Forum juridique Eckler 2015 : pièges juridiques des tendances

Transcription

Forum juridique Eckler 2015 : pièges juridiques des tendances
Analyse
Janvier 2016
Forum juridique Eckler 2015 : pièges
juridiques des tendances actuelles en
matière de régimes de capitalisation
P
our plusieurs employeurs, le désir d’offrir aux employés et aux futures
embauches un régime de retraite attrayant et efficace doit être contre
balancé avec la nécessité de gérer les coûts et de minimiser les risques
pour l’organisation. Cette situation est le catalyseur derrière la croissance
des régimes de retraite à cotisation déterminée (CD) au Canada. Plus
récemment, elle a conduit à un glissement vers les régimes enregistrés
d’épargne-retraite (REER) collectifs.
La décision d’offrir un REER collectif est généralement influencée par deux
facteurs clés :
• des exigences administratives et réglementaires moins onéreuses;
• une plus grande souplesse pour les participants, dont l’épargne-retraite
n’est pas immobilisée, comme elle le serait dans un régime de retraite CD.
Mais ce n’est là qu’une partie du casse-tête. Dans la comparaison entre les
régimes de retraite CD et les REER collectifs, il est tout aussi important de
tenir compte des différences dans les risques et les responsabilités pour le
promoteur — des différences qui sont souvent mal comprises et négligées.
Le Forum juridique Eckler 2015 sur les régimes de capitalisation a réuni
certains des principaux avocats spécialisés en régimes de retraite au Canada
afin de recenser les différents risques et les différentes responsabilités
associés à l’offre d’un régime de retraite CD par rapport à un REER collectif,
et la meilleure façon de gérer ces risques. La présente Analyse donne un
aperçu de ces discussions.
1 | MEMBRE D’ABELICA GLOBAL
Analyse
Obligations fiduciaires et gouvernance
Toute personne ayant la responsabilité d’administrer les actifs d’une
autre personne est considérée comme un fiduciaire. En common law, un
fiduciaire a l’obligation éthique et juridique d’agir dans le meilleur intérêt
de la personne dont il gère les actifs et ne doit pas tirer profit
personnellement de la relation.
Le niveau de responsabilité fiduciaire des promoteurs, fiduciaires et
administrateurs de régime de retraite envers les participants varie selon
qu’ils offrent un régime de retraite ou un REER collectif. Au Canada, les
obligations fiduciaires reliées à un régime de retraite sont énoncées
dans les lois des territoires de compétence dans lesquels le régime est
exploité. Par exemple, la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario
stipule que l’administrateur d’un régime de retraite doit apporter à
l’administration et au placement des fonds du régime « le soin, la
diligence et la compétence » qu’une personne d’une prudence normale
exercerait relativement à la gestion des biens d’autrui. Les fiduciaires
doivent également apporter à l’administration du régime toutes les
connaissances et compétences pertinentes qu’ils possèdent ou
devraient posséder. Toute personne dont les services sont retenus par les fiduciaires ou l’administrateur est tenue aux mêmes normes. En outre, le cadre juridique et législatif régissant les régimes de retraite,
incluant les régimes de retraite CD, reconnaît ce qu’on appelle la « théorie des deux chapeaux » de l’administration des régimes. Cette
théorie reconnaît que certaines décisions ayant une incidence sur le
régime de retraite sont prises par l’employeur dans son rôle d’employeur
(autorisant par le fait même un certain degré d’intérêt personnel) alors
que d’autres décisions sont prises par l’employeur dans son rôle
d’administrateur (ce qui l’assujettit aux obligations fiduciaires).
