Télécharger le journal G.Jeunes n° 6
Transcription
Télécharger le journal G.Jeunes n° 6
n°6 ÉDITÉ PAR LA MUNICIPALITÉ EN COLLABORATION AVEC LE CONSEIL LOCAL DE LA JEUNESSE DE GENNEVILLIERS Témoignage de Laurent Mucchielli page 7 JEUNES ET INSTITUTIONS : RUPTURE OU INCOMPRÉHENSION ? POURQUOI CE THÈME ? Le recul de la croyance dans un possible changement social, le discrédit des élites politiques et le sentiment de ne pas être représenté ont contribué à creuser l’écart entre jeunes et institutions, qu’il s’agisse des collectivités locales, de l’école ou des organismes culturels. Certains chercheurs parlent de « victimation collective » voire, d’une « culture anti-institutionnelle » chez les jeunes. Au point de rupture, on trouve des relations souvent conflictuelles avec la police. Pour faire le point, G-jeunes donne en premier lieu la parole aux intéressés, qu’il s’agisse de jeunes de la commune, de représentants institutionnels ou de chercheurs. Les jeunes font part de leurs difficultés, mais aussi pour certains des champs d’expression qu’ils ont pu trouver. Les adultes donnent un point de vue basé sur les constats faits dans leur vie professionnelle. On souhaitera ici que ces regards croisés permettent une meilleure compréhension et, pourquoi pas, l’esquisse de propositions. Jeunes et institutions : les raisons d’une rupture Débat avec Laurent MUCCHIELLI, (chargé de recherches au CNRS, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales) et Yazid KHERFI consultant en violences urbaines, auteur de l’ouvrage « Repris de justesse ». Jeudi 24 mars à 19h Espace jeunesse (parvis de la mairie, à côté de la Bibliothèque) Renseignements : 01 40 85 60 81. Paroles de jeunes Damien in Baallah Yass (19 ans) (19 ans) Les institutions, il en faut dans une démocratie. Après, il y en a qui voient mal les institutions, surtout les jeunes des quartiers populaires qui se sentent brimés par la police. Après, ils rejettent tous les porteurs d’uniformes : les pompiers, les agents RATP, etc. C’est simpliste parce que la police, il en faut et les pompiers, il en faut encore plus. Pour moi les policiers font leur boulot. Après, il y a des jeunes qui font du business et alors forcément ils voient mal la police. Mais quand on prend des risques, on les assume. Les rap contribuent aussi à diffuser une mauvaise image des institutions. Pour beaucoup de jeunes, les institutions c’est ce que dépeint le rap ou ce que racontent les copains en bas des tours… Moi je ne me sens pas opprimé mais j’essaie de comprendre ce que ressentent les autres. Je ne suis pas noir, je ne suis pas rebeu et je ne peux pas savoir comment la police se comporte avec eux. Mohamed A (28 ans) Camille (19 ans) Pour moi, ça se passe bien. C’est rare que je me rende dans les administrations, mais quand j’y vais, je n’ai aucun problème. Ils font leur travail comme nous, l’accueil est bon. Parfois, il y a trop de paperasse à remplir, mais c’est un service auquel on a droit. Jérémie (21 ans) Personnellement, je ne me sens pas concerné par l’idée d’une rupture avec les institutions ; mais c’est peut-être du à mon cursus parce que je fais des études de droit. Mais il y a beaucoup de jeunes qui sont en dehors de ça. J’ai constaté ce désintéressement de la majorité des jeunes quand j’étais au lycée par exemple. Il y a un espèce de rejet de tout ce qui peut représenter une autorité. C’est flagrant concernant la police. Personnellement, je ne me sens pas en rupture, mais c’est vrai que j’ai des incompréhensions avec cette institution en particulier. A Gennevilliers, je me suis toujours senti bien mais depuis quelques mois… Il n’y a pas longtemps j’ai vu des jeunes se faire contrôler en bas de chez moi, en plein après-midi, pieds nus… Pour moi, la police a autre chose à faire. Mais je suis conscient de la nécessité des forces de police, sinon ce serait une zone de non-droit. Le système éducatif est fait de telle sorte que l’éducation civique reste quelque chose de superficiel. Il faut s’intéresser à l’actualité et à la presse en particulier. Sinon on ne peut pas se construire réellement une opinion de ce que sont les institutions et de leur fonctionnement. 