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n°6
ÉDITÉ PAR LA MUNICIPALITÉ
EN COLLABORATION AVEC LE CONSEIL LOCAL DE LA JEUNESSE DE GENNEVILLIERS
Témoignage de Laurent
Mucchielli page 7
JEUNES ET INSTITUTIONS :
RUPTURE OU
INCOMPRÉHENSION ?
POURQUOI CE THÈME ?
Le recul de la croyance dans un possible changement social, le
discrédit des élites politiques et le sentiment de ne pas être représenté ont contribué à creuser l’écart entre jeunes et institutions,
qu’il s’agisse des collectivités locales, de l’école ou des organismes
culturels. Certains chercheurs parlent de « victimation collective »
voire, d’une « culture anti-institutionnelle » chez les jeunes. Au
point de rupture, on trouve des relations souvent conflictuelles
avec la police. Pour faire le point, G-jeunes donne en premier lieu
la parole aux intéressés, qu’il s’agisse de jeunes de la commune,
de représentants institutionnels ou de chercheurs. Les jeunes font
part de leurs difficultés, mais aussi pour certains des champs d’expression qu’ils ont pu trouver. Les adultes donnent un point de
vue basé sur les constats faits dans leur vie professionnelle. On
souhaitera ici que ces regards croisés permettent une meilleure
compréhension et, pourquoi pas, l’esquisse de propositions.
Jeunes et institutions :
les raisons d’une rupture
Débat avec Laurent MUCCHIELLI,
(chargé de recherches au CNRS,
directeur du Centre de recherches
sociologiques sur le Droit et les Institutions
Pénales) et Yazid KHERFI consultant
en violences urbaines, auteur de l’ouvrage
« Repris de justesse ».
Jeudi 24 mars à 19h
Espace jeunesse
(parvis de la mairie,
à côté de la Bibliothèque)
Renseignements : 01 40 85 60 81.
Paroles de jeunes
Damien
in
Baallah Yass
(19 ans)
(19 ans)
Les institutions, il en faut dans une
démocratie. Après, il y en a qui
voient mal les institutions, surtout
les jeunes des quartiers populaires
qui se sentent brimés par la police.
Après, ils rejettent tous les porteurs d’uniformes : les pompiers,
les agents RATP, etc. C’est simpliste parce que la police, il en faut et les
pompiers, il en faut encore plus. Pour moi les policiers font leur boulot.
Après, il y a des jeunes qui font du business et alors forcément ils voient
mal la police. Mais quand on prend des risques, on les assume. Les rap
contribuent aussi à diffuser une mauvaise image des institutions. Pour
beaucoup de jeunes, les institutions c’est ce que dépeint le rap ou ce que
racontent les copains en bas des tours… Moi je ne me sens pas opprimé
mais j’essaie de comprendre ce que ressentent les autres. Je ne suis pas
noir, je ne suis pas rebeu et je ne peux pas savoir comment la police se
comporte avec eux.
Mohamed A
(28 ans)
Camille
(19 ans)
Pour moi, ça se passe bien. C’est rare que je me rende dans les administrations, mais quand j’y vais, je n’ai aucun problème. Ils font leur travail
comme nous, l’accueil est bon. Parfois, il y a trop de paperasse à remplir,
mais c’est un service auquel on a droit.
Jérémie
(21 ans)
Personnellement, je ne me sens pas concerné par l’idée d’une rupture avec les institutions ; mais c’est peut-être du à mon cursus
parce que je fais des études de droit. Mais il
y a beaucoup de jeunes qui sont en dehors
de ça. J’ai constaté ce désintéressement de
la majorité des jeunes quand j’étais au lycée
par exemple. Il y a un espèce de rejet de
tout ce qui peut représenter une autorité. C’est flagrant concernant la police.
Personnellement, je ne me sens pas en rupture, mais c’est vrai que j’ai des
incompréhensions avec cette institution en particulier. A Gennevilliers, je me
suis toujours senti bien mais depuis quelques mois… Il n’y a pas longtemps
j’ai vu des jeunes se faire contrôler en bas de chez moi, en plein après-midi,
pieds nus… Pour moi, la police a autre chose à faire. Mais je suis conscient
de la nécessité des forces de police, sinon ce serait une zone de non-droit. Le
système éducatif est fait de telle sorte que l’éducation civique reste quelque
chose de superficiel. Il faut s’intéresser à l’actualité et à la presse en particulier. Sinon on ne peut pas se construire réellement une opinion de ce que sont
les institutions et de leur fonctionnement.
