Note d`intention

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Note d`intention
THEATRE DU DESORDRE DES ESPRITS
COMPAGNIE BRUNO BOEGLIN
Une pièce de théâtre sur la vie et l'œuvre de l'écrivaine américaine Carson McCullers (1917-1967).
Le désir de confronter l'histoire de sa vie à celles de ses héroïnes et de ses personnages est venu de la matière même de ses
textes, très autobiographiques, parfois même à la limite de la prédication des évènements qui allaient survenir plus tard dans
sa vie (la difficulté d'écrire, celle d'aimer, la maladie). Tennessee Williams, son ami de toujours, le dit ainsi : « On peut
reprocher à beaucoup d'écrivains d'être trop présents dans leurs livres. Dans le cas de Carson McCullers, on peut affirmer
que le fait qu'elle soit elle-même son œuvre -et que son œuvre soit elle-même- est au cœur même de son rayonnement. »
Une évidence qui en appelle une autre : l'omniprésence de la musique. Elle est au cœur de l'existence de Carson et de ses
romans. La poésie sonore vibre jusque dans ses titres : The Heart is a Lonely Hunter (Le Cœur est un chasseur solitaire), The
Ballad of the sad café (La Ballade du café triste), Reflections in a Golden Eye (Reflets dans un œil d'or)... La musique
enveloppera Carson et ses personnages sur le plateau comme la chair qui entoure les os. Trois musiciens en live accompagnés
par la voix d'un chanteur afro-américain.
Les décors rappelleront les lieux de son enfance: une petite ville désolée de la Géorgie ; les champs de coton tout autour ; une
cuisine. Un paysage où tous les rêves de jeunes filles deviennent possibles, où la plus belle musique s'échappe dans le noir de
la rue pour être interceptée religieusement par Mick et Frankie, les héroïnes adolescentes des romans de Carson qui ne feront
qu'une dans le spectacle.
Le désir d'appartenir à un groupe les hante autant que la musique. « Cette chose que je veux et je ne sais pas quoi », est le
titre de la première sonate que compose Mick, sans jamais réussir à imaginer la suite. Frankie, elle, s'amourache du mariage
de son frère, et veut en faire partie coûte que coûte -The Member of the Wedding - : « Je vous aime tous les deux et vous êtes
mon nous à moi ». Mick/Frankie taguent Mozart et lancent des couteaux, elles déchirent le ciel trop pur américain de leurs
ongles rebelles, à l'instar de Carson, toujours habillée en garçon, qui écrit en marge du rêve américain blanc.
Richard Wright, écrivain noir américain et colocataire de Carson à Brooklyn Heights : « Ce qui m'impressionne le plus
fortement dans Le Cœur est un chasseur solitaire est cet étonnant sens de l'humain qui permet à un écrivain blanc, pour la
première fois dans la littérature du Sud, de mettre en scène des personnages de Noirs, avec la même simplicité et la même
justesse que ceux de sa propre race. Ce n'est pas seulement une question de style ou de position politique. Cela prend sa
source dans une attitude devant la vie, qui donne à Miss McCullers la possibilité d'échapper aux pressions de son
environnement pour rassembler les hommes, blancs comme noirs, dans une même compréhension et une même tendresse. »
(New Republic, 5 août 1940).
L'enfant Carson a été bercée dans la communauté noire du Deep South en Géorgie. Les noirs font partie de sa famille et la
ségrégation alimente le feu de son écriture. « Avec ton premier livre, on a su que tu aimais les nègres, et avec celui-ci on
comprend que tu es une gouine. On ne veut pas de gens qui aiment les nègres et les pédés dans cette ville. » (voix du Ku Klux
Klan au téléphone du domicile de Carson à la publication de Reflets dans un œil d'or).
Dans son dernier roman, L’horloge sans aiguilles, le garçon blanc embrasse le garçon noir.
Nous y voilà, à la question de l’amour. Denis de Rougemont la pose dans une interview parue à la sortie du Cœur est un
chasseur solitaire:
- « Il n'y a pas d'histoire d'amour dans ce roman. »
Carson le regarde alors étonnée, presque indignée :
- « Il n'y a que cela ! »
En effet « il n'y a que cela ». Des personnages malades de l’amour impossible, de l’amour non partagé. « Il y a celui qui
aime et celui qui est aimé et ce sont deux univers différents. » nous dit la petite phrase lancinante de La Ballade du café triste
à propos de l’étrange relation triangulaire qui unit Miss Amélia à Marvin Macy à Cousin Lymon. Et Carson poursuit :
« … C’est pourquoi la plupart d’entre nous préfèrent aimer plutôt qu’être aimés. La plupart d’entre nous préfèrent être celui
qui aime. Car, s’il faut avouer toute la vérité, la plus cruelle, la plus secrète, pour la plupart d’entre nous, être aimé est
insupportable. Celui qui est aimé à toujours les raisons de craindre et de haïr celui qui aime. Car celui qui aime est tellement
affamé du moindre contact avec celui qu’il aime, qu’il n’a de cesse de l’avoir dépouillé, dût-il n’y trouver que douleur. »
Est-ce Miss Amélia, Frankie, Mick … qui parlent ou tout simplement Carson ?
Carson qui n’arrive pas à dormir seule et qui n’a pas le courage de traverser la nuit.
Carson qui a besoin de la chaleur des corps, de la chaleur animale qui protège un peu.
Carson enfin qui avait cette nuit-là, comme la Miss Amélia de La Ballade, « le regard solitaire de quelqu’un qui aime ».
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