2/MARS 2005 L’Etat, ça ne marche pas toujours très bien. Certaines revendications ne sont pas prises en compte, comme ce qui se passe en ce moment avec l’Ecole et l’Education nationale. Il y a beaucoup de choses à revoir. Certaines institutions fonctionnent bien, d’autres très mal. La mairie de Gennevilliers a mis en place beaucoup de choses pour les jeunes, au niveau de l’emploi, des voyages etc… Dans d’autres communes, on ne les intègre pas assez. Des jeunes sortent du système scolaire, ils ne sont pas aidés pour trouver un boulot, ils sont dévalorisés par rapport aux plus vieux. J’ai vu beaucoup de discriminations à l’école ou dans les entreprises quand on est d’origine étrangère. On remarque vachement de manifestations contre la police, d’agressions de professeurs, etc. mais je pense quand même que ça émane d’une minorité, et que dans l’ensemble, la plupart des jeunes se rendent compte de la chance qu’on a de vivre en France. Quelque chose comme la chance d’aller à l’école, ce n’est pas donné dans tous les pays. Concernant la police, c’est vrai que le passage de Sarkozy au pouvoir n’a pas aidé. La police de proximité c’était une bonne chose et c’est dommage qu’elle n’ait pas été maintenue. Personnellement, je n’ai jamais eu de problèmes avec les institutions officielles et je ne suis pas forcément la mieux placée pour parler de ça. Les gens qui ont de l’hostilité envers l’école ont été largués alors qu’ils auraient du être aidés. Après ils cherchent peut-être à se faire remarquer par d’autres moyens. Mais c’est dommage de l’exprimer comme ça. Je vois qu’il y a des écoles de la deuxième chance qui se développent. Et on voit beaucoup de jeunes qui avaient fait des conneries dans l’école « normale » et qui reviennent. Il y a une rupture de dialogue qui est totale et c’est dommage. Gennevillois gani Romel Nsun (25 ans) Certains « flics » sont un peu durs quand ils interpellent un noir. Ils croient que nous faisons tous du trafic, du business. Des fois, c’est musclé. Moi, j’ai pas trop de problème avec eux, mais j’ai des copains pour lesquels c’est plus difficile. En général, je m’en tire assez bien avec les Institutions, sauf que cela fait une année que je demande la nationalité française et je n’ai pas de réponse. Je suis arrivé du Congo en septembre 2000, je suis préparateur de commande, après deux ans, j’ai eu ma carte de séjour pour dix ans, car je suis demandeur d’asile. Au Congo, je travaillais dans un centre pénitentiaire et j’ai eu des ennuis avec le pouvoir. En France, c’est plus cool. Les Français m’ont beaucoup aidé, c’est un pays bien. onia Chaabane S am Nadia Bouta (21 ans) «Je n’ai jamais eu de problèmes avec les Institutions, que ce soit à l’école ou ailleurs, c’est bien organisé, je trouve ce que je veux. Pour obtenir une bourse nationale, j’ai eu du mal, on me demandait un document sur les impôts et j’ai fait le tour de la mairie. J’ai fini par l’avoir, ça m’a demandé beaucoup d’appels téléphoniques. La première fois, on m’a donné un document qui n’était pas le bon, j’ai du recommencer ma démarche depuis le début. L’administration demande souvent beaucoup trop de papiers. Samir L. (30 ans) (22 ans) Il faut déjà avoir une très bonne expression française, dès que l’on parle, on nous juge. Au Lycée, j’avais beaucoup de mal, je parlais un peu comme une racaille, j’avais beaucoup d’accent et lorsque je devais allez à la mairie ou ailleurs, j’avais peur. Je demandais à mon frère de m’accompagner. J’avais du mal à parler. Il y avait une grande frontière à cause des profs qui me jugeaient mal et me disaient : tu ne sais pas t’exprimer. J’étais bloquée face aux Institutions. Je commençais à trembler, je ne savais plus quoi dire. Je disais toujours « ouais » . J’avais peur même pour aller voir la secrétaire au Lycée, j’étais déstabilisée. J’ai appris à mieux m’exprimer et maintenant, j’aime bien dialoguer. Du coup j’ai appris les langues, je fais une licence de langue étrangère appliquée en Anglais et Espagnol ! Entre jeunes et policiers on a affaire à deux mentalités différentes. Côté policiers on ne va pas généraliser mais il y a beaucoup de discriminations : un jeune qui porte une paire de baskets et qui est contre un mur çà ne passe pas ; un jeune qui rentre du boulot avec un bleu et un sac à dos, çà passe légèrement. Il y a des policiers qui ont à