Serge Proulx « Mondialisation et mouvements d`affirmation identitaire

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Serge Proulx « Mondialisation et mouvements d`affirmation identitaire
LABORATOIRE
« COMMUNICATION ET POLITIQUE »
CENTRE NATIONAL
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Serge Proulx
« Mondialisation et mouvements
d’affirmation identitaire : expressions
possibles de la société civile
internationale », in Francis Jauréguiberry
& Serge Proulx (sous dir.), Internet,
nouvel espace citoyen?, Paris,
L’Harmattan, 2002, pp. 13-30.
CHAPITRE 1
MONDIALISATION ET MOUVEMENTS
D’AFFIRMATION IDENTITAIRE : EXPRESSIONS
POSSIBLES DE LA SOCIETE CIVILE INTERNATIONALE
« Il faut commencer un débat d’idées
sur
les
modalités
pratiques
de
l’établissement de la démocratie mondiale,
au lieu de continuer à nous plaindre du
manque d’action des autres. »
Troy Davis
2
Attardons-nous sur deux tendances qui caractérisent
simultanément les transformations sociales et culturelles dans le
monde d’aujourd’hui, tendances parfois en synergie, souvent
en contradiction (Castells, 1999) 1 . La première tendance
coïncide avec une globalisation de l’économie. Quoiqu’assez
ancienne, cette tendance s’est particulièrement accélérée depuis
la fin des années 1980. Ce mouvement d’accélération est en
conjonction évidente avec le développement redoublé à
l’échelle de la planète des technologies d’information et de
communication (TIC) et des médias. La seconde tendance
recouvre une série de mouvements d’affirmation identitaire qui
se sont exprimés vigoureusement dans le dernier quart de siècle.
Ces expressions identitaires ont pour noms mouvements
communautaires ou associatifs, écologisme, nationalismes,
affirmations souverainistes des petits pays, affirmations
identitaires des peuples autochtones, féminismes, mouvements
homosexuels, fondamentalismes religieux. Ces mouvements
sont bien sûr diversifiés quant à leur importance historique ou
politique respective ou du point de vue de leurs plate-formes de
revendications idéologiques. Bien évidemment, certains de ces
mouvements ne sont pas nés dans le dernier quart de siècle et
sont historiquement plus anciens. Mais, indépendamment de ces
disparités et divergences entre eux, on pourrait soutenir avec
Castells que ces mouvements d’affirmation inscrivent leurs
singularités identitaires soit comme une position de repli, soit
comme l’expression d’une opportunité stratégique face à la
tendance globalitaire.
Je vais d’abord présenter ce que l’on a coutume de désigner
par cette expression de globalisation de l’économie pour
ensuite décrire le rôle crucial du contrôle des réseaux
numériques de communication dans ce processus. Après une
réflexion critique concernant la réactualisation de la pensée
planétaire à l’ère des réseaux, je développerai l’hypothèse
voulant que des solidarités citoyennes émergent de certaines
actions des nouveaux mouvements d’affirmation identitaire en
contexte de globalisation. Ces nouvelles solidarités témoignent
de l’émergence possible d’un nouvel Acteur historique dans
l’arène de la gouvernance mondiale : un nouvel Acteur
communautaire qui agit globalement en tant que porte-parole
de la société civile internationale.
1- UNE GLOBALISATION DE L’ ECONOMIE
1
Ce texte constitue une version remaniée et actualisée de : Proulx, 2001.
3
Phénomène déjà très ancien, les transactions commerciales à
l’échelle mondiale se sont intensifiées depuis les années 19501960. Ce mouvement d’intensification du commerce à l’échelle
mondiale s’est poursuivi au point où aujourd’hui, à l’échelle du
droit international, c’est le « droit du commerce » qui s’impose
largement et au détriment d’autres droits tout aussi
fondamentaux comme le droit au travail, le droit à la santé, le
droit de communiquer librement. Pensons au dossier dit de
l’exception culturelle mettant en relief l’importance du respect
de l’autonomie des différentes populations de la planète à
produire et à diffuser leur propre culture. Il appert que cette
question de l’exception culturelle est traitée comme un sousensemble du dossier du commerce international géré à l’échelle
des organisations internationales (OMC).
