Université de Tabriz Faculté des Lettres Persanes et Langues

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Université de Tabriz Faculté des Lettres Persanes et Langues
Université de Tabriz
Faculté des Lettres Persanes et Langues Etrangères
Département de Français
Mémoire préparé pour l’obtention de Master II en
Langue et littérature françaises
Une étude sociologique sur Madame Bovary de
Flaubert d'après les théories de Lucien Goldmann
Sous la direction de
Monsieur le Docteur Mohammad Hossein Djavari
Professeur consultant
Monsieur le Docteur Mahdi Afkhami Nia
Préparé par
Somayeh Sharifi
Février 2012
Faculté des Lettres Persanes et Langues Etrangères
Département de langue et littérature française
Nous certifions que ce mémoire préparé par
Somayeh Sharifi
Intitulé
Une étude sociologique sur Madame Bovary de
Flaubert d'après les théories de Lucien Goldmann
a été accepté et reconnu quatre U.V. obligatoires des
cours de Master II en langue et littérature françaises
Le jury étant composé de
Directeur de Mémoire : Monsieur le Docteur Mohammad Hossein Djavari
Professeur consultant : Monsieur le Docteur Mahdi Afkhami Nia
Professeur examinateur : Madame le Docteur Marzieh Balighi
Février 2012
Au nom de Dieu
Nom : Sharifi
Prénom : Somayeh
Titre : Une étude sociologique sur Madame Bovary de Flaubert d’après les
théories de Lucien Goldmann Professeur directeur : Monsieur le Docteur Mohammad Hossein Djavari Professeur consultant : Monsieur le Docteur Mahdi Afkhami Nia Université : Tabriz
Discipline : Littérature française Course : Français
Grade : Master II Pages : 101
Date : Février 2012 Faculté : Lettres persanes et langues étrangères Mots clés : Lucien Goldmann, Gustave Flaubert, Madame Bovary, sociologie de la
littérature, vision du monde, théorie du reflet.
Résumé :
La sociologie de la littérature est connue en France grâce à Lucien Goldmann. Il
croit que le texte littéraire est le résultat de la société et que la structure du texte
littéraire est celle de la société. Le critique, d’après Lucien Goldmann, doit trouver
la trace de la société dans l’œuvre d’art. Il doit aussi trouver la vision du monde de
l’écrivain afin de trouver la raison de l’apparition d’une œuvre dans la société.
Dans cette étude nous voulons appliquer les théories de Lucien Goldmann sur
Madame Bovary de Gustave Flaubert. Ce dernier était un prosateur majeur du
XIXème siècle. Nous voulons chercher si Madame Bovary était le résultat de la
société française du XIXème siècle ou non. Dans la première partie de notre étude,
en parlant de Lucien Goldmann et de Georges Lukacs, nous avons parlé de la
sociologie de la littérature, sa racine et son historique. Ensuite, nous avons étudié
la relation entre le texte et le social. A la fin de cette partie, en parlant de Flaubert,
nous avons montré que l’école réaliste du XIXème siècle était le seul mouvement
littéraire qui puisse représenter la société du XIXème siècle dans la meilleure
manière possible. Dans la deuxième partie, nous avons présenté la structure de la
société et celle de Madame Bovary ; car le structuralisme génétique de Goldmann
vise la structure du texte comme celle de la société. C’est la part du social dans le
texte. Dans la troisième partie, nous avons étudié le texte dans le social ; autrement
dit, la réception de cette œuvre dans la société française du XIXème et du XXème
siècle. Nous avons montré aussi pourquoi Flaubert a décidé d’écrire « un livre sur
rien ». En parlant de la vision du monde de l’écrivain, nous avons montré la cause
de l’aspect tragique de ses œuvres. A la fin de notre étude, nous avons parlé de
l’influence de Flaubert sur les nouveaux romanciers du XIXème et du XXème siècle.