Ce cadre fiduciaire ne s’applique pas nécessairement aux employeurs
qui offrent des REER collectifs. Un REER collectif est simplement un
regroupement de contrats de REER individuels, dans lequel l’employeur
agit comme « agent » afin d’amalgamer ces contrats pour en simplifier
le fonctionnement et permettre des économies d’échelle. Dans ce cas, la responsabilité fiduciaire est suggérée par la situation et non exigée
par la loi. Il est intéressant de noter que certains participants au Forum
juridique sur les régimes de capitalisation ont noté que l’absence même
de cadre réglementaire pourrait faire en sorte d’assujettir les employeurs
qui offrent des REER collectifs à une obligation fiduciaire plus forte que
s’ils offraient un régime de retraite CD typique. Ceci tient au fait que la
théorie des deux chapeaux permet aux employeurs d’avoir un certain
degré d’intérêt personnel dans la prise de décisions relatives au régime
de retraite, alors que les employeurs qui offrent un REER collectif ont
exclusivement une obligation fiduciaire envers les participants, sans la
même possibilité d’intérêt personnel.
2 | FORUM JURIDIQUE ECKLER 2015 : PIÈGES JURIDIQUES DES TENDANCES ACTUELLES EN MATIÈRE DE RÉGIMES DE CAPITALISATION
Le niveau de
responsabilité
fiduciaire des
promoteurs, fiduciaires
et administrateurs de
régime de retraite
envers les participants
varie selon qu’ils
offrent un régime de retraite ou un REER collectif.
Analyse
Les participants au Forum conviennent
généralement que l’étendue de l’obligation
fiduciaire du promoteur d’un REER collectif
dépend largement de la façon dont il présente son
rôle d’agent aux employés. S’il indique qu’il
s’occupe simplement de faciliter les retenues à la
source et que toutes les autres décisions doivent
être prises par les employés, l’employeur peut être
tenu à un degré moindre de responsabilité
fiduciaire qu’un employeur qui prend un rôle très
actif dans la supervision et la gestion du REER
collectif. Un employeur peut donc réduire son
risque fiduciaire dans un REER collectif en
communiquant clairement que son rôle se limite à
agir comme agent. Cependant, les employeurs qui
limitent leur rôle de cette façon et qui se retirent
de la supervision et de la gestion du régime
pourraient constater que leur REER collectif ne
produit pas les résultats attendus au moment de son établissement — particulièrement si un
revenu de retraite adéquat était l’un des objectifs
sous-jacents.
La gouvernance est la clé
La meilleure façon pour un promoteur de régime
de capitalisation de s’assurer que ses obligations
fiduciaires sont satisfaites, que les risques afférents
sont gérés correctement et que les résultats pour
les participants sont maximisés consiste à
développer et à mettre en œuvre une gouvernance
efficace du régime. Une bonne politique de
gouvernance précise les rôles et les responsabilités
de toutes les personnes impliquées dans la
supervision du régime et définit les mécanismes
de contrôle qui encourage une bonne prise de
décision, l’exécution en temps opportun des
tâches requises ainsi qu’un examen et une
évaluation régulière du régime. En fin de compte,
la politique de gouvernance aide les responsables
de l’administration du régime à agir dans l’intérêt
de tous les participants et bénéficiaires.
Les participants au Forum ont noté qu’en l’absence
de réglementation gouvernementale formelle sur
les régimes de retraite CD et les autres régimes de capitalisation, les lignes directrices nos 3 et 8 de
l’Association canadienne des organismes de
contrôle des régimes de retraite (ACOR) doivent
servir de norme pour les pratiques exemplaires en
matière de gouvernance, en cas de litige. Les
participants au Forum rappellent cependant que
les promoteurs de régimes doivent garder à
l’esprit que ces lignes directrices ne constituent
pas une approche « case à cocher » de respect des
exigences en matière de gouvernance. Elles offrent
plutôt une liste d’éléments qui doivent être pris en
compte dans le développement d’une politique de
gouvernance pour le régime.
En fin de compte, les experts juridiques présents
au Forum Eckler ont convenu que quel que soit le
type de régime offert, il est préférable pour les
promoteurs de mettre en place une courte
politique de gouvernance tenant compte des
Lignes directrices de l’ACOR et qui est appliquée
par les administrateurs des régimes, plutôt qu’une
politique plus complète qui ne reflète pas la façon
dont le régime est régi dans les faits.
