article complet - why Architecture

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article complet - why Architecture
MARS 2015
N°125
IMMOBILIER – ARCHITECTURE – DESIGN
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ARCHITECTURE
WHY ARCHITECTURE
TABLE RONDE
MIPIM : INVENTER
L’IMMOBILIER FLEXIBLE ?
ANNONCES IMMOBILIÈRES
PRÈS DE 300 BIENS
04 ARCHITECTURE
WHY ARCHITECTURE
SAGE AUDACE
DÉPASSER LE RÔLE CONVENU DE L’ARCHITECTE POUR POUSSER UN PAS PLUS LOIN
DES RECHERCHES SUR DES MATÉRIAUX OU DES TECHNIQUES ENCORE INÉDITES,
VOILÀ CE QUI MOTIVE ET CARACTÉRISE YANNICK DENAYER. SON BUREAU, BASÉ À BRUXELLES,
MISE SUR LE TRAVAIL COLLECTIF DE SES COLLABORATEURS ET DE PARTENAIRES ISSUS
DE DISCIPLINES DIFFÉRENTES.
MARIE POK _PHOTO SERGE ANTON
METTRE LE PIED
DANS LA PORTE :
ON S’ARRANGERA APRÈS
Ils sont jeunes, peu nombreux, ouverts et
audacieux. Ils ont voyagé. Revendiquant leur
non-spécialisation, ils opèrent selon une
organisation horizontale, partageant leurs
expériences et recherches dans les nombreux
domaines que touche leur pratique. Yannick
Denayer et, dans son sillage, Claire Laborde
Thomas Naessens et Amélie André font partie
d’une génération où l’organisation pyramidale
de papa ne fonctionne plus, où les découvertes
se partagent en open source, où la transversalité est devenue une nécessité. Indépendants
et responsables, ces jeunes architecte gèrent
de front des projets de natures très diverses,
complémentaires derrière leur apparente
incompatibilité. Il y a d’une part les projets où
le bureau endosse avec application le rôle
d’architecte d’exécution pour le compte de
clients tels que la Commission européenne
ou Bruxelles Propreté. « L’aspect normatif
prioritaire, les protocoles, les préoccupations
opérationnelles et techniques ne nous
autorisent pas à faire de l’architecture d’auteur.
En revanche, la haute technicité et la complexité
de ces dossiers nous professionnalisent en
développant notre connaissance de la
construction. » Why est aussi un partenaire
privilégié du redéploiement du maroquinier
Delvaux. Le bureau accompagne en effet le
développement de la marque à l’étranger
(notamment en Asie et au Moyen-Orient) en
coordonnant l’aménagement des boutiques, en
synergie avec d’autres architectes, des artistes
et des équipes locales. Une expérience formative dans les collaborations internationales.
Enfin, il y a la création. L’architecture. Yannick
Denayer, diplômé de l’ISA Horta, a fait ses
stages à New York. Le 11 septembre 2001,
tout bascule. Le jeune architecte doit rentrer
en Belgique et se retrouve embarqué dans le
projet des Iles flottantes de Maurizio Cohen
pour la Biennale de Venise. « Cette expérience
m’a enseigné que l’architecture était une
discipline culturelle. Ca ne m’a jamais quitté. »
Lorsqu’il s’agit de création, Why s’émancipe
de toute pratique convenue. « Ce qui nous
intéresse c’est de développer de nouveaux
usages. Prenons un matériau donné. Souvent,
il est limité à quelques usages bien définis. Si
nous pressentons qu’il existe un potentiel pour
d’autres applications, nous allons nous atteler
aux recherches et expérimentations qui nous
permettront de trouver la solution aux problèmes
posés par la transposition de tel matériau
(ou de tel type d’assemblage ou de telle
technique) dans un autre contexte. Grâce à
l’expérience acquise sur divers terrains, nous
avons pris de l’assurance. Nous n’avons du
moins aucune crainte de nous aventurer dans
de nouveaux champs d’investigation. Je dis
souvent à mes collaborateurs de ne pas avoir
peur de mettre le pied dans la porte : on
s’arrangera après. » Les codes et les réflexes
de construction sont ainsi bousculés à chaque
projet, obligeant le bureau à un exercice
d’équilibre entre le pragmatique et l’expérimental. A ce titre, Yannick Denayer et ses acolytes
ont mis au point un système construction
d’étagère modulable réalisé à partir de
préfabrication digitale. Testée au quotidien
dans leur bureau, cette approche a été transposée à une plus grande échelle, celle du bâti,
pour la construction d’une crèche. Cela soulève
évidemment des questions (sur l’assemblage,
les matériaux, la stabilité, etc.) que les architectes doivent résoudre un par un, souvent en
collaboration avec des spécialistes externes.