First name : Somayeh
Last name : Sharifi Title of Thesis : A sociological study of Flaubert̕ s Madame Bovary according to
the theories of Lucien Goldmann Supervising Professor : Dr. Mohammad Hossein Djavari Counseling Professor : Dr. Mahdi Afkhami Nia Educational status : Master II
Subject : French Language & Literature
University : Tabriz
Faculty : Humanities
Graduation date : February 2012
Page numbers : 101 Keywords: Lucien Goldmann, Gustave Flaubert, Madame Bovary, sociology of
literature, worldview, theory of reflection. Abstract:
The sociology of literature is known in French by Lucien Goldmann. He believes
that the literary text is the result of the society and the structure of the literary text
is the same structure of society. The critic, according to Lucien Goldmann, should
find the trace of the society in a literary text. He should also find the writer̕ s
worldview to find the reason for the appearance of a text in society. In this study,
we want apply the theories of Lucien Goldmann on Madame Bovary by Gustave
Flaubert. He was a major novelist of the nineteenth century. We want to show if
Madame Bovary was the result of French society of the nineteenth century or not.
In the first part of our study, basing on Georg Lukacs and Lucien Goldmann, we
talked about the sociology of literature, its roots and its history. Then, we studied
the relationship between text and society. At the end of this part, by talking about
Flaubert, we showed that the realist school of the nineteenth century was a literary
movement that can show the society of the nineteenth century in the best possible
way. In the second part, we presented the structure of society and that of Madame
Bovary; because the genetic structuralism of Goldmann considers the text structure
as the same structure of society. This is a part of the social in the text. In the third
part, we studied the text in the social; in other words, the reception of this text in
French society of the nineteenth and twentieth century. We showed why Flaubert
decided to write "a book about nothing". Talking about the writer’s worldview, we
showed the reason of the tragic side of his works. At the end of our study, we
talked about the influence of Flaubert on new novelists of the nineteenth and
twentieth century.
A mes chers parents
Remerciements
Je tiens à exprimer mes reconnaissances les plus sincères à l’égard de Monsieur le
Docteur Mohammad Hossein Djavari qui m’a bien aidé à réaliser ce travail de
recherche, ainsi que pour ses conseils précieux, et pour le temps qu’il a consacré à
la correction de ce mémoire.
Je remercie M. le Docteur Mahdi Afkhami Nia, mon professeur consultant qui
s’est donné la peine de lire ce mémoire.
Je tiens à remercier sincèrement Madame le Docteur Marzieh Balighi pour sa
présence en tant que le professeur examinateur.
Je suis également reconnaissante à tous mes professeurs et ceux qui avec
bienveillance, m’ont initié, tout au long de mes études, à la langue et la littérature
françaises. Je remercie plus particulièrement Monsieur le Docteur Assadollahi et
Monsieur le Docteur Irandoust qui ont accepté toujours de répondre à mes
questions avec gentillesse.
Il est nécessaire de remercier sincèrement mes amies qui m’ont aidée dans toutes
les étapes de l’écriture de ce mémoire, comme Mademoiselle Mahnaz Rezai et
Mademoiselle Raha Seyed Ekhtiari.
Mais ce projet n’aurait jamais pu voir le jour sans les encouragements de ma
famille. Je tiens à exprimer ma reconnaissance envers mes chers parents qui m’ont
aidée toujours.
Et à ceux sans qui ce mémoire n’aurait pas pu se réaliser.
