sa demande, Abilis invoque la violation de l’article 6 de la Loi sur les
marques de commerce en ce qu’il existerait un risque de confusion avec sa marque
enregistrée, une action en commercialisation trompeuse sous l’article 7(b) ainsi que
des actes de concurrence déloyale au sens de l’article 1457 du Code civil du
Québec12.
Les marques non enregistrées d’Abilis se présentent de la manière suivante :
La Cour applique classiquement le test de la confusion de l’article 6.
Elle relève tout d’abord que la marque de la demanderesse présente un caractère
distinctif. Cette constatation s’infère, notamment, du fait que le mot ait été « inventé »
et qu’il ne revêt pas une signification particulière, en français ou en anglais, que les
trois syllabes sont de nature à créer une sonorité forte et que l’utilisation des
symboles « IT » et « TI » à la fin et au début du mot sont de nature à créer une
image visuelle forte.
La Cour relève ensuite que la marque des demanderesses est utilisée depuis 2007,
soit une période de cinq ans, alors que celle des défenderesses l’est seulement
depuis novembre 2012. Or, une marque qui a été en usage pendant une longue
période a plus de chances d’être distinctive.
12 Code civil du Québec, L.Q. 1994, c. 64, ci-après citée comme « C.c.Q. » ou « Code civil du
Québec ».
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D’autre part, les services fournis par les deux parties sont suffisamment similaires
pour causer une confusion auprès du consommateur. En effet, quand bien même la
clientèle des défenderesses ne serait pas constituée de la même gamme de clientèle
que celle des demanderesses, la confusion peut être créée dans le cadre d’un appel
d’offre ou auprès de nouveaux clients.
S’agissant du degré de ressemblance et des éléments essentiels de chacune des
marques, la Cour estime, notamment, que la similarité entre les premières lettres
respectives ainsi que les suffixes « IS » ou le symbole « IT » assimilés à la marque
Abilis sont autant d’éléments qui montrent le risque de confusion entre les deux
marques. Il n’est en effet pas nécessaire que la marque soit copiée en entier pour
créer de la confusion. La jurisprudence exige surtout que la copie soit suffisamment
importante pour être de nature à induire le public en erreur, comme le résume
fidèlement un arrêt de Cour d’appel américaine dans l’affaire Baker v. The Master
Printers of New Jersey qui a affirmé que : « The most successful form of copying is
to employ enough points of similarity to confuse the public with enough points of
difference to confuse the courts ... »13.
La cour en conclut qu’Abilis a prouvé les risques de confusion en violation des
articles 7, 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce entraînant une
possible faute sous l’article 1457 du Code civil du Québec.
S’agissant du préjudice irréparable, la Cour applique la présomption de perte
d’achalandage dégagée dans l’arrêt Ciba-Geigy14 de laquelle elle infère : « Where
the likelihood of confusion is found to be clear that a loss of goodwill and clientele are
presumed to follow and are not necessary for the applicant to adduce specific
evidence ».
Le fardeau de preuve pour démontrer un préjudice irréparable est dans ce cas
acquitté par la demanderesse. La défenderesse doit donc cesser d’utiliser le terme
« Alithis » pour désigner sa marque de commerce et son nom commercial ainsi que
modifier le nom de domaine « www.alithis.com ».
3.3 River Island Clothing Co c. International Clothiers Inc, 2013 COMC 88
Cette décision mérite d’être évoquée puisqu’elle est rendue par la Commission des
oppositions des marques de commerce qui a moins l’habitude de retenir l’article 7(b)
de la Loi sur les marques de commerce comme motif d’opposition.
13 Baker v. The Master Printers of New Jersey, 47 U.S.P.Q. 69, cité dans Harold G. FOX, The
rd
Canadian Law of Trade-Mark and Unfair Competition, 3 Ed., Toronto, Carswell, 1972, p. 372.
14 Ciba-Gigey Inc. c. Apotex Inc., préc. note 8, par. 33.
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La société River Island Clothing Co. Limited produit une déclaration d’opposition à
l’encontre de la demande d’enregistrement relative à la marque RIVER ISLAND
fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec des « services de magasin de
vente de vêtements au détail ». Parmi les motifs d’opposition soulevés, cette
dernière invoque l'article 7(b) de la Loi sur les marques de commerce.
La Commission des oppositions devait donc rechercher si la requérante avait
employé la marque au Canada en liaison avec les services en cause de manière à
vraisemblablement causer une confusion dans l’esprit du public.
Cette Commission a déjà estimé que l’article 7(b) pouvait être considéré comme un
motif d’opposition valide. Cela se déduit du principe selon lequel le registraire ne
peut admettre l’enregistrement d’une marque si l’emploi que le requérant en fait
enfreint la législation fédérale15.
En s’appuyant sur les critères dégagés dans l’arrêt Ciba-Geigy, la Commission
rejette néanmoins la demande d’opposition.
En effet, l’opposante n’a pas présenté de preuve suffisante justifiant qu’elle avait
acquis une notoriété sous la marque de commerce RIVER ISLAND au Canada à la
date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque. La valeur de
l’achalandage s’apprécie en effet sur le territoire national seul puisqu’elle est liée à
l’influence qu’aura cette marque sur le consommateur canadien.
En l’espèce, l’opposant était bien en peine de présenter cette preuve puisque, si sa
marque était largement présente sur le marché européen, rien ne prouvait qu’il en
était de même au Canada. À cet égard, la Commission relève que les données
statistiques montrant le nombre de visites du site web sont postérieures à la date
pertinente pour le motif d’opposition et, en tout état de cause, une telle preuve ne
suffit pas à établir la notoriété de la marque au Canada. En effet, on ne peut
déterminer de ces données brutes que les visiteurs canadiens avaient réellement eu
l’intention de visiter le site web de l’Opposante ou s’ils y étaient arrivés par hasard.
En conséquence, et faute de preuve suffisante de l’établissement d’une notoriété au
Canada, le motif d’opposition fondé sur les alinéas 30(i) et 7(b) ne peut être retenu.
3.4 Wildman v Kulyk, 2013 SKCA 55 infirmant 2012 SKQB 312
3.4.1 Les faits
15 Voir Institut National des Appellations d’Origine c. Pepperidge Farm (1997), 84 C.P.R. (3d), p.540
à 557 (C.O.M.C.).
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L’originalité de la présente espèce tient, d’une part, à la relation de travail qui unissait
les deux parties et, d’autre part, au fait qu’elles invoquent réciproquement l’existence
d’une commercialisation trompeuse.
L’appelante, Mme Wildman, possède l’entreprise « Weight Loss Forever » qui
propose des services en relation avec le « tourisme médical » (voyager en dehors du
Canada pour améliorer sa santé). En 2010, elle a commencé à utiliser le nom
« Global Healthcare Connection » en relation avec certains types de chirurgie.
Durant cette même année, elle a travaillé avec son amie, Mme Kulyk, dont elle s’est
séparée peu après. Cette dernière a alors créé son propre commerce de tourisme
médical sous le nom « Global Healthcare Connections » (souligné par nos soins),
enregistré en tant que marque de commerce.
