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par un chauffeur de taxi à l’abnégation suspecte (Roman Avinian). Suivront une coiffeuse-manucure bilingue et candidate, coûte que coûte, à l’immigration, (Chorik Grigorian), un jeune toubib sans frontière et entre deux cultures (le sémillant Jalil Lespert converti, depuis Le promeneur du Champde-Mars, au rang des fidèles de la tribu Guédiguian) et quelques ex-tontons flingueurs, comme l’ermite Vanig (Serge Avédikian) et l’inénarrable Yervanth (Gérard Meylan), passé des coups tordus du pavé marseillais aux combats héroïques du Haut-Karabakh, avec accent, flingue et médailles. Ariane Ascaride déploie une grande maîtrise dans ce rôle ambivalent qu’elle a voulu et toutes ces situations contrastées qu’impose parfois un film aux développements inattendus et rocambolesques, mêlant la fresque politique à la fiction policière et à la romance romanesque (peut-être faut-il y voir la patte de la romancière Marie Despléchin qui a travaillé à l’écriture du scénario ?). On l’a dit, et ce n’est pas un objectif négligeable, le film est aussi une incursion dans l’Arménie d’aujourd’hui. En quelque sorte, c’est l’après-communisme qui est revisité, entre tradition et fraternité préservées, y compris dans des références et révérences religieuses (sous la conduite du mécréant Guédiguian, on visite des églises avec ferveur dont la crypte de Saint-Grégoire, baptistère de la religion primitive), y compris dans le respect des traditions (un mariage interethnique est présenté comme l’alternative heureuse aux hasards de l’expatriation et une validation du coup de foudre). Entre périodes de vaches maigres surveillées par l’idéologie et les disettes d’aujourd’hui provoquées par les affairistes et confrontées à l’opulence des nouveaux nantis, des trafics en tout genre, des pratiques libérales, des lieux de plaisir à la mode, le film n’épargne rien, ni personne. Le miracle est qu’il ne s’agit pourtant pas d’un réquisitoire acrimonieux, d’un bilan de catastrophe, mais de la découverte dans le désordre d’un bonheur modeste, de sentiments enfouis, de vraies valeurs. 䉳 Écho Park, L.A. Film américain de Richard Glatzer et Wash Westmoreland 䉴 Écho Park est l’avenue la plus hispanique de Los Angeles. Preuve : la langue usuelle du quartier est une sorte de “latinoméricain”, aux dosages variés selon les générations, mais où, dans tous les cas de figure, l’espagnol surpasse l’anglais. Comme, en musi- 146 que, domine “le reggaeton”, cocktail trépidant de rap afro-cubanomexicain. Pareil pour les coutumes et pratiques dans les modes de vie, où la survivance de traditions remontant parfois aux Aztèques (!) côtoie licences et tocades contemporaines. Ainsi de la célébration de la quinceaniera, l’anniversaire des quinze ans, marquant, avec fastes et ferveur, l’accession, pour les jeunes filles vierges, au statut de femmes. La cérémonie se déroule selon des rites importés mais dans un contexte local avec étalage d’opulence et esprit de rivalité, robes du soir et smokings, location de limousines, sonos et DJ tonitruants, surabondance culinaire… Après celui de ses copines de lycée, voilà le tour de Magdalena (Emily Rios). Pas vraiment une aubaine, car ses parents étant peu fortunés, il va falloir faire preuve d’ingéniosité pour entrer dans la compétition. Emprunter, par exemple, la somptueuse robe d’une cousine, même si l’essayage se révèle difficile et sera à l’origine d’une grosse déconvenue. D’habiles retouches vont avoir du mal à dissimuler l’embonpoint de Magdalena. Mais, qu’on se le dise, elle n’est pas enceinte des œuvres de son boy friend, Herman (J. R. Cruz), même si les tests prouvent le contraire. Par la vertu du SaintEsprit, sa virginité reste intacte. Il y a eu d’autres exemples dans l’histoire ! Es un milagro ! Ce film est un miracle ! Dans tous les sens du terme. Non que cette histoire, digne de l’Immaculée Conception et d’une comédie à l’italienne, occupe tout le terrain – le studieux et sexy Herman prend la tangente et change de campus, le père de Magdalena, puriste prédicateur, pique une grosse colère et chasse la dévergondée –, elle n’aura Immigration et marché du travail - N° 1263 - Septembre-octobre 2006 © Mémento Films été que le prétexte pour amorcer une comédie sociale explosive et décapante. On entre de plain-pied dans un quartier populaire de Los Angeles en pleine mutation. Anciennement investi par la communauté latino (majoritairement d’origine mexicaine) qui lui a imprimé sa marque et imposé son mode de vie, l’environnement et les mœurs sont en train de changer. On pouvait y trouver un habitat pittoresque à des prix abordables avec logements sur jardin, commerces de proximité, boutiques artisanales, spécialités ethniques, marchands ambulants et chalands flâneurs et volubiles. Tout cela est en passe d’être balayé. Le quartier séduit, prend des allures postmodernes et attire une clientèle d’artistes, de bobos aventureux, de gays fortunés. Les prix grimpent. Les expulsions menacent. On accompagne ce mouvement désastreux, dont les deux réalisateurs ont dû être, à leur corps défendant, parti prenante, à travers les mésaventures de l’oncle Tomas (Chalo Gonzalez). Cet adorable vieillard était l’une des figures emblématique du quartier. Il arpentait les rues avec son petit commerce de champurrados(1) et autres friandises. Il entretenait au pas de sa porte un jardin extraordinaire avec toutes sortes de plantes tropicales et de breloques, vestiges du passé et des contrées abandonnées. Il était aussi la providence et le réconfort des déshérités. Ainsi, il venait de recueillir Magdalena (la revoilà !) et son frère Carlos, un faux dur au cœur tendre (Jesse Garcia) après leur éviction du logis familial par un père irascible qui ne tolère surtout pas les écarts sexuels de sa progéniture. Les nouvelles péripéties de cette famille recomposée sous l’aile de ce tonton gâteau, généreux, tolérant et humaniste, orientent le film vers la comédie sociale et composent avec l’ensemble une œuvre attachante, à la fois réjouissante et pathétique, acide et douce-amère sur une partition endiablée où le “reggaeton” se mêle à la valse viennoise, la Marche d’Aïda aux rythmes latinos. Courez à la rencontre de Tomas, Carlos, Magdalena et les autres, vous serez récompensé par des bouffées d’émotion et de bonheur. 䉳 1)- Boisson chocolatée concoctée à domicile. L’immeuble Yacoubian Film égyptien de Marwan Hamed 䉴 Avec la disparition récente de Naguib Mafouz, vieux patriarche des lettres égyptiennes, autour duquel la renommée et les récompenses internationales avaient créé une sorte d’invulnérabilité(1), à l’encontre des censures de tout Cinéma - N° 1263 - Septembre-octobre 2006 acabit, on pouvait craindre la mise sous le boisseau des velléités de création subversive ou seulement réaliste. Bien sûr il restait la carrière rebelle, inflexible et florissante, elle aussi étonnamment protégée, de Youssef Chahine, 147