Table des Matières
Introduction …………………………………………………………………...1
1. Les contours théoriques et méthodologiques…………………………….4
1.1. Sociologie de la littérature……………………………………………..5
1.1.1. Marx et la pensée marxiste……………………………………………....5
1.1.2. Georges Lukacs………………………………………………………….8
1.1.3. Lucien Goldmann……………………………………………………….10
1.1.4. La vision du monde……………………………………………………..12
1.2. sociologie littéraire…………………………………………………….13
1.2.1. historique de la sociologie de la littérature……………………………..13
1.2.2. le social dans le texte…………………………………………………....15
1.2.3. le texte dans le social……………………………………………………17
1.2.4. la sociocritique………………………………………………………….19
1.2.5. Le rapport entre l’évolution sociale et l’évolution littéraire……………22
1.3. Gustave Flaubert : sociologue du XIXème siècle……………………...26
1.3.1. Le réalisme et Flaubert………………………………………………….26
1.3.2. Madame Bovary………………………………………………………...28
1.3.3. Qu’est-ce qu’un ouvrage sociologique ?..................................................29
2. La part du social dans Madame Bovary………………………………….33
2.1. Un schéma global du XIXème siècle…………………………………...34
2.2. La structure de Madame Bovary et les aspects sociaux présentés dans
le roman………………………………………………………………..40
2.2.1. L’horreur du romantisme……………………………………………….40
2.2.2. La crise de la famille au XIXème siècle………………………………….45
2.2.3. L’éducation au XIXème siècle…………………………………………...48
2.2.3.1. L’éducation de Charles……………………………………………...50
2.2.3.2. L’éducation d’Emma………………………………………………..52
2.2.4. L’antagonisme entre la religion et la science…………………………...53
2.2.5. Le capitalisme au XIXème siècle………………………………………...56
2.2.6. Les mœurs de province…………………………………………………59
3. La réception de Madame Bovary dans la société française……………..63
3.1. Madame Bovary au XIXème siècle……………………………………..64
3.1.1. La réception de Madame Bovary au XIXème siècle……………………..66
3.1.2. Madame Bovary et la critique littéraire du XIXème siècle………………68
3.1.3. Flaubert et le mal du siècle……………………………………………..72
3.1.4. Le bovarysme au XIXème siècle…………………………………………73
3.2. Madame Bovary au XXème siècle………………………………………76
3.2.1. La réception de Madame Bovary au XXème siècle……………………...77
3.2.2. Jean-Paul Sartre…………………………………………………………80
3.2.2.1. La névrose objective………………………………………………...81
3.2.2.2. L’Art absolu…………………………………………………………83
3.2.3. La vision du monde de Flaubert………………………………………...86
3.2.4. L’influence de Madame Bovary sur les nouveaux romanciers du XIXème
et du XXème siècle……………………………………………………….89
Conclusion…………………………………………………………………….93
Bibliographie………………………………………………………………….96
Introduction
Le XIXe siècle était un siècle mouvementé, plein de troubles politiques.
Dans la première moitié de ce siècle, les régimes politiques se sont succédés l’un
après l’autre. L’héritage de ces régimes était l’angoisse et l’inquiétude pour les
Français. Ce siècle était le siècle des grandes expériences et des luttes littéraires. Il
était marqué par la montée du capitalisme et le triomphe de la bourgeoisie. Dans le
domaine littéraire, la littérature de ce siècle était très riche. Parmi les écoles
littéraires, l’école réaliste présentait très bien les événements de ce siècle. Le
réalisme était un courant artistique entre 1850-1870, situé entre le romantisme et le
symbolisme. Les écrivains réalistes de l’époque nous présentent le plus fidèlement
possible la réalité de l’époque. Dans les œuvres de Balzac, Stendhal et Flaubert,
nous pouvons voir l’image vraie de la société française. Ces écrivains reflétaient
leur milieu social comme un miroir. Balzac qui était considéré comme le père du
réalisme, avait le plus apport dans la représentation de son époque.
Dans la plupart des cas, les personnages de ces œuvres étaient les
personnages vrais du siècle. Parfois l’histoire de ces romans est empruntée d’un
fait réel. Car l’écrivain réaliste avait l’envie du réel. L’école réaliste est un
mouvement littéraire en réaction contre le romantisme. Il devait montrer les
injustices sociales et tous les problèmes gênants du siècle.
Flaubert était un écrivain réaliste du XIXe siècle. Il a écrit Madame Bovary
en 1857. Le réalisme triomphera avec la publication de cette œuvre en 1857. Dans
cette étude, nous essayons de trouver les raisons de l’apparition de cette œuvre
dans la société française.
Dès le début de ce roman, Flaubert avait des relations épistolaires avec sa
maîtresse Louis Colet. Pour notre étude, ces correspondances sont très importantes.
1 Elles peuvent nous éclairer beaucoup de choses. Madame Bovary apporte pour
l’écrivain la notoriété et le crédit. Cette œuvre qui était le premier roman de
l’écrivain, est devenue un chef-d’œuvre au XIXe et au XXe siècle.