3.4.2 Le jugement de première instance
Mme Kulyk a engagé une action en passing off sur le fondement de la common law
contre Mme Wildman afin de l'empêcher d'utiliser la dénomination « Global
Healthcare Connection » en relation avec son activité commerciale. Mme Wildman a
alors effectué une demande reconventionnelle dans laquelle elle accusait également
la demanderesse d’avoir fait preuve de commercialisation trompeuse envers elle.
Le juge prononce une injonction interlocutoire en faveur de Mme Kulyk qui interdit à
Mme Wildman d’utiliser le nom « Global Healthcare Connection ».
3.4.3 La décision d’appel
La Cour devait déterminer si le juge de première instance avait correctement analysé
les critères de l’injonction interlocutoire.
La Cour relève d’emblée que Mme Kulyk n’a pas avancé suffisamment d’éléments
de preuve quant au goodwill au sens de la jurisprudence 16 en relation avec la
dénomination sociale « Global Healthcare Connections ». Elle s’est au contraire
montrée dans l’incapacité d'établir une présence durable sur les réseaux sociaux et
internet en général, comme le révèlent des éléments de preuve qu’elle a elle-même
soumis. Il est également intéressant de relever que la Cour rejette les preuves d’un
investissement substantiel telles que l’ouverture d’un compte en banque ou les
démarches auprès de l’assurance. Selon elle, ces éléments de preuve ne suffisent
en aucun cas à établir la présence sur le marché de ladite marque et donc à établir
l’existence d’un achalandage.
En l’absence d’éléments de preuve convaincants, la Cour n’estime pas nécessaire
d’examiner les deux autres éléments constitutifs du passing off.
16 Parke, Davis & Co. v. Empire Laboratories Ltd., [1964] S.C.R. 351, p. 358.
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La Cour relève qu’étant donné que les dénominations « Global Healthcare
Connections » et « Global Healthcare Connection » sont susceptibles de causer de
la confusion, celle-ci bénéficierait au contraire à Mme Kulyk. Le commerce de Mme
Wildman semble en effet être bien plus solidement établi que celui de Mme Kulyk.
L’appelante risque donc de subir un préjudice irréparable plus important que
l’intimée.
La demande d’appel est donc acceptée.
3.5 Moroccanoil Israel Ltd. c. Lipton, 2013 CF 667
L’affaire en présence lie la question de la commercialisation trompeuse à celle de la
contrefaçon de la marque de commerce de la demanderesse. Les faits sont simples.
La société Moroccanoil Israel Ltd. s’aperçoit que les produits de soins capillaires
qu’elle distribue sous la marque de commerce MOROCCANOIL ont été offerts en
vente, sans son autorisation, par Monsieur Sivitilli. Elle enclenche alors une
procédure d’urgence en injonction interlocutoire afin de voir cesser immédiatement le
dommage.
La Cour avait à se prononcer en particulier sur la violation des articles 19 et 20 de la
Loi sur les marques de commerce, les alinéas b), c) et d) de l'article 7 ainsi que sur
l’article 22 de cette même loi.
À l’appui de sa demande, la demanderesse soumet des affidavits établissant que la
défenderesse s’est procuré les produits reproduisant la marque de commerce
MOROCCANOIL auprès d’une société américaine et qu’elle les a offerts en vente
sans préalablement demander une autorisation ou une concession de licence à
Moroccanoil Israel Ltd. La cour se prononce ainsi :
« Je conclus que la demanderesse a également établi, grâce à la
preuve par affidavit non contestée de M. Zohar Pas, le président de
Morroccanoil Inc, une société affiliée de Morrocconoil Israel, le
préjudice et le dommage causés par l’offre à la vente des produits
contrefaits. La distribution des produits contrefaits porte atteinte à la
réputation de la demanderesse et diminue les revenus éventuels en
raison, notamment, de la qualité différentes des produits
contrefaits, du prix moins élevé des produits contrefaits, de la
réaction des consommateurs, de l’incidence sur l’image de marque
du produit et sur les détaillants qui vendent le produit authentique,
et de l’incapacité de la demanderesse à contrôler la qualité de la
conception ou du matériel utilisé dans le produit contrefait. »17
17 Moroccanoil Israel Ltd. c. Lipton, 2013 CF 667, par. 13.
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10
En l’absence de défense convaincante, la Cour conclut que la preuve de contrefaçon
de la marque de commerce sous les articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de
commerce est établie et que ces produits ont été vendus en contravention des
alinéas b), c) et d) de l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce.
Cette décision est ainsi l’occasion de rappeler l’importance, dans une procédure en
injonction interlocutoire, d’énoncer des faits précis et de produire des éléments de
preuve qui indiquent qu’il existe une véritable question litigieuse. En effet, comme le
relève la Cour :
« Le défendeur ne peut pas s’appuyer sur de vagues déclarations ou
dire qu’il n’était pas au courant et/ou s’appuyer sur des dénégations
formulées dans ses plaidoiries pour soulever une véritable question
litigieuse. Le défendeur doit « présenter ses meilleurs arguments »
et pour cela il doit prouver et présenter des arguments selon
lesquels il existe une véritable question litigieuse ».18
La Cour donne gain de cause à la demanderesse et lui octroi entre autres des
dommages-intérêts de 41 000 $.
3.6 Carey Industries v. Carey, 2013 ONSC 5607
L’originalité de la présente affaire tient à la relation employeur/employé qui existait
entre les parties au litige. Le requérant en l’espèce était en effet l’ancien employeur
d’un salarié qui, immédiatement après avoir « quitté » son emploi, avait créé une
entreprise concurrente portant le nom commercial de l'ancienne marque de
commerce utilisée pendant trente ans par son ancien employeur jusqu’en février
2011, date à laquelle l’ancien employeur avait fait annuler son enregistrement pour la
marque STEVE’S WELDING & SANDBLASTING pour adopter CAREY
INDUSTRIES :
« Steven worked from the inception of the corporation to build the
business and reputation of the business, which was mainly steel
fabrication, welding and sandblasting. The plaintiff company
currently operating as Carey Industries had operated as Steve’s
Welding & Sandblasting until February 2011. Upon changing its
business name to Carey Industries it canceled its registration of the
style « Steve’s Welding & Sandblasting » and has operated as Carey
Industries for upwards of two years. Michael Perrotto (« Perrotto »),
is the current president and sole director of Carey Industries. The
documentation before me indicates that he purchased all of the
shares of the company from Steven on January 31, 2008. »19
18 Id., par. 10.
19 Carey Industries v. Carey, 2013 ONSC 5607, par. 6.
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La défenderesse estime qu’elle est l’unique propriétaire des parts de la société
demanderesse. Bien que l’examen ne porte pas sur le fond de l’affaire, la Cour
donne peu de crédibilité à cet argument. En effet, les documents qui lui sont
présentés laissent penser que l’ancien employé a vendu ses parts à Perrotto qui
dirige désormais Carey Industries.
La demanderesse devait donc prouver les éléments constitutifs d’une injonction
interlocutoire, autrement dit l’existence d’une véritable question litigieuse, le
préjudice irréparable si l'injonction n'est pas octroyée et le fait que le poids relatif des
inconvénients penche en sa faveur.