En symbiose avec ce triomphe du commerce et du marché
global, l’explosion des technologies de l’information a
accompagné l’émergence d’un nouveau type d’activités
économiques de nature essentiellement spéculative. Voilà en
effet que l’on connaît depuis une décennie, une accélération
considérable des échanges de capitaux (due aux transferts transfrontières électroniques instantanés des données, ce qui a pour
conséquence une généralisation de la monnaie électronique), ce
qui amène la constitution d’une économie financière
essentiellement spéculative, de plus en plus importante en regard
de l’économie réelle fondée sur la production et les échanges
effectifs de biens et services. La réduction significative du temps
requis pour effectuer les transactions financières est
particulièrement remarquable. Celles-ci sont d’ailleurs parfois
anticipées et gérées automatiquement par des logiciels prenant
en compte des seuils spécifiques déterminés à l’avance par les
acteurs financiers.
Sous l’effet simultané d’un relâchement des règlementations concernant les transactions financières et du
développement accéléré des TIC, on assiste à la création d’une
sphère financière globale où s’intègrent et convergent les
marchés locaux, les places financières nationales et les centres
de coordination internationaux. Cet élargissement planétaire de
la déréglementation (suppression ou assouplissement des règles
ou règlements considérés comme nuisibles au bon
fonctionnement de l’économie de marché) fait suite au
démantèlement (1971) des Accords de Brenton-Woods (1944)
qui avaient posé le principe d’une régulation des flux de
capitaux tout en favorisant un accroissement des échanges
économiques. En cohérence avec l’idéologie néo-libérale,
4
devenue dominante à l’échelle planétaire depuis la Chute du
Mur de Berlin (1990), ce démantèlement a eu pour
conséquence l’abandon de la régulation des flux économiques
à l’échelle mondiale, ce qui a favorisé une globalisation du
capitalisme à l’ensemble de la planète. Va-t-on vers la création
d’un marché global ? Cette globalisation du marché – déjà
effective dans certains secteurs – est définie comme la nouvelle
phase de développement des entreprises transnationales
capitalistes. Parallèlement, on assiste à une ré-organisation
radicale des firmes marquée par le néo-fordisme : accélération
des fusions et concentrations, organisation flexible et
structuration en réseaux, délocalisation i.e. production de biens
dans les pays à bas salaires destinés à être exportés ensuite dans
les pays où le pouvoir d’achat est élevé. Le discours sur la
globalisation – et la « glocalisation » – des marchés devient le
discours idéologique des managers des multinationales et des
dirigeants politiques des puissances occidentales.
2- LE CONTRÔLE DES RESEAUX NUMERIQUES DE
COMMUNICATION , ROUAGE
ESSENTIEL
DE
LA
MONDIALISATION
Les médias et les TIC apparaissent comme une infrastructure
essentielle à la mondialisation. La création de réseaux de
télécommunication à l’échelle planétaire a été favorisée par une
triple évolution des techniques : la numérisation des signaux; la
convergence de l’informatique, des télécommunications et de
l’audiovisuel; l’émergence et la dissémination des dispositifs
d’interactivité tant au niveau de la production-création des
contenus qu’à celui du design des interfaces (humains/
ordinateurs). Économiquement, un important mouvement de
fusions d’entreprises et de concentration industrielle
(télécommunications, informatique, audiovisuel) a caractérisé les
années quatre-vingt-dix mais ce mouvement semble s’essouffler
depuis le début de la décennie 2000. Ainsi, le contrôle de la
convergence des industries de la communication (radiotélédiffusion, télécommunication et téléphonie réunies) —
production, promotion, diffusion et distribution — appartient
dorénavant à quelques méga-entreprises intercontinentales dont
les sièges sociaux sont situés dans moins de dix pays: États-Unis
(Time-Warner, AT&T, Disney, Viacom), Asie (Japon : NTT,
Sony, NHK ; Chine : China Telecom), Europe (Vivendi
Universal, Deutsche Telekom, Groupe des chaînes publiques
ARD, Groupe privé CLT-UFA), Australie (Newscorp), Brésil
5
(Globo), Mexique (Televisa). (George, 2002) 2 . Les domaines
industriels des télécommunications et de la téléphonie
représentent des sommes économiques plus importantes que les
secteurs de la radiodiffusion et de la radiotélévision. Il faudra
ainsi suivre de près l’évolution du contrôle économique de la
convergence : les entreprises fusionnées et à dominante de
téléphonie ou de télécommunication joueront-elles un rôle
nouveau et significatif dans la redéfinition et les transformations
des industries du divertissement électronique ?