2/MARS 2005
L’Etat, ça ne marche
pas toujours très bien.
Certaines revendications
ne sont pas prises en
compte, comme ce qui
se passe en ce moment
avec l’Ecole et l’Education
nationale. Il y a beaucoup de choses à revoir. Certaines
institutions fonctionnent bien, d’autres très mal. La mairie
de Gennevilliers a mis en place beaucoup de choses pour
les jeunes, au niveau de l’emploi, des voyages etc… Dans
d’autres communes, on ne les intègre pas assez. Des
jeunes sortent du système scolaire, ils ne sont pas aidés
pour trouver un boulot, ils sont dévalorisés par rapport aux
plus vieux. J’ai vu beaucoup de discriminations à l’école ou
dans les entreprises quand on est d’origine étrangère.
On remarque
vachement
de manifestations contre la
police, d’agressions de professeurs, etc. mais je pense quand
même que ça émane d’une minorité, et que
dans l’ensemble, la plupart des jeunes se rendent compte de la chance qu’on a de vivre
en France. Quelque chose comme la chance
d’aller à l’école, ce n’est pas donné dans tous
les pays. Concernant la police, c’est vrai que le
passage de Sarkozy au pouvoir n’a pas aidé.
La police de proximité c’était une bonne chose
et c’est dommage qu’elle n’ait pas été maintenue. Personnellement, je n’ai jamais eu de problèmes avec les institutions officielles et je ne
suis pas forcément la mieux placée pour parler
de ça. Les gens qui ont de l’hostilité envers
l’école ont été largués alors qu’ils auraient du
être aidés. Après ils cherchent peut-être à se
faire remarquer par d’autres moyens. Mais
c’est dommage de l’exprimer comme ça. Je vois
qu’il y a des écoles de la deuxième chance qui
se développent. Et on voit beaucoup de jeunes
qui avaient fait des conneries dans l’école
« normale » et qui reviennent. Il y a une rupture de dialogue qui est totale et c’est dommage.
Gennevillois
gani
Romel Nsun
(25 ans)
Certains « flics » sont un peu durs quand ils interpellent un noir. Ils croient que nous faisons tous du trafic, du
business. Des fois, c’est musclé. Moi, j’ai pas trop de problème avec eux, mais j’ai des copains pour lesquels
c’est plus difficile. En général, je m’en tire assez bien avec les Institutions, sauf que cela fait une année que
je demande la nationalité française et je n’ai pas de réponse. Je suis arrivé du Congo en septembre 2000, je
suis préparateur de commande, après deux ans, j’ai eu ma carte de séjour pour dix ans, car je suis demandeur
d’asile. Au Congo, je travaillais dans un centre pénitentiaire et j’ai eu des ennuis avec le pouvoir. En France,
c’est plus cool. Les Français m’ont beaucoup aidé, c’est un pays bien.
onia
Chaabane S
am
Nadia Bouta
(21 ans)
«Je n’ai jamais eu de problèmes avec les Institutions,
que ce soit à l’école ou ailleurs, c’est bien organisé, je
trouve ce que je veux. Pour obtenir une bourse nationale,
j’ai eu du mal, on me demandait un document sur les
impôts et j’ai fait le tour de la mairie. J’ai fini par l’avoir,
ça m’a demandé beaucoup d’appels téléphoniques. La
première fois, on m’a donné un document qui n’était
pas le bon, j’ai du recommencer ma démarche depuis le
début. L’administration demande souvent beaucoup trop
de papiers.
Samir L.
(30 ans)
(22 ans)
Il faut déjà avoir une très bonne
expression française, dès que l’on
parle, on nous juge. Au Lycée,
j’avais beaucoup de mal, je parlais
un peu comme une racaille, j’avais
beaucoup d’accent et lorsque je
devais allez à la mairie ou ailleurs,
j’avais peur. Je demandais à mon
frère de m’accompagner. J’avais du
mal à parler. Il y avait une grande
frontière à cause des profs qui me
jugeaient mal et me disaient : tu
ne sais pas t’exprimer. J’étais bloquée face aux Institutions.
Je commençais à trembler, je ne savais plus quoi dire. Je
disais toujours « ouais » . J’avais peur même pour aller voir
la secrétaire au Lycée, j’étais déstabilisée. J’ai appris à mieux
m’exprimer et maintenant, j’aime bien dialoguer. Du coup
j’ai appris les langues, je fais une licence de langue étrangère
appliquée en Anglais et Espagnol !