Conseils aux participants de régimes
Au cours des deux dernières décennies, plusieurs
promoteurs de régimes ont tenté d’améliorer chez les participants la compréhension de
l’épargne-retraite et des besoins en matière de
revenu de retraite en fournissant des
renseignements et une éducation de nature
générale. Cette approche a connu un succès limité.
Plus récemment, dans le but d’améliorer les
résultats pour les participants aux régimes de
capitalisation et appuyer les départs à la retraite
au moment prévu, un nombre croissant de
promoteurs ont examiné la possibilité d’offrir des
conseils personnalisés aux participants. Ces
conseils peuvent porter sur des suggestions sur les options de placement et leur répartition, les
montants dont une personne peut avoir besoin
pour vivre confortablement pendant la retraite, et
la façon de bâtir un plan financier complet.
La plupart des promoteurs qui ne disposent pas
d’une expertise en matière de conseils financiers
choisissent de confier cette composante en sous-traitance à des conseillers financiers qualifiés.
3 | FORUM JURIDIQUE ECKLER 2015 : PIÈGES JURIDIQUES DES TENDANCES ACTUELLES EN MATIÈRE DE RÉGIMES DE CAPITALISATION
Analyse
Le plus récent sondage de Benefits Canada (2014) auprès des participants
à un régime de capitalisation montre les résultats suivants :
• 91 % des promoteurs de régimes disent qu’il est important pour leur
organisation que leurs employés aient un revenu adéquat à la retraite;
• 62 % mentionnent les risques juridiques potentiels associés à fournir des
conseils aux participants comme une préoccupation importante pour
l’organisation.
Les promoteurs veulent donc mieux comprendre les risques inhérents aux
différentes formes de conseils qu’ils pourraient offrir aux participants.
Il y a trois types principaux de conseillers, chacun avec ses avantages et
ses inconvénients :
• les conseillers rémunérés sur base d’honoraires facturent un taux fixe
pour les conseils financiers, qui ne sont généralement pas rattachés à
des produits ou des fournisseurs spécifiques;
• les conseillers rémunérés sur base de commission tirent leur
rémunération des fonds de placement et des produits d’assurance
qu’ils vendent à leurs clients dans le cadre de leurs conseils;
• les conseillers fournis par l’administrateur travaillent habituellement
au sein de la division de retraite collective des sociétés qui font
l’administration du régime (typiquement les assureurs) et limitent leurs
conseils aux produits offerts par le régime de retraite du promoteur.
Si les avocats qui participent au Forum sur les régimes de capitalisation
conviennent que les conseils peuvent être l’une des meilleures façons pour les promoteurs d’améliorer les résultats pour les participants de
régimes, plusieurs expriment des préoccupations face à la responsabilité
supplémentaire que l’offre de conseils peut créer pour les promoteurs de
régimes. Les participants au Forum font valoir que les promoteurs
devraient porter une attention particulière au mode de rémunération des
conseillers et à leurs motivations pour offrir des conseils. Le mode de
rémunération des conseillers, dans tous les cas autres que la rémunération
sur base d’honoraires, et tout conflit potentiel qui pourrait en résulter,
doivent être divulgués aux participants du régime. Les promoteurs
devraient également établir clairement que même s’ils mettent des services
axés sur les conseils à la disposition des participants, chaque participant
devrait choisir un conseiller selon ses propres besoins et préférences.
Envisager de laisser les participants choisir leurs propres conseillers
Quel que soit le type de conseiller retenu, le promoteur du régime doit
s’assurer qu’une diligence raisonnable de base est faite sur le fournisseur
avant que ses services ne soient offerts aux participants du régime. S’il n’est pas possible de surveiller les conseils donnés individuellement
4 | FORUM JURIDIQUE ECKLER 2015 : PIÈGES JURIDIQUES DES TENDANCES ACTUELLES EN MATIÈRE DE RÉGIMES DE CAPITALISATION
Le mode de
rémunération du
conseiller et tout
conflit potentiel qui
pourrait en résulter
doivent être divulgués
aux participants du régime.
