Expérimentation "Un toit, un emploi"
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Expérimentation "Un toit, un emploi"
Date : MARS 16 Page de l'article : p.42-43 Journaliste : Emmanuelle Souffi Périodicité : Mensuel OJD : 15913 Page 1/2 DECODAGES insertion Aller simple pour Aurillac L'association Aurore propose à des familles franciliennes en difficulté de s'installer dans le Cantal. À la clé, un emploi et un logement. Des délocalisations pas simples à gérer. // Par Emmanuelle Souffi Photo Patrick Allard/Rea U n saut dans l'inconnu C'est ce que se dit encore aujourd'hui Mareme Avec ion petit garçon de 10 ans, elle a tourne le dos fin novembre a une vie précaire en bordure de Cherry la Garerme (Hauts-dé Seine) pour une plongee dans lc Cantal Fn region pa risienne, cette trentenaire peinait a boucler ses fins de mois pour cause de missions aléatoires dans la restauration collective « Financièrement, je ne m'en sortais pas J'avais envie de tenter ma chance ailleurs, d'offrir un autre avenir a mon fils», dit-elle Ta voici désormais installée dans un logement autrement plus confortable que son minuscule appartement francilien insalubre Lt en bonne place sui la liste d'attente pour un poste dans les crèches de la ville Fffet collatéral de la concentration urbaine dans l'Hexagone, les populations se regroupent sur des territoires parfois satures qui n'ont plus rien a offrir D'autres, boudes pâtissent d'emplois non pourvus et de logements vacants A Aurillac, le taux de chômage n'atteint que 6,5%, un chiffre a faire pâlir d'envie certains quartiers de la Seinesaintdenis ou de l'Essonne En deux ans, cette ville du Cantal a perdu plus d'un millier d'habitants La faute a l'enclavement, au climat « montagnard > et a des jobs pas toujours adaptes aux plus diplômes L'association Aurore a alors eu une idee originale proposer a des Franciliens dans la galère de venir s'y installer, en leur offrant un accompagnement personnalise L'expérimentation <un toit, un emploi» a vu le jour voila deux ans Elle s'appuie sur un solide partenariat avec le bailleur local, Polygone A sa tête, Michèle Attar une militante de longue date du logement social Tous les mois une quarantaine d'appartements se libèrent Le reve de tout Tous droits réservés à l'éditeur travailleur social en Ile-dé France' Plutôt que de perdre de l'argent faute de les remplir, autant favoriser la mobilité et l'accueil de familles «délocalisées» «Sur les 36000 actifs du bassin d Aurillac, pres d'un tiers va partir en retraite ou de mènager, d apres l'Insee Nous allons donc avoir dc gros besoins de main-d'œuvre, pointe Pascal Lacombe, directeur gèneral de Polygone Ce type d'opération permet de jeter un autre regard sur le territoire et de creer un lien entre èconomique et social » Le bailleur met aussi a disposition d'Aurore un appartement relais qui accueille, gratuitement, les nouveaux venus, lors de courts séjours de decouverte Nouvel avenir. Ce n'est qu'une fois le logement trouve et les pistes d'insertion bien de fîmes que le grand saut est envisage Une dizaine de personnes ont déjà demenage Et cinquante autres sont attendues d'ici a 2017 Comme ce couple de Bulgares venus en France pour soigner leur enfant malade, aujourd'hui en remission, qui ont dû quitter le foyer parisien qui les hébergeait Pas de travail, pas de logement Ils ont débarque a Aurillac Richard a pris la même direction Apres des annees d'errance a Paris il se dessine un nouvel avenir au pied des montagnes H a d abord travaille dans une conserverie d'escargots, Courbcyre, pour reprendre un rythme C'est Norman Dehs, le chef du projet, qui se charge de tisser des liens avec les entrepreneurs de la region pour trouver des emplois L'idée étant de dénicher des profils susceptibles de s'in serer rapidement et durablement dans le tissu local, en tonction des besoins de l'agriculture, du bâtiment de la restauration ou des transports routiers Tous les ètes en vue des agapes dc fin d'année, Courbevre traque les candidats Cette petite entreprise d'une vingtaine de salaries voit ses effectifs grimper a plus d une centaine < On a souvent du mal a recruter, les gens ne restent pas, le mètier est pénible >, égrené Herve Manhes, le responsable de la production Richard, lui, a su se faire sa place Malgre quelques écarts « l'apport de gens exterieurs est une richesse, c'est important de les aider a remettre un pied dans le milieu professionnel » estime son chef Aurore travaille également avec l'entreprise d'insertion Acart qui accueille ces nouveaux arnvants en contrat à duree déterminée d insertion de deux ans, le temps de se refamihariser avec les AURORE 9483717400508 Date : MARS 16 Page de l'article : p.42-43 Journaliste : Emmanuelle Souffi Périodicité : Mensuel OJD : 15913 Page 2/2 codes de la vie au boulot «Ça leur permet de retrouver un statut social. Maîs deux ans, c'est bien trop court pour travailler sur les savoir-faire et savoir-êtie quand les problématiques de leinsertion sont lourdes», observe Annie Palurovic, la directrice Chaque trimestre, ils sont évalues sur leur ponctualité, le respect des collègues et des consignes Fn fonction, ils peuvent partir en stage d'immersion dans une « vraie » entreprise Le chemin vers la stabilité est long. Et, etonnam ment, il peut être troublant. Peurs individuelles. Pour des publics en grande difficulté, casses par les accidents de la vie, obtenir enfin ce que l'on a rêve durant des annees peut provoquer des reactions inattendues Tel cet enfant en parfaite sante qui tombe soudainement malade Ou cette mère qui s'effondre alors qu'elle ètait jusqu'alors solide comme un roc Lorsque s'ouvre le monde de la « normalité », ceux qui naguère bénéficiaient du regard bienveillant dcs travailleurs sociaux sont ramenés au meme rang que tout le monde « Un toit et un emploi ne règlent pas tout C'est un pan, souligne Norman Delis Avon le choix cree de l'angoisse » Tel un ange gardien, ce specialiste de l'accompagnement social veille a l'installa lion des individus, les accompagne dans leurs Tous droits réservés à l'éditeur demarches, remonte le moral en cas de blues. Le suivi peut aller jusqu'à deux ans apres I installation Ce jour-la, Marème craque Trop de kilometres la séparent de sa communaute la ruralite lui pesé, elle qui n'a jamais quitte Clichy Elle dit vouloir rentrer, quitte a appeler le 115. « Laissez-vous le temps, allez au bout de votre envie», lui conseille patiemment Norman Delis La solitude réveille de vieux démons que Marème avait bien enfouis au fond d'elle < Souvent, la précarité masque des blessures de vie qui refont surface une fois l'insécurité èconomique résolue», observe le chef de projet Outre les peurs individuelles, il faut aussi combattre les préjuges. A Aurillac, certains habitants redoutent de voir débarquer des titulaires de minima sociaux, craignant qu'ils ne plombent l'ambiance de la ville et piquent le travail des locaux En Ile-de-France, des travailleurs sociaux s'interrogent aussi sur l'intérêt d'envoyer «a la cdinbrousse> des personnes fragiles «Maisl'a\enir, c'est la province, toutes ces petites villes qui se désertifient ' » dame Norman Delis, qui a luimême quitte Paris pour les monts du Cantal Financée par l'Etat et la prefecture, l'opération devrait être étendue dans le Lot, vers Cahors Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, il y a pire endroit pour se reconstruire * Annie Palurovic et Aurélie Viguier sont responsables de l'association locale Acart, qui propose des ateliers et des chantiers d'insertion. AURORE 9483717400508