temoignage de guerre - CRISES
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temoignage de guerre - CRISES
1 COCHOT Paul (1879-1951) 1) Le témoin : a. Éléments biographiques d’avant guerre : Paul Cochot né le 9 janvier 1879 à Saint Brieuc dans les Côtes d’Armor (Bretagne) de l’union de François Cochot et de Céleste Murgalé. Alors que son père et sa mère tiennent une épicerie, Paul fait ses études à l’école chrétienne de garçons de Saint Brieuc ou il obtient son certificat d’étude primaire et montre une bonne maitrise de la langue française. En 1906, Paul Cochot se marie avec Louise Philippe, l’année d’après il reprend l’épicerie familiale et devient un militant actif de la fédération nationale chrétienne (FNC) et se montre ainsi un fervent catholique. En 1908, nait son premier enfant Paule puis deux ans plus tard en 1910 nait Yvonne son second enfant et fait son service militaire et devient Caporal le 7 décembre. En 1911, Paul Cochot est nommé vice-président de l’amicale des anciens élèves de l’école chrétienne de garçons de Saint Brieux qui confirme son engagement pour la religion catholique. Enfin un troisième enfant, Louis, complète la famille Cochot en 1913, année dans laquelle le patriarche est affecté au 74 Régiment infanterie territoriale de Saint Brieuc le 1 er octobre. En 1914, il est président de l’association chrétienne des chefs de famille et un quatrième enfant nommé Jean vois le jour. b. Étape de sa vie de militaire et de prisonnier : Le 1er aout 1914, Paul Cochot est incorporé au 74ème régiment territorial d’infanterie en tant que Caporal et il est promu Sergent le 29 aout. Après quelques semaines d’entrainements il rejoint des positions en Flandre à la mi-octobre et participe à de violents combats à la fin du mois. Paul Cochot tombe malade et obtient une permission pour maladie qui l’éloigne du front de novembre 1914 à mai 1915 et évite ainsi l’attaque au gaz du 22 avril 1915 mais il est blessé par balle à l’omoplate gauche le 1er septembre au canal de l’Yser. En juin 1916, le 74ème RIT est transféré dans l’Oise et il est blessé le 27 juin par un éclat de grenade à l’aine dans le secteur de Ribecourt, le 15 aout il est promu sous-lieutenant à titre temporaire puis à titre définitif le 2 novembre. Paul Cochot devient ainsi officier lorsque son régiment occupe le secteur d’Attiche dans la foret de Compiègne. Au début de l’année 1917 il suit une formation 2 d’officier de liaison qu’il juge intéressante et participe a l’offensive de Nivelle en avril. Paul Cochot est promu au grade de lieutenant le 2 avril 1918, le 27 mai blessé il est fait prisonnier au Chemin des Dames. Blessé gravement au bras il est soigné au château de Presle puis à Laon, enfin le 6 juin il est évacué par train vers Mayence. Le 6 juillet, en compagnie d’officiers et de soldats français, anglais, italiens et russes, il est transféré en train en Prusse orientale dans l’hôpital militaire de Czersk, situé à environ 80 km de Dantzig (actuelle Gdansk) ou il assiste à la révolution allemande. Puis le 27 novembre il est conduit a Graudenz (aujourd’hui Grudziadz) sur la Vistule. Enfin en janvier 1919 il part pour le Danemark et embarque le 11 janvier sur le Buenos-Aires pour rejoindre Cherbourg qu’il atteint le 15 janvier 1919. c. Éléments biographiques d’après guerre : Après son rapatriement en France en 1919, Paul Cochot devient membre fondateur et administrateur de la banque populaire des Côtes-du-Nord dont il deviendra le vice-président. Le 2 juillet 1940 volontaire il est pris comme otage pendant 24 heures par les autorités allemandes. Neuf lus tard, en 1949 il est nommé Chevalier de l’ordre de Saint Grégoire le Grand par le Pape sur proposition de l’évêque de Saint-Brieuc et Tréguier. Paul Cochot s’éteint en 1951 à l’âge de 72 ans. 2) Le témoignage : Le titre précis du livre est « Paul Cochot, Mes carnets de guerre et de prisonnier 19141919 », l’ouvrage a été achevé d’imprimer par les presses de la reprographie de l’université Rennes 2 au 1er trimestre 2010 chez les éditions « Presses Universitaires de Rennes » dans la collection Mémoire commune. En première de couverture nous avons une photo de Paul Cochot blessé à l’omoplate gauche et en quatrième de couverture une photo de l’homme en habits militaires. Tout au long du livre on retrouve un corpus de documents extraits d’archives familiales. Ce témoignage peut être qualifié de carnet de guerre car il rédige jour après jour son expérience de poilus et de prisonnier, c’est une correspondance de guerre puisque ses carnets sont avant tout destiné à sa femme et s’est aussi des réflexions sur la guerre que nous apporte Paul Cochot à travers ses écrits. Le témoignage est issu de neuf carnets d’écoliers retrouvés par sa petite fille dans les papiers de famille à la mort de sa mère. Paul Cochot a gardé précieusement ses carnets qu’il apportait 3 à Saint-Brieuc lors de ses rares permissions. C’est ainsi que sa petite fille a choisit de publier les carnets sans toucher un mot. Cet ouvrage a une préface de Fabienne Bock, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Paris Est de Marne la Vallée qui relève dans sa préface les caractères exceptionnels du témoignage. 