Notre recherche consiste à faire une analyse de Madame Bovary de Flaubert.
Nous voulons étudier l’apport de la société dans la genèse de ce roman. En fait,
nous voulons appliquer les théories de Lucien Goldmann sur ce roman. Mais parler
de Flaubert n’est pas chose aisée.
La sociologie de la littérature de Lucien Goldmann est apparue dans la
deuxième moitié du XXe siècle. Lucien Goldmann, le théoricien de la sociologie
de la littérature, était toujours sous l’influence de son maître Georges Lukacs. En
France, l’apport de Goldmann est considérable. Il voulait toujours trouver la
réponse de cette question : « Pourquoi tel ou tel écrivain a écrit tel ou tel livre ? »
Pour Lucien Goldmann, la réponse de cette question doit se trouver dans la société.
En fait, il envisage le texte littéraire comme le reflet de la société. Pour Goldmann
et tous ses partisans, l’œuvre littéraire est le résultat de la société. Donc le rôle de
la société pour lui était très important. C'est-à-dire dans chaque œuvre nous
pouvons voir la trace de la société.
Lucien Goldmann a une méthode qui s’intitule « le structuralisme
génétique ». Avec cette méthode, il affirme que normalement la structure du texte
doit être celle de la société. Il a étudié dans ses recherches ces deux structures, afin
de trouver la raison de l’apparition d’une œuvre littéraire dans la société.
Dans cette recherche nous avons quatre objectifs :
Premièrement, nous voulons prouver l’idée que Madame Bovary est le reflet
de la société française du XIXe siècle et que la société a obligé l’écrivain à écrire
ce roman. Notre objectif est de trouver les raisons de l’apparition de cette œuvre
2 dans la société française. C’est la méthode du structuralisme génétique de
Goldmann qui nous conduira à la réponse. En fait, il faut examiner si la structure
de Madame Bovary était celle de la société française du XIXe siècle ou non ? Pour
ce but, il nous faut tout d’abord étudier la société française, ensuite, il faut étudier
la structure de Madame Bovary, afin de trouver les ressemblances entre ces deux
structures.
Deuxièmement, nous voulons prouver pourquoi Flaubert a décidé d’écrire
« un livre sur rien » ? Pourquoi il ne voulait pas écrire comme Balzac et Stendhal ?
Pourquoi il tourne le dos aux formes classiques antérieures et devient un écrivain
anticonformiste ? Quel est l’apport de la société sur ces décisions ? Est-ce qu’on
peut trouver la raison de ce style riche dans la société ou non ?
Troisièmement, il nous faut trouver la vision du monde de l’écrivain. Celleci était l’une des notions clés pour Goldmann ; parce qu’elle crée l’atmosphère du
roman.
Quatrièmement, nous voulons étudier la relation de ce roman avec la société
française et les conséquences de l’apparition de cette œuvre dans la société
française afin de trouver la raison de sa notoriété.
Nous savons que Flaubert est connu aujourd’hui pour son style nouveau et
que ce style était toujours au centre de l’attention. Avec Madame Bovary, il
introduit un style riche dans l’art romanesque du XIXe siècle. Après 150 ans, ce
roman est toujours un roman vivant. La valeur de cette œuvre ne manquera jamais.
Les nouveaux romanciers sont influencés par Flaubert et le considèrent comme
leur maître. La nouveauté de son style le met parmi les grands écrivains de la
littérature française. C’est en raison de sa valeur littéraire que nous voulons
l’étudier. Parce que ce roman ouvre la voie au roman moderne.
3 Partie 1
Les contours théoriques et méthodologiques
4 La sociologie de la littérature est une branche de la nouvelle critique. Elle
consiste à faire une étude sur l’écrivain, ses œuvres, et sa société en même temps,
afin de trouver les raisons de l’apparition d’une œuvre dans la société. Il faut
prouver que l’écrivain, pour telle ou telle raison, est issu de sa société et son œuvre
est le résultat de son appartenance à cette société. Le théoricien de cette démarche
est Lucien Goldmann, qui lui-même était l’élève de Georges Lukacs. Il faut
souligner que cette étude trouve ses racines dans les idées de Karl Marx,
philosophe du XIXème siècle. Dans cette partie, nous voulons donner des
informations sur ce penseur, ensuite nous parlerons du rapport entre le texte et la
société et vice versa ; enfin, nous ferons allusion à Gustave Flaubert, le grand
romancier du XIXème siècle et son chef-d’œuvre Madame Bovary parce que notre
recherche doit trouver les raisons de l’apparition de cette œuvre dans la société du
XIXème siècle.