Pour examiner si la commercialisation trompeuse constitue une véritable question
litigieuse, la Cour observe, à la lumière des conclusions de Ciba-Geigy20, que le
goodwill attaché à la marque STEVE’S WELDING & SANDLASTING est toujours
présent même si Carey Industries a modifié son nom commercial en 2011. Le nom
commercial était en effet utilisé depuis vingt-huit ans et cela lui a permis de se
construire une forte réputation. D’ailleurs, ce nom continue d’être utilisé par la
demanderesse tant sur les uniformes des employés que sur le site web de la
demanderesse.
Il existe par ailleurs un risque de confusion important pour le consommateur. La Cour
constate en effet que les noms commerciaux sont identiques. Or, la similitude entre
les noms commerciaux des parties est un facteur déterminant dans l’examen du
risque de confusion21. Le risque de confusion pour le consommateur moyen est
d’ailleurs amplifié du fait de la similitude entre les services proposés par les parties.
Enfin, l’ancienne relation de travail entre les deux parties a un poids déterminant. En
effet, il ressort des pièces du dossier que l’employé est « parti » en mauvais termes
avec son ancien employeur et qu’il aurait même professé des menaces envers ce
dernier. Cette constatation pourrait d’ailleurs être corroborée par le fait que la
nouvelle activité de la défenderesse se situe dans une zone géographique proche de
celle de la demanderesse et qu’elle ne porte pas sur le soudage ou le décapage,
activité première de la demanderesse. La demanderesse a de même reçu des
factures adressées à la défenderesse provenant de ses clients initiaux. Enfin, le
succès immédiat de la défenderesse et les revenus spectaculaires qu’elle a générés
dans la première année de son activité, 300 000 $, laissent penser qu’ils ne sont que
le résultat direct de l’achalandage généré par la marque STEVE’S WELDING &
SANDBLASTING.
20 Ciba-Gigey Inc. c. Apotex Inc., préc. note 8.
21 British Columbia Automobile Association v. Office and Professional Employees International Union
Local 378, 2001 BCSC 156 (BCSC), par. 78 et 89 à 92.
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Il existe donc une véritable question litigieuse et l'utilisation de la marque de
commerce STEVE’S WELDING & SANDBLASTING est susceptible de constituer
une commercialisation trompeuse.
Enfin, si une poursuite de l’activité de la défenderesse avait des conséquences
préjudiciables pour l’achalandage de la demanderesse, il n’est pas certain qu’il en
soit de même pour la défenderesse à la lumière de son contre-interrogatoire. Selon
la cour, Carey Industries subira un préjudice plus important et le poids relatif des
inconvénients penche en sa faveur. Il est à cet égard permis de penser que la
réputation personnelle de Steve Carey mise de l’avant en contre-interrogatoire a eu
une influence sur la détermination du juge.
En conséquence, l’injonction interlocutoire est ordonnée.
3.7 Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2013 CF 1043
La présente affaire soulève de nombreux moyens de droits liés aux marques de
commerce et de droit d’auteur. À l’origine, Emballages Richards Inc. (« Richards »),
titulaire d’un brevet canadien sur un système de piluliers qui améliore l’administration
de médicaments aux patients, a intenté une action en contrefaçon contre Distrimedic
Inc. (« Distrimedic »). Ce dernier a sollicité un jugement déclarant que le brevet
n'avait pas été contrefait. Richards a déposé une défense et demande
reconventionnelle contre Distrimedic qui s’est ensuite désistée de son action initiale.
La demande reconventionnelle a toutefois été maintenue. Parmi les demandes
reconventionnelles, Richards intente une action en passing off sous l’alinéa 7b) de la
Loi sur les marques de commerce.
Le juge estime que Richards n’a pas démontré l’existence d’un recours en imitation
frauduleuse.
Ce dernier alléguait en effet que le code couleur utilisé par le titulaire initial en
relation avec le brevet était une marque de commerce et que l’utilisation d’un code
couleur similaire par Distrimedic constituait une commercialisation trompeuse. Or,
répond la Cour, il n’est pas établi que Richards possédait des droits conférés par les
marques de commerce sur le code couleur du produit. Au contraire, ce code couleur
avait une portée seulement fonctionnelle et non distinctive pour la marchandise. En
effet, il visait seulement à déterminer à quel moment de la journée les pilules en
question devaient être prises. La Cour applique ici le critère dégagé dans Kirkbi c.
Ritvik Holdings Inc22 selon lequel il ne peut exister d’action en imitation frauduleuse
que dans les cas où la demanderesse peut démontrer qu’elle détient des droits en
vertu de la marque de commerce.
22 Kirkbi PG c Ritvik Holdings Inc, 2003 CAF 297 confirmé dans 2005 CSC 65.
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De plus, relève la Cour, le public pertinent en l’espèce est composé de pharmaciens
et non du grand public, susceptible d’être influencé par le code couleur lors de sa
décision d’achat. Les professionnels sont en effet conscients de la distinction entre
les deux entreprises et ne sont pas induits en erreur. Il est en effet constant que, lors
de l’examen du critère de confusion, la jurisprudence effectue une analyse in
concreto dans laquelle elle prend pour référence le public visé par le produit ou
service en cause et non le consommateur moyen.
Surtout, la Cour estime non pertinente l’allégation du recours en passing off dans la
mesure où, pour être applicable, il est nécessaire que la marque soit utilisée dans un
contexte de commerce. Or, l’emploi de la supposée marque a été fait sans échange
ou paiement et le produit litigieux a été distribué gratuitement à des pharmaciens à
des fins d’essai.
La demande reconventionnelle de Richards est donc rejetée dans son intégralité.
En définitive, il est permis de penser que l’allégation de l’action en passing off ne
constituait qu’un énième moyen de droit. En effet, la demande reconventionnelle
formulée par Richards avait été modifiée à trois reprises ce qui avait eu pour effet
d’allonger considérablement l’instance. Cela a probablement eu pour effet de diluer
l’instance et, par là même, de l’affaiblir, les tribunaux exigeant de manière constante
l’établissement d’une preuve claire et convaincante de l’existence des conditions
d’ouverture du recours23.
3.8 Woodpecker Hardwood Floors (2000) Inc. v. Wiston International Trade
Co., Ltd., 2013 BCCA 553 confirmant Vancouver Docket S136046
3.8.1 Les faits
La plus récente cause consiste en un appel contestant l’octroi d’une injonction
interlocutoire, notamment, en raison du fait que, selon l’appelant, la Cour a fait une
erreur en omettant d’accepter l’enregistrement de marque comme défense dans une
cause de passing off. Les parties en l’espèce interviennent dans le marché de la
vente de planchers de bois. L’intimé, Woodpecker, vend ses produits depuis l’année
2000 sous la marque non enregistrée WOODPECKER, soit une date antérieure à
l’appelant. Ce dernier a néanmoins enregistré le terme à titre de marque en 2013.
3.8.2 Le jugement de la Cour suprême de Colombie-Britannique
23 Voir la conclusion du texte d’Alexandra Steele,« Développements récents en commercialisation
trompeuse : décisions marquantes de 2009 à 2012 », Développements récents en droit de la propriété
intellectuelle 2012, volume 197, p. 27.
