En direct de St-Jean. Les obsèques d`Hélie Denoix de Saint-Marc

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En direct de St-Jean. Les obsèques d`Hélie Denoix de Saint-Marc
En direct de St-Jean. Les obsèques d’Hélie Denoix de
Saint-Marc
- 14h : Bonjour à tous et merci de nous suivre pour vivre en direct les obsèques d’Hélie de
Saint-Marc. La cérémonie débutera à 15h en la primatiale Saint-Jean à Lyon et sera célébré
par le Primat des Gaules Philippe Barbarin.
- 14h05 : Résistant à 19 ans, déporté, lieutenant blessé en Indochine, « soldat perdu » en
Algérie, la vie d’Hélie de Saint-Marc s’est entrechoquée avec l’Histoire du XXe siècle.
- 14h07 : Une centaine de personnes attend devant la cathédrale. Les militaires et portedrapeaux forment une haie d’honneur, prêts à rendre un dernier hommage au commandant de
Saint-Marc. Les honneurs militaires seront donnés après la cérémonie. A l’intérieur, ils sont
déjà plus de 150 à avoir garni les rangs d’honneur. 16 livres d’or ont été disposés à l’entrée
de la Primatiale. Robert Batailly a déjà signé les registres et a pris place dans le carré
d’honneur.
- 14h10 : Héros pour les uns, militaire séditieux pour les autres après sa participation au
putsch manqué d’Alger en avril 1961, la trajectoire d’Hélie de Saint-Marc a toujours fait
polémique. A telle enseigne que le ministère de la Défense a modifié son premier
communiqué de presse très laudatif envoyé suite à sa disparition, en évoquant dans le second
document transmis aux organes de presse « la complexité » du personnage.
- 14h15 : D’après un article de L’Opinion, peu de personnalités de premier ordre devraient se
déplacer pour la cérémonie. Selon les informations du quotidien, le ministre de la défense
Jean-Yves Le Drian, le ministre délégué aux Anciens combattants Kader Arfi n’en seront
pas. Du côté de l’état-major, c’est service minimum. « Le chef d’état-major des armées
(occupé lui aussi par l’affaire syrienne) ou celui de l’armée de terre n’y participeront pas.
Sauf nouvelles décisions, pour l’heure, ne seront présents que le général Martial de
Braquilanges, en tant que gouverneur militaire de Lyon et le général Christophe de SaintChamas, commandant de la Légion étrangère, au sein de laquelle Hélie de Saint-Marc avait
servi. Un détachement du 2ème REP, dont le chef de corps, sera présent à la cathédrale de
Lyon », précise le journal.
- 14h20 : Le commandant de Saint-Marc, très discret, ne souhaitait pas d’obsèques militaires
aux Invalides, mais tenait à cette cérémonie lyonnaise. Engeolé pendant 5 ans après la
tentative de putsch manqué d’Alger en avril 1961, c’est à Lyon qu’il a réinstallé ses quartiers
en 1966.
- 14h25 : Le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb a rendu hommage au militaire par
voie de communiqué. « A quelques jours du 69ème anniversaire de la libération de Lyon, je
salue la mémoire du Résistant, arrêté en 1943 par la gestapo, puis déporté à Buchenwald
avant d’être envoyé au camp de concentration de Langenstein dont il fut un des rares
survivants parmi le millier de Français internés. Dans les moments tragiques de la guerre
d’Algérie, par fidélité aux hommes qu’il commandait, il fit des choix qu’il assuma toujours
avec dignité. C’était un homme d’honneur, une figure d’une extrême intégrité, un être
authentique habité d’un humanisme profond. Son ami André Laroche l’avait aidé à
s’installer à Lyon, en 1966. Malgré son grand âge, il honorait de sa présence nos cérémonies
commémoratives. En 2011, il avait été fait Grand Croix de la Légion d’Honneur. Par cette
distinction, la nation entendait honorer le Résistant et l’homme. Hélie Denoix de Saint Marc
restera dans les mémoires. » Gérard Collomb et le préfet de Rhône-Alpes Jean-François
Carenco, sont attendus aux obsèques.
- 14h27 : Le conseiller régional centriste Jean-Loup Fleuret, est arrivé dans la cathédrale,
précédant de quelques minutes les députés du Rhône Georges Fenech et Philippe Meunier.
Tous ont pris place au 3e rang.