Entre jeunes et policiers on a affaire à deux
mentalités différentes. Côté policiers on ne va
pas généraliser mais il y a beaucoup de discriminations : un jeune qui porte une paire de
baskets et qui est contre un mur çà ne passe
pas ; un jeune qui rentre du boulot avec un
bleu et un sac à dos, çà passe légèrement. Il
y a des policiers qui ont à peine 20 ans, 22 ans et qui procèdent à des interpellations un petit peu musclées… Alors les jeunes qui voient çà, qu’est-ce que tu veux
qu’ils fassent… Il n’y a pas de retour, pas de contact… Cà parle mal… Les policiers abusent de leur pouvoir. Pas tous… Ce sont surtout les arrivants qui viennent
de Calais ou du Limousin et qui ne sont jamais sortis de leur petite campagne. Ils
croient que tout est noir et on leur a dit « attention, c’est chaud ». Ils arrivent, ils
tombent sur des gens et alors çà chauffe… Il y a la goutte d’eau qui fait déborder
le vase… Cà se passe pendant les contrôles d’identité. D’autres fois ils n’ont rien à
faire alors ils passent et ils provoquent, ils regardent… Moi en plein été j’étais en
bas de chez moi avec des potes, la majorité avaient entre 25 et 33 ans : un policier, un petit jeune, est passé devant nous et nous a fait un doigt d’honneur… On
a juste le droit de la fermer.
oumata
Camara Fat
(18 ans)
J’ai peu de problème en dehors du
service logement. C’est long et je n’ai
jamais de réponse, à chaque fois,
mon dossier finit par ne plus être
valable. On refait le dossier, mais
sans réponse ça ne sert à rien. Ma
sœur attend depuis quatre ans, elle
a trois enfants, au final, elle a été
obligée d’aller vivre au Raincy. Il n’ y
a pas de solution.
3/MARS 2005
Jeunes et institutions
« On apprend rien
si on ne fait rien »
Anne-Laure
PEREZ
Anne-Laure, tu es jeune et
conseillère municipale à
Gennevilliers, - Que pensestu du constat fait par certains
chercheurs quand ils attribuent
au discrédit des élites politiques
la rupture entre jeunes et institutions ?
« Je porte un autre regard sur
cette question, je crois qu’elle est
plus complexe que cela, je ne suis
pas sûre qu’il y ait une rupture
entre les jeunes et les institutions
mais une rupture entre les jeunes
et la politique et ce n’est pas la
même chose ! Je pense que les
jeunes connaissent les institutions
et savent à quoi elles servent !
Le problème est que beaucoup
d’entre nous avons perdu l’espoir
que les choses peuvent changer »
Pourquoi et comment as-tu fait
le choix de t’engager en politique et de te présenter aux
élections ?
« Je viens d’un milieu modeste
et j’ai pris conscience très jeune
des inégalités qui traversent notre
planète. Je pense que rien ne justifie de laisser un être humain
dans la misère qu’elle soit financière, intellectuelle ou sanitaire.
Quand je me suis intéressée de
plus près à comment les choses
étaient gérées : qui décide ? où ?
et comment ? j’ai compris très
vite que le système dans lequel
nous vivons générait tout un tas
d’inégalités pour continuer à
fonctionner. C’est ce système que
je combats dans mon engagement politique et c’est pourquoi
je me suis tournée vers le parti
communiste. Me présenter à des
élections n’est qu’une des manières de combattre ce système, j’ai
été présentée sur une liste avec
des gens qui partagent la plupart
de mes idées, ensemble nous
mettons en œuvre un programme qui correspond à une volonté
de changer les choses. »
En tant que jeune, comment te
sens-tu dans ta «peau» de conseillère municipale ? Comment
vis-tu le fonctionnement de
l’institution municipale ?
Repris de justesse
• de Yazid Kherfi - Éditions Syros (2000) - 187 pages
• Yazid Kherfi, jeune du Val-Fourré à la fin des années 70 a presque
tout connu : les bagarres entre bandes, les rodéos, les casses, les
braquages, les copains qui tombent ou qui meurent, l’exil en Algérie,
les années de prison. Et puis finalement, l’issue : la réflexion, l’engagement et l’action militante, les études, et la volonté d’agir pour
que les générations qui viendront après lui s’en sortent mieux que la
sienne.
Son livre, Repris de justesse, est le récit de sa vie mais aussi un livre
d’idées à discuter : comment on devient violent, quel regard on
porte sur ses parents quand on est jeune, maghrébin et habitant
d’une cité au début des années 80, comment on bascule de la violence à la délinquance. Bref, un regard honnête et intelligent sur une
vie qui aurait pu être gâchée, s’il ne s’était Repris de justesse.