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L’honorable juge Chiasson devait évaluer en première instance s’il était opportun
d’octroyer une injonction interlocutoire dans le cadre de l’action en commercialisation
trompeuse. Le juge estime qu’il existe une véritable question litigieuse s’agissant de
l’existence d’une commercialisation trompeuse. Il relève en particulier que :
« It is not necessary that I scrutinize the evidence in detail, either in
coming to my decision or in providing these reasons. I am not able to
say with certainty that the plaintiff will be successful in a passing-off
action at trial, but I am satisfied from the affidavit evidence before me
that it is sufficient to rise above the level necessary to establish that
there is a serious question to be tried. »24
On peut à cet égard supposer que le juge a été sensible aux éléments de preuve
présentés par le requérant. Ce dernier avait en effet attiré l’attention sur le fait que le
terme « Woodpecker » avait été utilisé pendant treize années pour désigner son
commerce et que l’usage simultané des deux marques serait de nature à causer une
confusion dans l’esprit des consommateurs et risquerait de causer un préjudice plus
grave pour son achalandage et sa réputation auprès des consommateurs. Une telle
confusion rend en effet plus difficile l’évaluation des dommages causés du fait de la
perte d’achalandage, point sur lequel le juge se prononce ainsi :
« I reject those arguments by the defence. I am satisfied that the
plaintiff would suffer irreparable harm if the interlocutory injunction
was not granted. I am also satisfied that this is not speculative. There
is a difference between saying that damages in the future are
speculative and saying that they are not quantifiable. »25
Il convient par ailleurs de relever que l’argument présenté par la défenderesse selon
lequel le public ne pourrait être induit en erreur du fait que le commerce de la
défenderesse touche à la vente en gros alors que le commerce de la demanderesse
relève du commerce de détail n’est pas suffisamment probant pour ôter le caractère
sérieux de la question.
Enfin, la Cour estime que la demanderesse risquerait de subir un préjudice
irréparable si une telle injonction n’était pas octroyée. En effet, plus la marque
WOODPECKER sera utilisée par la défenderesse, plus il existera un risque qu’elle
prévale aux yeux du consommateur.
Pour ces raisons, le poids relatif des inconvénients penche en faveur de la
demanderesse.
3.8.3 Le jugement de la Cour d’appel de Colombie-Britannique
24 Woodpecker Hardwood Floors (2000) v. Wiston International Trade Co., Vancouver Docket
S136046, par. 21.
25 Id., par. 27.
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Les appelants contestent la décision de la Cour suprême de la ColombieBritannique. Ils estiment en premier lieu que la compétence de la Cour suprême
n’est pas justifiée, ce qui est rejeté par la Cour. Le juge prend à cet égard siennes
les conclusions présentées par le premier juge selon lesquelles l’article 57(1) de la
Loi sur les marques de commerce donnant juridiction à la Cour fédérale concerne
seulement les contestations ou les amendements d’enregistrement de marques de
commerce. Une injonction ne se prononce pas sur la validité de l’enregistrement de
la marque, mais bien seulement sur son utilisation. La Cour suprême est donc
compétente au fond.
Les appelants estiment ensuite qu’en tout état de cause, l’enregistrement de la
marque litigieuse s’opposerait à la reconnaissance d’une commercialisation
trompeuse. Selon ces derniers, l’unique moyen de reconnaître une telle violation
serait d’obtenir la radiation de la marque du registre des marques de commerce. Cet
argument ne tient pas puisque, comme le rappelle la Cour, l’enregistrement d’une
marque de commerce ne met pas fin aux possibilités de recours en passing off. En
effet, les paroles du juge de première instance sont reprises ainsi :
« The judge distinguished between a mark being “expunged” and
“shown to be invalid”. He stated in para. 19:
And last, this is an interlocutory injunction application only. It is not
necessary that I determine with certainty that the registered
trademark is invalid, but only that with respect to its validity, there is
a serious question to be tried. I am satisfied of that, and
consequently I reject that argument. »26
Surtout, la Cour estime que le juge de première instance n’a pas erré en droit dans
son application des principes aux faits. Elle confirme ainsi que le juge a inféré une
bonne décision des éléments factuels qui lui étaient présentés et que l’injonction
interlocutoire a été valablement ordonnée. L’appel est donc rejeté.
4.
DÉCISIONS CANADIENNES DE 2014
4.1 H-D U.S.A., LLC c. Berrada, 2014 CF 207
Les faits en l’espèce opposent la société H-D U.S.A. (ci-après « HD »), propriétaire
de la marque de commerce HARLEY-DAVIDSON, aux sociétés Canada Inc. et
Baraka Inc. qui emploient la marque SCREAMING EAGLE depuis plus de vingt ans.
Rappelons que HD est propriétaire de plusieurs marques de commerce canadiennes
en liaison avec HARLEY-DAVIDSON représentant les célèbres dessins de la barre
et de l’écusson de l’aigle. Elle est aussi propriétaire de la marque de commerce
26 Woodpecker Hardwood Floors (2000) Inc. v. Wiston International Trade Co., Ltd., 2013 BCCA 553,
par.12.
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16
SCREAMIN’ EAGLE, qui a été enregistrée le 10 mai 1999 en liaison avec des
motocyclettes et des pièces de motocyclettes.
HD a saisi la Cour afin de se voir entre autres reconnaître le droit de vendre la
marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE. Les défenderesses, qui vendaient leurs
vêtements et accessoires portant la marque de commerce SCREAMING EAGLE
partout au Canada (sauf en Colombie‑Britannique) depuis le début des années
2000, ont alors déposé une demande reconventionnelle dans laquelle ils estiment
que la demanderesse vend et annonce des vêtements portant une marque similaire
à celle-ci dans le but de détruire son achalandage en violation de l’alinéa 7b) ainsi
que les articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce.
La Cour avait ainsi à se prononcer sur les droits, la réputation et l’achalandage des
demanderesses et des défenderesses attachés à leurs marques respectives.
Les défenderesses devaient, dans leur demande reconventionnelle, établir
l’existence d’un achalandage ou d’une force attractive27 auprès du motocycliste HD
moyen au Canada. Il n’était pas aisé de rapporter une telle preuve dans la mesure
où, au Canada, il existe au moins 2 100 000 motocyclistes et où 50 000 d’entre eux
sont membres du HOG (« Harley-Davidson Owners Group »). Néanmoins, il est
constant qu’il n’est pas nécessaire que les parties exercent leurs activités sur le
même marché pour que les défenderesses aient gain de cause dans leur action pour
commercialisation trompeuse28. La situation de concurrence n’est en effet pas une
condition sine qua non à la reconnaissance d’une tromperie.
La Cour se prononce toutefois ainsi quant aux marques célèbres :
« Toutefois, comme la Cour suprême du Canada l’a déclaré dans
l’arrêt Veuve Clicquot, précité, et dans l’arrêt Mattel, Inc c 3894207
Canada Inc, [2006] ACS no 23 [Mattel], lorsqu’une marque est
célèbre et très connue, l’achalandage associé à celle-ci peut être
plus général que les marchandises et les services précis pour
lesquels elle a été enregistrée. Ce concept ne s’applique que si des
éléments de preuve indiquent que le consommateur moyen peut
conclure que le défendeur a eu l’autorisation du demandeur de
commercialiser ces biens et services. »29
La Cour juge en revanche que les éléments de preuve rapportés par les
défenderesses sont insuffisants. En effet, bien que ces dernières aient consacré plus
de 10 millions de dollars en publicité au cours des vingt dernières années et ont reçu
27 H-D U.S.A., LLC c. Berrada, 2014 CF 207, par. 122 citant Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques
Cliquot Ltée, préc. note 6, par.50.