- 14h30 : Selon nos informations, Marine Le Pen devait faire le déplacement. Son père, le
sous-lieutenant Jean-Marie Le Pen, a servi sous les ordres du commandant de Saint-Marc en
Algérie, au 1er Bataillon Etranger de Parachutistes. « Je représente Marine qui n’a finalement
pas pu se déplacer », confie Christophe Boudot, secrétaire départemental du FN du Rhône.
- 14h35 : Il a décoré Hélie de Saint-Marc de la Grand-croix de la Légion d’Honneur en 2011.
Nicolas Sarkozy sera-t-il présent aux obsèques du militaire ? Sa conseillère en
communication, Véronique Waché, nous confirme par téléphone que l’ancien président a
bien été convié par la famille mais qu’il ne sera présent. « Nicolas Sarkozy a envoyé une lettre
de condoléances à sa veuve », nous informe-t-elle.
- 14h42 : Député du Rhône et président départemental de la fédération UMP, Philippe
Cochet a fait son entrée, rejoignant le banc des parlementaires. Alain Mérieux est également
arrivé.
- 14h45 : Le candidat UMP aux municipales lyonnaises de 2014, Michel Havard, est
également là.
- 14h46 : Le Général Péraldi a fait son entrée, tout comme la députée Dominique Nachury,
qui ne s’assied pas avec ses collègues de l’Assemblée nationale, mais un rang derrière ! Elle
retrouve toutefois à ses côtés le député de la Drôme, Hervé Mariton.
- 14h49 : L’ancien maire de Lyon Michel Noir erre comme un âme en peine au milieu du
transept, et cherche à se faire installer aux places d’honneur.
- 14h50 : A noter également la présence de deux anciens gouverneurs militaires de Lyon, les
Généraux de Marnhac et Pomente. Martial de Braquilanges, l’actuel gouverneur militaire de
Lyon, est évidemment présent.
- 14h52 : La cathédrale est maintenant pleine. L’ancien ministre de la Défense, Charles
Millon a pris place à côté de Michel Noir.
- 14h54 : Les orgues démarrent. Le corps doit faire son entrée sur le Messa di Gloria de
Puccini.
- 14h55 : Mitre et crosse de sortie, le Cardinal Barbarin, entouré des chanoines, va prendre
place au lutrin.
- 15h : La cérémonie débute, les porte-drapeaux ont rejoint l’intérieur de la cathédrale. Le
cercueil d’Hélie de Saint-Marc a été disposé. Il est recouvert du drapeau tricolore, du béret
vert et de ses décors de Grand-Croix de la Légion d’Honneur.
- 15h10 : « Mon cher Petit Papa… » Au nom de ses trois sœurs et des vingt petits enfants du
commandant, la fille d’Hélie de Saint-Marc lit un très émouvant discours à l’attention de son
père. Elle est la première à prendre la parole, avant le Cardinal Barbarin. « Cette stature
d’officier, nous l’avons peu à peu apprivoisée mais dans notre cœur, tu es toujours ce papa
plein de tendresse et d’attention. A Lyon, nous avons découvert la vie ensemble en famille,
nous avons essayé avec maman de chasser les ombres qui te hantaient. » La fille d’Hélie de
Saint-Marc évoque avec beaucoup de dignité la trajectoire concentrationnaire de son père
pendant la Seconde Guerre mondiale. « Ta capacité à pardonner nous a marquées à jamais. »
- 15h15 : » Tu as préféré la vérité, l’honneur aux honneurs. Tu as sacrifié ta carrière, ta
réputation voire tes amitiés », continue sa fille face au cercueil de son père. L’instant est très
émouvant. « Meurs et devient », conclut-elle.
- 15h18 : « Croyez-vous en la résurrection ? Je n’ai pas d’autre solution. » Le cardinal
Barbarin cite un mot plein d’esprit d’Hélie de Saint-Marc pour évoquer l’homme.
- 15h20 : Le préfet Carenco et le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb sont côte à côte
pour assister à la cérémonie.
- 15h23 : Place au protocole liturgique avec le Kyrie puis la lecture de la Lettre de Saint-Paul
aux Romains.
- 15h28 : Nous ne les avons pas croisés mais d’après nos informations, l’ancien ministre de la
Défense Gérard Longuet, Renaud Denoix de Saint-Marc, membre du Conseil
constitutionnel et le Général Ract Madoux, chef d’État-Major de l’armée de terre, sont dans
l’assemblée.
