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DOSSIER LE « SITE FRANCE » EN DANGER L’attractivité vue par les entreprises JEAN-LOUIS MUCCHIELLI* I 1 Pour un examen plus complet, voir J.-L. Mucchielli, Multinationales et mondialisation, Seuil,1998. Sociétal N° 35 1er trimestre Impossible de parler de l’« attractivité » d’un territoire national si l’on n’analyse pas les motivations des entreprises dans leurs choix d’implantation. Ces motivations sont très diverses, et parfois peu cohérentes entre elles : les conditions de l’offre (comme les coûts ou les approvisionnements) ; le désir de se rapprocher du marché pour mieux suivre son évolution ; un souci d’équilibrage géographique et de diversification des risques ; ou bien un calcul stratégique dans un jeu planétaire d’attaque et de défense. Dans la pratique, l’« effet d’agglomération », qui pousse à la concentration des firmes d’un même secteur sur quelques sites, joue un rôle de plus en plus important. our mettre en place une politique d’attractivité efficace et évolutive, il faut tenter de comprendre les processus de multinationalisation des entreprises et leurs choix de localisation. Sans pouvoir ici mettre en évidence tous les aspects de cette question, nous pouvons en résumer les grandes tendances1. P En principe, une firme, pour s’implanter à l’étranger, doit avoir un avantage concurrentiel (technologique, de coût ou de différenciation) à exploiter par rapport aux entreprises du pays d’accueil. Cette condition, nécessaire, n’est toutefois pas suffisante : pourquoi une firme choisit-elle de s’implanter à l’étranger plutôt 2002 * Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, professeur affilié à l’ESCP-EAP Paris. 64 que d’exploiter ses avantages en exportant ses produits ? L’analyse économique des stratégies met en évidence trois grandes motivations. En s’implantant à l’étranger, l’entreprise peut rechercher de meilleures conditions d’offre, de meilleures conditions de demande, ou une meilleure position concurrentielle. COÛTS, APPROVISIONNEMENT, TECHNOLOGIE La recherche du moindre coût est la motivation la plus fréquente – c’est d’ailleurs elle qui donne lieu au débat sur les délocalisations. Cependant, elle repose implicitement sur plusieurs hypothèses à ne pas négliger. Elle suppose d’abord que le produit n’incorpore pas une part importante de technologie, et que le coût de la main-d’œuvre ou de la matière première est prédominant dans son prix de revient. D’autre part, la main-d’œuvre n’a pas la même productivité partout dans le monde : en fait, ce sont les différences de productivité (coût unitaire) et non plus de coût horaire de la main-d’œuvre qu’il faut pouvoir apprécier. Enfin, le L’ATTRACTIVITÉ VUE PAR LES ENTREPRISES produit doit être parfaitement « délocalisable », les coûts de transport ou d’éloignement du marché ne représentant pas un poids trop important. De nombreux exemples peuvent illustrer cette démarche. Ainsi, le groupe textile DMC, à forte participation de capital chinois (CDW, avec 14 % en 1997), à la suite de très fortes pertes et d’une restructuration, a réduit de moitié sa production allemande de tissus imprimés et a décidé de « relocaliser » sa production « non rentable », soit 12 millions de mètres de tissus à grande diffusion, au profit d’usines à faible coût de main-d’œuvre (unité de Maya, en Hongrie) ou proches des lieux de livraison (aux EtatsUnis et en Chine). Le produit délocalisé peut alors ressembler en tous points à un produit banalisé, tel qu’il est décrit dans l’approche du cycle du produit. A la fin de son cycle, lorsque le produit est banalisé, la concurrence s’effectue principalement en termes de prix. L’intensité en travail peu qualifié dans la fabrication du bien incite l’entreprise à rechercher de la main-d’œuvre au moindre coût. La production peut alors être transférée vers des pays moins développés. Actuellement, le gouvernement japonais est à nouveau préoccupé par les délocalisations d’entreprises japonaises en Chine, comme l’a été le gouvernement français dans les années 90 ou le gouvernement américain dans les années 70. Dans le cas d’un produit segmentable, l’intensité en main-d’œuvre (en particulier