28 Voir par exemple,Orkin Exterminating Co Inc c Pestco Co of Canada Ltd et al, 1985 CanLII 157
(ONCA), par. 37.
29 H-D U.S.A., LLC c. Berrada, préc. note 27, par. 128.
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le Prix du Choix des consommateurs à plusieurs reprises, aucun élément de preuve
n’a été présenté concernant le degré de reconnaissance dont jouit la marque de
commerce SCREAMING EAGLE auprès des motocyclistes propriétaires d’une HD
au Canada. La Cour souligne à cet égard que l’impact réel desdits Prix sur les
consommateurs est difficile à évaluer dans la mesure où l’on ne sait pas à partir de
quelles données ils ont été obtenus. La notoriété doit en effet s’apprécier au regard
du consommateur. Il est permis de penser qu’un tel investissement en publicité
aurait revêtu une force probante s’il avait été prouvé que les sommes dépensées ont
produit une certaine impression sur les clients, notamment par la preuve du chiffres
d’affaires découlant de la vente de vêtement portant la marque des défenderesses.
De plus, la Cour note que les concessionnaires de la demanderesse dépassent
largement le nombre de magasins permanents des défenderesses (75
concessionnaires HD au Canada contre deux magasins permanents autour de
Montréal pour les défenderesses). Le rayonnement national de la marque HD
constitue en effet un élément déterminant dans l’examen de la Cour, ce qui confère
par le fait même un poids plus important quant à la reconnaissance de ses marques.
La Cour avait également à établir si les clients de HD et les motocyclistes qui
conduisent une motocyclette HD étaient trompés par les actions de HD. Là encore, elle
rappelle que la notoriété mondiale de HD, établie depuis 110 ans, constitue l’un des
critères déterminants de son raisonnement. Il s’agit en effet d’une marques très
célèbres et bien connues, même auprès du grand public. Elle retient que les clients
de HD n’ont pas été trompés par ses actions.
Pour se prononcer en ce sens, la Cour applique le test de confusion de l’article 6 de
la Loi sur les marques de commerce. Les défenderesses ont certes vendu des
vêtements dans les années 1980, mais les documents relatifs aux ventes ne sont
pas concluants alors que HD était présente au Canada depuis 1917. D’autre part, la
Cour observe que les témoignages des défenderesses lors des interrogatoires sont
contradictoires s’agissant de la preuve de la date de début de la période d’usage de
la marque. Cette confusion ne peut que les desservir, et ce, d’autant plus que les
documents présentés par HD révélant un important volume de ventes de
marchandises sont difficilement contestables.
Des constatations similaires s’imposent s’agissant de la similitude entre les
marchandises et les services. En effet, et malgré le fait que les vêtements n’ont pas en
principe de caractère distinctif, les clients de HD ayant acheté des vêtements
SCREAMIN’ EAGLE étaient désireux d’acquérir un vêtement portant le logo de la
BARRE ET ÉCUSSON de HD et les couleurs noire et orange distinctives qui sont
associées à HARLEY-DAVIDSON. Enfin, la Cour n’estime pas pertinent l’argument
des défenderesses selon lequel les consommateurs feraient un lien entre les
marques dans la mesure où toutes les marchandises de HD portent son signe
distinctif et où les éléments de preuve présentés par les défenderesses ne
permettent pas de déduire que la clientèle respective des deux parties se
chevauche.
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En l’absence de commercialisation trompeuse, il ne peut exister aucun préjudice réel
ou éventuel. La demande reconventionnelle est donc rejetée.
4.2 Über Publicité inc. c. Übermédia inc., 2014 QCCS 1422
Dans cette affaire, Über Publicité, une agence de communication et de publicité,
réclamait un droit prioritaire sur la marque ÜBER qu’elle souhaitait enregistrer. Elle
estimait également que la défenderesse Übermédia inc., entreprise liée au cinéma,
créait de la confusion avec sa marque.
L’arrêt est présenté de manière très pédagogique et est l’occasion pour la Cour
supérieure de rappeler des principes bien établis en matière de commercialisation
trompeuse.
C’est probablement dans ce cadre que la Cour rappelle, à titre liminaire, sa décision
T-Rex 30 selon laquelle le recours en passing off peut être fondé tant sur l’article
1457 du Code civil du Québec que sur la Loi sur les marques de commerce. Au
Québec, les juges ont en effet la possibilité, lors de l’examen de l’action en
commercialisation trompeuse, de se fonder tant sur les règles spécifiques de
common law que sur les règles générales applicables en matière de responsabilité
civile31.
La Cour compare d’abord le recours en passing off à celui de la dépréciation
d’achalandage qui n’est applicable que lorsqu’on se trouve en présence d’un
enregistrement :
« Quant aux dommages, il doit exister une possibilité réelle ou
avérée que Über Publicité perde certains contrats au profit
d’ÜberMédia. À cet égard, il convient de préciser que le recours
intenté par Über Publicité est un recours en passing off et non un
recours en dépréciation d’achalandage tel que prévu à l’article 22 de
la Loi sur les marques de commerce, ce dernier recours n’étant de
toute façon disponible que si la marque en litige est déposée, ce qui
n’est pas le cas en l’espèce. La demanderesse n’a pas non plus
fondé son recours sur la notion de concurrence parasitaire. Il n’est
donc pas utile de traiter des craintes, au demeurant immotivées, de
Bousquet, que le nom ou la marque de la demanderesse pourrait
être déprécié par la qualité inférieure des services qu’offre la
défenderesse. »32
30 T-Rex Véhicules inc. c. 6155235 Canada inc.et als, 2008 QCCA 947, par. 87.
31 Voir sur ce point, Kisber & Co. Ltd. c. Ray Kisber & Associates Inc. [1998) R.J.Q. 1342 (C.A.).
32 Über Publicité inc. c. Übermédia inc., 2014 QCCS 1422, par. 21.
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La Cour rejette les prétentions de la demanderesse tendant à se voir reconnaître un
droit de priorité sur la marque ÜBER, faute d’avoir prouvé son emploi.
Il est surtout intéressant de souligner que la demanderesse n’avait pas plaidé que la
défenderesse avait créé de la confusion avec les noms de marques qu’elle avait
véritablement employées. La Cour procède néanmoins à l’analyse de la confusion ce
qui semble là encore renforcer le caractère pédagogique de la présente décision.
Pour se prononcer en ce sens, elle applique les critères de la confusion dégagés
dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Clicquot Ltée33.
S’agissant de l’existence d’un achalandage, la Cour, pour rejeter les allégations de la
demanderesse, se fonde sur la récente décision Boulangerie St-Méthode34. Dans
cet arrêt d’importance, le juge avait dégagé un test en deux volets pour qualifier
l’existence d’un achalandage. Le premier consiste à prouver l’établissement de la
réputation et de la notoriété propre alors que le second examine si le public reconnait
le produit d’après l’élément imité. Or, la demanderesse en l’espèce n’a produit
aucune preuve permettant d’établir la notoriété de son entreprise. Elle n’apporte pas
davantage la preuve que la clientèle associe la marque ÜBER à ses services. La
demanderesse n’a enfin présenté aucun client, aucun sondage ni aucun expert pas
plus qu’elle n’a soumis de liste de clients ou d’état financier. La preuve de la
notoriété fait donc défaut.