3) L’analyse : Face à la guerre : Paul Cochot tire rapidement des conclusions et montre un sentiment de résignation p35 note du 22 novembre 1914 il écrit « L’enthousiasme du début a fait place chez les uns à une sorte de résignation, chez les autres un profond découragement », il est surpris par le prolongement de la guerre qu’il pensait terminer pour noël mais il découvre médusé avec ses camarades la puissance allemande tant sur le point technologique que numérique. Pourtant la victoire de la France est inévitable chez les soldats car pour lui « ce sera celui qui pourra tenir le plus longtemps qui gagnera » et sur ce point la France à l’avantage, néanmoins il nuance ses propos car selon lui « la lutte sera longue et terrible. La victoire nous coutera cher ! » Comme ses camarades Paul Cochot est stupéfait par l’aspect de cette guerre que personne n’imaginais ainsi et note : « Comme cette guerre est étrange ! Qui aurait cru qu’elle aurait consisté à se tenir tapis, au fond des trous, guettant l’ennemie en première ligne, allongés au fond de la tranchée et attendant les événements en deuxième ou troisième ? Face à l’autorité : L’auteur remarque rapidement le manque d’organisation de l’armée française qui coute la vie à de nombreux soldats et rend les offensives inefficaces, c’est ainsi qu’il écrit dans une note du 10 novembre 1914 « … j’ai vu dans notre régiment tant d’incohérence et si peu de véritable direction ; j’ai vu des blessés si mal soignés ; j’ai vu les services de santé si mal organisés », c’est d’ailleurs à cet instant que Clemenceau formulera de violentes critiques contre les services de santé. Face aux semblâmes : Paul Cochot montre une grande connaissance des prénoms et noms des gens qu’il entoure du camarade au plus haut gradé qui est un des facteurs de cohésion nécessaire dans une armée. Dans un cadre plus intime, Paul Cochot est proche des ses hommes et montre un aspect de camaraderie qui est inhérent à la vie dans les tranchées ainsi dans la note du 13 juin 1915 (p.50) il écrit : « Le midi, je déjeunais avec Heurtel, Jugeau, Jumel. Le soir nous recommencions comme invités de Jamet ». 4 Face à l’ennemie : Si il désigne les allemands comme les « Boches » le plus souvent dans sa première partie des carnets, sa proximité avec eux après son arrestation au Chemin des Dames l’entraine à réévaluer l’ennemie c’est ainsi qu’il ne les appellent que par le terme « les allemands ». A travers son voyage en Allemagne pour rejoindre Mayence puis la Prusse, le commerçant breton ne peut qu’être stupéfait par la puissance industrielle de l’Allemagne et écrit « Quelle activité ce Rhin et comme elle donne bien l’impression d’une grande force organisée ». L’expression de la violence de guerre : L’auteur est beaucoup plus marqué par les violences commis au civil par l’occupation des villages français par des allemands que par la violence dans la tranchée avec laquelle il s’est accoutumée. Il raconte ainsi dans la note du 31 mars 1917 que des habitants d’un village occupé leur ont raconté les misères et la terreur de l’occupation. Les facteurs de ténacités : Si la météo semble jouer un rôle prépondérant pour le moral puisque dans la majorité des notes il n’oublie jamais de faire un point sur le temps qu’il fait, la camaraderie est l’élément essentiel de la ténacité au front. Mais chez Paul Cochot tient avant tout sont moral de sa foi religieuse « Après un moment de découragement, j’ai quand même confiance en cette bonne mère. » Quant aux offensives sans succès elles sont un facteur de démoralisation immédiat chez les soldats, à l’inverse une offensive réussie harangue les troupes. Le rapport à ceux de l’arrière : Il semble qu’il est difficile de communiquer avec l’arrière puisque à plusieurs reprises, Paul Cochot se plaint du manque de lettre de sa femme qu’il attribue à L’inefficacité des moyens de correspondance. De plus, il y a une scission au sein de l’armée entre l’infanterie et l’artillerie, note du 10 octobre 1915 (p. 72) « Les artilleurs sont d’une façon générale bien favorisée dans la guerre actuelle ». Bertrand BÉZARD (Université Paul-Valéry Montpellier III)