Les médias et les réseaux de communication jouent un triple
rôle-clé dans le processus de mondialisation. Premièrement, ils
constituent un mécanisme essentiel de la mondialisation
économique : ils jouent un rôle fondamental dans les processus
d’échange instantané et de diffusion planétaire en temps réel
des données économiques et de la monnaie électronique qui
assurent le fonctionnement quotidien des transnationales, la
construction de l’interdépendance économique entre les États et
la globalisation financière entre les différentes régions de la
planète. L’économie-monde d’aujourd’hui (devenue économie
capitaliste globalisée) ne peut se concevoir sans la mise en place
des réseaux et dispositifs pour assurer une communication
instantanée des données dans les principales parties du monde.
Deuxièmement, les médias en tant que véhicules de contenus
jouent un rôle capital dans la promotion de l’idéologie libérale
globalitaire à partir des foyers privilégiés de diffusion que
constituent d’une part, les grands États dominants de la
« Triade » (Union européenne, Amérique du Nord et Asie) et
d’autre part, les grandes entreprises transnationales.
Troisièmement, on pourrait faire l’hypothèse que les
nouveaux réseaux de communication participent à l’invention
possible de nouvelles formes de solidarité citoyenne. Je voudrais
insister ici sur le rôle politiquement vital que les nouveaux
réseaux numériques (et en particulier, les dispositifs, protocoles
et réseaux réunis sous l’appellation Internet) peuvent jouer dans
la dynamique de développement des forces sociales du
changement. La mise à disposition auprès des acteurs sociaux
de moyens techniques permettant l’invention de modes
nouveaux de résistance culturelle, l’expression de formes
possibles de solidarité citoyenne pouvant émerger précisément à
partir d’une utilisation judicieuse de ces réseaux d’échange
planétaire d’information et de communication (Gingras, 1996 ;
2
Pour consulter les données les plus récentes, se rendre sur le site de
l’IDATE : http://www.idate.fr/fr/cle/index.html.
6
Bardini & Proulx, 2002). Ainsi, le simple recours au courrier
électronique facilite les échanges internes et la coordination au
sein d’un mouvement, ce moyen pouvant constituer par ailleurs
un outil efficace pour faire pression auprès des élus. Les listes et
les forums de discussion permettent d’approfondir les débats
démocratiques autour d’enjeux sociopolitiques ou du choix de
stratégies de luttes pertinentes. Enfin, la recherche d’information auprès de banques de données (offertes dans les sites les
plus divers) facilite la constitution de dossiers étoffés et bien
argumentés, ce qui constitue une condition nécessaire pour la
participation à de nombreux débats sociaux traitant de questions
parfois relativement spécialisées, complexes et techniques. Il ne
s’agit pas d’adhérer ici à un déterminisme technologique qui
conclurait à l’émergence de nouveaux réseaux globaux de
solidarité sociale du simple fait de l’existence de réseaux
techniques de transmission à l’échelle planétaire. L’émergence
d’une conscience citoyenne suppose au contraire une nécessaire
distanciation vis-à-vis des illusions de l’idéologie du progrès.
Cela n’empêche pas de prendre acte que les nouveaux
réseaux techniques peuvent constituer une infrastructure
incomparable pour assurer l’émergence et la perpétuation de
réseaux de solidarité entre les individus, les groupes, les
associations qui cherchent aujourd’hui à promouvoir la
nécessité d’autres logiques, alternatives à celle du marché, pour
orienter le développement et les transformations sociales à
l’échelle planétaire. Les nouveaux systèmes de communication
médiatisés par l’informatique et les réseaux numériques
planétaires donnent naissance à des formes inédites
(relativement indépendantes des contraintes d’espace et de
temps) de communication et d’échange entre les personnes qui
peuvent déboucher sur des formes nouvelles de réseaux
sociaux. D’où la pertinence des débats publics autour
d’Internet, facteur ou non de transformation des rapports
sociaux (production, consommation, loisirs, vie quotidienne) :
Internet peut-il en effet faciliter la création de nouvelles
solidarités citoyennes ?