S’agissant du critère de la confusion, la Cour applique les critères reconnus depuis la
décision Mattel inc35 qui précise que seule est prise en compte dans l’examen de la
confusion la clientèle à laquelle s’adressent les services de la demanderesse, et ce,
selon une simple preuve de possibilité de confusion. Elle constate ainsi que les deux
entreprises s’adressent à une clientèle différente dans un objectif distinct et, surtout,
que les clients de la demanderesse sont des clients sophistiqués, spécialistes du
milieu des communications alors que la clientèle de la demanderesse est constituée
d’entreprises manufacturières ou de construction. Le fait que la clientèle visée par
les sociétés respectives ne soit pas constituée du consommateur moyen mais bien
d’une clientèle professionnelle qui ne se recoupe pas diminue en quelques sortes le
risque de confusion. Cette absence de risque de confusion est d’ailleurs corroborée
par le fait que les deux entreprises offrent des services différents, bien que les
domaines soient connexes, et qu’elles ont coexisté de 2008 à 2011 sans que cela ne
crée de confusion.
Ainsi, la ressemblance certaine entre la marque revendiquée par la demanderesse et
le nom de la défenderesse due à l’utilisation du terme allemand « über », mot non
commun en français, ne suffit pas à rendre probable la confusion.
33 Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Clicquot Ltée, préc. note 6, par. 20.
34 Boulangerie St-Méthode inc. c. Boulangerie Canada Bread ltée 2012 QCCS 83, par. 70 et 89.
35 Mattel inc. c. 3894207 Canada inc., préc. note 6, par. 58.
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20
La Cour rejette donc la requête en injonction.
4.3 Teavana Corporation v. Teayama Inc., 2014 FC 372
Dans cette cause d’intérêt qui oppose des parties concurrentes dans le domaine de
la vente en ligne d’assortiments et d’accessoires de thé, la juge Bédard a dû se
prononcer sur l’existence de passing off malgré l’absence de preuve de perte
d’achalandage et de dommages. La défenderesse, Teayama Inc., opère comme seul
canal de distribution un site web où elle vend du thé et des accessoires afférents. La
demanderesse, Teavana Corporation, pour sa part dispose, en plus de son réseau
de distribution virtuel, de magasins de détails à travers le continent Nord-américain
qu’elle présente sous la marque TEAVANA. En novembre 2013, en pleine période
d’expansion nord-américaine36, elle a introduit une requête en jugement par défaut
en invoquant la Loi sur les marques de commerce sur la base de la contrefaçon et
de la commercialisation trompeuse, à l’encontre des produits et services de la
défenderesse Teayama Inc.
La Cour fédérale avait, dans le cadre d’un jugement par défaut, à déterminer si la
défenderesse avait fait preuve de commercialisation trompeuse en violation de
l’article 7b) de la Loi sur les marques de commerce. En particulier, il s’agissait
d’examiner si la défenderesse avait attiré l’attention du public sur ses produits et
services de telle sorte que cela avait créé la confusion en relation avec la vente de
thé en ligne et au détail associée à la marque TEAVANA. La Cour débute par
l’examen conjoint des violations alléguées de l’article 20 et de l’article 7b) de la Loi
sur les marques de commerce.
S’agissant du caractère distinctif, la Cour constate que la demanderesse a utilisé sa
marque de commerce depuis au moins l’année 2002 et qu’elle a vendu en ligne, via
un site web spécialement dédié, lesdites marchandises. En revanche, cette dernière,
à qui incombe de remplir le fardeau de preuve par balance des probabilités, omet de
prouver qu’elle possède 60 points de vente sur le territoire canadien, que la
défenderesse a utilisé sa marque TEAYAMA via la distribution en ligne pendant
seulement trois ans et donc qu’elle ne jouit pas d’une renommée.
De même, la Cour note qu’aucun élément de preuve ne permet d’affirmer que la
défenderesse a enregistré un nom de domaine pour son site internet en août 2011. Il
n’est donc pas possible d’inférer la date à laquelle ladite marque a commencé à être
utilisée.
36 David FRIEND, Having a cup: Canadian business owners see big growth in tea drinkers, The
Canadian Press, November 3, 2013, consulté sur « http://www.canadianbusiness.com/businessnews/having-a-cup-canadian-business-owners-see-big-growth-in-tea-drinkers/ ».
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21
Enfin, la Cour relève que les produits et services proposés par la défenderesse sous
la marque TEAYAMA, à savoir du thé et des accessoires de thé, sont similaires à
ceux proposés par la demanderesse en relation avec la marque TEAVANA et que
les deux parties utilisent le même canal de distribution qu’est la vente en ligne.
Tous ces éléments factuels conduisent le juge à affirmer que la défenderesse a attiré
l’attention du public sur ses marchandises et services de manière à causer de la
confusion au Canada en relation avec la vente en ligne de thé et d’accessoires de
thé seule. Néanmoins, le juge n’est pas convaincu qu’une commercialisation
trompeuse associée auxdites marchandises et services soit avérée. En effet, la
preuve non-satisfaisante quant aux critères de dommages et de perte d’achalandage
s’avère être le talon d’Achille de la demanderesse qui peine à remplir son fardeau de
preuve.
S’agissant de l’allégation de la perte d’achalandage, la Cour estime, en application
des critères dégagés dans l’affaire Veuve Clicquot37, qu’il n’existe pas de preuve
suffisante de l’existence ni de l’altération d’un achalandage.
En conséquence, et bien que la demanderesse n’ait pas apporté la preuve du
dommage qu’elle aurait subi, des profits qu’elle aurait réalisés ou d’une dépréciation
de l’achalandage, la Cour estime que des dommages et intérêts compensatoires
d’un montant de 10 000 $ doivent être octroyés, et ce, en raison du critère de la
confusion.
4.4 Osmose-Pentox Inc. c. Société Laurentide Inc., 2014 CAF 146 confirmant
2013 CF 626
4.4.1 Les faits
Cette décision de la Cour fédérale et l’appel qui s’en suit sont intéressants dans la
mesure où ils permettent à la Cour de se prononcer sur la portée de la protection
accordée par la Loi sur les marques de commerce au propriétaire d’une marque
enregistrée qui consiste en une série de lettres et un dessin et qui, prise dans son
ensemble, forme un seul mot.
Depuis 1996, Osmose-Pentox (« Pentox ») produit des bouche-pores pour le bois
qu’elle vend dans des contenants dont l’étiquette contient la marque Pentox et la
marque dessin CONSERVATOR, enregistrée en tant que marque de commerce.
Cette marque dessin consiste en un mot de la langue courante, conservator, où une
seule lettre est remplacée par un dessin, en l’espèce un casque de construction :
37 Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutique Cliquot Ltée, préc. note 6.