peu qualifiée) peut ne pas être la même dans les différents stades du processus de production : l’objectif du moindre coût amènera alors à ne délocaliser que la production du segment intensif en main-d’œuvre. Par exemple, Lancel exporte ses peaux découpées à l’Ile Maurice, les fait coudre sur place et les réimporte vers l’Europe. Ces pays de délocalisation deviennent des zones plates-formes de réexportation. Pour des raisons inverses, on peut observer des comportements de « relocalisation » : celle-ci peut s’effectuer vers le pays d’origine ou vers un pays tiers, et elle est souvent liée à des erreurs d’appréciation sur l’avantage de main-d’œuvre attendu d’une délocalisaiton lointaine, ou à la nécessité de revenir près du marché principal pour mieux suivre ses évolutions. Ainsi, en France, le fabricant de jouet Moby a relocalisé en Bretagne une chaîne de fabrication de jouets qui avait été délocalisée en Chine. En Allemagne, Varta, leader européen des piles électriques, a décidé en 1997 de concentrer la production de minipiles sur le site d’Ellwangen au lieu de Singapour. La sécurité des approvisionnements compte aussi. L’accès direct à une source de matière première se trouvant à l’étranger, au moindre coût et aux moindres risques, peut être vital pour une entreprise, et nécessiter l’implantation sur place. Cependant, l’abaissement du coût des transports et de nouvelles conditions de concurrence ont réduit l’importance de ce facteur de localisation. L’accès à la technologie est une motivation de plus en plus importante. Contrairement à ce qui se passe dans les deux cas précédents, l’investissement de l’entreprise s’effectue vers un pays plus avancé que le pays d’origine, au moins dans le secteur concerné. La stratégie consiste alors à observer la technologie en implantant des laboratoires de recherche pour la copier ou l’imiter ultérieurement. Par exemple, le coréen Samsung s’est installé en Californie, dans la Silicon Valley, pour apprendre les technologies modernes des ordinateurs à une époque où il n’était que fabricant de postes de radio. Son implantation sous forme d’unité de recherche devait lui permettre de rattraper son retard et d’embaucher des ingénieurs sortant des universités de Berkeley ou de Stanford, et de se mouvoir dans l’ambiance de recherche de ce haut lieu de l’informatique. Il a effectivement rattrapé son retard. L’entreprise peut aussi chercher à acquérir une avance technologique en rachetant une entreprise locale possédant la technologie visée, sans posséder les moyens financiers de l’exploiter : on a ainsi vu beaucoup de start-up innovantes rachetées par des multinationales. Les politiques fiscales, enfin, sont un des aspects les plus politiquement sensibles des conditions d’offre. Témoin le débat, en France, à propos de la lourdeur des prélèvements fiscaux et sociaux, notamment sur les hauts salaires, et de leur effet dissuasif sur les implantations de centres de décision. De fait, des taux de prélèvement réels passant de 66 % à 43 % quand on franchit la Manche peuvent faire la différence, et écarter de l’Hexagone des activités intensives en travail qualifié, donc en cadres internationaux. ACCÈS AUX MARCHÉS ET DIVERSIFICATION GÉOGRAPHIQUE a demande, trop souvent oubliée dans les débats sur les délocalisations, est pourtant une motivation essentielle dans les décisions d’investissement. L Même si le protectionnisme tend à disparaître avec le mouvement de libération des échanges, il subsiste encore : en Chine, par Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 65 DOSSIER exemple, le taux de protection à l’importation est aux environs de 100 % pour les automobiles importées. L’entrée de ce pays dans l’OMC permet d’espérer une baisse des trois quarts de cette protection. En attendant, les constructeurs qui souhaitaient prendre une part du marché chinois doivent s’y implanter. LE « SITE FRANCE » EN DANGER La firme cherchera d’abord à implanter un réseau de commercialisation, un laboratoire de recherche appliquée, puis d’autres éléments du processus de production. l’Espagne. Ce résultat est en grande partie lié aux 3 milliards de francs dépensés en trois ans dans le pays en investissements et