diamond rock : chronique d`une liquidation annoncée

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diamond rock : chronique d`une liquidation annoncée
DIAMOND ROCK : CHRONIQUE D’UNE LIQUIDATION
ANNONCÉE
Le discours embrouillé de Max Tanic, directeur de feu la SHED,
société gestionnaire de l’hôtel, depuis des mois n’aura trompé que
quelques journalistes bien distraits. C’est sans surprise et presqu’avec
soulagement que les salarié-e-s ont accueilli la nouvelle de la mise en
liquidation. Qui pouvait croire à une procédure de «redressement»
d’un hôtel en « chimpontong », privé même d’eau et d’électricité, sans
clients recherchés, en pleine saison dite basse, ayant épuisé les fonds
de la SEMAVIL en paiement de salaires sans activité malgré toute la
bonne volonté et les réclamations du personnel ? Dans la mer
mouvementée du Diamant, le personnel a été mené en bateau, non pas
vers le Rocher, mais vers un naufrage annoncé ! C’est le Titanic de
Tanic, mais hélas pas seulement de lui !
Toutes nos inconséquences martiniquaises peuvent être jugées là. Au
départ, il y avait bien un geste courageux d’une municipalité : à
travers sa société d’économie mixte, relever le défi abandonné par la
multinationale française, le groupe ACCOR, parti maximiser ses
profits sous d’autres cieux. La mariée n’était pas si mal : un site
splendide, une réputation établie, un personnel volontaire, une
propriétaire signant avec une CDMT vigilante un engagement à
développer l’activité sans céder aux sirènes des opérations
immobilières. Piqué au vif par des adversaires l’accusant de ne viser
dans l’affaire qu’à réaliser «un coup politique», le maire du Lamentin,
Pierre Samot, semblait déterminé. C’est en tout cas l’image qu’il
donnait lors de la cérémonie d’inauguration, où la CDMT et la CSTM
(représentée par feu Marc Pulvar) avaient pu dire leurs espoirs et leurs
préoccupations.
Mais le ver était déjà dans le fruit : derrière la SEM, il y avait la
SHED. Société d’Economie Mixte pour la façade et l’éventuel
comblement des déficits, Société capitaliste ordinaire pour le fond
c'est-à-dire pour les règles de fonctionnement, pour l’opacité, et pour
la distribution de fromages à un petit nombre dont le souci jusqu’au
dernier jour pour certains (que nous ne nommerons pas par
gentillesse) n’a été autre que le fromage en question.
De fait le montage S.E.M. et Société capitaliste, au lieu de doubler les
possibilités de contrôle du bien social concerné ne fit que doubler les
possibilités de dissimulation et d’opacité ! D’un coté la bataille des
salariés pour voir clair, anticiper, peser sur la marche des choses,
avancer leurs propositions, s’est heurtée à un mur : plus le C.E.
(comité d’entreprise) posait des questions, moins il comprenait les
réponses et les non-réponses ! De l’autre plus les élus municipaux
s’inquiétaient, moins ils étaient mis au parfum ! On voit là les limites
du discours des majorités qui se sont succédé à la Région, suivant
lequel ils veulent bien aider, mais surtout pas gérer ; il faut entendre
par là qu’ils veulent bien allonger des fonds mais pas mettre en place
de structures publiques, ou mixtes ou coopératives pour gérer en
mettant l’intérêt collectif au poste de commande. Derrière
cette stratégie, il y a la socialisation des pertes et la privatisation des
profits.
L’échec de l’expérience prouve une nouvelle fois que l’on ne gagne
rien à traiter les salarié-e-s comme la dernière roue du carrosse, ce
qu’ils sont en régime capitaliste. Le langage, tantôt brutal, tantôt
suave de ceux qui, à tour de rôle, le gèrent, ne change rien à cette
réalité. En Martinique, et ailleurs, les patrons font ce qu’ils veulent,
les collectivités publiques ne font pas mieux. Pour mieux garder la
main, chacune de ces parties (Patrons d’un côté, responsables
politiques de l’autre) veut bien parler avec les salarié-e-s et leurs
syndicats mais surtout pas se mettre ensemble avec eux pour parler en
transparence, voir clair dans les mensonges soit des uns soit des autres
afin de faire intervenir aux côtés des travailleurs leur principale alliée,
la population !
Résultat ? Jusqu’à ce jour on ne sait pas pourquoi avec les atouts que
nous avons signalés plus haut, avec des taux de remplissage parfois
remarquables on en arrive au résultat d’aujourd’hui, à savoir huit
millions de dettes ! Le liquidateur dit vouloir savoir. Nous verrons,
en pensant au proverbe de chez nous : balé nef…
Pour l’heure, la propriétaire des lieux affirme sa ferme volonté de faire
la rénovation indispensable avec l’aide conséquente de la Région, de
reprendre l’ensemble des salarié-e-s après les travaux sous l’égide
d’une grande chaine hôtelière. La CDMT a défendu jusqu’au bout
l’idée de création d’une SQCOP, les salarié-e-s ont fait les démarches
juridiques nécessaires. Cette solution n’intéresse ni les tribunaux, ni la
propriétaire. Pour ce beau monde, hors des solutions capitalistes les
plus traditionnelles, il n’y a point de salut. Les travailleurs auraient
tort de baisser les bras et se condamneraient au pire s’ils se
dispersaient et abandonnaient l’organisation, la solidarité et l’action
collective comme hélas d’autres avant eux. Le vrai défi n’est pas posé
aux Politiques et aux patrons qui en verront d’autres. Il est posé à
celles et ceux qui par leur travail créent les richesses dans tous les
pays du monde. HAUT LES CŒURS !
Philippe Pierre-Charles

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