Au nom de l`amour

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Au nom de l`amour
AUTO
DS5, LE SPORT CHIC
VERSION CITROËN
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Histoire
de cœurs
Est-il possible d'aimer deux
personnes à la fois? C'est la
question que pose Brigitte
Kernel dans son nouveau
roman, À cause d'un baiser.
L'histoire d'une femme
tiraillée entre deux amours
aussi forts l'un que l'autre.
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Photo : alain rischard
Une drôle
de chasse au lion
Le théâtre d'Esch présente du 1er au 4 mars Dracula, un spectacle pluridisciplinaire imaginé
par David Goldrake et mis en scène par Claude Mangen, sur l'œuvre de Bram Stoker.
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Trois histoires d'une intolérance ordinaire
CINÉMA Vendredi dernier, le réalisateur catalan Ramòn Térmens était à l'Utopia
pour présenter son film polémique Catalunya über alles.
De notre journaliste
Pablo Chimienti
C
'est un portrait au vitriol de
«sa» Catalogne que propose Ramòn Térmens dans Catalunya über alles. Un titre clin d'œil à la chanson
des Dead Kennedys, California über
alles, qui faisaient eux-même clairement référence à l'Allemagne nazie
pour critiquer l'ancien gouverneur
Jerry Brown. Un titre coup-de-poing
volontairement provocateur qui
laisse peu de doute sur la thématique
du film.
Ramòn Térmens parle bien de la
montée du racisme, de la xénophobie
et de l'intolérance dans un petit village de Catalogne. «C'est basé en Catalogne juste parce que c'est ce que
je connais le mieux puisque je suis
catalan, précise pourtant le réalisa-
teur, mais ce n'est pas un phénomène exclusivement catalan dont
je parle, le phénomène de l'intolérance et la montée de l'extrême
droite, c'est malheureusement
quelque chose qui arrive un peu
partout en ce moment», regrettet-il.
Catalunya über alles est divisé en
trois parties bien distinctes. La première présente le quotidien d'un exdétenu qui vient de purger une longue peine de prison pour viol et
contre qui se ligue tout le village. La
seconde se concentre sur une famille
d'immigrants africains dont le père
vient de perdre son emploi et qui accepte de se ridiculiser pour nourrir les
siens. La troisième, enfin, est un peu
le contre-coup des deux premiers
avec un homme d'affaires catalan de
souche, à première vue mari idéal et
père modèle mais ripou jusqu'à l'os.
>
Des faits
réels
«Trois histoires basées sur des
faits divers que j'ai lus dans la
presse» explique Ramòn Térmens
qui englobe le tout dans un fil rouge
commun, celui d'un politicien d'extrême droite dont la politique se résume au slogan : «les catalans
d'abord» et qui se présente aux élections communales. «C'est claire-
ment un film politique et social,
antifasciste, résume le réalisateur,
même s'il n'est pas dénué d'humour, dans la deuxième partie, et
de suspense dans la troisième.»
Le film a ses mérites, il a d'ailleurs
été primé aux festivals de San Sebastián, de Malaga et aux «Gaudi»–les
prix du cinéma catalan– mais reste
un peu en-deçà de l'attente créée
par ce titre-choc. Il enfonce un peu
des portes ouvertes, mais vaut tout
de même la peine d'être vue.
Présenté vendredi dernier à l'Utopia par le Centre catalan de Luxembourg dans le cadre de son «Cycle
de cinéma catalan», il sera reprogrammé lors du prochain festival
du cinéma espagnol, prévu également à l'Utopia en début d'été. Une
séance de rattrapage qui risque
bien, cette fois-ci, d'être la dernière.
Chaque mercredi, retrouvez
dans Le Quotidien la présentation d'une œuvre de la collection «Les indispensables
de la littérature en BD».
Aujourd'hui, écoutons les
bobards du soi-disant héros
Tartarin de Tarascon...