1.1.
Sociologie de la littérature
1.1.1. Marx et la pensée Marxiste
Avant de parler à propos de la sociologie de la littérature, il faut parler un
peu de Marx et du marxisme parce que la sociologie de la littérature a ses racines
dans les idées matérialistes de Marx. Bien qu’aujourd’hui avec la décadence de la
soviétique, l’importance de la critique marxiste soit réduite, mais puisqu’il y a et
aura toujours un regard social-politique envers les œuvres littéraires, nous voulons
parler en résumé de la critique marxiste comme l’une des critiques politique et
sociale.
Marxisme, est une théorie politique, sociologique et économique basée sur
les idées de Karl Marx, historien, journaliste, philosophe, économiste et théoricien
5 allemand. Nous sommes témoins de l’apparition du marxisme au XIXème siècle.
Karl Marx avec Friedrich Engels ont écrit le manifeste du communisme en 1848.
L’intention de Marx était de créer une société débarrassée du capitalisme,
des classes sociales, du salariat et des Etats. Selon lui, une société capitaliste mène
les ouvriers à l’aliénation. Dans le chapitre VII du Capital, il explique pourquoi les
ouvriers sont les esclaves de la société. L’homme s’identifie avec le travail et se
reconnait dans ce qu’il fait. Mais pour le travailleur, l’identification avec le travail
n’existe pas et l’individu est mené vers l’aliénation.
Dans la pensée marxiste nous pouvons voir la notion de « la lutte des classes
sociales », mais pourquoi dans une société, il y a des classes sociales? La réponse
se trouve dans la place sociale de l’individu, dans les productions sociales, qu’il
soit travailleurs ou exploiteur. Dans une société capitaliste, il y a toujours une ou
plusieurs classes dominantes, une classe qui veut imposer ses privilèges.
Autrement dit, les idées dominantes pénètrent dans la société de la part de la classe
dominante. Donc ces idées restent dans l’esprit de la société.
Les antagonismes entre les deux classes sociales sont la raison de toute
transformation radicale dans l’histoire d’une société et cette transformation parfois
devient le phénomène constant d’une société. Tout cela se trouve dans une société
capitaliste.
« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de
luttes de classes»1
Mais il faut comprendre pourquoi entre les classes sociales il y a toujours les
conflits? D’après les explications de Marx dans son livre Le Capital, la réponse se
trouve dans un terme: « le plus-value ». C’est-à-dire la valeur excédante. Dans le
1
Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste.
Www. fr.wikipedia.org/wiki/Lutte_des_classes 6 processus de l’offre et de la demande dans la société, il y a toujours une valeur
ajoutée pour le produit que le capitaliste profite de cela mais le travailleur n’en
profite pas. C’est à cause de cette valeur ajoutée qu’il y a toujours le conflit entre
les classes sociales, parce que les ouvriers aussi comme les capitalistes veulent
gagner cette même valeur et ils ont le droit de la gagner. Dans une société
capitaliste à force de l’accumulation du capital, nous sommes témoins de
l’appauvrissement de la classe ouvrière. C’est pour ces mêmes raisons que Marx
était contre le système du salariat et voulait construire une société sans classe.
Tout cela ce sont les idées de Marx du point de vue politique et social. Mais
du point de vue littéraire, le marxisme considère la littérature comme un
phénomène de « superstructure » et l’œuvre littéraire doit être étudiée dans les
« infrastructures » de la société (politique, religion, esthétique…).2
« Selon Marx : dans toute société on peut distinguer la base
économique ou l’infrastructure, et la superstructure. L’infrastructure
est constituée essentiellement par les forces et les rapports de
production, cependant que dans la superstructure figurent les
institutions juridiques et politiques en même temps que les façons de
penser, les idéologies, les philosophies. »3
Les pensées de Karl Marx attirent les critiques sociologiques du XXème
siècle. Au XXème siècle, c’était Georges Lukacs qui était attiré par les idées de
Marx.