4/MARS 2005
« C’est parfois difficile pour moi,
car je suis comme tous les jeunes,
je veux que les choses avancent
vite et dans le sens que je leur
donne. De plus, il est toujours
plus difficile d’être crédible auprès
des gens quand on est plus jeune,
on doit faire beaucoup plus d’efforts, surtout quand on est une
jeune femme. Mais je sais que les
gens qui m’ont proposé d’être
élue me font confiance et puis on
n’apprend rien si on ne fait rien.
En 4 ans de mandat, j’ai compris
que pour faire fonctionner une
institution comme la municipalité
de Gennevilliers, il faut faire des
concessions, savoir écouter tous
les points de vue, faire une synthèse de ce que tout le monde
dit, les préoccupations de chacun
pour faire du commun. C’est le
pari que nous avons fait avec la
nouvelle équipe municipale : faire
du commun et c’est toujours plus
difficile que de travailler seul. »
CLJ et Police à Gennevilliers :
Début décembre 2004 plusieurs actions policières dans le quartier
des Grésillons et notamment à la cité Rouge et au 74-115 ont poussé
les jeunes à réagir.
Deux rencontres avec le maire, les jeunes et les familles, ont eu
lieu début décembre. Fortement interpellé par les jeunes, le maire
a décidé de convoquer un « CLSPD extraordinaire » en y invitant à
s’exprimer 4 jeunes du Conseil Local de la Jeunesse.
Un CLSPD (Conseil Local pour la Sécurité et la Prévention de la
Délinquance) c’est un groupe qui se réunit régulièrement pour
faire le point sur la sécurité et la délinquance sur le territoire. Il
comprend le Maire, des élus, le Sous Préfet, le Substitut du procureur (justice), le Directeur Départemental de la sécurité publique,
le Commissaire de police de Gennevilliers, le principal du Collège
Edouard Vaillant (représentant de l’Éducation nationale) et les associations de Prévention.
Le CLSPD extraordinaire s’est tenu le 17 décembre. Les jeunes du
CLJ ont pu exprimer leur ras-le-bol, exemples à l’appui (violence et
systématisme des interpellations, amalgame entre tous les jeunes,
racisme…).
Ils ont aussi fait des propositions dont certaines sont déjà mises en
œuvre :
• des rencontres régulières avec le commissariat pour faire le point
sur les relations avec la police dans les quartiers
• des tournois sportifs entre jeunes et institutions
• un Café Politique et une publication du G-Jeunes consacrés à ce
thème
• un travail en commun sur un code de bonne conduite réciproque
• des films-sketchs humoristiques sur les « incompréhensions » entre
jeunes et institutions
Une première rencontre pour faire le point avec la commissaire (voir
ci-après l’interview de Mme GONTHIER) a eu lieu le 8 mars
Rupture ou incompréhension ?
« Une relation se
construit à plusieurs »
HIER
Mme GONTe police
ed
Commissair
liers
de Gennevil
Interview réalisée par Nasser Lajili, CLJ.
Cet article a été relu et amendé par
Mme Gonthier
Madame la Commissaire, qu’avez vous
pensé du CLSPD extraordinaire (voir page
4) de décembre dernier et de l’intervention des jeunes du CLJ ?
J’ai été étonnée par la démarche parce qu’on
n’est pas habitué au commissariat à avoir la
jeunesse pour interlocutrice. Par ailleurs, je
ne pensais pas qu’il y avait une telle incompréhension entre les jeunes gennevillois et la
police. Sans le CLSPD je ne l’aurais pas su.
Et puis j’ai été agréablement surprise parce
que la réunion a été constructive : nous nous
sommes exprimés et avons fait passer un certain nombre de messages des deux côtés. On
a vu qu’il y avait des choses qui pouvaient se
résoudre par le relationnel. Il y aurait eu des
réunions auparavant avec les jeunes du CLJ, je
pense qu’il n’existerait pas un tel malaise.
Est-ce que vous vous êtes fait échos de
cette réunion auprès des agents de police
et quelle a été leur réaction ?
J’en ai discuté avec les effectifs. Personne
n’avait l’impression que la situation était si
mauvaise. Je ne peux pas garantir que 100 %
des agents respectent le code de déontologie
mais dans toute profession il y a un petit
pourcentage qui sort du cadre. Peut être que
certains de mes agents se sont remis en question suite à la réunion.
C’est à dire ?
Moi la première ! Si on veut pouvoir évoluer,
il faut aussi réfléchir et savoir se remettre en
question : c’est une règle de vie générale.