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L’étiquette litigieuse en face du bouche-pores vendu par la demanderesse est
présentée de la manière suivante :
Laurentide Inc. (Laurentide), la société défenderesse, offre un produit de bouchepores pour le bois de sa marque PermaTec sous lequel on peut lire « Wood
conservator/Conservateur pour bois » et qui se présente de la manière suivante :
4.4.2 Le jugement de la Cour fédérale
Osmose allègue une violation de sa marque de commerce CONSERVATOR par
Laurentide. En 2003, elle obtient une injonction interlocutoire qui oblige Laurentide à
modifier les étiquettes de ce produit pour se conformer à l’ordonnance de la Cour. La
demanderesse cherche en particulier à obtenir une injonction permanente ainsi que
des dommages-intérêts. Elle soutient que les mots « Conservator » et
« Conservateur » ne peuvent être utilisés pour la fabrication, la promotion, la vente
ou la distribution de revêtements servant à protéger le bois, que Laurentide a fait
passer ses marchandises pour celles de Pentox et a indûment tiré profit de
l'achalandage lié à l'entreprise de la demanderesse et à la marque dessin
CONSERVATOR.
La Cour devait donc se prononcer sur la question de savoir si l’utilisation des mots
« Conservator » et « Conservateur » par la défenderesse relativement aux produits
bouche-pores qu’elle vendait causait de la confusion et si elle était susceptible de
faire conclure que ces marchandises étaient celles de la demanderesse ou étaient
distribuées avec la permission de cette dernière.
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La Cour relève d’emblée que les mots « Conservator » et « Conservateur » sont
utilisés pour décrire un produit de protection du bois et non comme marque de
commerce. C’est en réalité le symbole du casque de construction qui rend la marque
dessin véritablement distinctive, mais non les mots en tant que tels. Il en découle que la
marque dessin CONSERVATOR doit recevoir une protection minimale de la part des
tribunaux.
L’honorable juge Martineau procède ensuite à une analyse précise des critères de
l’article 6(5) a) à e) de la Loi sur les marques de commerce comme si ces mots
avaient été utilisés à titre de « marque de commerce ». Il constate à cet égard
qu’aucune preuve directe de confusion réelle dans le marché n’a été présentée. De
même, l’examen rapide des produits vendus démontre fort peu de risque qu’un
consommateur ordinaire soit trompé et croit acheter le produit de Pentox, et ce
même si celui-ci n’a qu’un vague souvenir de ce produit. En se prononçant ainsi, il
applique le critère de la première impression que laisse, dans l’esprit du
consommateur ordinaire plutôt pressé, la vue de la marque de commerce ou du nom
commercial, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce ou des
noms commerciaux38.
De plus, et bien que les parties soient en situation de concurrence, la Cour estime
que le degré de ressemblance entre le visuel des produits est faible. Elle relève en
effet que :
« Bien que l’ « O » soit absent du dessin-marque conservator et
même si l’on présumait que le consommateur ordinaire lirait et
retiendrait le mot « CONSERVATOR » en voyant le dessin
, il est peu probable que le degré de ressemblance
que la marque de commerce enregistrée en cause pourrait avoir avec
les mots « CONSERVATEUR POUR BOIS » et « CONSERVATOR
FOR WOOD » soit une source de confusion pour ce
consommateur »39.
La Cour refuse enfin de reconnaître le caractère distinctif inhérent à la marque
enregistrée, faute de preuve de l’usage des mots « Conservator » et « Conservateur »
comme marque de commerce. En effet, l’enregistrement d’une marque seul ne confère
pas à son titulaire un monopole sur un mot évoqué par le dessin, et ce, d’autant plus s’il
s’agit de mots appartenant au langage courant, peu distinctifs par nature.
Le juge en déduit de manière prévisible qu’étant donné que la défenderesse n’utilise
pas la marque dessin CONSERVATOR à titre de marque de commerce,
l’achalandage de la demanderesse est quasi-inexistant. Aucune preuve d’une
38 Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, par. 40 citant Veuve Clicquot Ponsardin c.
Boutiques Cliquot Ltée, préc. note 6, par. 20.
39 Osmose-Pentox Inc. c. Société Laurentide inc., 2013 CF 626, par. 86.
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diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce n’ayant
été apportée, la Cour prononce le rejet de la demande fondée sur l’alinéa 7b).
4.4.3 La décision de la Cour d’appel
Le juge devait se prononcer sur la question de savoir si le premier juge avait erré
dans son interprétation lorsqu’il avait interprété et appliqué la notion d’emploi d’une
marque de commerce au sens du paragraphe 20(1) de la Loi sur les marques de
commerce, notamment, en concluant qu’il n’y a pas eu d’imitation trompeuse au
sens de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.
La Cour confirme en tous points les constatations auxquelles en vient le premier
juge.
Si cette décision n’appelle pas de commentaire particulier, on retiendra néanmoins
que la Cour met à nouveau l’accent sur la portée de la protection conférée par la Loi
à la marque dessin en cause. Elle rappelle à cet égard que la protection accordée
couvre la représentation du mot « Conservator » où les lettres « o » et « eu » ont été
remplacées par le casque de construction, unique élément distinctif de la marque.
Elle rappelle également que le premier juge a correctement analysé les critères de la
confusion. Il était en particulier reproché à la Cour d’avoir, en procédant à un
décompte détaillé du nombre de lettres employées et en analysant l’étiquette située
sur le produit de la défenderesse, dénaturé le critère de la première impression
laissée dans l’esprit du consommateur. Cet examen s’assimile en réalité à un
« soucis du juge » visant à conforter l’argument de base. On est en effet tenté de
penser que les allégations de l’appelant auraient de toute façon échoué en raison du
faible, pour ne pas dire inexistant, caractère distinctif du dessin-modèle.
En l’absence de preuve convaincante d’achalandage ou de préjudice réel ou
potentiel, la Cour s’abstient d’intervenir en rejetant l’appel avec dépens en faveur de
Laurentide.
4.5 Dentec Safety Specialists Inc. v. Degil Safety Products (1989) Inc., 2014
ONSC 2449 confirmant 2012 ONSC 4721
4.5.1 Les faits
Cette affaire opposait deux frères qui, outre le fait qu’ils ont des relations très
hostiles, travaillent dans le domaine de la fourniture de services de sécurité aux
industries. En 2004 la demanderesse, Dentec Specialists Inc. (« Dentec ») a introduit
une action en commercialisation trompeuse à l’encontre de Degil Safety Products
Inc. (« Degil »). Dentec utilisait en effet depuis plusieurs années le nom de domaine
enregistré « dentecsafety.com », site dont elle se servait pour la stratégie
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commerciale de son entreprise. Il était reproché à la défenderesse d’avoir violé la Loi
sur les marques de commerce en utilisant le nom de domaine « dentecsafety.ca »
qui redirigeait automatiquement et sans avertissement l’internaute vers le site de la
défenderesse « degilsafety.com ».
