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Annick Hercend
Trop sexy
pour un bilan
Préface
J’ai rencontré Annick au comité Richelieu* il y a une
dizaine d’années. Elle s’occupait de la commission internationale, toujours partante pour aller prêcher la bonne
parole, convaincre ici et là les grands groupes qu’il fallait
travailler avec les PME innovantes et les PME qu’il fallait
travailler ensemble ! Un entrepreneur au féminin car, la
parité n’étant pas malheureusement encore de mise dans
les PME, elle était une des rares femmes du Conseil d’administration du comité.
J’ai toujours porté sur ces femmes entrepreneurs
un regard bienveillant, voire admiratif. Annick fait
partie de ces femmes qui ont l’ADN de l’entreprise
ancré en elles.
Dans les années soixante-dix, il n’y avait, pas d’Internet, pas de micro-ordinateurs, pas de logiciels, d’e-mail et
de mobile, pas de start-up, bref, c’était un temps que les
moins de 30 ans ne peuvent pas connaître ! Nous étions
loin de la transition digitale ! Une époque où travailler dans l’industrie avait encore un sens et une certaine
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forme de noblesse, un monde d’entrepreneurs artisans,
mais aussi disons-le, profondément masculin et souvent
machiste. Mai 68 avait simplement annoncé l’éclosion
d’un nouveau monde et surtout la fin d’un autre, le crépuscule des trente glorieuses, de l’industrie en France et
des PMI.
L’arrivée du Digital a tellement changé notre univers
professionnel, personnel et nos habitudes que, même
pour ceux qui ont vécu cet « avant », il est presque difficile de s’en souvenir.
Annick nous ouvre son carnet de notes, son journal
de bord et de vie, sans prétention ni fard, sans nostalgie ni regrets, avec la simplicité et la naïveté de ceux qui
ont simplement œuvré à entreprendre, qui ont cherché
à produire de la valeur, à innover pour mieux servir leurs
clients ou se différencier des concurrents, qui n’ont pas
hésité à partir à l’étranger, et surtout, qui n’ont pas hésité
à prendre des risques.
Il n’y a que dans les contes de fées pour entrepreneurs
de la génération Y que le risque que l’on prend se paye
avec l’argent des autres. En ce temps-là, quand on prenait un risque et que ça tournait mal, tu le payais cash.
Il fallait du courage et de la passion, en plus du talent
pour avoir le droit de jouer à entreprendre. Ce carnet de
notes n’est pas un essai littéraire ni un roman pour flatter
son ego. C’est un témoignage, c’est une tranche de vie,
entre humour et humilité. Le style est télégraphique, pas
le temps de s’attarder sur une quelconque mélancolie ou
mégalomanie. C’est une sorte de « test de personnalité »
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pour entrepreneur en herbe. Si tu as 25 ans et que tu es
prêt à vivre les 30 prochaines années comme un moine
soldat, avec des insomnies entre clients mauvais payeurs
et banquiers mauvais prêteurs, à travailler 50 heures par
semaine, avec une chance sur cinq de réussir et donc
quatre d’échouer, une retraite incertaine mais avec la
détermination de créer de la richesse, de l’emploi, l’envie
d’innover, le goût du risque et des autres, du client et des
collaborateurs, alors, alors seulement, tu peux tenter ta
chance pour devenir entrepreneur.
C’est l’histoire d’une femme, entrepreneur,
Respect.
Jean Pierre Gérault
Président du comité Richelieu*
Cofondateur de Publishroom
*Association Française des entreprises d’innovation et de
croissance
Tout ça pour ça
Une chemise blanche, un ensemble pantalon noir ou
bleu marine, une signature au genre non identifiable,
c’était au début de ma carrière la manière de faire oublier
que dans un monde à 98 % masculin, derrière le chef
d’entreprise se cachait une femme.
Aujourd’hui, mon parcours professionnel atypique ne
semble intéresser qu’à travers le prisme de ma féminité.
Que sont devenues mes illusions de Baby-Boomer qui
pensaient que la liberté n’avait pas de sexe et que pour
réussir, un seul ingrédient était essentiel : la volonté ?
Présidente de sociétés, membre actif d’un réseau d’entrepreneurs, responsable d’un club export, me voilà obligée de témoigner de mon parcours professionnel du haut
de mes escarpins.
Un silence de cathédrale, mon premier coup de lime
dans la salle où nous étions une bonne trentaine à passer
l’examen pratique de notre fin d’études…
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Le superviseur s’approche de moi et fait, à ma place, le
premier aller-retour sur la tôle.
Déjà, j’étais la seule fille à oser rivaliser avec les garçons.
Dans les années soixante, pour une adolescente d’un
milieu modeste, le choix était très simple : des études
d’infirmière ou de secrétaire.
Le sang me fait peur et j’avais compris que le secrétariat n’était pas fait pour moi.
C’est pourquoi à quinze ans, je me suis inscrite au
lycée Jacquard, la première école à préparer mes consœurs
aux métiers techniques.
L’électronique me convient parfaitement.
Dans ce temps-là également, je passais beaucoup de
temps au Golf Drouot, le temple du yé-yé, à voir débuter
Johnny, Sylvie, Françoise, Claude et les autres.
Nous avions le même âge.
Mes études dans l’univers scolaire ont été très courtes
et à dix-sept ans et quelques mois, j’ai commencé à
travailler.