2
C'est-à-dire l’œuvre littéraire est le résultat des infrastructures de la société : (politique,
religion, les institutions etc.). Autrement dit, la superstructure culturelle est déterminée par
l’infrastructure économique.
3
Raymond Aron, Les Etapes de la pensée sociologique, Gallimard, 1967, P. 154.
7 1.1.2. Georges Lukacs
Un des meilleurs représentants de ce mouvement critique du XXème siècle est
Georges Lukacs. Il est né le 13 avril 1885 à Budapest. Il devient un philosophe
marxiste et sociologue de la littérature hongroise. Il a trouvé le lien entre les
structures d’une œuvre littéraire et les structures de la société. Il croit seulement au
réalisme. D’après Lukacs le réalisme n’est pas une école mais plutôt la base et la
ressource de la littérature. Le réalisme n’est pas seulement comme le naturalisme,
un décalque de la société. Dans une œuvre artistique, l’imagination a beaucoup
d’importance et on raconte la réalité d’une manière artistique. Autrement dit, la
réalité et la beauté sont les mêmes-choses. L’écrivain met les oppositions de la
société capitaliste en harmonie et les montre comme une unité globale. Donc
l’œuvre littéraire n’est pas une réalité pure mais, une réflexion sur la réalité.
Il a un ouvrage intitulé, Balzac et le réalisme Français. Dans ce livre, il
montre son attirance pour les écrivains réalistes. Nous comprenons pourquoi il
s’intéresse beaucoup aux écrivains réalistes du XIXème siècle, parce que les
personnages apparaissent dans l’œuvre au-delà de la volonté de l’auteur. En fait,
tous les personnages, ce sont les êtres vrais de l’époque.
Dans une œuvre réaliste, écrit-il, « convergent et se rencontrent tous
les éléments déterminants, humainement et socialement essentiels
d'une période historique ».4
Georges Lukacs dans son livre intitulé La théorie du roman nous présente le
héros problématique. Ce terme, deviendra l’une des idées essentielles de la pensée
goldmanienne. Goldmann dit que :
«Le roman est l’histoire d’une recherche dégradée (que Lukacs
appelle « démoniaque »), recherche de valeurs authentiques dans un
4
www.Fabula.org G. Lukacs, Balzac et le réalisme français (poche).
8 monde dégradé lui aussi mais à un niveau autrement avancé et sur un
mode différent.»5
Il ne faut pas confondre ce terme du héros problématique avec quelqu’un qui
a un problème. Goldmann lui-même dans son livre intitulé Pour une sociologie du
roman nous a parlé de cela.
«Pour éviter tout malentendu, précisons que nous employons le terme
de personnage problématique non pas dans le sens «qui pose des
problèmes», mais dans celui de personnage dont l’existence et les
valeurs le situent devant des problèmes insolubles et dont il ne saurait
prendre une conscience claire et rigoureuse (ce dernier trait séparant
le héros romanesque du héros tragique).»6
Puisque notre recherche vise une étude sociologique de Madame Bovary de
Flaubert, donc il faut examiner ce terme. Nous voulons à la fin de cette étude
examiner si dans Madame Bovary pourrait exister ce personnage problématique ?
Donc nous voulons chercher ce personnage dans ce roman de Flaubert. Goldmann
qui était l’élève de Lukacs, considère aussi le héros problématique comme
quelqu’un qui n’a pas d’avenir.
«Les révolutionnaires de Shangaï constituent nous l’avons déjà dit,
une communauté problématique, sans avenir, qui tout en donnant une
signification définitive à la vie de chacun de ses membres, ne peut les
amener qu’à la défaite et à la mort.»7
5
Lucien Goldmann, Pour une sociologie du roman, éd Gallimard, 1964, P. 23.
Ibid., P. 195.
7
Ibid., P. 215.
