vraie angoisse et faux problème - Paratetra
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8 VieAutonome Une fuite pendant l’amour : vraie angoisse et faux problème Le risque de fuites urinaires est -avec la spasticité et les problèmes de position- le principal obstacle à des rapports intimes sereins. Il génère une angoisse telle que certains préfèrent s’abstenir. D’autres transforment leur gêne en plaisir. Pourtant, des solutions existent. L es fuites urinaires pendant un acte par essence intime, sensuel, érotique et romantique ne sont pas rares. Elles touchent 2 % de la population valide (1). Soit près d’un million et demi de personnes en France. Pour les personnes paraplégiques et tétraplégiques, c’est une difficulté qui s’ajoute à celles de trouver un partenaire, de se réapproprier son corps... Alors, certains renoncent et font le deuil de leur sexualité. À l’opposé, d’autres décident d’y prendre goût. Stéphane, 51 ans, marié et divorcé après son accident de moto qui le laisse paraplégique, explique ainsi son revirement : « Au début, c’était un traumatisme, à la limite de créer un blocage. À force, je m’y suis un peu habitué et maintenant, j’ai retourné le problème. J’aime ça. » La perversion, autre défense pour se protéger d’une souffrance trop grande, d’une réalité difficile à accepter. L’incontinence sexuelle est en effet avant tout une blessure narcissique qu’il faut prendre en charge sous son aspect organique (résoudre les fuites) et psychologique (retrouver une bonne image de soi). Ne plus être confronté à la fuite ou même ne jamais l’être permet d’apaiser l’angoisse, d’éviter la gêne et surtout de reprendre confiance : les clés de la redécouverte du plaisir sexuel. Pour limiter les risques et ce, même si des pertes urinaires minimes ne sont en aucun cas dangereuses pour le partenaire, deux grands principes : arrêter de boire quelques heures avant le rapport et bien vider sa vessie, que ce soit par percussion, pression abdominale ou sondage. « C’est ce que tout le monde fait naturellement. On commence rarement un rapport en ayant envie de faire pipi », rappelle le Dr André Chapuis, du Centre de rééducation fonctionnelle Ernest Brétegnier d’Héricourt (HauteSaône). Seule exception : « Certains patients paraplégiques qui ont une meilleure érection quand la vessie est pleine. Dans leur cas, il peut être plus intéressant de ne pas la vider », poursuit-il. Des solutions au cas par cas Parler pour lever l’embarras Mieux vaut ne pas attendre d’être confronté au problème pour l’aborder avec son partenaire, car s’il n’est pas préparé à l’idée, sa réaction peut blesser ou décevoir. Or, s’il (ou elle) vous aime, l’objet de votre angoisse ne constituera pas un obstacle. Laisser l’autre deviner, c’est prendre le risque de faire naître d’autres soupçons. À l’inverse, inutile d’en parler si la relation n’est encore ni solide, ni même intime. Par défense ou par peur, certains le disent trop vite et le futur partenaire se retrouve plongé au cœur de l’aspect médical d’un acte qu’il n’a peut-être pas encore envisagé, du moins pas sous cet angle. Laissez l’amour croître, la sensualité s’éveiller et l’érotisme poindre et quand l’acte devient une évidence, alors, dites-lui, tout simplement. Enfin, si la fuite survient, dédramatisez. Mieux vaut en rire. n°3 • SupplÉment AU N°651 • mars 2007 9 « L’autosondage intermittent a changé ma vie. » « En 1979, je suis devenue paraplégique au niveau D8-D9. À mon premier retour à la maison, en week-end, personne ni au CHU, ni au centre de réadaptation, n’avait abordé le problème de la sexualité. Comme j’étais mariée, c’est tout naturellement que mon mari et moi avons eu notre premier rapport “post-handicap”. Et là, j’ai connu la honte de ma vie. Dès le début de la pénétration, les urines se sont mises à couler. Je me souviens de ma honte, de mes larmes… Ce moment que j’avais tant attendu tournait au cauchemar. Je me souviens aussi de mon mari me consolant. C’est grâce à son amour que j’ai pu surmonter ce moment difficile. Après ça, il y en a encore eu bien d’autres, les fuites urinaires étant mon quotidien. Avec le temps, j’ai appris à mieux contrôler ma vessie. Et puis, en 2003, j’ai découvert grâce à un urologue l’autosondage intermittent. Et là, ma vie a complètement changé ! Il suffit de se sonder avant un rapport et il n’y a plus jamais de problème, on peut libérer son esprit. Depuis que je me sonde, je suis tout à fait rassurée et épanouie au moment des rapports. » Sylvia, 51 ans. Les hommes sont d’ailleurs favorisés. Non seulement ils peuvent mettre un préservatif, mais leur érection crée une résistance à l’écoulement. La fuite ne survient que lorsque la verge arrive à détumescence ou même se rétracte. Pour le reste, les solutions varient au cas par cas. Si la vessie est encore capable de se contracter seule, il faut éviter les épines irritatives (escarre, infection,…) et si nécessaire, prendre des médicaments anti-contractions comme Driptane®, Ditropan® ou Ceris®. Malheureusement, chez certaines personnes, ils assèchent la bouche ou constipent à une dose inférieure à la dose efficace. L’alternative est l’injection de toxine botulique. Son effet persiste entre quatre et huit mois. « Bien médicalisé et avec un sondage avant le rapport, le risque devient quasiment nul », À lire : Un Amour comme tant d’autres ? Handicaps moteurs et sexualité, Bernadette Soulier, éd. APF. Contact : AAPI (Association d’aide aux personnes incontinentes) Tél. : 01 46 99 18 99 confirme Stéphane. En cas de sonde à demeure, le mieux est de la retirer mais il faut avoir alors quelqu’un pour la repositionner. On peut aussi la garder, en la bouchant après avoir vidé sa vessie et retiré la poche. Chez la femme, rien ne s’y oppose. Fixée le long de la cuisse ou de l’abdomen, elle ne gêne en rien les rapports. Chez l’homme, il faut la replier sur la verge en érection et recouvrir le tout d’un préservatif pour la maintenir en place mais cela peut être désagréable pour la partenaire. Quant aux vessies incapables de contraction mais qui fuient lorsqu’elles sont comprimées, mieux vaut choisir les positions où le partenaire ne pèse pas sur le ventre. Si les fuites persistent, des techniques chirurgicales peuvent être envisagées pour qu’elles ne soient plus, ni une angoisse, ni un problème. On peut aussi avoir recours à un sphincter artificiel pour l’homme ou à des “bandelettes” resserrant l’urètre pour la femme. Comme pour l’incontinence, plus taboue encore, des selles, le tout est d’aller consulter… Et en attendant de trouver la solution, il y a tout le reste. « Un rapport, c’est d’abord un échange de tendresse, rappelle Florence Schindler, sexologue au centre Propara de Montpellier. La pénétration ne fait pas tout, des caresses avec la bouche ou les mains peuvent procurer énormément de plaisir. » l (1) European Urology, novembre 2002 (vol. 42, pp.432-440). Les SITES WEB incontournables : > www.c5c6csex.com > http://alarme.asso.fr/ @ Mais aussi : > www.rezoweb.com/forum/sante/ incontinence.shtml > http://forum.doctissimo.fr/sante/ incontinence-urinaire/fuite-lors-rapportsujet-13860-1.htm > http://www.paratetra.apf.asso. fr/vie_quotidienne_troubles_associes/ paratetra_sphincteriens.htm Texte Adelaïde Robert-Géraudel Photo BSIP n°3 • SupplÉment AU N°651 • mars 2007