Sophie d`Houdetot - Amoureux d`Art en Auvergne

Transcription

Sophie d`Houdetot - Amoureux d`Art en Auvergne
Sophie d’Houdetot
1730‐1813
Association Amoureux d’Art en Auvergne Centre Municipal Jean‐Richepin 21 rue Jean‐Richepin 63000 Clermont‐Ferrand
06 86 70 68 61 www.quatrea.com « Toute sa famille l’entourait lorsqu’elle ferma les yeux, écrit Mme Vigée‐Lebrun dans ses souvenirs, la tête libre, et achevant de parler du plaisir qu’elle avait senti à vivre, comme une élève de Platon. Elle expira le jeudi 28 janvier 1813 ». Elle avait 83 ans. Dans son salon, Grimm et Diderot s’étaient croisés. Jean‐Jacques Rousseau l’avait follement aimé. Elle s’appelait Sophie d’Houdetot. Sophie Lalive de Bellegarde est née le 18 décembre 1730 à Paris. A 18 ans, elle épouse le comte d’Houdetot dont elle aura deux enfants. La plupart des mémorialistes l’ont décrite comme étant assez laide. « Je savais qu’elle n’était point jolie, écrit Elisabeth Vigée‐Lebrun, mais d’après la passion qu’elle avait inspirée à Jean‐Jacques Rousseau, je pensais au moins lui trouver un visage agréable; je fus donc bien désappointée en la voyant si laide ; elle louchait d’une telle manière, qu’il était impossible, lorsqu’elle vous parlait, de deviner si c’était à vous que s’adressaient ces paroles; à dîner, je croyais toujours qu’elle offrait à une autre personne ce qu’elle m’offrait, tant son regard était équivoque; il faut dire toutefois que son aimable esprit pouvait faire oublier sa laideur ». Sophie n’est pas jolie mais elle a, en effet, de l’esprit comme en témoigne ce récit de Diderot dans sa correspondance : « Hier j'étais à souper à côté de madame d'Houdetot, qui disait : Je me mariai pour aller dans le monde et voir le bal, la promenade, l'opéra et la comédie; et je n'allai point dans le monde, et je ne vis rien, et j'en fus pour mes frais». En 1752, Sophie d’Houdetot a rencontré le poète Jean François de Saint‐Lambert. Les contemporains de Saint‐Lambert se sont montrés sévères à l’égard de son œuvre. « Ce Saint‐Lambert, note madame Du Deffand dans sa correspondance, est un esprit froid, fade et faux; il croit regorger d’idées, et c’est la stérilité même. Sans les roseaux, les ruisseaux, les ormeaux, il aurait bien peu de choses à dire ». Sophie s’éprend de Saint‐Lambert. Leur liaison durera cinquante ans jusqu’à la mort du poète en 1806. Le mari de Sophie, lui‐même amoureux d’une autre dame, respecta jusqu’au bout la liaison de sa femme. C’était, si l’on en croit Mme Vigée‐Lebrun, l’amant qui paraissait être « le véritable maître de la maison, et qui, surtout à la fin, se permettait seul d’être jaloux ». Au printemps 1756, Saint‐Lambert à présenté à Sophie l’un de ses illustres amis, Jean‐Jacques Rousseau. Dans les Confessions, le philosophe écrira que Sophie fut « l’unique amour de sa vie ». En octobre 1757, il lui adresse une lettre aux accents passionnés et plaintifs. « Viens, Sophie, que j'afflige ton cœur injuste; que je sois, à mon tour, sans pitié comme toi. Pourquoi t'épargnerais‐je tandis que tu m'ôtes la raison, l'honneur et la vie? Pourquoi te laisserais‐je couler de paisibles jours, à toi qui me rends les miens insupportables? Ah! Combien tu m'aurais été moins cruelle, si tu m'avais plongé dans le cœur un poignard au lieu du trait fatal qui me tue! Vois ce que j'étais et ce que je suis devenu : vois à quel point tu m'avais élevé et jusqu'où tu m'as avili ». L’amour de Jean‐Jacques pour Sophie n’est pas partagé du moins pas dans le sens où il aimerait qu’il le fût. « J’ai tort de dire un amour non partagé, rectifie‐t‐il dans les Confessions, Nous étions ivres d’amour l’un et l’autre, elle pour son amant, moi pour elle ». Sophie d’Houdetot a presque 60 ans au début de la Révolution française. Elle traverse cette période sans être le moins du monde inquiétée : « Qui, après 1789, eût osé toucher au bonheur de celle que Jean‐Jacques avait uniquement aimée ? », demande Mme Vigée‐Lebrun. En 1803, Chateaubriand croise dans Paris Madame d’Houdetot et son amant, tous deux très âgés : « J'avais aperçu M. de Saint‐Lambert et madame d'Houdetot au Marais. Il suffit de tenir bon dans la vie, pour que les illégitimités deviennent des légitimités. On se sent une estime infinie pour l'immoralité, parce qu'elle n'a pas cessé de l'être, et que le temps l'a décorée de rides. A la vérité, deux vertueux époux, qui ne sont pas époux, et qui restent unis par respect humain, souffrent un peu de leur vénérable état ; ils s'ennuient et se détestent cordialement dans toute la mauvaise humeur de l'âge : c'est la justice de Dieu. Malheur à qui le ciel accorde de longs jours ! ». Jean‐Pierre Bellon Bibliographie Chateaubriand, Mémoires d’outre‐tombe, livre XIV, chapitre 1. Diderot, Correspondance. Jean‐Jacques Rousseau, Les Confessions, livre IX. Jean‐Jacques Rousseau, Correspondance. Camille Selden, Mme d’Houdetot, Revue nationale, tome XXII, 1865 Elisabeth Vigée‐Lebrun, Souvenirs.