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9.4.2009
10:09
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point de vue
Arômes de fumé, tabac parfumé :
danger !
L
1
2
e sujet n’avait jusqu’ici qu’encore
scientifiques de l’EFSA ont analysé l’exété peu abordé de manière scienposition cumulative aux divers produits
tifique dans une dimension saniaromatiques présents dans différentes cataire à la fois individuelle et collective.
tégories d’aliments, en se basant sur les
C’est désormais chose faite. L’Autorité eusuggestions d’utilisation et les niveaux
ropéenne de sécurité des aliments (EFSA)
d’utilisation proposés par les fabricants.
vient de publier les premiers avis scientiCette analyse indique que l’exposition surfiques d’une série concernant les provient principalement :
duits aromatiques aujourd’hui ajoutés aux
• par le biais de la consommation de
aliments pour leur donner des fragrances
viande et de produits à base de viande
de «fumé».
ainsi que de la consommation de soupes
Il importe de bien faire la part entre ce
et de sauces (pour le produit aromatique
sujet et les conséquences organolepti«Unismoke») ;
ques des vieilles techniques de fumage
• via la consommation de viande et de
traditionnellement utilisées pour favoriser
produits à base de viande, de poisson et
de produits à base de poisson, d’aliments
la conservation de certaines denrées alicomposés (tels que les plats préparés et
mentaires parmi lesquelles les produits
les tourtes à la vianlaitiers, les poissons
de) et de fruits et léet les viandes. Au fil
«… la commercialisation
gumes transformés
du temps et des dédes cigarettes parfumées
(pour «Zesti Smoke
veloppements mulest survenue alors même
tiformes de l’indusCode 10») ;
que les taux de tabagisme
trie agro-alimentaire,
• par le biais de la
étaient devenus stables …»
on a vu progressiveconsommation de
viande et de produits
ment fleurir des moà base de viande, de soupes, de sauces,
difications du goût apportées aux aliments
de produits protéiques et d’amuse-gueule
grâce au fumage, progressivement déconsalés tout prêts (pour «Smoke Concentrate
nectées des fonctions initiales de conser809045»).
vation. C’est ainsi que les arômes de fuLe groupe scientifique CEF de l’EFSA1
mée – ou plus précisément de «fumé» –
a notamment conclu que l’utilisation du
sont aujourd’hui des additifs incorporés
produit aromatique «Smoke Concentrate
pour maquiller le parfum de divers aliments
809045» ne devait pas soulever d’inquiédont beaucoup, sinon la plupart, ne sont
tude en matière de sécurité. Il a en repas parfumés lors de leur élaboration travanche exprimé des préoccupations sur
ditionnelle.
la sécurité de l'utilisation de deux autres
Et c’est dans ce contexte que la Comproduits aromatiques dénommés «Unimission européenne a demandé à l’EFSA
smoke» et «Zesti Smoke Code 10». Ces
d’étudier la sécurité des arômes de fumé
résultats sont basés sur des estimations
utilisés – ou destinés à être utilisés – au
qui ont été réalisées sur l’exposition à
sein de l’Union européenne. Objectif: dresl’ensemble des arômes de fumé utilisés
ser une liste des produits aromatiques
dans l’Union européenne. Ils sont publiés
pouvant être raisonnablement autorisés
dans un avis scientifique distinct.
ainsi que, par définition tacite, une autre
«En ce qui concerne "Unismoke" et
de ceux qui ne pourraient pas l’être. Les
"Zesti Smoke Code 10", le groupe scienconclusions qui viennent d’être rendues
tifique a conclu à une insuffisance des
publiques ne seront pas les seules. L’EFSA
marges de sécurité entre l’exposition esdevra ainsi publier des avis scientifiques
timée aux deux produits aromatiques et
sur huit autres arômes de fumé d’ici la fin
les niveaux d’absorption au-delà desquels
de l’année 2009.
des effets nocifs pour la santé peuvent
Pour ses estimations sur les consése présenter, a déclaré Klaus-Dieter Jany,
quences des expositions alimentaires, les
président du groupe scientifique CEF. Le
groupe a toutefois conclu que les marges
de sécurité pour "Smoke Concentrate
Le groupe scientifique CEF de l’EFSA traite des questions de
sécurité liées à l’utilisation de matériaux en contact avec les
809045" étaient suffisamment importanaliments, les enzymes, les arômes et les auxiliaires technolotes. Dans les trois cas, le groupe scientigiques ainsi que des questions de sécurité relatives aux profique a estimé que les études existantes
cédés. Ce groupe scientifique est opérationnel depuis le 10
juillet 2008.
étaient suffisantes pour dissiper les craintes concernant le risque d’altération du
«Cigarettes aromatisée, la nouvelle arme de l’industrie du
matériel génétique des cellules.»
tabac». Bertrand Dautzenberg, Service de pneumologie,
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
Des études ont montré que «Unismoke»
Contact: [email protected]
et «Zesti Smoke Code 10» ont des effets
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 15 avril 2009
nocifs sur la santé des rats au-delà d’un
certain niveau d’absorption. En raison de
l’absence de données sur la toxicité pour
la reproduction et le développement et
du manque d’études à long terme sur
ces deux produits aromatiques, le groupe scientifique CEF a conclu que l’utilisation et les niveaux d’utilisation préconisés par les fabricants nécessiteraient
de plus larges marges de sécurité. A l’inverse, «Smoke Concentrate 809045» n’a
pas révélé d’effet nocif sur la santé des
rats aux niveaux les plus élevés utilisés
lors des tests expérimentaux. Une question reste toutefois entière : celle de savoir
si ces modifications organoleptiques industrielles sont devenues indispensables
à une majorité de nos contemporains ; et
si oui pourquoi ?
Avec les nouvelles «cigarettes aromatisées», c’est un sujet moins éloigné qu’on
ne pourrait le croire que traite, depuis
Paris et dans les colonnes de La Revue
du Praticien, le pneumologue Bertrand
Dautzenberg.2 «Une initiation précoce
au tabagisme est une nécessité absolue
pour l’industrie du tabac si elle veut maintenir son marché, observe-t-il. Car si l’on
fume avant quinze ans, on devient deux
fois plus vite dépendant au tabac que si
l’on commence à fumer après dix-sept
ans.» Mais il observe aussi – sans véritablement y voir une coïncidence – que
l’apparition suivie du développement de
la commercialisation des cigarettes parfumées (comme celle des chichas ou «pipes à eau») est survenue en France alors
même que les taux de tabagisme étaient
pratiquement devenus stables chez les
12-14 ans.
Cigarettes parfumées ? On parle aussi
à leur endroit de pink elephant cigarettes
(de couleur rose) et des black devil (entièrement noires). On imagine sans mal
les arguments publicitaires vendus auprès des plus jeunes: elles sont «plus douces» donc «moins toxiques» que les autres. Rien de plus faux, souligne preuves
à l’appui Bertrand Dautzenberg : «Elles
libèrent le maximum "autorisé" de monoxyde de carbone et de goudrons. Ces
cigarettes sont au tabac ce que les prémix sont aux alcools forts, conclut-il. C’est
une manière pour l’industrie de faciliter
l’initiation au produit en masquant habilement la toxicité et l’addictivité d’un produit en le présentant comme doux, léger
et sucré.» Pour mieux le fumer ?
Jean-Yves Nau
[email protected]
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2009
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