en participations. En 1993, Renault a renforcé son dispositif pour maintenir son rang de deuxième constructeur automobile (derrière Fiat-Tofas). Grâce à ces investissements, la part de marché de Renault est passée de 7,1% en 1971 à 34,6% en 1992 avec 108 410 voitures vendues. De fait, le marché turc des voitures particulières croît très rapidement : plus de 30% par an depuis 1991. Son potentiel est énorme, le taux d’équipement n’étant que de 35 voitures pour 1 000 habitants alors qu’il atteint 270 en Espagne et plus de 400 en France... Devenir « national ». Un objectif plus ambitieux encore est d’acquérir une image de producteur national. Longtemps, les firmes multinationales ont eu mauvaise S’adapter au marché. S’implanpresse, étant supposées mettre ter sur le marché d’accueil signifie en avant leurs propres intérêts également que l’entreprise étranau détriment de ceux du pays gère se place près des consomhôte. La France elle-même refumateurs pour réagir plus vite sait les implantations américaines aux évolutions de leurs goûts et dans les années 60 et japonaises de leurs désirs. dans les années 70. Par ailleurs, les consommateurs réagissent En effet, les habitudes de consomsouvent par stéréotypes (les promation peuvent être très différentes duits électroniques allemands selon les pays : c’est le cas pour seraient de bonne qualité alors les habitudes alimentaires. La que les produits italiens ne le pénétration de produits se fera seraient pas, etc.). De plus, les alors difficilement, consommateurs hale problème étant L’avantage d’une bitués à une marque de savoir comment acceptent difficilepositionner ses pro- implantation directe ment d’en changer à duits sur les marchés est particulièrement l’occasion du rachat é t r a n g e r s . A i n s i sensible dans d ’ u n e e n t re p r i s e Ricard n’a pas réussi nationale par une à prendre une part le cas des marchés firme étrangère. Cela significative de marché émergents : c’est nécessite parfois de en Allemagne, le goût ainsi que la Turquie se fondre totalement de l’anis ne plaisant dans l’économie locale pas et l’adjonction est devenue le en rachetant une d’eau lui donnant un quatrième débouché marque locale afin de air de produit chi- mondial de Renault, continuer à exploiter mique. De même , le nom antérieur. l ’ i n t ro d u c t i o n d e devant l’Espagne. Danone en Angleterre P a r e xe m p l e , e n fut un relatif échec : le goût du France, le groupe suédois Electroyaourt était jugé trop sucré par lux exploite les marques Arthurle consommateur britannique, Martin et Faure ; l’américain trop liquide et trop faible en fruit. Whirlpool a racheté, quant à lui, le De plus, Danone avait transposé secteur produits blancs de Philips la taille française du pot, ce qui et commercialise ses produits sous aboutissait à un pot de quatre onces le nom de Philips-Whirlpool – au et quart au lieu de cinq onces pour prix de considérables investisseles fabrications anglaises. ments publicitaires. Se diversifier et répartir les risques. Enfin, l’investissement direct à l’étranger peut répondre à une préoccupation, propre à l’entreprise, d’équilibre géographique. Ainsi, la croissance internationale a souvent été considérée comme la poursuite de la croissance nationale. L’international permettait de dépasser les limites politiques ou économiques imposées par les frontières nationales. En termes politiques, les lois anti-trust peuvent, à un moment donné, brider l’expansion nationale d’une firme dans la mesure où son influence ne peut plus s’étendre sur son territoire. En termes économiques, l’expansion nationale peut se heurter à la saturation du marché ou au trop grand risque d’une diversification conglomérale, c’està-dire d’une expansion sur des produits et des marchés peu familiers à l’entreprise. La réponse à ces différentes contraintes est alors de s’étendre au niveau international. La nécessité de mieux connaître les goûts locaux, d’adapter les produits et l’ensemble du marketing aux conditions spécifiques du pays, engendre donc des stratégies d’implantation à l’étranger. L’implantation à l’étranger peut aussi, tout en étant un prolongement de la croissance interne, représenter une