peine 20 ans, 22 ans et qui procèdent à des interpellations un petit peu musclées… Alors les jeunes qui voient çà, qu’est-ce que tu veux qu’ils fassent… Il n’y a pas de retour, pas de contact… Cà parle mal… Les policiers abusent de leur pouvoir. Pas tous… Ce sont surtout les arrivants qui viennent de Calais ou du Limousin et qui ne sont jamais sortis de leur petite campagne. Ils croient que tout est noir et on leur a dit « attention, c’est chaud ». Ils arrivent, ils tombent sur des gens et alors çà chauffe… Il y a la goutte d’eau qui fait déborder le vase… Cà se passe pendant les contrôles d’identité. D’autres fois ils n’ont rien à faire alors ils passent et ils provoquent, ils regardent… Moi en plein été j’étais en bas de chez moi avec des potes, la majorité avaient entre 25 et 33 ans : un policier, un petit jeune, est passé devant nous et nous a fait un doigt d’honneur… On a juste le droit de la fermer. oumata Camara Fat (18 ans) J’ai peu de problème en dehors du service logement. C’est long et je n’ai jamais de réponse, à chaque fois, mon dossier finit par ne plus être valable. On refait le dossier, mais sans réponse ça ne sert à rien. Ma sœur attend depuis quatre ans, elle a trois enfants, au final, elle a été obligée d’aller vivre au Raincy. Il n’ y a pas de solution. 3/MARS 2005 Jeunes et institutions « On apprend rien si on ne fait rien » Anne-Laure PEREZ Anne-Laure, tu es jeune et conseillère municipale à Gennevilliers, - Que pensestu du constat fait par certains chercheurs quand ils attribuent au discrédit des élites politiques la rupture entre jeunes et institutions ? « Je porte un autre regard sur cette question, je crois qu’elle est plus complexe que cela, je ne suis pas sûre qu’il y ait une rupture entre les jeunes et les institutions mais une rupture entre les jeunes et la politique et ce n’est pas la même chose ! Je pense que les jeunes connaissent les institutions et savent à quoi elles servent ! Le problème est que beaucoup d’entre nous avons perdu l’espoir que les choses peuvent changer » Pourquoi et comment as-tu fait le choix de t’engager en politique et de te présenter aux élections ? « Je viens d’un milieu modeste et j’ai pris conscience très jeune des inégalités qui traversent notre planète. Je pense que rien ne justifie de laisser un être humain dans la misère qu’elle soit financière, intellectuelle ou sanitaire. Quand je me suis intéressée de plus près à comment les choses étaient gérées : qui décide ? où ? et comment ? j’ai compris très vite que le système dans lequel nous vivons générait tout un tas d’inégalités pour continuer à fonctionner. C’est ce système que je combats dans mon engagement politique et c’est pourquoi je me suis tournée vers le parti communiste. Me présenter à des élections n’est qu’une des manières de combattre ce système, j’ai été présentée sur une liste avec des gens qui partagent la plupart de mes idées, ensemble nous mettons en œuvre un programme qui correspond à une volonté de changer les choses. » En tant que jeune, comment te sens-tu dans ta «peau» de conseillère municipale ? Comment vis-tu le fonctionnement de l’institution municipale ? Repris de justesse • de Yazid Kherfi - Éditions Syros (2000) - 187 pages • Yazid Kherfi, jeune du Val-Fourré à la fin des années 70 a presque tout connu : les bagarres entre bandes, les rodéos, les casses, les braquages, les copains qui tombent ou qui meurent, l’exil en Algérie, les années de prison. Et puis finalement, l’issue : la réflexion, l’engagement et l’action militante, les études, et la volonté d’agir pour que les générations qui viendront après lui s’en sortent mieux que la sienne. Son livre, Repris de justesse, est le récit de sa vie mais aussi un livre d’idées à discuter : comment on devient violent, quel regard on porte sur ses parents quand on est jeune, maghrébin et habitant d’une cité au début des années 80, comment on bascule de la violence à la délinquance. Bref, un regard honnête et intelligent sur une vie qui aurait pu être gâchée, s’il ne s’était Repris de justesse. 