Prenons ici un exemple. Il s’agit du cas des réseaux de
militants dans le domaine des médias associatifs et
communautaires. Le chercheur canadien Alain Ambrosi a ainsi
observé depuis le début des années 1990, la multiplication
rapide de mobilisations diverses émanant de réseaux de militants
dans les domaines de la radio, de la vidéo, de la télévision et de
l’informatique communautaires, initiatives rendues possibles du
fait de l’existence d’Internet et qui se réclament d’un projet de
7
communication démocratique à l’échelle globale (Ambrosi,
1999, p. 99-100) : « Phénomène nouveau depuis environ deux
ans, ces organisations forment des réseaux ‘transnationaux’ qui
consistent à fédérer les réseaux nationaux ou internationaux
déjà existants ». Alain Ambrosi, dans son analyse, met en relief
l’émergence d’une nouvelle conscience du fait que les réseaux
transnationaux communautaires et associatifs peuvent constituer
un nouvel acteur représentant la société civile dans l’espace
politique global :
« Nous constatons que ces nouveaux réseaux, par les
propositions qu’ils avancent et les actions qu’ils posent ne
se cantonnent plus aujourd’hui à animer et développer la vie
démocratique au sein des sociétés civiles en y créant des
espaces médiatiques ou en suscitant des mobilisations
citoyennes autour du thème des médias. Ils émergent
aujourd’hui dans l’espace politique global non seulement
comme un interlocuteur dans les débats sur la
démocratisation de la communication et de la société mais
de plus en plus comme un acteur appelé à participer dans
différents champs d’activité et ainsi influer sur les décisions
pour une démocratisation des structures de communication. » (Ambrosi, 1999)
3- INTERNET
ET LA REACTUALISATION
PENSEE PLANETAIRE DE MC LUHAN 3
DE
LA
Parlant du rôle essentiel des communications dans le
processus de mondialisation, une expression viendra
immédiatement à l’esprit de plusieurs : le « village global »,
métaphore popularisée pendant les années soixante par Marshall
McLuhan. Avec la dissémination contemporaine du réseau
Internet, plusieurs commentateurs ont fait valoir que la pensée
de McLuhan était sans doute plus actuelle et davantage
pertinente pour les années 1990 qu’elle pouvait l’être dans les
années soixante (Dery, 1995). Ainsi, le magazine (branché, on
ne peut mieux dire) Wired a fait de McLuhan son oracle, sa
figure mythique. Le premier numéro (1993) s’ouvrait sur cette
citation de McLuhan tirée du livre The Medium is the Message :
« Electric technology (...) is reshaping and restructuring
patterns of social interdependence and every aspect of our
personal life. » C’est l’idée de « village global » qui retient
certainement le plus fortement l’attention aujourd’hui
puisqu’elle paraît en parfaite résonance avec la pénétration
3
Version modifiée et actualisée d’un article antérieur: Proulx, 1999b.
8
transnationale du réseau Internet. La planète ne ressemble-t-elle
pas à un immense « cerveau planétaire » (l’expression est ici
celle de Joël de Rosnay) dont les neurones seraient constitués
des millions de micro-ordinateurs branchés et les synapses
correspondraient aux multiples connections par câbles et
satellites ? La conscience planétaire serait alors produite à
travers les millions de transactions effectuées dans cette
noosphère électronique et informatique. Du fait de cette
abolition des distances par la communication électronique, la
planète ressemblerait ainsi à un « village global » dans lequel les
relations de voisinage seraient redéfinies : les communautés
virtuelles du village global remplaceraient les anciennes
communautés villageoises.
La thèse de McLuhan prônant l’avènement du « village
global » postule qu’en raison des communications électroniques
omniprésentes et instantanées, les vies quotidiennes des
individus solitaires seraient dorénavant enchevêtrées. De plus,
ces interconnections multiples engendreraient une conscience
planétaire, conscience globale qui retrouverait, aux dires de
McLuhan, une dimension émotive primitive (mythique,
acoustique, tribale).
Ainsi, dans
certains
moments
extraordinaires, les humains du monde entier pourraient
partager instantanément les mêmes émotions, respirer
collectivement au même rythme, prendre part à la même
solidarité planétaire. Des exemples plus anciens viennent à
l’esprit : le couronnement d’Elizabeth II, l’assassinat du
président Kennedy puis celui de son meurtrier présumé, les
premiers pas de l’humain sur la lune, les images de la guerre au
Vietnam, celles de la détresse au Bangladesh. Des images plus
récentes également: les images aseptisées et faussement neutres
de la Guerre du Golfe, celles apparemment plus réalistes de la
Bosnie, les conflits en Somalie, le génocide au Rwanda. Et après
le drame du Kosovo, comment ne pas évoquer les images
insoutenables des colonnes de déportés kosovars ? Il reste que
depuis le 11 septembre 2001, l’imaginaire social occidental est
marqué à tout jamais par ces images hyperréalistes des avions
glissant dans les tours du World Trade Center qui implosent et
s’effondrent en faisant périr près de 3 000 humains. Cet
événement historique nous a fait basculer vers une réarticulation importante des équilibres et des rapports de force
entre les puissances mondiales à l’aube du vingt-et-unième
siècle. Le radicalisme islamiste des terroristes de l’Al-Qaïda a
réveillé le lion impérial : par sa riposte militaire, politique et
9
diplomatique, la puissance états-unienne a affirmé avec force et
efficacité, sa domination militaire et géopolitique sur la planète.