diversification des risques compte tenu des décalages qui peuvent exister Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 66 L’avantage d’une implantation directe est particulièrement sensible dans le cas des marchés émergents. Ainsi, la Turquie est devenue le quatrième débouché mondial pour Renault, devant L’ATTRACTIVITÉ VUE PAR LES ENTREPRISES entre les évolutions cycliques des différents marchés. Lorsqu’un marché est en récession, comme celui des équipements des sports d’hiver en Europe à la fin des ann é e s 8 0 , d ’ a u t re s p e u ve n t connaître une forte expansion (comme le Japon à la même période). Une entreprise comme Rossignol, qui produit sur ces deux marchés, peut alors compenser les pertes de l’un par les bénéfices de l’autre. LES MOTIVATIONS STRATÉGIQUES n étudiant le comportement de délocalisation des firmes, on remarque que celles-ci ont tendance à implanter presque en même temps leur filiales à l’étranger. Il existe en effet un comportement de réaction face aux menaces des concurrents, ou de l’entreprise leader, dans leur expansion à l’étranger. E L’attitude de la firme leader. Si des entreprises sont sur un marché oligopolistique, c’est-à-dire dominé par un petit nombre d’entre elles, et lorsque le leader au sein de cet oligopole décide de s’implanter à l’étranger, cela modifie à son avantage les positions dans ce secteur. Grâce à son implantation étrangère, la firme leader peut espérer accroître ses parts de marché globales par rapport à ses concurrents qui ne se seraient pas encore internationalisés. Ce comportement du leader est ressenti comme une agression par les autres firmes, puisqu’il remet en cause la situation initiale de l’oligopole national. Ainsi, Honda fut la première firme japonaise d’automobile à véritablement s’internationaliser : elle représenta alors une menace pour les autres constructeurs japonais, qui n’en étaient encore qu’au stade de l’exportation. Elle fut de ce fait rapidement suivie par d’autres entreprises automobiles. La réalisation d’un investissement direct agit comme une menace sur les concurrents. Symétriquement, elle représente un engagement crédible sur le marché d’accueil. Du fait des coûts irréversibles qu’elle engendre, elle peut écarter l’entrée de concurrents potentiels. En cela, elle peut être considérée comme l’instauration d’une barrière stratégique à l’entrée.L’investissement du leader peut avoir un effet de préemption du marché étranger à son profit. La réaction des firmes suiveuses. Face à cette menace de la firme leader, les firmes suiveuses réagissent en se délocalisant à leur tour afin de tenter de rétablir leurs parts de marché antérieures et de ne pas se laisser distancer. D’où une sorte de course-poursuite où chacun s’internationalise parce que les concurrents le font. Plus le secteur est oligopolistique, c’està-dire plus petit est le nombre de firmes qui le contrôle, plus ce comportement prend de l’importance. De nombreux cas empiriques peuvent être cités à ce propos : Bouygues s’implante aux Etats-Unis parce que son concurrent direct Spie-Batignolles l’a fait ; Peugeot s’implante en Chine parce que Volkswagen s’y est implanté. Au Brésil, l’attractivité du marché intérieur, le protectionnisme et l’amélioration des indicateurs économiques ont engendré une course à l’implantation dans le secteur automobile avec la venue de Renault (annonce d’un investissement de 5 milliards de francs en juillet 1995),Mercedes (annonce en octobre 1995 d’un investissement de 2,1 milliards de francs pour une nouvelle usine), General Motors (2 milliards de dollars sur quatre ans) et Ford (qui dévoilait, fin 1995, un plan de 1,1 milliard de dollars dans les dix-huit mois).L’implantation accélérée actuelle dans les pays de l’Est de certaines multinationales peut faire penser aux mêmes déterminants. Les effets d’agglomération. L’implantation d’une entreprise dans le même pays, voire la même région que ses concurrents peut également lui permettre de profiter des effets d’agglomération. La concentration d’entreprises dans un même lieu engendre des « externalités » économiques positives (environnement technologique, disponibilité de la maind’œuvre, infrastructures, etc.) qui