4/MARS 2005 « C’est parfois difficile pour moi, car je suis comme tous les jeunes, je veux que les choses avancent vite et dans le sens que je leur donne. De plus, il est toujours plus difficile d’être crédible auprès des gens quand on est plus jeune, on doit faire beaucoup plus d’efforts, surtout quand on est une jeune femme. Mais je sais que les gens qui m’ont proposé d’être élue me font confiance et puis on n’apprend rien si on ne fait rien. En 4 ans de mandat, j’ai compris que pour faire fonctionner une institution comme la municipalité de Gennevilliers, il faut faire des concessions, savoir écouter tous les points de vue, faire une synthèse de ce que tout le monde dit, les préoccupations de chacun pour faire du commun. C’est le pari que nous avons fait avec la nouvelle équipe municipale : faire du commun et c’est toujours plus difficile que de travailler seul. » CLJ et Police à Gennevilliers : Début décembre 2004 plusieurs actions policières dans le quartier des Grésillons et notamment à la cité Rouge et au 74-115 ont poussé les jeunes à réagir. Deux rencontres avec le maire, les jeunes et les familles, ont eu lieu début décembre. Fortement interpellé par les jeunes, le maire a décidé de convoquer un « CLSPD extraordinaire » en y invitant à s’exprimer 4 jeunes du Conseil Local de la Jeunesse. Un CLSPD (Conseil Local pour la Sécurité et la Prévention de la Délinquance) c’est un groupe qui se réunit régulièrement pour faire le point sur la sécurité et la délinquance sur le territoire. Il comprend le Maire, des élus, le Sous Préfet, le Substitut du procureur (justice), le Directeur Départemental de la sécurité publique, le Commissaire de police de Gennevilliers, le principal du Collège Edouard Vaillant (représentant de l’Éducation nationale) et les associations de Prévention. Le CLSPD extraordinaire s’est tenu le 17 décembre. Les jeunes du CLJ ont pu exprimer leur ras-le-bol, exemples à l’appui (violence et systématisme des interpellations, amalgame entre tous les jeunes, racisme…). Ils ont aussi fait des propositions dont certaines sont déjà mises en œuvre : • des rencontres régulières avec le commissariat pour faire le point sur les relations avec la police dans les quartiers • des tournois sportifs entre jeunes et institutions • un Café Politique et une publication du G-Jeunes consacrés à ce thème • un travail en commun sur un code de bonne conduite réciproque • des films-sketchs humoristiques sur les « incompréhensions » entre jeunes et institutions Une première rencontre pour faire le point avec la commissaire (voir ci-après l’interview de Mme GONTHIER) a eu lieu le 8 mars Rupture ou incompréhension ? « Une relation se construit à plusieurs » HIER Mme GONTe police ed Commissair liers de Gennevil Interview réalisée par Nasser Lajili, CLJ. Cet article a été relu et amendé par Mme Gonthier Madame la Commissaire, qu’avez vous pensé du CLSPD extraordinaire (voir page 4) de décembre dernier et de l’intervention des jeunes du CLJ ? J’ai été étonnée par la démarche parce qu’on n’est pas habitué au commissariat à avoir la jeunesse pour interlocutrice. Par ailleurs, je ne pensais pas qu’il y avait une telle incompréhension entre les jeunes gennevillois et la police. Sans le CLSPD je ne l’aurais pas su. Et puis j’ai été agréablement surprise parce que la réunion a été constructive : nous nous sommes exprimés et avons fait passer un certain nombre de messages des deux côtés. On a vu qu’il y avait des choses qui pouvaient se résoudre par le relationnel. Il y aurait eu des réunions auparavant avec les jeunes du CLJ, je pense qu’il n’existerait pas un tel malaise. Est-ce que vous vous êtes fait échos de cette réunion auprès des agents de police et quelle a été leur réaction ? J’en ai discuté avec les effectifs. Personne n’avait l’impression que la situation était si mauvaise. Je ne peux pas garantir que 100 % des agents respectent le code de déontologie mais dans toute profession il y a un petit pourcentage qui sort du cadre. Peut être que certains de mes agents se sont remis en question suite à la réunion. C’est à dire ? Moi la première ! Si on veut pouvoir évoluer, il faut aussi réfléchir et savoir se remettre en question : c’est une règle de vie générale. Au CLSPD, j’ai vu des jeunes responsables qui avaient une attitude constructive, nous ont écouté et ont fait des propositions. Cela tranche avec l’image du jeune véhiculée par notre société. Justement, qu’est-ce que vous pensez