Le «premier étage de la fusée GHT» est d`ores et déjà pleinement

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Le «premier étage de la fusée GHT» est d`ores et déjà pleinement
OFFRE DE SOINS
Le «premier étage de la fusée GHT»
est d’ores et déjà pleinement engagé entre
La Réunion et Mayotte
Publié le 29/04/16 - 17h10 - HOSPIMEDIA
Voilà presque deux ans et demi que le CHU de La Réunion et le CH de Mayotte ont
scellé leur convention de partenariat. Déjà positif, le bilan médical aspire à s’étoffer
davantage encore dans le cadre du prochain GHT. D’autant plus que le seuil des 1 000
évacuations sanitaires et des 10 000 naissances à Mayotte sera dépassé cette année.
À l’occasion d’une séance du comité de pilotage de leur convention cadre de partenariat scellée fin 2013, le CHU de La Réunion et le CH de Mayotte ont dressé ce 28 avril un bilan extrêmement «positif» tout en promettant de renforcer un peu plus encore leur collaboration. Comme
le résume à Hospimedia Étienne Morel, directeur du CHM, cette coopération engagée depuis
presque deux ans et demi est un peu «le premier étage de la fusée GHT», alors que se profile la
création le 1er juillet du groupement hospitalier de territoire (GHT) Réunion-Mayotte. L’objectif
de la convention était quadruple, rappelle pour sa part Lionel Calenge, directeur général adjoint
(DGA) du CHU, qui en assure par ailleurs la direction générale par intérim depuis le départ mifévrier de David Gruson pour la FHF nationale (lire ci-contre) : diversifier et renforcer l’offre de
soins à Mayotte ; améliorer l’organisation des évacuations sanitaires (Evasan) ; organiser l’accès aux avis spécialisés et examens complémentaires ; épauler la formation des personnels du
CHM. À ce titre, la «montée en puissance» des effectifs hospitalo-universitaires — avec douze
professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) en septembre prochain contre zéro
en 2012 — joue «un rôle essentiel dans la structuration des filières de partenariat». L’un des
points forts de cette coopération à teneur essentiellement médicale, soulignent les deux établissements, a été le déploiement de postes d’assistants médicaux partagés, dont le nombre
est passé de quatre à onze sur 2013-2015.
Quarante sages-femmes recrutées en juillet
Pour le CHU comme le CHM, il s’agit avant tout d’»organiser au mieux les filières et l’offre de
soins dans un contexte de suractivité médicale à Mayotte depuis septembre 2014», souligne
Étienne Morel. Avec derrière les conséquences sur l’hôpital mahorais certes mais aussi par effet
boule de neige sur son voisin réunionnais. La situation l’impose d’autant plus que le seuil des 1
000 Evasan dans les disciplines de recours sera franchi en fin d’année (contre 600 en 2014), de
même que celui des 10 000 naissances à la maternité du CHM (contre 7 374 en 2014). Sans
compter la tension sociale prégnante dans l’île mixant dernièrement grève générale, barrages
routiers et violence urbaine. «Nous n’avons jamais traversé une situation aussi difficile», admet
le Dr Mohamed Ahmed Abdou, président de la commission médicale d’établissement (CME).
La capacité en lits de la maternité est saturée et cela se répercute jusqu’au CHU sur ses lits de
réanimation néonatale. Deux lits de soins critiques supplémentaires viennent d’ailleurs d’être
ouverts sur son site de Saint-Pierre, au sud de La Réunion. Des respirateurs ont également
été envoyés à Mayotte et quarante sages-femmes vont être recrutés en juillet par le CHM, faisant passer leurs effectifs de 120 à 160 équivalents temps plein*. Sans compter qu’au sein du
CHM, la tension capacitaire n’est pas seulement palpable sur la gynécologie-obstétrique et la
pédiatrie mais touche, même si cela reste «un peu moindre», toutes les disciplines.
Cinq filières expérimentales en télémédecine
Pour renforcer les liens Réunion-Mayotte, une mission régionale de déploiement de
la télémédecine entre les deux territoires a débuté en octobre. Non pas tant en soi
pour réguler les évacuations sanitaires (Evasan) mais avant tout pour structurer un
projet médical partagé. Cinq filières vont donc s’engager sur un déploiement expérimental mais aussi, en parallèle, sur la définition d’un modèle de financement de ces
actes : télé-expertises et téléconsultations dans le cadre du diagnostic anténatal ;
lecture et interprétation à distance des lames d’hématologie ; télé-expertises et téléconsultations en chirurgie infantile ; télé-expertises et téléconsultations en chirurgie
gynécologique ; télé-expertises en oncologie.
Couverture sociale et posthospitalisation
Cette inflation médicale impose donc de développer l’offre de soins à Mayotte et d’améliorer
la pertinence des Evasan pour en restreindre le nombre aux cas utiles et urgents. Et de facto
tempérer le coût qui s’ensuit. Un «principe de subsidiarité» entre les deux établissements,
commente Lionel Calenge. Cela implique par exemple d’améliorer la couverture sociale des
patients évacués de Mayotte, sachant qu’un tiers n’en dispose aujourd’hui d’aucune. Pour
pouvoir prétendre ouvrir l’aide médicale d’État (AME) pour les soins urgents une fois à La Réunion, un patient doit attester de trois mois de résidence administrative à Mayotte. L’idée pour
le CHU est donc de détacher un agent administratif au CHM pour faciliter l’ouverture de ces
droits sociaux directement depuis Mayotte.
Des projets en posthospitalisation sont également en cours à La Réunion pour limiter le temps
d’hospitalisation des évacués. Quatre-vingt mineurs restent aujourd’hui hébergés des semaines
voire des mois au CHU en néphrologie et cancérologie pédiatriques. Pour le DGA, 3 000 journées d’hospitalisation seraient ainsi évitables, de quoi faire économiser 3 M€ à la Sécurité sociale. Mais c’est tout autant une question de qualité, ajoute le Pr Frédérique Sauvat, présidente
de la CME du CHU : «On évite ainsi de laisser des enfants enfermés entre quatre murs. Ça leur
permet également de rester scolarisés, ce qui n’est pas un si mauvais calcul si l’on veut qu’ils
deviennent à terme des adultes intégrés dans la société.» S’agissant des mineurs, des familles
d’accueil thérapeutique vont prochainement voir le jour à La Réunion avec le soutien des deux
conseils départementaux et de la Sécurité sociale. Le projet est de débuter à dix familles puis,
après évaluation et montée en charge, d’en atteindre vingt à trente. Le coût en charge salariale
pour la collectivité avoisinerait les 600 000 €, loin donc des 3 M€ d’économies potentielles,
note le DGA. Enfin, s’agissant du public adulte, le CHU réfléchit à ouvrir un hôtel hospitalier,
notamment pour les patients provenant de Mayotte ne bénéficiant pas d’affiliation sociale, mais
aussi les Réunionnais.
Thomas Quéguiner
* Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), Association nationale des
ceEn revanche, le CH de Mayotte tourne toujours avec uniquement treize à quatorze gynécologuesobstétriciens, alors que les 10 000 naissances qui s’annoncent cette année en nécessiteraient au
moins le double, selon la direction.