Au CLSPD, j’ai vu des jeunes responsables
qui avaient une attitude constructive, nous
ont écouté et ont fait des propositions. Cela
tranche avec l’image du jeune véhiculée par
notre société.
Justement, qu’est-ce que vous pensez de
manière générale des relations entre les
jeunes et la police ?
C’est difficile de répondre : il n’y a pas un
jeune type mais des jeunes ! Par ailleurs, la
police est une administration mais pas tout
à fait comme les autres : elle incarne la force
publique. Il y a des personnes qui l’acceptent
parce qu’en démocratie, il faut une administration qui puisse intervenir pour réguler
les conflits et assurer la sécurité. Mais il y a
des personnes qui nous voient uniquement
comme répressif et une entrave à leur liberté.
Personnellement, je pense que rien n’est tout
blanc et rien n’est tout noir : la police ce n’est
pas le méchant ou le justicier. La police ce
sont des hommes et des femmes qui réagissent avec leur caractère, leurs émotions et
surtout leurs acquis professionnels. Un bon
policier c’est quelqu’un qui sait garder son
sang-froid et faire appliquer les règlements
sans faire de différences entre jeunes et personnes âgées et sans distinction de profession,
religion ou origine.
Est-ce que vous avez des conseils à donner aux jeunes dans leurs relations avec la
police ?
Oui ! (Rires) Une relation se construit à plusieurs : qui dit bonnes relations dit efforts
réciproques. Les jeunes doivent s’interroger
sur les fondements de leurs problèmes relationnels. Je ne dis pas qu’on est toujours calmes. Chez nous aussi il y a des gens jeunes
qui ont besoin de trouver leurs repères professionnels, manquant encore d’expérience.
Certains agents très jeunes n’ont peut-être
pas tout le vécu nécessaire pour aborder les
gens sans qu’ils se sentent agressés. Nous
avons un devoir d’exemplarité : être respectueux et courtois. Mais il faut des efforts des
deux côtés.
Que pensez-vous pouvoir faire pour que
la situation s’améliore pour les jeunes de
Gennevilliers ?
Moi toute seule je peux rien faire ! Au quotidien, c’est le respect mutuel de part et d’autre
qui importe. Nos techniques d’interpellation
ne sont pas faîtes pour humilier mais pour
bien faire notre travail et assurer la sécurité
des agents. Mais je peux aussi rencontrer
régulièrement le CLJ pour faire part de nos
problèmes respectifs : les policiers aussi de
manière générale se sentent parfois incompris ! C’est en particulier le cas lorsqu’ils sont
déconsidérés alors qu’ils viennent pour prêter
assistance à la population.
Que faire en cas
de maltraitance
policière ?
Si vous êtes victime d’injures ou de violences
par des policiers à Gennevilliers : écrire
une lettre à l’attention de Madame la
Commissaire (Commissariat de police – 19 av
Libération – 92230 Gennevilliers – 01 40 85
13 31) détaillant les faits très précisément :
heure, lieu, date, cadre du contrôle, nature
de l’incident (donner les détails complets
et éviter les considérations générales) et
éventuellement matricule de l’agent ou du
véhicule. Madame la Commissaire garantit la
confidentialité de tous les courriers envoyés
et une réponse pour tous les courriers
« sérieux ». Si nécessaire on peut également
s’adresser à Monsieur CHABROL, Directeur
départemental de la Sécurité Publique
(Préfecture de Nanterre - 167 av F. et I. Joliot
Curie 92013 Nanterre – 0821 80 30 92) voire
à l’IGS (Inspection générale des Services
– Préfecture de police – 7, bd du Palais –
75195 Paris cedex 04 – 01 53 71 53 71).
5/MARS 2005
Jeunes et institutions
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Le conservatoire peut être perçu
comme une institution. Déjà le bâtiment est assez imposant. Il y a aussi
le sigle : école nationale de musique.
Donc forcément çà amène l’idée qu’il
s’agit d’un établissement institutionnel.