Dépasser le rôle traditionnel de l’architecte
passe aussi par des innovations sur le plan
humain, social, psychologique. Le bureau a
ainsi travaillé en étroite collaboration avec les
équipes thérapeutiques d’une unité pédopsychiatrique de soins des troubles de la relation
précoce entre le jeune enfant et ses parents.
Leur dialogue a été traduit par l’aménagement
d’un jardin, un lieu unique devenant le support
d’émancipation et de progression de l’enfant
par le biais de la thérapie et de l’espace.
Aujourd’hui, près de 120 projets ont vu le jour,
ou sont en cours de développement. Ils varient
en types, échelles et localisation.
Indiscutablement, Why défend une architecture
contemporaine. Et pourtant, le bureau se
retrouve embarqué dans des projets de restauration patrimoniale. Yannick Denayer ne cache
d’ailleurs pas son attachement aux vieilles
pierres, surtout lorsque leur histoire le touche,
comme celle de la maison construite par son
arrière-grand-père, architecte à la Ville de
Bruxelles. Pour ne pas laisser filer entre d’autres
mains ce patrimoine familial, il s’est battu, de
façon créative, pour trouver le montage financier
lui permettant, avec l’aide de tiers, de racheter le
bien, de le rénover dignement et d’y marquer sa
propre empreinte. Celle de son époque.
bvd G. Van Haelen, 26 / 1190 Bruxelles
+32 (0)2 325 70 25 / [email protected]
www.whyarchitecture.eu
Yannick Denayer
06 ARCHITECTURE
ENVELOPPE
ASSUMANT PLEINEMENT UN PROCESSUS D’ADDITION
D’ESPACES, L’EXTENSION CONÇUE PAR WHY ARCHITECTURE
ET MAURIZIO COHEN A COMPLÈTEMENT TRANSFORMÉ
CETTE MAISON DE BRIQUE DES ANNÉES 40.
MARIE POK _ PHOTOS MARIE-FRANÇOISE PLISSART
La situation du projet est loin d’être anodine
puisqu’on jouxte la maison-atelier du peintre
Gaston Bertrand conçue par l’architecte
hennuyer Jaques Dupuis (1914-1984),
tardivement reconnu pour l’originalité et la
pureté de son travail. Elle se dresse sur une
parcelle étroite, orientée au sud côté rue et
accusant une forte déclivité côté jardin. Pour
obtenir l’extension recherchée, les espaces ont
été dilatés en toiture et vers l’arrière de la
maison, sur trois niveaux en gradins, en
intérieur d’îlot. Pour ces nouveaux espaces,
les architectes ont joué sur la générosité des
volumes et la lumière du jour. Ces extensions
récentes se signalent par leur bardage de bois
qui coiffe la construction et couvre toute la
façade arrière, se prolongeant en garde-corps
au niveau des terrasses supérieures. La
volonté de marquer les nouvelles interventions
avec un matériau comme le bois naturel,
harmonieux dans cet environnement végétal,
est un choix qui permet la mise au point de
détails simples et non ostentatoires toute en
valorisant par un contraste intéressant la
maçonnerie de briques existante. La structure
bois isolée des murs et toitures des extensions,
ainsi que l’isolation de la coulisse du parement
de la maison d’origine et la forme compacte
de l’ensemble, confèrent au bâtiment une
performance énergétique accrue.
L’intervention de WHY architecture jouxte la maison-atelier du peintre Gaston Bertrand conçue par Jacques Dupuis.
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Le bardage de bois offre un dialogue intéressant avec la brique rouge d’origine.
Les lattes du bardage se prolongent pour former le garde-corps.
08 ARCHITECTURE
JUSQU’AUBOUTISTES
UNE RÉNOVATION D’UNE MAISON MITOYENNE BRUXELLOISE
QUI AURAIT PU RESTER ASSEZ BANALE EST SOUDAIN DEVENUE
UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LE DÉVELOPPEMENT
DU BUREAU WHY ARCHITECTURE.