Lire en page 36
Le Cri mis
aux enchères
Une version du célèbre tableau
Le Cri, du peintre norvégien
Edvard Munch, sera mise aux
enchères à New York le 2 mai
prochain par Sotheby's, qui
estime qu'il pourrait dépasser
la somme de 80 millions de
dollars. Seulement quatre
versions existent de ce tableau
expressionniste, montrant
un homme criant, les mains
sur les oreilles sur fond de
ciel ensanglanté. Celle que
Sotheby's mettra en vente est
une huile, tempera et pastel,
réalisée en 1895, la seule
encore possédée par un
particulier. Elle appartient
depuis 70 ans à la même
famille, celle de l'homme d'affaires norvégien Petter Olsen,
dont le père Thomas était un
ami de Munch. Les trois autres
versions du Cri appartiennent
à des musées. La maison d'enchères a prévu de l'exposer à
Londres le 13 avril et à New
York à partir du 27 avril.
Créé personnellement pour: serge bressan correspondant à paris
MITTWOCH 22 FEBRUAR 2012 I www.lequotidien.lu
mittwoch 22 februar 2012
Au nom de l'amour
Peut-on aimer deux personnes à la fois? C'est la question que pose Brigitte Kernel dans son nouveau
roman, À cause d'un baiser. L'histoire d'une femme tiraillée entre deux amours aussi forts l'un que l'autre.
Après Fais-moi oublier, voici le
nouveau roman d'amour de Brigitte
Kernel. Celui d'une femme tiraillée
entre Léa, celle qu'elle aime, et
l'envoûtante Marie qui, en un
baiser, vient tout bouleverser.
Entretien avec notre correspondant
à Paris Serge Bressan
U
ne voix. À la radio, au cœur de
la nuit, sur France Inter. Sur le
papier, aussi, pour des romans. Brigitte Kernel, toute de charme et
d'élégance humbles, est de retour en
librairies. Avec un nouveau roman,
le huitième, joliment titré À cause
d'un baiser. La narratrice aime Léa
avec qui elle vit depuis trois ans. Un
jour, elle a embrassé Marie l'envoûtante et l'a dit à Léa. L'amour va-t-il
résister? Va-t-il exploser, juste à
cause d'un baiser? Et si ce baiser cachait, en fait, des fissures? Et pourquoi la narratrice a-t-elle raconté ce
baiser à sa compagne?
En quatre temps – déchirure, déconstruction, reconstruction et derniers temps – Brigitte Kernel signe là
un texte d'une universalité, d'une
sensibilité, d'une justesse aussi rares
qu'étincelantes. Rencontre avec un
auteur hautement fréquentable
puisque, parmi ses repères, elle cite
le poète-éditeur Pierre Seghers et
Françoise Sagan.
Autour d'À cause d'un baiser,
l'éditeur a mis un bandeau rose, y
a fait imprimer : "Peut-on aimer
deux personnes à la fois?" Pourquoi?
Brigitte Kernel : Au départ, je voulais écrire une histoire de trois femmes. La question que je me suis longuement posée était toute simple :
"Est-ce que j'y vais ou non?" Et je ne
voulais pas écrire un roman qui me
rangerait dans la case «auteur de
l'homosexualité féminine». D'autres l'ont déjà fait, comme Anne F.
Garréta ou Nina Bouraoui. Mais je
voulais aussi écrire un texte qui
donne la possibilité aux parents de
comprendre combien est difficile ce
que vivent leurs enfants homosexuels, qu'ils soient garçons ou filles. Oui, j'aimerais vraiment que les
parents lisent mon roman.
Vos héroïnes sont homosexuelles. N'avez-vous pas craint le risque que ce livre soit jugé "communautaire"?
Mais ce sont des histoires d'amour.
C'est pareil entre un homme et une
femme, entre deux hommes, entre
deux femmes… Je voudrais tant que
les gens puissent vivre heureux.
Dans mon écriture, je développe
une sorte d'empathie, mais aujourd'hui, dans notre monde, on est
en permanence dans la discrimination. Des juifs, des Arabes, des
Roms, des homos... et je ne parle pas
des transsexuels pour qui c'est encore plus compliqué!
Ce nouveau livre apparaît
comme une suite au précédent,
Fais-moi oublier, paru en 2008...
Quand j'ai achevé Fais-moi oublier,
je ne pensais pas
un instant qu'il
aurait un jour
une suite. Et puis,
sur Facebook, on
me demandait ce
qui allait se passer pour la narratrice, son mari
Olivier
qu'elle
quittait pour Léa
qui, elle, venait
de perdre sa compagne
Louise,
emportée par la
mort. Au bout
d'un
certain
temps, je me suis demandée si Léa
était vraiment morte – elle avait
sauté d'un pont... J'ai repris l'histoire trois ans plus tard. Je ne sais
pas encore s'il y aura d'autres suites,
je sais seulement qu'il existe un
grand nombre de possibilités. Par
exemple, avec Olivier, l'ex-mari
parti en Inde...
