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observatoire International des prisons
pour le droit à la dignité des personnes détenues
Communiqué
Paris, le 16 juillet 2015
Le travail carcéral à nouveau exposé à la censure du
Conseil constitutionnel
Le 6 juillet, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) sur le travail en prison. Alors qu’il y a deux ans le Conseil avait estimé qu’il n’est pas
contraire à la Constitution de priver les travailleurs détenus d’un contrat de travail, il va devoir aujourd’hui dire si
le régime dérogatoire qui leur est imposé respecte les droits et principes constitutionnels.
Travailleur détenu
Soumis à un régime
dérogatoire au droit du
travail: pas de contrat,
des droits au rabais.
Pas de protection sociale.
Pas d’assurance chômage,
pas d’indemnités en cas d’arrêt maladie
ou d’accident du travail.
Pas de congés payés. Un temps de travail
qui doit s’adapter à l’offre.
Pas de droits syndicaux. Pas de moyens de
contester ses conditions de travail. Pas de
droit de regard sur l’emploi proposé.
La QPC, formée par un détenu avec le soutien de l’OIP, cible l’article 33 de la
loi pénitentiaire qui prévoit que les relations de travail font l’objet d’un « acte
d’engagement » établi unilatéralement par l’administration, sans aucune
garantie apportée à l’exercice des droits fondamentaux. Une situation
dénoncée de manière récurrente par de nombreuses voix, dont celle de
l’ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL),
Jean-Marie Delarue, qui évoquait un régime qui a des « relents du XIXème
siècle ». Soumis aux desiderata de l’administration pénitentiaire ou des
entreprises concessionnaires, les travailleurs détenus peuvent être privés
de repos hebdomadaire. Ou ne travailler que quelques heures par mois,
sans compensation des heures chômées. Ils n’ont droit à aucune indemnité
en cas de maladie ou d’accident du travail. Ils ne peuvent prétendre au
salaire minimum, ni se prévaloir d’aucune forme d’expression collective ou
de représentation syndicale. Tout ceci dans un contexte où la médecine du
travail est inexistante, pas plus que le sont les comités d’hygiène, de sécurité
et des conditions de travail (CHSCT) obligatoires en milieu libre.
Pas de médecine du travail, travaille
parfois en cellule dans des conditions
déplorables, sans réel contrôle de
l’inspection du travail.
En juin 2013, une première QPC visant à dénoncer l’exclusion des
travailleurs détenus du bénéfice d’un contrat de travail avait été rejetée.
Immédiatement, la Chancellerie s’était félicitée de ce que le Conseil avait
su « prendre en compte les spécificités du travail en milieu pénitentiaire
salaire
soit 20 à 45 %
en reconnaissant que les règles législatives qui organisent les conditions
du SMIC horaire
de travail des personnes détenues étaient conformes aux droits et libertés
par heure travaillée
1.92 € à 4.32 €
garantis par la Constitution dans son préambule ». Cependant, il s’agissait
là d’une analyse hâtive comme l’avait dénoncé l’OIP à l’époque. Car si
En théorie... Car la pratique dans les ateliers
l’encadrement d’une relation de travail par un contrat et l’application du
de production demeure la rémunération à la pièce.
Code du travail n’est pas une exigence constitutionnelle1, le respect des
droits et principes constitutionnels doit être, quant à lui, toujours garanti. Quel que soit le caractère dérogatoire du régime
appliqué. Or, cet aspect n’avait pas été examiné, le Conseil n’ayant alors été saisi que de la conformité de l’absence de
contrat de travail. C’est sur cette dimension délaissée que le Conseil va devoir se pencher en raison du nouveau recours.
« Au nom de quels principes d’exécution des peines maintenir un dispositif qui s’apparente davantage aux conditions de travail
du premier âge industriel qu’à celle de la France de ce jour ? » se demandait le CGLPL en juin 2013. « Quelle nécessité peut
justifier l’ignorance des règles de droit commun en matière d’hygiène et de sécurité, en matière de relations du travail, en matière
de durée du travail ? »2. Ce sont en somme les questions auxquelles va devoir répondre le Conseil constitutionnel. Il dispose
de trois mois pour le faire.
Contacts OIP : Nicolas Ferran (06.72.70.55.47)
Marie Crétenot (06.84.21.66.97)
(1) Ce principe a été rappelé à diverses reprises s’agissant des fonctionnaires
(2) Communiqué CGLPL, juin 2013
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