Dans un article publié en 1995, Mark Dery posait une
question fort pertinente : « les télécommunications telles que
nous les connaissons aujourd’hui ont-elles permis la réalisation
effective de l’anticipation macluhanienne du village global ? »
Les télécommunications ont certes permis d’abolir les distances
et d’affaiblir les frontières culturelles. Mais la thèse du village
global supposait fondamentalement pour McLuhan qu’à partir
de l’interconnectivité électronique des réseaux mondiaux et de
la participation médiatique active des téléspectateurs
émergeraient des pratiques de solidarité autant que
d’engagement social réciproque des individus les uns vis-à-vis
les autres. En d’autres mots, selon l’hypothèse de McLuhan, de
la participation médiatique à l’échelle planétaire émergeraient
des pratiques d’engagement social d’un nouveau style : « In the
electric age, we necessarily participate, in depth, in the
consequences of our every action... the electric implosion...
compels commitment and participation. » (M. McLuhan,
Understanding Media, cité par M. Dery, p. 25). Mais, alors que
les exemples de l’opposition généralisée à la Guerre au Vietnam
ou de mobilisation humanitaire pour la Somalie ou
d’opposition généralisée au régime des Talibans en Afghanistan
peuvent illustrer ce type de conscience planétaire en émergence,
force est de constater que les événements de Bosnie ou du
Rwanda agissent comme des contre-exemples. Aujourd’hui, la
conscientisation planétaire et les solidarités sociales et politiques
à l’échelle globale sont désespérément fragiles. Il apparaît
évident que ni l’engagement ni le désir de participation ne
surgissent spontanément du simple fait de l’installation à
l’échelle planétaire de cette formidable quincaillerie de
télécommunication.
Par ailleurs, il y aurait une fatigue des masses silencieuses en
regard de la compassion sollicitée à travers les appels médiatisés
à la charité et au causes humanitaires. Devant certaines images
difficilement supportables en provenance du Tiers Monde,
plusieurs téléspectateurs occidentaux préféreront regarder
ailleurs, ce qui veut dire : «changer de chaînes»... Aujourd’hui,
le spectacle télévisé est le plus souvent le produit de stratégies de
manipulation déployées par les acteurs industriels, politiques ou
militaires qui contrôlent (avec un relatif degré d’incertitude
bien sûr quant aux réponses possibles des téléspectateurs) le
déroulement des événements, les médias étant utilisés dans la
construction même de ces événements. Ainsi, dans le cas des
10
images de la guerre du Kosovo, plusieurs observateurs ont
signalé que ces images avaient été partie intégrante d’une
stratégie de propagande de la part de l’OTAN qui avait pour
objectif de légitimer dans l’opinion publique le fait même de
l’intervention armée de l’OTAN.
La réalité du « village global » serait bien plutôt de nature
marchande et peu susceptible d’engendrer de nouvelles
solidarités sociales ou politiques. Le « village global » serait
concrètement davantage fragmenté en une multitude de sousréseaux d’interlocuteurs correspondant à des groupes
d’individus partageant entre eux des intérêts privés spécifiques.
Nous sommes ici très loin du rêve utopique d’un nouvel espace
public électronique démocratique et planétaire. À l’heure des
communications globales et instantanées (comme celles du
réseau CNN), quel pouvoir reste-t-il aux téléspectateurs
citoyens? Plusieurs militants associatifs ou politiques sont tentés
de mettre leur espoir en l’existence du réseau Internet. Le
déploiement spectaculaire de ce dernier provoque en quelque
sorte un renouvellement du rêve utopique de la résistance
citoyenne qui serait favorisée par ces nouveaux réseaux
planétaires, le cas de la contestation à l’échelle planétaire de
l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI) par le
groupe ATTAC étant considéré
comme
l’exemple
emblématique de cette nouvelle espérance utopique (voir :
George, 2000). L’ambivalence des potentialités géopolitiques
d’Internet appelle une posture épistémologique nuancée de la
part des observateurs. Celle-ci doit être marquée à la fois par
une ouverture vers les possibilités que peuvent amener la
technique et, en même temps, on se doit de rester vigilants et
critiques face aux illusions que le déploiement de la technique
peut engendrer.