de manière générale des relations entre les jeunes et la police ? C’est difficile de répondre : il n’y a pas un jeune type mais des jeunes ! Par ailleurs, la police est une administration mais pas tout à fait comme les autres : elle incarne la force publique. Il y a des personnes qui l’acceptent parce qu’en démocratie, il faut une administration qui puisse intervenir pour réguler les conflits et assurer la sécurité. Mais il y a des personnes qui nous voient uniquement comme répressif et une entrave à leur liberté. Personnellement, je pense que rien n’est tout blanc et rien n’est tout noir : la police ce n’est pas le méchant ou le justicier. La police ce sont des hommes et des femmes qui réagissent avec leur caractère, leurs émotions et surtout leurs acquis professionnels. Un bon policier c’est quelqu’un qui sait garder son sang-froid et faire appliquer les règlements sans faire de différences entre jeunes et personnes âgées et sans distinction de profession, religion ou origine. Est-ce que vous avez des conseils à donner aux jeunes dans leurs relations avec la police ? Oui ! (Rires) Une relation se construit à plusieurs : qui dit bonnes relations dit efforts réciproques. Les jeunes doivent s’interroger sur les fondements de leurs problèmes relationnels. Je ne dis pas qu’on est toujours calmes. Chez nous aussi il y a des gens jeunes qui ont besoin de trouver leurs repères professionnels, manquant encore d’expérience. Certains agents très jeunes n’ont peut-être pas tout le vécu nécessaire pour aborder les gens sans qu’ils se sentent agressés. Nous avons un devoir d’exemplarité : être respectueux et courtois. Mais il faut des efforts des deux côtés. Que pensez-vous pouvoir faire pour que la situation s’améliore pour les jeunes de Gennevilliers ? Moi toute seule je peux rien faire ! Au quotidien, c’est le respect mutuel de part et d’autre qui importe. Nos techniques d’interpellation ne sont pas faîtes pour humilier mais pour bien faire notre travail et assurer la sécurité des agents. Mais je peux aussi rencontrer régulièrement le CLJ pour faire part de nos problèmes respectifs : les policiers aussi de manière générale se sentent parfois incompris ! C’est en particulier le cas lorsqu’ils sont déconsidérés alors qu’ils viennent pour prêter assistance à la population. Que faire en cas de maltraitance policière ? Si vous êtes victime d’injures ou de violences par des policiers à Gennevilliers : écrire une lettre à l’attention de Madame la Commissaire (Commissariat de police – 19 av Libération – 92230 Gennevilliers – 01 40 85 13 31) détaillant les faits très précisément : heure, lieu, date, cadre du contrôle, nature de l’incident (donner les détails complets et éviter les considérations générales) et éventuellement matricule de l’agent ou du véhicule. Madame la Commissaire garantit la confidentialité de tous les courriers envoyés et une réponse pour tous les courriers « sérieux ». Si nécessaire on peut également s’adresser à Monsieur CHABROL, Directeur départemental de la Sécurité Publique (Préfecture de Nanterre - 167 av F. et I. Joliot Curie 92013 Nanterre – 0821 80 30 92) voire à l’IGS (Inspection générale des Services – Préfecture de police – 7, bd du Palais – 75195 Paris cedex 04 – 01 53 71 53 71). 5/MARS 2005 Jeunes et institutions B ANNAe V A C d ir ervato ernar u Cons d r u e t Direc Varèse Edgar Le conservatoire peut être perçu comme une institution. Déjà le bâtiment est assez imposant. Il y a aussi le sigle : école nationale de musique. Donc forcément çà amène l’idée qu’il s’agit d’un établissement institutionnel. En plus la musique, conservatoire… Il y a plein de termes qui sont un peu grandiloquents et, il ne faut pas le nier, il y a une partie de cette école là qui prépare les musiciens à être professionnels. Mais il y a une toute autre partie qu’on ignore beaucoup, çà a été le thème de notre récente campagne d’affichage, qui est notre vocation première : c’est avant tout une école municipale. Elle est près de ses habitants et permet l’abord de la musique, quels que soient les styles, de pratiquer l’étude d’un instrument dans les meilleures conditions possibles, c’està-dire avec des profs qui sont extrêmement réputés, bien formés. Et puis il y a aussi des facilités d’accès : on vous prête les instruments, il y a des cotisations en fonction du quotient familial… Donc c’est quand même d’un accès très facile. Mais les gennevillois ne le savent pas. Nous faisons énormément de concerts par exemple. Nous faisons 42 concerts par an pour les écoles. Et à chaque fois les jeunes nous disent qu’ils aimeraient travailler, venir ici, pratiquer un instrument, mais çà ne fait pas le pas avec les parents. C’est très difficile parce que les parents s’imaginent que c’est encore un soucis de plus : l’achat d’un instrument, amener l’enfant… Dès qu’ils ont passé cette barrière, on prend les enfants en charge et çà se passe très facilement. L’autre problème est que la musique classique est associée à une musique de vieux, une musique has been, alors que nos enseignants sont très au fait de 6/MARS 2005 toutes les musiques actuelles. De plus, l’étude classique d’un instrument est la plus neutre. Elle permet d’acquérir de bonnes bases et ensuite de travailler dans des directions différentes : rap, techno, variété, jazz… Et nous faisons des ponts par ailleurs. J’ai beaucoup contribué à faire connaître Dgiz qui maintenant tourne en France et même un peu à l’étranger et joue avec beaucoup de jazzmen, notamment Louis Sclavis,Vincent Courtois, Chevillon… C’est un grand ami. On se connaît maintenant depuis cinq ans. Au départ c’est nous qui avons pris l’initiative. On a été les voir avec nos instruments classiques et nous leur avons dit « mais pourquoi vous faites vos instru soit avec du pillage de disques soit avec des instruments électroniques qui étaient « Apporter au plus grand nombre » un peu désuets ». Et le mariage s’est fait comme çà. Et maintenant il « slamme » beaucoup, soit tout seul bien sûr, soit avec un ou deux instruments, des jazzmen ou des musiciens classiques. C’est quelqu’un qui a su s’ouvrir. Mais on a quand même ce constat, à l’adolescence, des mômes qui refusent de faire partie d’un orchestre, parce qu’ils ont l’impression que c’est ringard, que c’est vieillot. C’est un peu comme nous si on nous demandait de faire les majorettes, de lancer le bâton… Cà a un peu cette connotation là et c’est pas facile à casser à l’adolescence (pas à l’enfance : à l’enfance il n’y a pas de problème). On a même des réflexions de mômes qui nous disent « je veux bien faire les répétitions dans l’orchestre, mais pas le concert » parce qu’ils ont peur d’être vus par leurs potes. L’actuelle campagne de communication ne concerne pas que le conservatoire. Il y a aussi d’autres institutions qui vont être touchées : le cinéma, l’école d’arts plastiques, la médiathèque. Il y a des outils qui sont magnifiques. Il y a aussi une volonté municipale qui est d’apporter le maximum à la population. Un conservatoire c’est un établissement qui coûte cher. C’est quand même des cours particuliers (l’étude de l’instrument est individuelle, même s’il y a des cours collectifs). Dans d’autres municipalités il y a un conservatoire avec une immense liste d’attente. Ici on a plutôt la volonté d’apporter au plus grand nombre, c’est-à-dire de résorber la liste d’attente et de développer les classes. Rupture ou incompréhension ? Les jeunes ont des valeurs et des repères 1° quelles sont selon vous les causes de l’aggravation des « violences contre les institutions » observée depuis une quinzaine d’années ? Je crois qu’il y a deux phénomènes qui se cumulent. Le premier c’est le renforcement de la « ghéttoïsation », c’est-à-dire d’une part de la concentration dans l’espace des mêmes populations précarisées par l’échec scolaire et le chômage, d’autre part de leur fixation dans le temps : de pères en fils. Cela produit à la longue des sentiments logiques d’injustice, de fatalisme ou de révolte. Cette ghettoïsation est renforcée par le fait que ces populations précarisées sont massivement issues de l’immigration, principalement maghrébine et noire africaine. Comme il n’y a plus de conscience de classe liée au mouvement ouvrier, c’est cette condition d’« enfants d’immigrés » qui fait lien dans les consciences, créant ce que j’appelle les sentiments de victimation collective, qui s’articulent sur le racisme réel (toutes les discriminations, petites ou grandes, vécues par les personnes depuis l’enfance) aussi bien que sur le racisme fantasmé (le fait de croire que toute la société française est raciste, ce qui est faux). Le second phénomène c’est le caractère inadapté de la réponse de ces institutions. Localement, les pouvoirs publics balancent souvent entre l’achat de la paix sociale et la répression policière. Dans les deux cas, les institutions ne donnent pas une bonne image d’elles et risquent de renforcer ces sentiments de victimation collective. 