4.5.2 Le jugement de la Cour supérieure d’Ontario
L’honorable juge Campbell applique en première instance les principes généraux du
passing off dans le contexte des noms de domaine. Il dégage en particulier les
critères pertinents à prendre en compte :
« […]
(1) Likelihood of Confusion Measured by the Ordinary Customer […];
(2) Factors to Consider: In considering the likelihood of potential
confusion among customers, the court should consider all of the
circumstances of the case, including: the degree of similarity of the
secondary level domain names of the parties; the relatedness and
similarity of the products sold by the parties; the strength of the
plaintiff’s business name in the market place; the value of the goods
being sold and the care and attention reasonably expected of
consumers when purchasing such goods; the defendant’s intent in
using the domain name; any evidence of actual confusion among
members of the public; and whether the plaintiff and the defendant
similarly sell their goods through the same channels and to the same
market. This is not an exhaustive list of relevant factors, and the
relative importance of each factor will depend on the circumstances
of each case […];
(3) Degree of Similarity to Competitor’s Name […];
(4) Similarity of Products Sold: […];
(5) Initial Interest Internet Confusion […];
(6) The Intention of the Defendant […] »40
Après avoir appliqué ces principes, la Cour conclut qu’en redirigeant
automatiquement les clients potentiels de la demanderesse vers le site
« degilsafety.com », la défenderesse a créé une confusion dans l'esprit du public.
Cette confusion est d’ailleurs accentuée par le fait que Degil proposait la vente de
produits similaires à ceux vendus par Dentec.
Ainsi, le juge a octroyé la somme de 10 000 $ à titre de dommages compensatoires
mais a refusé d’accorder des dommages punitifs.
40 Dentec Safety Specialists Inc. v. Degil Safety Products (1989) Inc., préc, note 5, par. 13.
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4.5.3 L’arrêt de la Cour d’appel d’Ontario
Degil interjette appel de la décision au motif que l’octroi des dommages
compensatoires ne repose pas sur des preuves suffisantes. L’appel incident formé
par Dentec conteste le refus du juge d’octroyer des dommages et intérêts punitifs.
L’arrêt de la Cour d’appel retient l’attention en ce qu’il s’attarde sur la définition de la
notion de dommages et intérêts dans le contexte d’une action en passing off.
Le juge de première instance n’a pas erré dans son argumentation lorsqu’il a estimé
que beaucoup de consommateurs potentiels de Dentec peuvent effectuer des achats
sur le site de Degil. En effet, le juge applique la présomption de dommages
potentiels de Ciba-Geigy, repris récemment dans l’affaire Saskatoon Star Phoenix
Group Inc. v. Noton 41 . Or, il ne fait aucun doute que la redirection des
consommateurs potentiels vers le site de l’appelant cause un dommage potentiel au
sens de l’arrêt Saskatoon Star Phoenix Group Inc. v. Noton.
La Cour se livre ensuite à un examen détaillé de la notion de dommages et intérêts
compensatoires. L’appelant contestait en effet l’octroi de la somme de 10 000 $ à
titre de dommages compensatoires.
Elle rappelle que, dans une action en passing off, les dommages et intérêts
généraux sont souvent privilégiés. Ils se définissent de la sorte:
« « General damages », then, is a term used in passing off cases to
refer to approximations of the quantum of damages in circumstances
where there has been some damage to the plaintiff’s reputation or
goodwill, but where it is very difficult to attach a quantum to that
damage. This reflects the reality that in such economic torts, the
core of the interests protected are goodwill and reputation, which,
while economic in nature, may be less readily quantifiable than other
sorts of damage. »42
Et de poursuivre que :
« It is clear from the authorities that I have reviewed above that
the difference between compensatory and general damages in the
context of passing off actions is, at least to some extent, one of
terminology in the context of passing off actions. General damages
are intended to be compensatory in the sense that they are awarded
as approximations of the plaintiff’s damages, recognizing the
economic nature of the tort of passing off and the difficulty of
establishing quantum of losses to goodwill and reputation. »43
41 Saskatoon Star Phoenix Group Inc. v. Noton, 2001 SKQB 153 (CanLII), 2001 SKQB 153, 206
Sask.R. 106.
42 Dentec Safety Specialists Inc. v. Degil Safety Products (1989) Inc., préc. note 5, par. 34.
43 Dentec Safety Specialists Inc. v. Degil Safety Products (1989) Inc., préc. note 5, par. 41.
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Il existe donc peu de différence entre la nature d’un dommage et intérêt
« compensatoire » et celle d’un dommage et intérêt « général » dans une action en
passing off. Ces dommages sont indifféremment octroyés afin de réparer des pertes
économiques dues à la diminution de l’achalandage ou la réputation, en l’absence de
possibilité de prouver les pertes réelles. Dans le cas en espèce, et bien qu’il aurait
été préférable d’octroyer des dommages généraux plutôt que compensatoires, le
juge n’a ainsi pas erré en droit.
L’appel est donc rejeté.
5
CONCLUSION
Une revue de la jurisprudence des deux dernières années permet de constater qu’au
fil des ans, le recours en commercialisation trompeuse ou passing off prend du galon
en droit canadien. Force est d’admettre que la plus grande flexibilité du recours est
en partie une des raisons qui justifie cette popularité grandissante. Malgré cet
avantage, le recours en passing off ne reçoit application que s’il y a existence
d’achalandage, déception du public due à la représentation trompeuse et preuve de
dommages actuels ou possibles pour le demandeur.
Le critère de la confusion semble toujours être la pierre angulaire qui permet au
recours de tenir bon ou d’achopper. Par contre, l’évaluation des dommages semble
être un critère qui gagne en importance à en juger par la quantité significative de
décisions citées qui en traitent.
Que ce soit en 1618 ou en 2014, l’importance pour un détenteur de droits de marque
de protéger ceux-ci semble au cœur des préoccupations tant légales que
commerciales. À la lumière d’un monde des affaires plus global et d’un niveau de
compétition qui ne cesse d’augmenter année après année, il a fort à parier que le
recours en passing off continuera d’être un outil important dans l’arsenal de recours
disponible pour protéger cet élément de propriété intellectuelle qu’est la marque de
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communication law and related matters (including patent and trade-mark
agency services) as well as legal services.
ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de
commerce voué depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété
intellectuelle dans tous les domaines: brevets, dessins industriels et modèles
utilitaires; marques de commerce, marques de certification et appellations
d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits voisins et de
l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies,
pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et
concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce
électronique, distribution et droit des affaires; marquage, publicité et
ROBIC, S.E.N.C.R.L.
www.robic.ca
[email protected]
MONTRÉAL
1001, Square-Victoria - Bloc E - 8 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Z 2B7
Tél.: +1 514 987-6242 Téléc.: +1 514 845-7874
QUÉBEC
2828, boulevard Laurier, Tour 1, bureau 925
Québec (Québec) Canada G1V 0B9
Tél.: +1 418 653-1888 Téléc.: +1 418 653-0006
30
étiquetage; poursuite, litige et arbitrage; vérification diligente et audit. ROBIC,
a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to
the protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents,
industrial designs and utility patents; trademarks, certification marks and
indications of origin; copyright and entertainment law, artists and performers,
neighbouring rights; computer, software and integrated circuits;
biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets, knowhow, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology
transfers; e-commerce, distribution and business law; marketing, publicity and
labelling; prosecution litigation and arbitration; due diligence. ®/MD
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LA MAÎTRISE DES INTANGIBLES ®/MD
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LA PLANÈTE®/MD
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YOUR BUSINESS IS THE WORLD OF IDEAS; OUR BUSINESS BRINGS YOUR
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property, technology and communication law and related matters
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