incitent les firmes suiveuses à choisir les mêmes zones d’implantation que les leaders.Ce phénomène se révèle aujourd’hui très important dans les déterminants de la localisation. Par exemple, pour la localisation des intermédiaires financiers, on peut constater en Europe un effet agglomération à l’avantage de Londres : les services financiers au sens strict y emploient 600 000 personnes contre 267 000 à Paris. La place de Londres offre aux spécialistes de la finance des débouchés et des opportunités d’évolution plus larges que celle de Paris, et connaît une rotation rapide des salariés (plus de 1 200 cadres changent d’employeur chaque mois contre 600 au début des années 90). Cet effet est connu dans la théorie de l’agglomération sous le terme de « labor pooling ». Les entreprises d’un même secteur, en s’agglomérant, peuvent effectivement profiter d’un plus vaste marché d’une main-d’œuvre spécifique, qui elle-même bénéficie en retour d’opportunités plus nombreuses. Les fusions-acquisitions et la recherche de positions dominantes. Les vagues de fusionsacquisitions qui sont intervenues durant les années 80 et 90 traduisent une recherche de nouvelles positions dans le cadre de la concurrence oligopolistique. Ces fusions se sont effectuées soit pour atteindre des tailles minimales efficaces, soit pour accéder à des positions dominantes dans les Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 67 DOSSIER secteurs concernés. Les tailles minimales efficaces ont augmenté dans la mesure où les coûts de recherche-développement ou de mise en production ont euxmêmes augmenté. La fusion est alors un moyen rapide d’obtenir cette taille. Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 68 LE « SITE FRANCE » EN DANGER sur son propre territoire, celui-ci réduira sans doute ses ambitions françaises afin de sauvegarder sa position aux Etats-Unis. En termes d’arts martiaux, on pourrait dire que la déstabilisation de l’adversaire passe par une attaque sur son centre de gravité afin de le déséquilibrer. Le comportement des firmes devient alors stratégique, et non plus moutonnier, comme c’était le cas dans l’analyse des investissements en grappe. C’est ainsi, par exemple, que dans le monde de l’assurance en Europe la fusion, en novembre 1996, entre l’UAP et AXA a installé un pôle de 313 milliards de francs de chiffre d’affaires, ce qui, selon un spécialiste du secteur, « pouvait faire apparaître les autres La pondération de ces déterminants assureurs européens comme des dans le choix d’implantation sera nains ». L’allemand Allianz était très différente selon les secteurs, détrôné, l’italien Gecomme selon les types nerali dépassé, tout Parmi les de produits ou de comme les AGF et le motivations des services. Deux comGAN. A partir de firmes, les « effets portements doivent cette date, chacun a être distingués : l’intenté de combler le d’agglomération » vestissement vertical fossé. Les assureurs jouent un rôle de et l’investissement européens se sont plus en plus grand. horizontal. Le premier d’abord regroupés exprime une stratégie dans leur propre pays. En revanche, les de décomposition Puis les tentatives avantages fiscaux internationale des de regroupement, au profit de processus de producd’alliance et de fusion tion. Dans ce cas, sont devenues euro- zones périphériques les considérations de péennes. coût seront imporn’exercent qu’une tantes dans le choix influence relativement Une firme agressée de localisation de sur son territoire va faible. tel ou tel segment répondre en investisde la chaîne de valeur. sant dans le pays de l’agresseur, Cela donnera lieu à des échanges afin d’affaiblir ce dernier et de lui de produits intermédiaires, un faire lâcher prise sur le territoire commerce international intrade l’agressé. Ce phénomène peut entreprise. Dans le second cas, être interprété comme un l’importance des marchés sera « échange de menace » . La menace primordiale, et les comportements de la firme suiveuse ne peut d’internationalisation passeront être crédible que si elle investit souvent par des stratégies de réellement dans le pays de la fusion-acquisition. Dans ce modèle firme leader, et non si elle se horizontal, la