LA BOULETTE

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LA BOULETTE
LA BOULETTE
Vous direz que c’est une manie ! OUI
Vous interdisez à vos enfants d’en faire ! Bien sûr !
A la cantine, on punit les écoliers qui se risquent à en lancer ! Je comprends !
Et pourtant, c’est un petit plaisir bien innocent qu’on arrive à garder secret :
FAIRE ENTRE LE POUCE ET L’INDEX UNE BOULETTE DE MIE DE PAIN ;
J’ai commencé ce geste vers douze ans. Pour moi, ça n’a jamais été un projectile mais un
geste plaisant et caché.
Pour faire une belle et agréable boulette, il faut :
1- être à table pour le repas.
2- avoir du pain frais.
3- se préparer une tartine assez épaisse de flûte (la baguette est trop avare de mie…)
4- ne pas prendre une trop grosse partie de la mie…LA BONNE BOULETTE n’est
jamais énorme.
5- commencer à rouler…plus tard un peu d’eau ou salive seront peut être nécessaires.
6- prendre le temps de bien rouler.
7- se servir alternativement des deux mains pour le « roulage ».
Pour moi, c’est toujours vers la fin du repas que je commence la boulette. Tout le monde
est rassasié, on discute en mangeant le fromage avant de boire le café.
Il me reste une demi tartine de pain, beaucoup trop pour accompagner un bout de picodon.
Et c’est parti !...La tendre mie blanche est trop tentante, elle roule agréablement entre le
pouce et l’index de la main gauche…elle devient douce, lisse, elle glisse dans un
mouvement circulaire, déjà un peu moins blanche…Dans un sens, dans l’autre, la mie
devient lisse, lisse et élastique…d’une douceur, d’un moelleux agréable…La boulette
formée change de main et prend une couleur grisâtre de plus en plus foncée suivant l’état
de la peau ou bien la température extérieure. Elle peut être trop sèche ; un peu de salive
sur l’index l’humidifiera, ou bien une goutte d’eau tombée sur la nappe plastifiée. Et la
boulette roule, roule de plus en plus foncée mais si agréable à rouler !...Et puis vient un
moment où elle colle aux doigts, elle a été trop mouillée ; il faut vite la jeter.
Je n’arrive pas souvent à ce stade désagréable ; j’abandonne ma boulette avant pour faire
la vaisselle, ou aller dormir ou travailler.
Il m’arrive de retrouver une boulette durcie dans ma poche ou sur la table de nuit ; il faut
la jeter, elle est dure comme du bois, inutile, laide, sale.
Moi, j’ai plaisir à diviser la grosse boulette en minuscules boulettes que je laisse tomber
en me rendant sur mon lieu de travail…
Je connais des personnes qui se grattent le nez et font des boulettes avec ce qu’ils
sortent…BEURK ! C’EST REPUGNANT… !
-il y en a qui boivent…
-il y en a qui fument…
-Moi, je roule des boulettes de mie de pain et ça me plaît toujours !
Juillet 2010 Claudette Moulin