Analyse
aux participants, le promoteur devrait être en
mesure de démontrer qu’il comprend clairement la
formation et l’expérience du fournisseur, ses
solutions, ses produits, son mode de rémunération
et la rétroaction de clients antérieurs — et que le
rendement du fournisseur fasse l’objet d’un examen
régulier par le promoteur. Les participants au
Forum on commenté que la seule façon pour les
promoteurs de s’assurer d’être protégés contre les
responsabilités légales potentielles afférentes aux
conseils donnés aux participants des régimes
consiste à rembourser les participants pour les
services rendus par un conseiller choisi par les
participants. L’option suivante serait d’établir une
liste de fournisseurs agréés parmi lesquels les
employés pourraient faire leur choix.
Les participants au Forum ont aussi brièvement
abordé la question des « robot-conseillers » — les
conseils donnés en ligne à partir d’un algorithme
établi. Ce type de service gagne en popularité aux
États-Unis parce qu’il permet d’offrir des conseils
individuels d’une manière plus économique que les
offres traditionnelles, et élimine la subjectivité des
conseillers. Au Canada, on commence tout juste à
voir apparaître les premiers cas de robot-conseillers
dans certaines grandes institutions financières et
chez certains grands gestionnaires de placements.
S’efforçant de prendre les devants sur cette
tendance, les Autorités canadiennes en valeurs
mobilières ont récemment mis en place des
pratiques exemplaires pour les fournisseurs de
conseils robotisés. Une suggestion très catégorique
propose que toutes les interactions de conseils
robotisés soient contrôlées par une personne
qualifiée. Compte tenu de la logistique et des
ressources que cela supposerait, cette pratique
exemplaire pourrait avoir pour effet de limiter la
croissance des conseils robotisés au Canada.
Conclusion
Les organismes de réglementation américains
cherchent à renforcer et à élargir leur définition de
« fiduciaire » pour y inclure toute personne qui
donne des conseils en matière de gestion d’actif
de retraite, sans égard au type de compte, ou au
fait que le compte soit détenu par une personne
ou par l’entremise d’une société commanditaire.
Cette proposition suscite beaucoup de résistance
et d’inquiétudes. Au sein de l’industrie des services
financiers, plusieurs intervenants craignent que
l’élargissement de la définition conduise à une
augmentation des litiges et des frais pour les
investisseurs. Les intervenants en faveur de la
mesure croient qu’il est crucial que les conseillers
financiers placent les intérêts de leurs clients avant
leur propre intérêt personnel.
Au Canada, l’absence de législation normative
précisant les responsabilités fiduciaires des
promoteurs de régimes de capitalisation créent
une zone grise qui peut laisser ces derniers
inconscients des risques auxquels ils sont exposés
et donc plus ouverts à des poursuites.
Pour se protéger, les promoteurs de régimes de
capitalisation devraient établir et appliquer des
politiques de gouvernance adaptées à leurs
besoins et à leur situation, porter attention à la
façon dont le rôle du promoteur est communiqué
aux participants et exercer une diligence
raisonnable sur les services et le soutien mis à la
disposition des participants.
Cette Analyse a été préparée à des fins d’information générale seulement et ne constitue pas un conseil professionnel. Si vous avez besoin
de conseils professionnels après avoir pris connaissance du contenu de cette Analyse, veuillez consulter un conseiller d’Eckler.
5|
Pour nous joindre :
© Eckler ltée, 2016
Halifax
902 492-2822
Toronto
416 429-3330
Barbade
246 228-0865
Montréal
514 395-1188
Winnipeg
204 988-1586
Jamaïque
876 908-1203
Ville de Québec
418 780-1366
Vancouver
604 682-1381
eckler.ca
5 | FORUM JURIDIQUE ECKLER 2015 : PIÈGES JURIDIQUES DES TENDANCES ACTUELLES EN MATIÈRE DE RÉGIMES DE CAPITALISATION