Sur la forme, certains vous reprochent la structure de votre roman, une structure qui sent la
technique avec ses quatre chapitres pour quatre temps. Et aussi
des redites de passages ou encore
des phrases mal construites...
«
À tout ça, je répondrai que, à mes
yeux, la structure d'un roman est
importante mais que l'écriture l'est
encore plus. Au départ, mon manuscrit, c'est quelque chose écrit de manière très linéaire. Et je travaille le
texte, le retravaille encore et encore.
Quand j'écris, j'ai besoin d'expérimenter. Tout est à l'intérieur de
tout. Écrire, c'est la vie, il faut laisser
les choses, les mots, les situations se
télescoper.
Revenons à l'argumentaire de
votre éditeur : selon vous, peut-on
aimer deux personnes à la fois?
Au départ, je souhaitais écrire un
roman sur la reconstruction. D'ailleurs, mon premier titre était La Reconstruction. Dans tous les couples,
hétérosexuels et homosexuels, on
peut toujours être troublé par
quelqu'un d'autre. Que fait-on?
Dans À cause d'un baiser, je pose la
question. Je suis comme un chirurgien qui opère, qui dissèque...
On peut aussi se
demander pourquoi la narratrice a parlé de
ce baiser à sa
compagne Léa...
J'ai un problème
terrible : depuis
toujours, je ne
supporte pas le
mensonge sous
toutes ses formes.
Et la narratrice
d'À cause d'un
baiser a, elle
aussi, un problème avec le
mensonge. Mentir à la personne
qu'on aime, ça me pose problème...
Dans une vie, on peut connaître
plusieurs fois l'amour?
J'ai le sentiment romantique de
croire qu'on a un seul grand amour
dans sa vie. Mais on ne le sait qu'à la
fin de sa vie. En fait, on a deux
grands amours : un de jeunesse,
l'autre à l'âge adulte. Et il faut se méfier de l'illusion du sentiment
amoureux : ça donne des ailes mais
ça détruit...
J'ai le sentiment
romantique de
croire qu'on a
un seul grand
amour dans
sa vie
«
Brigitte Kernel : «Écrire, c'est la vie. Il faut laisser les choses, les mots, les situations se télescoper.»
À cause d'un baiser,
de Brigitte Kernel. Flammarion
18
Implacable thriller
Voyage baroque
LE CHIFFRE
Avec Le Sniper, Stephen Hunter confirme
qu'il est bien un des maîtres du genre.
Opéra anatomique fait voyager dans
toute l'Europe avec le tsar Pierre le Grand.
Q
U
Dix-huit auteurs russes à
succès dans leur pays ou à
l'international participeront,
du 16 au 19 mars à Paris, au
Salon du livre, dont la ville
de Moscou est l'invitée cette
année, avec le Japon. Après
Buenos Aires en 2011, c'est la
deuxième fois que le salon
célèbre une «ville littéraire»,
soulignent les organisateurs.
Romanciers, poètes, auteurs
jeunesse ou encore critiques,
ces écrivains, parmi lesquels
Dmitri Bykov, Boris Akounine,
Andreï Guelassimov, Mikhaïl
Chichkine, Ilya Kotcherguine,
Natalia Sokolovskaïa, Tatiana
Tolstoï ou Maxime Ossipov
représentent les multiples
facettes de la littérature russe.
Avec la trentaine d'écrivains
japonais qui feront aussi le
déplacement à Paris, la présence de ces auteurs russes
témoigne, selon l'organisation,
«de la volonté grandissante
d'internationalisation du Salon
du livre». Pour ce 32e rendezvous à la Porte de Versailles
sont attendus pas moins de
200 000 visiteurs dont 30 000
jeunes, 30 000 professionnels,
quelque 1 200 éditeurs et
2 500 auteurs.
www.salondulivreparis.com
uelle réputation! À 65 ans,
l'Américain Stephen Hunter
est considéré, outre-Atlantique,
comme un des meilleurs romanciers
de sa génération. Et aussi comme un
des très bons auteurs de thriller. Ce
qui est confirmé avec la parution de
Le Sniper, son cinquième livre traduit en français. Mais, aux ÉtatsUnis, Hunter c'est à ce jour dix-sept
romans… et aussi trois essais (consacrés au cinéma).