En plus la musique, conservatoire…
Il y a plein de termes qui sont un peu
grandiloquents et, il ne faut pas le nier,
il y a une partie de cette école là qui
prépare les musiciens à être professionnels. Mais il y a une toute autre
partie qu’on ignore beaucoup, çà a
été le thème de notre récente campagne d’affichage, qui est notre vocation
première : c’est avant tout une école
municipale. Elle est près de ses habitants et permet l’abord de la musique,
quels que soient les styles, de pratiquer l’étude d’un instrument dans les
meilleures conditions possibles, c’està-dire avec des profs qui sont extrêmement réputés, bien formés. Et puis il y
a aussi des facilités d’accès : on vous
prête les instruments, il y a des cotisations en fonction du quotient familial…
Donc c’est quand même d’un accès
très facile. Mais les gennevillois ne le
savent pas. Nous faisons énormément
de concerts par exemple. Nous faisons
42 concerts par an pour les écoles. Et à
chaque fois les jeunes nous disent qu’ils
aimeraient travailler, venir ici, pratiquer
un instrument, mais çà ne fait pas le
pas avec les parents. C’est très difficile
parce que les parents s’imaginent que
c’est encore un soucis de plus : l’achat
d’un instrument, amener l’enfant…
Dès qu’ils ont passé cette barrière, on
prend les enfants en charge et çà se
passe très facilement.
L’autre problème est que la musique
classique est associée à une musique
de vieux, une musique has been, alors
que nos enseignants sont très au fait de
6/MARS 2005
toutes les musiques actuelles. De plus,
l’étude classique d’un instrument est
la plus neutre. Elle permet d’acquérir
de bonnes bases et ensuite de travailler
dans des directions différentes : rap,
techno, variété, jazz… Et nous faisons
des ponts par ailleurs. J’ai beaucoup
contribué à faire connaître Dgiz qui
maintenant tourne en France et même
un peu à l’étranger et joue avec beaucoup de jazzmen, notamment Louis
Sclavis,Vincent Courtois, Chevillon…
C’est un grand ami. On se connaît
maintenant depuis cinq ans. Au départ
c’est nous qui avons pris l’initiative.
On a été les voir avec nos instruments
classiques et nous leur avons dit « mais
pourquoi vous faites vos instru soit
avec du pillage de disques soit avec des
instruments électroniques qui étaient
« Apporter
au plus
grand
nombre »
un peu désuets ». Et le mariage s’est fait
comme çà. Et maintenant il « slamme »
beaucoup, soit tout seul bien sûr, soit
avec un ou deux instruments, des jazzmen ou des musiciens classiques. C’est
quelqu’un qui a su s’ouvrir. Mais on a
quand même ce constat, à l’adolescence, des mômes qui refusent de faire
partie d’un orchestre, parce qu’ils ont
l’impression que c’est ringard, que c’est
vieillot. C’est un peu comme nous si on
nous demandait de faire les majorettes,
de lancer le bâton… Cà a un peu cette
connotation là et c’est pas facile à casser à l’adolescence (pas à l’enfance :
à l’enfance il n’y a pas de problème).
On a même des réflexions de mômes
qui nous disent « je veux bien faire les
répétitions dans l’orchestre, mais pas
le concert » parce qu’ils ont peur d’être
vus par leurs potes.
L’actuelle campagne de communication ne concerne pas que le conservatoire. Il y a aussi d’autres institutions qui
vont être touchées : le cinéma, l’école
d’arts plastiques, la médiathèque. Il y
a des outils qui sont magnifiques. Il y
a aussi une volonté municipale qui est
d’apporter le maximum à la population. Un conservatoire c’est un établissement qui coûte cher. C’est quand
même des cours particuliers (l’étude de
l’instrument est individuelle, même s’il
y a des cours collectifs). Dans d’autres
municipalités il y a un conservatoire
avec une immense liste d’attente. Ici on
a plutôt la volonté d’apporter au plus
grand nombre, c’est-à-dire de résorber
la liste d’attente et de développer les
classes.
Rupture ou incompréhension ?
Les jeunes ont des valeurs
et des repères
1° quelles sont selon vous les
causes de l’aggravation des « violences contre les institutions »
observée depuis une quinzaine
d’années ?
Je crois qu’il y a deux phénomènes
qui se cumulent. Le premier c’est le
renforcement de la « ghéttoïsation »,
c’est-à-dire d’une part de la concentration dans l’espace des mêmes
populations précarisées par l’échec
scolaire et le chômage, d’autre part
de leur fixation dans le temps : de
pères en fils. Cela produit à la longue
des sentiments logiques d’injustice,
de fatalisme ou de révolte. Cette
ghettoïsation est renforcée par le fait
que ces populations précarisées sont
massivement issues de l’immigration, principalement maghrébine et
noire africaine. Comme il n’y a plus
de conscience de classe liée au mouvement ouvrier, c’est cette condition
d’« enfants d’immigrés » qui fait lien
dans les consciences, créant ce que
j’appelle les sentiments de victimation collective, qui s’articulent sur le
racisme réel (toutes les discriminations, petites ou grandes, vécues par
les personnes depuis l’enfance) aussi
bien que sur le racisme fantasmé (le
fait de croire que toute la société
française est raciste, ce qui est faux).