2° Qu’est-ce que vous entendez par « crise de légitimité » des institutions ? J’emploie cette expression pour bien la distinguer de ce qu’on appelle trop souvent dans le débat public la « crise de l’autorité », avec son corollaire de lieux communs issus du café du commerce : les jeunes qui n’ont plus de valeur ni de repère, les parents qui sont démissionnaires, les enseignants qui ne peuvent plus enseigner, la justice qui est laxiste, CHIELLI C U M t n e r u La etcetera. Tout cela est faux. Les jeunes ont des valeurs et des repères et qui ne sont qu’en partie différents de ceux des adultes qui les entourent. Les parents sont souvent désemparés et en manque de solutions mais ils sont généralement tout à fait préoccupés par l’avenir de leurs enfants. Les enseignants peuvent travailler s’ils parviennent à s’adapter à leur public et s’ils sont soutenus par l’administration scolaire et par les services sociaux. Quant à la justice, elle ne cesse d’inventer de nouveaux modes de traitement de la petite délinquance, depuis les rappels à la loi jusqu’à l’entrée dans les nouvelles prisons pour mineurs que l’on est en train d’achever de construire. Les institutions sont donc bien là et leur autorité ne fait aucun doute. Par contre, dans les quartiers atteints par le processus de ghettoïsation, c’est bien leur légitimité qui est atteinte. A fortiori lorsque leur fonctionnement concret renforce les sentiments de victimation, c’est-à-dire lorsque les fonctionnaires donnent le sentiment de mépriser leur public. 3° Pourquoi le contentieux avec la police a t-il selon vous un caractère «central» à la mauvaise perception des institutions par les jeunes ? Pour le père ou la mère de famille au chômage, c’est souvent davantage le travailleur social qui représente les institutions, parce que c’est lui qu’on voit le plus souvent. Pour les enfants, ce sont les enseignants. Mais pour les adolescents qui ont investi la culture de la rue, a fortiori pour les jeunes en voie de marginalisation qui n’ont plus que la rue comme espace à s’approprier, le seul représentant des institutions que l’on est amené à croiser dans la journée ou en soirée, c’est la police. Dès lors, la confrontation avec la police est forcément structurante pour ces jeunes. Et comme en général cela se passe mal, l’agressivité qui naît et qui s’accumule dans cette confrontation rejaillit aussi sur le reste. Vous ne verrez jamais un camion de pompiers se faire caillasser dans un quartier à un moment où tout est calme. Par contre, si les altercations avec la police ont fait monter la tension depuis deux semaines, cela peut déborder sur autre chose. 4° Comment pourrait-on selon vous rétablir une situation pacifiée ? Je serai logique avec ce que j’ai dit plus haut. Une partie du problème pourrait être réglée si les institutions acceptaient de changer leurs fonctionnements (y compris leur gestion du personnel) pour pratiquer intensément la médiation, la concertation, l’accompagnement et la prévention. Ce qui supposerait qu’on leur en donne les moyens, c’est-à-dire que l’on embauche des assistantes sociales, des éducateurs, des psychologues, dûment formés. Mais cela ne suffirait pas si, dans le même temps, nous demeurions dans une société de chômage de masse. Laurent Mucchielli est sociologue, chercheur au CNRS, directeur du CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), auteur notamment de Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français (La Découverte, 2002) et de Le scandale des « tournantes ». Dérives médiatiques, contre-enquête sociologique (La Découverte, 2005). http://www.groupeclaris.com ainsi que : http://laurent.mucchielli.free.fr 7/MARS 2005 « Un apprentissage de la vie » Les deux ans des Assises OFFERocial H A s AFIW dans le , 26 ans La place des jeunes dans cette