décision de s’imcontente simplement d’y accroître planter à l’étranger est issue d’un ses exportations. arbitrage entre exporter et s’implanter. C’est alors l’ensemble des Ainsi, Michelin a répondu à coûts sur toute la chaîne, et non l’investissement de Firestone en sur quelques segments, qu’il faut France par une expansion de ses évaluer : s’il s’agit de greenfields, investissements aux Etats-Unis, les coûts fixes d’implantation en rachetant Uniroyal. S’il arrive d’une nouvelle usine seront comà mettre en difficulté Firestone parés aux coûts de transport des exportations, à leurs coûts variables et aux coûts liés au protectionnisme ou autres politiques fiscales. Entre les deux modèles, les résultats peuvent être complètement différents, notamment en fonction de la destination finale de la production. Par exemple, dans les implantations américaines au Mexique, 40 % de la production sont réexportés, contre 4 % seulement pour les implantations en Europe. Une meilleure connaissance des mécanismes et des motivations des firmes en matière de multinationalisation et d’implantation à l’étranger est essentielle quand on veut développer une politique d’attractivité. Non moins indispensable est une bonne connaissance des atouts du territoire : il serait inutile de vouloir attirer des entreprises qui, pour rester concurrentielles, auraient des demandes que les caractéristiques de notre territoire ne pourraient pas satisfaire. Parmi les motivations des firmes, les avancées récentes de la nouvelle économie géographique montrent que les « effets d’agglomération » jouent un rôle de plus en plus grand. En revanche, des avantages fiscaux fortement différenciés au profit de zones périphériques n’exercent qu’une influence relativement faible. D’ores et déjà, un certain nombre d’agences de développement des investissements internationaux prennent en compte ce phénomène de grappe, dit de « clusters », accentuant le regroupement des multinationales sur les sites où elles sont déjà fortement implantées – ce qui ne cadre pas toujours avec les préoccupations classiques d’aménagement du territoire. ● DOSSIER Investissements directs internationaux :la France recule Tous les pays développent des politiques d'attractivité pour essayer d'attirer les investissements internationaux. Une association mondiale regroupe même les agences de promotion sous le nom de Waipa (World Association of Investment Promotion Agencies). Mais comment constater l'attractivité relative d'un pays ? Le principal problème est celui du choix des statistiques. Doit-on considérer les stocks d'investissements directs étrangers (IDE), les flux, les moyennes, les créations ex nihilo, les fusions-acquisitions, le nombre d'emplois créés dans l'année, le nombre de filiales de multinationales ? Doit-on rapporter ces données à une norme, comme l'investissement intérieur ou le PIB, le nombre d'habitants, le nombre de créations totales d'entreprises dans le pays, etc. ? Selon le critère retenu, les résultats sont très différents. Pour les flux d'IDE entrants, en données brutes, la France figure par exemple souvent en troisième ou quatrième position. En 2000, cependant, d'après les statistiques de l'ONU, elle se classe en huitième position derrière les Etats-Unis, la Chine et de nombreux pays européens comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, mais aussi la Belgique et les Pays-Bas. En 1995, elle était troisième derrière les Etats-Unis et la Chine. Mais avec de simple statistiques de flux, il paraît difficile de constater l'attractivité. Ces mouvements, en effet, peuvent être influencés par des facteurs conjoncturels ou accidentels. Quant aux analyses présentées par les agences pour la promotion des investissements internationaux, elles annoncent souvent des résultats remarquables en choisissant les indicateurs les plus favorables pour leurs pays respectifs. Un peu plus sophistiqué peut apparaître l'index des investissements entrants calculé depuis peu par la Cnuced dans son rapport annuel sur les investissements internationaux. Il est obtenu en calculant la moyenne de trois ratios comparant les IDE entrants au PNB et aux exportations, et la part des emplois créés par eux