6
9 1.1.3. Lucien Goldmann
Au XIXème siècle, nous sommes témoins de l’apparition d’une étude sur la
relation entre le milieu social et l’œuvre littéraire. Les critiques comme Madame de
Staël et Taine ont fait des études sur ce sujet.
Au XXème siècle, Lucien Goldmann, était quelqu’un qui continue la
démarche de son maître Lukacs. Il vivait entre 1913-1970. Il était un philosophe et
sociologue français d’origine judéo-roumaine. Il a étudié l’influence de la société
sur l’œuvre d’art. Il est l’un et premier des représentants de la sociologie de la
littérature en France. Mais à propos de sa méthode, il faut dire qu’il croit aux
couches sociales comme représentants d’une œuvre littéraire. Un livre littéraire est
créé par un individu, mais cet individu vit dans une société :
«L’homme vivant est entier; et celui-ci n’est à son tour qu’un élément
de l’ensemble qu’est le groupe sociale. Une idée, une œuvre ne reçoit
sa véritable signification que lorsqu’elle est intégrée à l’ensemble
d’une vie et d’un comportement. De plus il arrive souvent que le
comportement qui permet de comprendre l’œuvre n’est pas celui de
l’auteur, mais celui d’un groupe social.»8
En fait, Lucien Goldmann parle des couches sociales qui sont la cause de
l’apparition d’une œuvre d’art. Ce qui fait l’univers d’un roman, c’est la société. Il
ne croit pas à la psychologie de l’écrivain comme Freud. Il ne s’intéresse pas à la
biographie de l’écrivain comme Sainte-Beuve. Lucien Goldmann ne cherche pas la
psychologie de l’écrivain, ni de sa biographie comme une étude efficace. Il cherche
une méthode plus complexe et plus efficace pour l’analyse d’une œuvre littéraire.
En fait, sa méthode critique est une critique complémentaire de la critique
psychologique de Freud.
8
Lucien Goldmann, Le Dieu caché, étude sur la vision tragique dans les pensées de Pascal et
dans le théâtre de Racine, éd Gallimard, 1959, p. 17.
10 D’abord Goldmann examine la biographie de l’écrivain, ensuite il étudie
l’œuvre littéraire dans la société au sein de laquelle elle a été écrite. Goldmann
dans son livre intitulé Pour une sociologie du roman fait une analyse sur les
œuvres d’André Malraux et sur les nouveaux romanciers contemporains comme
Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute. Après beaucoup de travail sur la forme et
le contenu de leurs livres, il arrive à l’hypothèse que les nouveaux romanciers
comme Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute, ce sont les romanciers réalistes de notre
temps.
Comment arrive-t-il à cette hypothèse? La réponse se trouve dans l’analyse
qu’il a faite sur les œuvres de Robbe-Grillet et de Sarraute. Il a vu dans les œuvres
de ceux-ci la trace de la société. Par exemple, Alain Robbe-Grillet était témoin
d’une société capitaliste dans laquelle toutes les valeurs de l’individu sont
supprimées ou disparues. Alors maintenant nous pouvons comprendre pourquoi
dans ses œuvres comme La Jalousie et Le Voyeur, les objets ont beaucoup
d’importance que les individus et les individus sont presque supprimés. En général,
tous les nouveaux romanciers ont supprimé l’individu de leurs livres. Cela ne
signifie pas qu’ils nient l’individu, par contre, ils accentuent leur attention sur
l’homme.
Goldmann a une méthode qui s’intitule : la théorie du « structuralisme
génétique ». Il a élaboré une analyse socio-textuelle : «il établit clairement une
relation entre une forme romanesque et la structure sociale où elle se développe»9.
Ce qu’il a appelé le structuralisme génétique, c’est l’analyse de deux structures : la
structure de l’œuvre d’art et celle de la société. Autrement dit, d’une part, les
structures internes textuelles que Goldmann appelle compréhension et qui consiste
en une analyse interne du texte (temps, espace, thèmes, personnage,…) et d’autre
9
Bouzar, Wadi, Roman et connaissance sociale, Essai, Office des Publications Universitaires,
Alger, 2006, p. 125.
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