- 15h31 : Le maire du 6e arrondissement Jean-Jacques David est bien là, accompagné par
quelques conseillers dont Amaury Nardone et Claude Chabot.
- 15h35 : « Les textes des lectures et des chants ont été choisis par Mme de Saint-Marc
(Manette, sa veuve, qu’Hélie de Saint Marc à rencontré en Algérie – NDLR) et ses filles »,
confie le Cardinal Barbarin.
- 15h40 : Le Primat des Gaules évoque la vie à Lyon, depuis 1966 et pendant cinq décennies,
d’Hélie de Saint-Marc. L’homélie continue. Il évoque le texte d’Hélie de Saint-Marc, Que
dire à un jeune de vingt ans, écrit à la fin de sa vie et reproduit dans les livrets de messe du
défunt. « Il a fait ce qu’il avait à faire quand il a pris son rendez-vous avec l’Histoire, il en a
pris la responsabilité », rappelle l’ecclésiaste qui évoque à demi-mot le choix fait par SaintMarc de soutenir les généraux putschistes d’Alger en avril 1961.
- 15h47 : « La résistance n’est pas un phénomène passé, aujourd’hui, il y a beaucoup de
résistances à vivre avec les veilleurs », continue Barbarin. « Tous ceux qui se laissent
conduire par l’esprit de Dieu, ceux-là sont vraiment fils de Dieu. » L’homélie est terminée.
- 15h55 : Les intentions de prières sont lues par l’aumônier de la Légion, représentant les
anciens légionnaires ayant servi sous le commandement d’Hélie de Saint-Marc. « C’est mon
lieutenant », lui a confié l’un d’eux, « les yeux plein de larmes », rapporte l’orateur.
- 15h58 : Le président de Vietnam Espérance est au lutrin pour lire une intention de prière
pour l’Eglise du Vietnam, qu’Hélie de Saint-Marc a contribué à relever.
- 16h02 : Famille et militaires se succèdent au pupitre pour continuer les intentions de prières.
- 16h05 : C’est l’heure de la quête, qui précède l’Offertoire dans le déroulé de la cérémonie.
Une choriste interprète Lascia Ch’io Pianga de Haendel.
-
16h10 : La photo ne le montre pas, mais Charles Millon et Michel Noir s’époumonent
sur le Sanctus.
- 16h11 : Place au sacrement de l’Eucharistie.
- 16h21 : La famille s’avance pour la Communion. Dominique Nachury, Jean-Loup Fleuret,
Michel Noir, Philippe Cochet, Philippe Meunier cheminent jusqu’à l’autel. Le préfet Carenco
n’a pas quitté son banc.Gérard Collomb non plus.
- 16h31 : Rangé des pubs, Jean-Marc Requien, qui s’est vraisemblablement perdu en
visitant le Vieux-Lyon, est totalement dissipé.
- 16h33 : Parmi les concélébrants, l’abbé Jérôme Billioud a quitté le temps d’un dernier
hommage à Hélie de Saint-Marc sa paroisse de Saint-Denis de la Croix-Rousse.
- 16h36 : Le Dernier Adieu au commandant de Saint-Marc est célébré sur le très beau texte du
Cantique de Syméon.
- 16h39 : Encensoir et signe de croix, le Cardinal Barbarin procède à la bénédiction du corps.
- 16h43 : Mme de Saint-Marc s’approche du cercueil pour bénir le corps de son mari, suivie
de tous les membres de sa famille.
- 16h47 : La cérémonie touche à sa fin. Un Salve Regina s’envole du chœur. En raison de
l’affluence – plusieurs centaines de personnes – la famille ne recevra pas de condoléances à la
cathédrale. Le général Martial de Braquilanges, gouverneur militaire de Lyon, recevra famille
et amis en son hôtel de l’avenue Foch à l’issue des honneurs militaires rendus au commandant
sur le parvis de la cathédrale. Un oraison funèbre sera prononcé durant la cérémonie par le
Général Dary.
- 16h52 : Les porte-drapeaux quittent la cathédrale Saint-Jean. La famille se regroupe autour
du cercueil.
- 16h55 : Saint-Jean se vide peu à peu. Place aux honneurs militaires.
- 17h07 : Sur le parvis de la cathédrale, le conseiller du 8e arrondissement Stéphane
Guilland, les yeux embués de larmes, témoigne avec émotion. « J’ai l’impression d’avoir
enterré mon grand-père. Cela fait plus de vingt ans que j’ai découvert Hélie de Saint-Marc.