Ce n’était pourtant pas mon premier emploi depuis
mes quatorze ans : je travaillais pendant les vacances.
Entre deux périodes comme monitrice de colonies, je me
suis retrouvée ouvrière dans une société de composants
électroniques.
Le premier jour, je suis affectée sur une chaîne de
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montage en compagnie d’une douzaine de femmes.
Le soir à la sortie, je suis prise à partie.
« Eh toi, la gamine ! Tu vas ralentir le rythme ! Tu es là
pour un mois et nous, c’est tous les jours ! »
Le lendemain, je me suis retrouvée toute seule devant
une machine, à mettre toute la journée des queues sur
des condensateurs.
Dans ma tête inoccupée, j’écrivais des vers pour ne
pas m’ennuyer.
En sortant de l’école, je n‘avais qu’une envie : être derrière une planche à dessin et travailler dans un bureau
d’études.
Je retourne voir mon employeur d’été qui me signe un
contrat de travail tout de suite.
Et il me remet dans l’atelier.
À midi, je demande :
— C’est quand que je vais au bureau d’études ? — Attends ! Ça va venir !, me dit le chef d’atelier.
Au bout d’une semaine, à ma nouvelle demande, on
me répond :
— Moi ça fait dix ans que je suis dans l’usine… Tu
peux bien attendre un peu avant d’aller dans un bureau ! »
Dans la minute, je donne ma démission et je pars.
Très rapidement, je suis convoquée à un entretien
d’embauche pour travailler dans un bureau d’études
notices.
On me fait passer un essai, et je suis prise. Je suis la
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première fille, naturellement, dans ce bureau.
C’est là que j’ai commencé à apprendre la mécanique :
j’étais en charge d’exécuter des catalogues de pièces détachées en perspectives en partant des plans d’études.
De temps en temps, je réalisais aussi des courbes aux
tire-lignes (l’ancêtre du feutre).
Au bout de six mois, je reçois un courrier de la société
Thomson pour un entretien d’embauche.
Dans leur département radar, ils sont en train de
mettre en place un service notices.
Je rejoins immédiatement l’équipe de la SNERI rue
des Orteaux à Paris.
C’était une bulle d’expérimentation et c’est là qu’un
jeune ingénieur a développé le soutien logistique intégré.
À côté de mon bureau se trouvait un artiste qui était
capable de dessiner en trois coups de crayon un avion en
plein vol.
De cette année chez Thomson, je garde le souvenir
d’avoir beaucoup appris et surtout de m’être énormément amusée.
Nous étions tous très jeunes dans ce département.
Tout le monde se plaignait de ne pas être assez payé et
moi, incrédule je disais :
« Mais pourquoi vous ne partez pas ailleurs ? »
Une annonce dans un journal chez RadioPrim : on
recherche un dessinateur. Le salaire proposé était double
du mien à l’époque.
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Naturellement, je quitte la sécurité de l’emploi chez
Thomson pour tenter l’expérience d’une petite société.
Le travail était passionnant. Je faisais équipe avec un
ingénieur et un technicien. Nous étions en charge de
vendre au public d’experts amateurs abonnés au journal
Le haut-parleur, un lot de composants électroniques avec
notices.
Les lots de composants étaient achetés en vrac et on
devait en tirer parti. Et surtout, faire le prototype avec
création de circuits imprimés, organiser les tests et essais
puis programmer la validation, et enfin la mise en service.
Les conditions de travail étaient très difficiles.
Nous étions tous les trois installés dans le fond d’un
magasin, au milieu de la réserve, notre table à dessin
encastrée dans un couloir étroit avec interdiction d’utiliser un autre éclairage que notre lampe de bureau.
Au bout d’un an, je pars faire de l’intérim dans de
grandes entreprises : Alcatel, CGE, CGCT… Et je travaille pendant plusieurs années pour ces sociétés, sur des
projets de mécanique, d’électromécanique, d’électronique et d’automatisme.
J’apprends mon métier.
Pendant toutes ces années de salariée, j’en profite
aussi pour poursuivre des études : un peu de mathématiques et surtout, en cours du soir aux Arts et Métiers
qui ont ouvert une première session, le dessin appliqué
à l’industrie.
C’était le début de ce qui allait devenir le design
industriel.
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Après une formation technique, je suis dans la création pure.
En 1971, j’ai deux enfants, moins de 25 ans, un mari
qui travaille chez Alpine à Dieppe et va participer à la
belle épopée de cette voiture initiée par le visionnaire
Jean REDELE.
Je prends la décision de créer ma propre société.
Ces cinq années dans l’industrie seront mon passeport
pour le futur.
Table des matières
Préface������������������������������������������������������������� p. 7
Tout ça pour ça ��������������������������������������������� p. 11
Société en nom propre 1971��������������������������� p. 17
Le patron d’une SARL, c’est…����������������������� p. 35
Pas assez sexy pour un bilan��������������������������� p. 45
Waïmea, notre filiale au Canada��������������������� p. 53
Le 11 septembre,
le monde se réveille dans l’horreur.����������������� p. 61
Mars 2003����������������������������������������������������� p. 81
���������������������
p. 83
Menace de mort d’un PDG��������������������������� p. 89
Au tapis par KO��������������������������������������������� p. 95
Et puis après������������������������������������������������� p. 101

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