Une précision : avant de se consacrer à la littérature, il fut critique
ciné au Baltimore Sun puis au Washington Post – il reçut même en 2003
le prix Pulitzer, catégorie critique…
Là, il propose de nous glisser dans
les pas du Sniper, le fameux Bob Lee
Swagger – un de ses héros récurrents
auquel il a consacré, à ce jour, sept
romans (Le Sniper étant le sixième
Stephen Hunter.
paru en Amérique en 2009, suivi en
2010 de Dead Zero).
Mi-sérieux, mi-ironique, l'auteur
confiait : «Je suis le Dostoïevski du
thriller!». On peut en sourire, mais
on peut aussi le croire puisqu'il sait
à la perfection garnir son roman
d'un personnage principal aussi héroïque qu'impitoyable, de personnages secondaires taciturnes, tous
évoluant au cœur d'une enquête explosive. Donc, Le Sniper pourrait
sembler n'être qu'un récit banal. Celui d'un ancien marine, Carl Hitchcock, record d'ennemis abattus durant la guerre du Vietnam, suspecté
d'avoir tué quatre militants pacifistes et qu'on retrouve suicidé.
Certains affirment alors que ce
geste confirme la culpabilité
d'Hitchcock. Nick Memphis, le directeur adjoint du FBI, ne croit pas à
cette hypothèse et, pour l'aider dans
son enquête, fait appel à Bob Lee
Swagger, le meilleur sniper de la marine. Problème : face à Swagger, son
ennemi juré, un tireur d'élite réputé
pour sa rapidité et son caractère perçant. Entre les deux, il va y avoir
match. Une confrontation sanglante. Et un seul survivra…
S. B.
Le Sniper, de Stephen Hunter.
Éditions du Rocher.
ne ouverture qui sent l'épopée : «Les carrosses et les fourgons avançaient avec peine. Les
roues s'enlisaient dans les ornières.
Les membres de la Grande Ambassade avaient des faciès moroses. Ils
tremblaient sous leurs perruques et
leurs gros manteaux de zibeline
aussi bien de froid qu'à cause d'un
spectacle récent ayant eu pour protagoniste un rebellé déterré, mort
depuis douze ans...»
C'est parti pour un Opéra anatomique, le nouveau roman de Maja
Brick. À 51 ans, elle en est à sa
deuxième vie. Elle est née en Pologne, y a grandi et vécu une première
carrière littéraire sous le nom de
Maja Jurkowska. En 1990, elle s'est
installée en France, a continué
d'écrire. Et après Roman de gare et Le
Rat, mon ami, Opéra anatomique a
aussi écrit directement en français.
Là, on est emmené, à travers l'Europe, dans un voyage aussi baroque
qu'éblouissant au XVIIe siècle.
Il y a le tsar Pierre 1er, dit le Grand,
qui un temps se mêlera au peuple
sous le nom de Pierre Mikhaïlov.
Quand il arrive à Amsterdam, il veut
la collection de l'anatomiste Frederik Ruysch – une collection de… cadavres. Le voyage continue. Étapes à
Londres, Vienne, Venise ou encore à
travers la Russie. Dans la foulée de
Maja Brick.
Pierre le Grand, on est confronté
aux troubles intellectuels et politiques du moment, aux profondeurs
de l'âme.
Le roman de Maja Brick est bercé,
rythmé par l'opéra avec Caldara,
Scarlatti, Pistocchi, Bononcini…
C'est lyrique, avec les arias. C'est
noir, avec les crimes. Et formidablement écrit par un voyageur solitaire
qui n'est autre que l'historiographe
du tsar Pierre le Grand. Un bourlingueur qui, avec force descriptions,
pointe avec acuité la même folie baroque qui anime le théâtre et le
monde des hommes… C'est brillant,
érudit. Inquiétant.
S. B.
Opéra anatomique, de Maja Brick.
Gallimard.
Créé personnellement pour: serge bressan correspondant à paris
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