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La Fonction Ravel à Besançon : vital !
Par Jean­Luc Clairet le 20 septembre 2016 @ 6h24 dans Festivals,La Scène,Spectacles divers | Pas de commentaire
Le 69e Festival de Besançon Franche­Comté dynamite les chapelles en s’associant avec le CDN pour créer La Fonction Ravel, un
prégnant spectacle musical qui s’inscrit dans un sillage allant d’Annie Ernaux à Édouard Louis.
« Un jour, nous sommes perdus. Et nous rencontrons un être humain, une œuvre. Et l’on s’aperçoit qu’elle ­ou lui­ nous a sauvés. » C’est ce
sauvetage, que le comédien Claude Duparfait et Célie Pauthe, actuelle directrice du Centre Dramatique National de Besançon, veulent nous faire
partager. Le récit, enchâssé dans un magnifique décor de bois blond, une sorte de polyèdre fracassé en coupe, est fortement autobiographique.
Comme Annie, comme Édouard, et comme tant d’autres, Claude a glissé d’un milieu social à un autre, du malaise mortifère de la jungle à
traverser de l’enfance, de l’adolescence, à la révélation de la beauté du monde. Son ascenseur social ne fut pas l’École mais la Musique. Et quelle
musique : la plus racée qui soit, dans son expression du sentiment au cordeau, celle de Maurice Ravel. La Musique comme Fonction vitale.
Constat tout proche de celui énoncé dans l’ouvrage de John Blacking Le sens musical qui avance l’idée que la musique serait le Sixième Sens de
l’être humain. Très vite, la musique de Ravel a fait danser Claude Duparfait. Jusqu’au grand écart : Claude est passé de « Laon dans l’Aisne » à
Saint­Jean­de­Luz, d’Annie Cordy à Maurice Ravel ! Et même si l’on peut très bien aimer France Gall et Parsifal, on aimerait connaître encore la
place de Tata Yoyo dans la chair de Claude, tant on ne sent aucun mépris, dans l’ode à la Culture qu’est ce spectacle précieux, pour un passé
évoqué qui vit les parents de Claude Duparfait offrir le coffret Boulez à ce fils qui leur échappait.
Dans la boîte de bois blond où une très discrète (et trop chiche ?) vidéo fait lentement tournoyer le papier peint de la maison de « Laon dans
l’Aisne », Claude Duparfait parle, regarde, dort, écoute, danse, ose (gonflé !) le chant sur la Pavane pour une infante défunte, faisant de ce chef­
d’œuvre une ode solaire à la beauté romaine, l’expression même du Syndrome de Stendhal. Dans son entreprise audacieuse, car impudique
forcément (le contraire de Maurice Ravel, qui, lui, n’a jamais rien lâché quant à sa vie intime), mais toujours payante, Claude Duparfait n’est pas
seul : au centre de la scène, François Dumont, magnifique ravélien (intégrale de l’œuvre pour piano chez Abeille Music à l’appui) l’accompagne à
tous les sens du terme, d’un piano tout en rondeur chaleureuse, qui fait défiler Alborada del gracioso, Gaspard de la nuit, La Valse… Le dialogue
empathique et vibrant que la délicate Célie Pauthe tisse entre les deux hommes, est d’une subtilité simplissime : la façon dont le pianiste conclut
sa musique pour relancer la parole vers l’acteur, d’un regard ascendant et avide de la suite du récit, ainsi que sa totale bienveillance font l’effet
d’un baume. La lumière, d’une douceur de miel, caresse les êtres et les choses. Les deux hommes font entendre à la fin le swing de
l’ incontournable Boléro en installant au sol un aréopage de transistors de toutes tailles : la nostalgie de ces passeports de naguère vers
l’indépendance fonctionne alors à plein régime. Puis la lumière tombe : le voyage magnifique s’achève… L’on regrette tout juste que la metteuse
en scène n’ait pas envie de garder plus longtemps sous la rétine l’image de ces deux hommes face à face, enfin poétiquement transformés en
silhouettes noires…
« Ces êtres que nous n’avons jamais rencontrés dans la vie réelle (…) qui nous mettent au monde, nous nourrissent (…), en retour nous les
protégerons et ne les abandonnerons jamais en leur rendant ce qu’ils nous ont donné », dit encore Claude Duparfait. Mission accomplie de Claude
vers Maurice avec cette Fonction Ravel, spectacle lui aussi vital, accueilli triomphalement à Besançon. Une aventure (déjà éditée aux Solitaires
Intempestifs) qui ne doit pas s’arrêter là.
Crédits photographiques : Elisabeth Carecchio
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