Tous ses livres son sur ma table de chevet. C’est une perte très douloureuse. »
- 17h13 : La Sonnerie aux Morts se fait entendre sur le parvis de la cathédrale. La cérémonie
débute en présence du chef d’état-major de l’Armée de Terre. Une compagnie et la musique
de la Légion étrangère sont présentes sur la place, ainsi qu’une délégation de l’école militaire
de Saint Cyr.
- 17h19 : « Mon commandant, mon ancien. Ils sont là, ils sont tous présents. Croyants,
agnostiques ou incroyants, souffrants ou en pleine santé, jeunes soldats ou anciens
combattants, civils ou militaires. Ils sont tous présents. Tous ceux qui ont croisé une partie de
votre chemin sont regroupés. » Le général Dary prononce son oraison funèbre (à retrouver en
intégralité ici).
- 17h23 : « Vous laissez chacun de nous heureux et fiers de vous avoir connu. Vous laissez
surtout chacun de nous face à sa conscience, ses interrogations », continue l’ancien
gouverneur militaire de Paris.
- 17h28 : Egalement président de l’association des anciens légionnaires parachutistes
(AALP), le général Dary retrace la carrière militaire d’Hélie de Saint-Marc, qu’il a traversée
aux côtés de « la mort, sa compagne. » Évoquant sans détours l’abandon de l’Indochine et de
l’Algérie ainsi que la trahison des autorités françaises de l’époque.
- 17h32 : « En dépit des pressions politiques, des tribunaux d’exception, de la rapidité du
jugement, les honneurs vont seront reconnus. Par la Nation et par les médias, à travers les
succès de vos livres. » Pour la Grande Muette, la plaie de la condamnation du commandant de
Saint-Marc pour sa participation aux évènements d’avril 1961 en Algérie est encore ouverte.
- 17h34 : « Tout sacrifier pour sauver son honneur. » La formule illustre, pour le général
Dary, le profond sacerdoce d’Hélie de Saint-Marc.
- 17h40 : « Mort, où est ta victoire… quand on a toujours été à l’avant-garde de l’Histoire,
sans jamais manquer à son devoir. » Le général reprend cette formule d’introduction dans une
anaphore très émouvante.
- 17h41 : « Ce n’est qu’un au revoir mon frère (…) A Dieu, Hélie….A Dieu, Hélie et surtout
merci ! Merci d’avoir su nous guider au milieu des ‘champs de braise !’ » Reprenant les
premiers vers du célèbre chant scout, le Général Dary termine son oraison funèbre en plaçant
par la formule le célèbre titre des Mémoires d’Hélie de Saint-Marc. Tonnerre
d’applaudissements alors que les anciens bérets verts entonnent « Contre les Viets ».
- 17h44 : La Sonnerie aux Morts retentit une second fois, les tambours battent. Place au
silence sur la place Saint-Jean. Il est assourdissant. La fanfare militaire reprend ensuite Le
Boudin, hymne de la Légion étrangère.
- 17h48 : Six légionnaires portent le cercueil d’Hélie de Saint-Marc jusqu’au corbillard.
Gérard Collomb et Jean-François Carenco viennent présenter leurs condoléances à Manette, la
veuve du commandant.
- 17h50 : Merci d’avoir suivi notre direct sur Lyon People. Le commandant sera inhumé
demain samedi à La Garde-Adhémar (26)
L’ancien officier est décédé lundi 26 août 2013 dans sa résidence drômoise de la GardeAdhémar. Il avait 91 ans. Revivez dans les conditions du direct les obsèques d’Hélie de SaintMarc à la primatiale Saint-Jean de Lyon où près de 3000 personnes se sont rassemblées pour
l’accompagner dans son dernier voyage.
Adieu Hélie Denoix de Saint Marc. Monument d’honneur
Hélie de Sain-Marc, une des nos plus belles rencontres – Photos © Jean-Luc Mège
Par Nadine Fageol
Résistant à 19 ans, déporté, lieutenant blessé en Indochine, « soldat perdu » en Algérie… la
vie d’Hélie était fascinante au-delà du roman. L’ancien officier est décédé lundi 26 août 2013
vers 8h30 dans sa résidence drômoise de la Garde-Adhémar. Il avait 91 ans. Retour sur le
parcours d’un homme d’exception, que nous avions rencontré chez lui au printemps 2010.