société me tient énormément à cœur. J’ai décidé de faire partie des associations qui défendaient les mêmes valeurs que moi. Je fais partie du conseil local de la jeunesse de Gennevilliers. Je siège également en tant que représentante des jeunes au Conseil départemental et sur le plan national... C’est quoi pour moi le Conseil national de la jeunesse ? Le CNJ est composé de quatre commissions qui ont travaillé pendant six mois : cohésion sociale, parcours individuel, engagement et Europe. J’ai choisi de m’intégrer dans la commission cohésion sociale. On a travaillé sur le thème du handicap. On s’est penché sur la question « comment améliorer l’intégration des personnes en situation d’handicap ? ». Aujourd’hui on peut encore difficilement parler d’une réelle intégration des personnes en situation d’handicap. Notre environnement quotidien doit aussi être le leur. Il devient, par ailleurs, urgent de faire évoluer le regard de chacun. C’est dans cette perspective que la commission a fait ses propositions au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative M. Jean-François LAMOUR, et par M. MADRANGES directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire le travail 5ans depuis et de la vie associative. Nos propositions tournent autour de l’accessibilité, l’insertion professionnelle, de la formation des professionnels et des familles, du rôle fondamental de l’action éducative. Dans tous les cas, seule une politique volontariste en matière d’handicap pourra contribuer à améliorer l’intégration des personnes en situation d’handicap. J’espère vous avoir donné envie de croire en nos valeurs et d’aller jusqu’au bout. Car on est écouté et pris au sérieux. « L’engagement est à la fois une réflexion d’un individu, c’est l’ensemble de la société qui va bénéficier de l’action qui en découle. Les plus grandes et belles choses se sont faites grâce à des hommes engagés … » L’un des plus beaux exemples est le CNJ, c’est accessible à tous les jeunes (18 – 26 ans). Si je peux me permettre de donner un conseil aux jeunes GENNEVILLOIS c’est d’abord d’exister aux Assises car vous pouvez faire bouger les choses à longs terme. Je vais finir par ces mots : « SAVOIR ECOUTER, SAVOIR DONNER DE SA PERSONNE … DES GENS DIRAIENT QUE C’EST DE LA SOLIDARITE MAIS POUR MOI C’EST UN APPRENTISSAGE DE LA VIE. » G-Jeunes : Espace jeunesse, 177, avenue Gabriel-Péri 92230 Gennevilliers - Tél. 01 40 85 60 81 [email protected] - N'hésitez pas à nous contacter pour participer à ce journal ! 8/MARS 2005 Le 15 mars 2003, lors des « Assises de la ville », les élus locaux prenaient près de 250 engagements issus des multiples échanges publics organisés avec la population et répartis en cinq thématiques. Deux ans après, tous les acteurs des « Assises », tous les membres de l’Observatoire des engagements, tous les Gennevillois sont invités à dresser le bilan. Parmi les décisions prises lors des Assises, un grand nombre concernent directement la jeunesse : étude de la faisabilité d’un café qui serait un lieu de débats et d’informations, initier des rencontres entre les générations, développer les échanges avec El Bireh (Palestine) et les villes jumelées, mener une expérimentation de journal en direction des jeunes, étudier la création d’un observatoire des discriminations… Le 9 avril à la salle des fêtes, les rapporteurs des groupes présenteront leur rapport en séance publique ouverte à la population. Un rendez-vous à ne pas manquer par les jeunes qui pourront s’exprimer tous sur les sujets qui les concernent. Etudiants gennevillois La salle d’étude de l’espace des Grésillons ré-ouvre ses portes Réservée aux bénéficiaires de la CLE (Contribution locale étudiante) cette salle équipée en matériel informatique permet de travailler au calme. Vous y trouverez également un animateur, étudiant luimême, qui vous donnera des conseils sur l’organisation et les méthodes de travail (rapport de stage, révisions, scolarité…) et vous informera sur les initiatives du Réseau étudiant gennevillois. Horaires d’ouverture : Lundi : 20h30-23h Mardi : 20h30-23h - Mercredi : 19h30-23h Vendredi : 20h30-23h Espace Educatif des Grésillons, 30-40 rue François Kovac Renseignements : 01 40 85 60 32 (Espace des Grésillons) ou 01 40 85 60 81 (SMJ)