à l'emploi total (voir le tableau). Ce ratio global représente la situation relative du pays comme pays d'accueil. La France était, pour la période 1988-1990, au vingt-deuxième rang, loin derrière des pays comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l'Espagne. Elle devançait cependant largement l'Italie et l'Allemagne. En 1998-2000, elle recule au vingt-neuvième rang, alors que le Royaume-Uni passe, lui, de la huitième à la dixième place. On note des progressions spectaculaires (Irlande,Allemagne, Danemark, Suède). Pour l'Allemagne, les flux entrants comportent d'importantes opérations de fusion-acquisition. Mais ces dernières révèlent tout autant l'attractivité que les implantations ex nihilo (greenfields). J.-L.M. Les classements de la Cnuced Index des investissements entrants par pays d’accueil 1988-1990 et 1998-2000 IDE/ IDE/ PNB PNB 1988- 19981990 2000 Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 Singapour 12,7 Belgique/ 3,8 Luxembourg Hong Kong Pays-Bas 3 Royaume-Uni 3 Espagne 2,4 Etats-Unis 1,1 France 1,1 Irlande Allemagne Suède 2,2 Emploi IDE/Emploi total 19881990 26,5 Emploi IDE/Emploi total 19982000 7,5 8,5 16,8 3,5 11,3 9,7 7,5 4,7 4,8 0,8 Source : ONU, Cnuced, WIR, 2001. 70 IDE/ IDE/ Export Export 198819981990 2000 Ratio global 19881990 Ratio Rang Rang global 1988- 19981998- 1990 2000 2000 1,4 0,3 13,5 3,3 1 13 40,8 1 2,6 7,2 17,3 2 1 13,5 1,1 2,5 2,6 2,2 1 1,3 5,1 5,1 4,2 2,7 2,3 6,1 4 7 8 10 16 22 46 75 29 2 5 1 32 23 29 3 20 4 3,9 0,7 1,8 Beaucoup de sorties,peu d’entrées INVESTISSEMENTS DIRECTS, CUMUL SUR CINQ ANS (1996-2000) 157 milliards de dollars Monde France rs 368 m illiards de dolla CROISSANCE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS CUMULÉS ENTRE 1991-1995 ET 1996-2000 + 60 % France + 390 % Etats-Unis + 394 % Monde Royaume-Uni Depuis 1996, les flux d’investissements directs de la France vers l’étranger sont beaucoup plus importants que les flux d’investissements directs de l’étranger vers la France. Ce déséquilibre s’est fortement accentué à partir de 1999 : les sorties nettes de capitaux à ce titre, retracées par notre balance des paiements à la ligne « compte financier », sont passées de 16 milliards de dollars en 1998 à 68 milliards en 1999 et à 114 milliards en 2000. Cette évolution recouvre, outre des implantations d’établissements, d’importantes fusions-acquisitions et des flux de trésorerie entre sociétés. Ce mélange donne lieu à des interprétations différentes. Optimistes : les entreprises résidentes développent hors des frontières des stratégies de long terme dans le but, notamment, de se rapprocher de marchés essentiels comme ceux de l’Union européenne, qui ont accueilli 36% des investissements directs de la France en 1999, ou des Etats-Unis, qui à eux seuls en drainent le tiers environ. Entre autres exemples, en 2000, l’achat de l’américain Seagram par Vivendi ou de l’anglais Orange par France Télécom, en 1999, l’entrée de Renault dans le capital de Nissan (Japon), l’acquisition par Total de Petrofina (Belgique). Mais le déséquilibre de la balance des investissements directs nets peut aussi inquiéter. D’abord par l’ampleur des flux sortants : plus de 10% du PIB, un niveau jamais atteint dans les pays développés, même en Grande-Bretagne, pourtant grande pourvoyeuse d’investissements directs dans le monde. Ensuite par la faiblesse relative des flux entrants (voir le graphique) qui progressent nettement moins vite que dans les pays étrangers concurrents. En valeur absolue, les statistiques du FMI pour la période 19962000 montrent que la France se situe, pour l’accueil des investissements directs étrangers, au niveau des Pays-Bas, mais nettement en-dessous du Royaume-Uni ou même de l’Allemagne. Certes, ces statistiques doivent être interprétées avec prudence. Elles incitent cependant à se demander si le déséquilibre croissant des flux d’investissements directs n’est pas aussi une façon pour beaucoup d’entreprises de délocaliser du capital afin de contourner les handicaps nationaux que décrit ce dossier de Sociétal : le site France n’est-il pas en train de perdre de son attractivité ? Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 Alain Vernholes 71