On l’attend dans un appartement cossu du 6ème arrondissement ponctué d’objets d’une vie,
épées, photos, livres, nombreux sur l’armée, l’Asie, des toiles des ancêtres en perruques et
puis Monique, dame de compagnie aussi menue que prévenante. C’est à Blandine Peillon,
ancienne communicante aujourd’hui à la tête de Jours de Printemps , une société de services à
la personne et créatrice de l’association « Xvân, les enfants de l’avenir » que l’on doit cette
rencontre avec un Monsieur hors norme, Hélie Denoix de Saint Marc. Il arrive enfin, replié
dans un fauteuil roulant. Les mains fines et froissées, le cheveu blanc en bataille et des yeux
intensément bleus, presque hypnotiques. À 87 ans, la maladie gagne, la vieillesse ronge et la
parole a du mal à se frayer un chemin, mais Hélie force, pousse les mots dans la gorge
caillouteuse. Intéressé, il s’enquiert sur le support Lyon People , son mode de financement…
La vivacité d’esprit reste furieusement intacte.
L’histoire d’Hélie démarre avec le siècle quand Madeleine Buhan, opulente famille
bordelaise anoblie par Louis XVI, épouse en 1900 Joseph Denoix de Saint Marc issu d’une
vieille famille du Périgord Vert catholique, légitimiste et juriste par tradition. Forte nature,
l’avocat salue de son chapeau en ville tout porteur d’étoile jaune et sera élu bâtonnier de
l’Ordre des avocats de Bordeaux à deux reprises. Dernier de sept enfants, Hélie est élevé dans
la rigueur et l’austérité. La devise du père, « travail, travail, et travail » ; Hélie qui ne goûte
peu les études pimente son univers de longues lectures : « Charrette, Cadoudal, Corday et
tous les grands sabreurs de la Révolution et de l’Empire… » Il découvre l’aventure coloniale
auprès de Gallieni, Lyautey, le père de Foucauld et puis Kessel, Mermoz… London,
Conrad, Kipling, Stevenson nourrissent une soif infinie d’aventures. « Je m’intéressais plus
aux hommes qu’aux événements. J’aimais les destins fulgurants et tumultueux. Soit
inconsciemment, le culte du héros. Mais pourquoi pas ? » explique-t-il dans la biographie
signé de l’historien Laurent Beccaria.
La guerre arrive, la route de Bordeaux au Périgord entaillée par la ligne de démarcation, seuls
ses parents obtiennent un laissez-passer. L’adolescent connaît la région sur le bout des doigts,
s’affranchissant de tout, il emprunte à vélo les sentiers déserts et, surveillant le passage des
patrouilles, franchit la ligne. Régulièrement. Il transporte paquets ou aide un ami à passer sans
oublier de rajouter une once de frayeur. Début 1941, une convocation du recteur de son
collège de Tivoli le fait basculer dans l’armée des ombres. Le supérieur prévenu de ses
escapades illicites lui demande de rendre service à un ami, le colonel Arnould, un des
fondateurs de la Résistance dans le Sud-ouest via le réseau Jade-Amicol. Agent de liaison,
Hélie disparaît des jours entiers. Côté études, rien de folichon, il échoue à la prépa de SaintCyr. La France occupée, les études déconnectées de la réalité, l’avenir paralysé, sur un coup
de tête Hélie décide de partir pour l’Espagne avec des copains de collège. Toute la bande est
arrêtée, vendue aux Allemands par le passeur. Accusé de vouloir échapper au STO, Hélie
l’agent de liaison inconnu de la Gestapo, est expédié à Buchenwald. L’horreur n’a pas de
nom, il en découvre les variantes pendant deux ans. Sauvé par deux fois, un docteur vend son
bien pour lui procurer des médicaments et un détenu qui travaille à sa place et vole de quoi le
nourrir.
C’est un quasi mourant qui entend sonner le tocsin de la Libération. Passé les retrouvailles en
Périgord, il retente Saint-Cyr. S’impliquer, défendre la patrie, sa vie a désormais un sens
même s’il mesure la complexité de l’âme humaine. Au camp, il a fréquenté toutes les
nationalités, c’est donc naturellement qu’au moment de choisir son corps d’armes, il opte pour
la légendaire Légion étrangère. Rivées sur la reconstruction du pays, les autorités françaises
négligent l’empire colonial en déroute. En trois séjours en Indochine, Hélie mesure la valse
hésitation des politiques qui va d’ordre en contre-ordres. Sur le terrain, cela se traduit pour
Hélie et ses hommes en renoncements terribles ; l’abandon aux représailles Vietminh de
villages entiers armés par les Français. Les images restent tenaces comme celle de ces gens
qui tentent de rallier son bateau, le jour du départ vers… l’Algérie où se noue un autre drame.