MARIE POK _ PHOTOS MARIE-FRANÇOISE PLISSART
Annonçons d’emblée que cette transformation
revêt un caractère sentimental pour Yannick
Denayer. En effet, la maison a été construite
en 1913 par Jean Denayer, son arrière-grandpère. Typique des constructions bruxelloises
de l’époque, l’immeuble est constitué de
pièces en enfilades et d’une annexe. Il présente
une façade à rue en pierre naturelle, plus
prestigieuse que celle arrière. Après la
succession, la famille se voit dans l’obligation
de revendre le bien. Mais le petit-fils, obstiné
et aidé de quelques proches, se battra pour
racheter la maison familiale. Pour rentabiliser
le projet – mais aussi pour répondre à l’enjeu
social de développer des logements urbains
accessibles – l’immeuble, bi-familial au départ,
est reconfiguré en trois unités de logements.
L’annexe est démolie pour permettre aux
appartements de s’étendre vers l’arrière, côté
sud, et en toiture.
L’intérieur a été complètement décloisonné et
réorganisé de façon à profiter de la lumière
côté jardin, orienté au sud. Les séjours se
retrouvent ainsi à l’arrière, prenant le contrepied
de l’usage d’autrefois. La lumière circule
librement dans les espaces ouverts.
La façade arrière est constituée d’un écran de
polycarbonate et de verre, interface entre les
espaces de vie et l’îlot vert et dégagé.
Habituellement utilisé à d’autres échelles et
pour d’autres usages, notamment dans la
construction industrielle, le polycarbonate s’est
avéré un atout : il laisse deviner ce qu’il
dissimule, il reflète son environnement tout en
améliorant les qualités isolantes de la paroi.
Mais il a fallu chercher, dépasser les blocages
techniques et financiers. Malgré les difficultés
d’obtenir un permis pour une intervention
aussi expérimentale, l’administration a
finalement été convaincue, témoignant de la
ténacité du bureau.
A l’arrière, WHY architecture s’est aligné sur les gabarits
et annexes du voisinage pour étendre les surfaces.
Les appartements ont été inversés : le séjour se trouve à l’arrière, les chambres à l’avant. L’espace est ouvert et fluide.
Le bardage en polycarbonate offre des réverbérations intéressantes avec la lumière. Rarement utilisé dans
le résidentiel, il a fait l’objet de longues recherches de mise en œuvre pour être appliqué en façade arrière.
10 ARCHITECTURE
CRÈCHE
INTÉGRANT LES RECHERCHES CONSTRUCTIVES MENÉES PAR WHY ARCHITECTURE
SUR UN SYSTÈME D’ÉTAGÈRES MODULAIRES, CE PROJET DE CRÈCHE S’APPUIE
AUSSI SUR LES CARACTÉRISTIQUES TRÈS SPÉCIFIQUES DE SES PETITS USAGERS.
MARIE POK _ IMAGES WHY ARCHITECTURE + LASSA ARCHITECTS
La préfabrication digitale de cette structure en
bois conçue en collaboration avec Lassa
architects est, au départ, dictée par des
impératifs budgétaires. Yannick Denayer et
son équipe ont saisi cette contrainte pour
développer des solutions inédites. Ainsi, la
structure en bois (panneaux de multiplex)
devient, à l’intérieur, la finition elle-même,
intégrant divers éléments de mobilier comme
une table repliable ou une bibliothèque. Située
en bordure d'un bois, la nouvelle construction,
qui couvre deux anciens corps de bâtiment,
se fond dans son cadre naturel grâce à ses
façades réfléchissantes. D’une part, les
châssis sont pourvus de vitrage miroir, offrant
un fidèle reflet du paysage. D’autre part, le
bardage est constitué de plaques en aluminium,
dont l’effet miroir renvoie une image plus
aléatoire de la nature environnante. S’adaptant
à l’échelle des enfants, la configuration de la
crèche offre des cadrages et des vues au
niveau des touts petits comme des puéricul-
trices. Toute la réflexion autour de ce projet a
été menée en étroit dialogue avec le maître de
l’ouvrage, ouvrant à l’architecture de nouveaux
horizons, à la fois techniques et humains.

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