Le second phénomène c’est le caractère inadapté de la réponse de ces
institutions. Localement, les pouvoirs
publics balancent souvent entre
l’achat de la paix sociale et la répression policière. Dans les deux cas,
les institutions ne donnent pas une
bonne image d’elles et risquent de
renforcer ces sentiments de victimation collective.
2° Qu’est-ce que vous entendez
par « crise de légitimité » des institutions ?
J’emploie cette expression pour bien
la distinguer de ce qu’on appelle
trop souvent dans le débat public
la « crise de l’autorité », avec son
corollaire de lieux communs issus du
café du commerce : les jeunes qui
n’ont plus de valeur ni de repère,
les parents qui sont démissionnaires,
les enseignants qui ne peuvent plus
enseigner, la justice qui est laxiste,
CHIELLI
C
U
M
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n
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r
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La
etcetera. Tout cela est faux. Les jeunes ont des valeurs et des repères et
qui ne sont qu’en partie différents de
ceux des adultes qui les entourent.
Les parents sont souvent désemparés
et en manque de solutions mais ils
sont généralement tout à fait préoccupés par l’avenir de leurs enfants.
Les enseignants peuvent travailler
s’ils parviennent à s’adapter à leur
public et s’ils sont soutenus par
l’administration scolaire et par les
services sociaux. Quant à la justice,
elle ne cesse d’inventer de nouveaux
modes de traitement de la petite
délinquance, depuis les rappels à la
loi jusqu’à l’entrée dans les nouvelles prisons pour mineurs que l’on
est en train d’achever de construire.
Les institutions sont donc bien là et
leur autorité ne fait aucun doute. Par
contre, dans les quartiers atteints par
le processus de ghettoïsation, c’est
bien leur légitimité qui est atteinte. A
fortiori lorsque leur fonctionnement
concret renforce les sentiments de
victimation, c’est-à-dire lorsque les
fonctionnaires donnent le sentiment
de mépriser leur public.
3° Pourquoi le contentieux avec la
police a t-il selon vous un caractère
«central» à la mauvaise perception
des institutions par les jeunes ?
Pour le père ou la mère de famille au
chômage, c’est souvent davantage
le travailleur social qui représente
les institutions, parce que c’est lui
qu’on voit le plus souvent. Pour les
enfants, ce sont les enseignants. Mais
pour les adolescents qui ont investi
la culture de la rue, a fortiori pour
les jeunes en voie de marginalisation
qui n’ont plus que la rue comme
espace à s’approprier, le seul représentant des institutions que l’on est
amené à croiser dans la journée ou
en soirée, c’est la police. Dès lors,
la confrontation avec la police est
forcément structurante pour ces jeunes. Et comme en général cela se
passe mal, l’agressivité qui naît et qui
s’accumule dans cette confrontation
rejaillit aussi sur le reste. Vous ne verrez jamais un camion de pompiers
se faire caillasser dans un quartier à
un moment où tout est calme. Par
contre, si les altercations avec la police ont fait monter la tension depuis
deux semaines, cela peut déborder
sur autre chose.
4° Comment pourrait-on selon vous
rétablir une situation pacifiée ?
Je serai logique avec ce que j’ai dit
plus haut. Une partie du problème
pourrait être réglée si les institutions
acceptaient de changer leurs fonctionnements (y compris leur gestion
du personnel) pour pratiquer intensément la médiation, la concertation,
l’accompagnement et la prévention.
Ce qui supposerait qu’on leur en
donne les moyens, c’est-à-dire que
l’on embauche des assistantes sociales, des éducateurs, des psychologues, dûment formés. Mais cela ne
suffirait pas si, dans le même temps,
nous demeurions dans une société
de chômage de masse.
Laurent Mucchielli est sociologue,
chercheur au CNRS, directeur
du CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et
les institutions pénales), auteur
notamment de Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans
le débat français (La Découverte,
2002) et de Le scandale des «
tournantes ». Dérives médiatiques, contre-enquête sociologique (La Découverte, 2005).
http://www.groupeclaris.com
ainsi que :
http://laurent.mucchielli.free.fr
7/MARS 2005
« Un apprentissage
de la vie »
Les deux ans
des Assises
OFFERocial
H
A
s
AFIW
dans le
,
26 ans
La place des jeunes dans cette société me
tient énormément à cœur. J’ai décidé de
faire partie des associations qui défendaient
les mêmes valeurs que moi. Je fais partie du
conseil local de la jeunesse de Gennevilliers.