Cette guerre pudiquement nommée « événement ». Hélie qui va aimer l’Algérie autant qu’il a
adoré l’Asie est pris au piège des tergiversations politiques : on demande aux militaires de
défendre une « Algérie Française », thèse soutenue par Hélie dans un idéal généreux, des
droits identiques pour tous, Pieds Noirs, Harkis comme musulmans. À force de contradictions
gaullistes, la rumeur puis la révolte monte au sein de la Grande Muette. Homme de discipline,
droit dans ses bottes, Hélie franchit le Rubicond en avril 1961 au côté du général Challe. À la
tête du 1er REP, régiment d’élite, il prend Alger !!! Le putsch dure le temps que Challe voit
ses soutiens s’évaporer comme peau de chagrin, la cause ne pèse plus grand chose face aux
individualismes menacés, quand bien même la communauté française attend le souffle court
sur la grand’ place d’Alger. Hélie aura la politesse de ramener son régiment à la caserne.
Procès, prison, destitué de ses droits civils et militaires, il lutte dans l’univers carcéral d’une
prison de Clairvaux pour ne pas sombrer dans la dépression. Manette, sa jeune femme
rencontrée à Alger, gère au mieux.
Libéré le 25 décembre 1966, « le soldat perdu » doit cette fois apprendre à vivre avec une
France qu’il ne connaît pas… Quelques amis se mobilisent, Hélie qui a repris les études en
prison trouve une place de chef du personnel dans une entreprise lyonnaise. Le temps passe,
une vie se reconstruit, Hélie a une quatrième fille, un appartement près du parc de la Tête
d’Or, une maison en Drôme pour renouer avec la nature et des amis, des nouveaux et
quelques fidèles parmi les anciens, ceux de sa trempe. Son père décède lors de son séjour en
prison, un membre de la famille obtient une autorisation de sortie agrémentée d’une
déclaration sur l’honneur qu’Hélie refuse de signer. Il n’assistera pas aux obsèques de son
père. « Je ne pouvais pas signer cette déclaration car je savais que j’aurais tenté de faire la
belle ».
Mélange d’audace et de retenue, Hélie de Saint Marc a finalement vécu le nazisme,
l’émergence du Tiers Monde, la montée des jeunes nationalismes, la poussée du communisme
en Asie, le réveil du fondamentalisme religieux, les grands changements du siècle… Il a
surtout rêvé d’une décolonisation qui ne soit pas une déchirure. En vain.
La messe de funérailles sera célébrée vendredi 30 août 2013 à 15h en la primatiale Saint Jean
(Lyon)
Bruno Gollnisch rend hommage à Hélie de Saint-Marc
Photo © Fabrice Schiff
Député au Parlement Européen et président du groupe FN au Conseil Régional Rhône-Alpes,
Bruno Gollnisch salue dans un communiqué « le grand patriote » décédé le 26 août 2013.
« Hélie Denoix de Saint-Marc s’est éteint ce matin. Ce grand soldat et patriote a combattu
toute sa vie le totalitarisme. Très jeune, dans la résistance, ce qui lui valut d’être déporté, puis
comme officier parachutiste de la Légion étrangère, contre le communisme en Indochine, et
contre le FLN en Algérie.
On tentera à l’occasion de sa mort de distinguer, entre ses engagements, ceux qui demeurent «
politiquement corrects » de ceux qui sont toujours calomniés, comme le fait de s’être dressé
contre l’affreux abandon, par le pouvoir politique, de nos compatriotes d’Algérie, « piedsnoirs » chassés de leur terre, « harkis » livrés aux égorgeurs, etc… Ce qui lui valut cinq
années de prison.
On aura tort de faire cette distinction. Les événements d’aujourd’hui donnent raison à Denoix
de Saint-Marc. Comme ils donnent raison à l’un de ceux qui, jeune lieutenant, a combattu
sous ses ordres : Jean-Marie Le Pen.
Aujourd’hui, les partis de la trahison nationale sont toujours à l’œuvre. Et cette fois-ci, les
Français sont le dos au mur. Puissent-ils s’inspirer de l’exemple de ceux qui ont fait passer
l’intérêt de la Patrie avant celui de leur carrière personnelle. »