Je siège également en tant que représentante des jeunes au Conseil départemental
et sur le plan national... C’est quoi pour moi
le Conseil national de la jeunesse ? Le CNJ
est composé de quatre commissions qui ont
travaillé pendant six mois : cohésion sociale,
parcours individuel, engagement et Europe.
J’ai choisi de m’intégrer dans la commission cohésion sociale. On a travaillé sur le
thème du handicap. On s’est penché sur la
question « comment améliorer l’intégration
des personnes en situation d’handicap ? ».
Aujourd’hui on peut encore difficilement
parler d’une réelle intégration des personnes
en situation d’handicap. Notre environnement quotidien doit aussi être le leur. Il
devient, par ailleurs, urgent de faire évoluer
le regard de chacun. C’est dans cette perspective que la commission a fait ses propositions au ministère de la jeunesse, des sports
et de la vie associative M. Jean-François
LAMOUR, et par M. MADRANGES directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire
le
travail
5ans
depuis
et de la vie associative. Nos propositions
tournent autour de l’accessibilité, l’insertion
professionnelle, de la formation des professionnels et des familles, du rôle fondamental
de l’action éducative. Dans tous les cas,
seule une politique volontariste en matière
d’handicap pourra contribuer à améliorer
l’intégration des personnes en situation
d’handicap. J’espère vous avoir donné envie
de croire en nos valeurs et d’aller jusqu’au
bout. Car on est écouté et pris au sérieux.
« L’engagement est à la fois une réflexion
d’un individu, c’est l’ensemble de la société
qui va bénéficier de l’action qui en découle.
Les plus grandes et belles choses se sont faites grâce à des hommes engagés … » L’un
des plus beaux exemples est le CNJ, c’est
accessible à tous les jeunes (18 – 26 ans). Si
je peux me permettre de donner un conseil
aux jeunes GENNEVILLOIS c’est d’abord
d’exister aux Assises car vous pouvez faire
bouger les choses à longs terme. Je vais finir
par ces mots : « SAVOIR ECOUTER, SAVOIR
DONNER DE SA PERSONNE … DES GENS
DIRAIENT QUE C’EST DE LA SOLIDARITE
MAIS POUR MOI C’EST UN APPRENTISSAGE
DE LA VIE. »
G-Jeunes : Espace jeunesse, 177, avenue Gabriel-Péri 92230 Gennevilliers - Tél. 01 40 85 60 81
[email protected] - N'hésitez pas à nous contacter pour participer à ce journal !
8/MARS 2005
Le 15 mars 2003, lors des « Assises de la ville », les élus locaux prenaient près de 250
engagements issus des multiples échanges publics organisés avec la population
et répartis en cinq thématiques. Deux
ans après, tous les acteurs des « Assises »,
tous les membres de l’Observatoire des
engagements, tous les Gennevillois sont
invités à dresser le bilan.
Parmi les décisions prises lors des
Assises, un grand nombre concernent
directement la jeunesse : étude de la
faisabilité d’un café qui serait un lieu
de débats et d’informations, initier
des rencontres entre les générations,
développer les échanges avec El Bireh
(Palestine) et les villes jumelées, mener
une expérimentation de journal en
direction des jeunes, étudier la création
d’un observatoire des discriminations…
Le 9 avril à la salle des fêtes, les rapporteurs des groupes présenteront leur
rapport en séance publique ouverte à
la population. Un rendez-vous à ne pas
manquer par les jeunes qui pourront
s’exprimer tous sur les sujets qui les
concernent.
Etudiants
gennevillois
La salle d’étude
de l’espace
des Grésillons
ré-ouvre ses portes
Réservée aux bénéficiaires de la CLE
(Contribution locale étudiante) cette salle
équipée en matériel informatique permet
de travailler au calme. Vous y trouverez
également un animateur, étudiant luimême, qui vous donnera des conseils sur
l’organisation et les méthodes de travail
(rapport de stage, révisions, scolarité…) et
vous informera sur les initiatives du Réseau
étudiant gennevillois.
Horaires d’ouverture : Lundi : 20h30-23h
Mardi : 20h30-23h - Mercredi : 19h30-23h
Vendredi : 20h30-23h
Espace Educatif des Grésillons, 30-40 rue
François Kovac
Renseignements : 01 40 85 60 32 (Espace
des Grésillons) ou 01 40 85 60 81 (SMJ)