4- DE NOUVELLES FORMES DE SOLIDARITÉ ?
Le processus de mondialisation aurait tendance à limiter le
registre des actions possibles des individus au champ unique de
la consommation au détriment du champ des actions
proprement politiques. En d’autres termes, l’individu serait de
moins en moins défini comme un citoyen ayant droit de regard
et droit d’intervention dans l’espace citoyen des décisions
politiques et publiques. Dans la société mondiale de la
communication, l’individu serait le plus souvent réduit à
n’assumer qu’un rôle de consommateur face à l’ensemble des
messages qui lui sont offerts dans le cadre d’un marché ayant à
11
la fois des caractéristiques locales, nationales et globales. Alors
que le consommateur est défini par la publicité comme étant le
«roi» du monde merveilleux de la marchandise, la réalité d’un
marché régi par les règles de la concurrence mondiale lui est
présentée comme une fatalité (Proulx, 1999a). La seule manière
de pouvoir dire que « le marché n’est pas une fatalité » consiste
pour l’individu à affirmer et à assumer son rôle de citoyen. La
problématique de la citoyenneté renvoie à la capacité pour les
individus d’agir effectivement sur leur propre destin en tant que
sujets autonomes. Or, comment les individus peuvent-ils
exprimer leur volonté d’affirmation et de résistance dans un
contexte de mondialisation où la logique transnationale du
marché global est si puissante que même les États-nations
doutent de leur propre capacité à préserver leur souveraineté ?
L’on peut en même temps nuancer ce dernier constat : plusieurs
représentants politiques des gouvernements nationaux
occidentaux ont aussi accepté de voir le rôle des États diminuer
car ils ont parié sur la réussite de la libéralisation des marchés à
l’échelle mondiale. Curieux paradoxe de voir ces responsables
politiques « subir » les conséquences de leurs « choix ».
La montée de l’individualisme, observée dans les sociétés
occidentales en particulier depuis la fin des années 1960, a
entraîné une décomposition du lien social à travers une lente
dissolution des solidarités sociales classiques, comme celle
s’étant forgée autour de l’idée marxiste de «luttes de classes» et
qui fut à la base du mouvement ouvrier au XIXe et dans la
première moitié du XXe siècle. Or, le sentiment d’une solidarité
profonde avec l’Autre constitue la base de toutes actions
citoyennes dignes de ce nom. Cela pose d’emblée la question
de la nature du lien social dans ce nouveau contexte de
mondialisation de la communication. Qu’est-ce qui relie
aujourd’hui les individus entre eux ? Les trente dernières années
ont vu émerger de nouvelles solidarités, par exemple: autour des
rapports sociaux de genre ou à partir d’une conscience
écologique ou encore, en fonction de croyances à caractère
religieux. Mais on doit aujourd’hui réinventer un nouveau
registre de solidarités citoyennes susceptibles de conduire à des
actions politiques plus efficaces dans le contexte de
mondialisation.
À l’aube du vingt-et-unième siècle, les nouveaux
mouvements identitaires font émerger de nouvelles solidarités:
féminismes, écologismes, nationalismes, fondamentalismes
religieux, mouvements homosexuels, communautaires. Une
question surgit ici : ces mouvements identitaires (d’ailleurs très
12
différents les uns des autres) constituent-ils des mouvements
sociaux au sens où ils seraient porteurs d’une définition
collective d’un adversaire à contrer dans un espace politique
délimité ? Peut-on encore, comme Touraine nous y avait jadis
convié, chercher à identifier les nouveaux mouvements sociaux
porteurs et catalyseurs du changement à l’orée du XXIe siècle ?
Pour répondre à cette question, il faudrait identifier la nature
des liens de solidarité qui lient entre eux les acteurs individuels
au sein de ces mouvements affirmatifs. Liens sociaux ? Ou
simples liens individuels égoïstes développés autour d’intérêts
bien particuliers ? Trois défis pourraient marquer l’agenda
politique de ce début de siècle de militants à la recherche de
nouvelles formes d’expression citoyenne en contexte de
mondialisation.
a. Renouveler les formes de solidarité transnationale pour
contrer les délocalisations des lieux de production
Des solidarités nouvelles (mais en même temps relativement
classiques) seront associées de plus en plus aux luttes syndicales
de travailleurs directement concernés par les délocalisations
d’entreprises ou dont les conditions de travail seront
renégociées à la baisse. Ces luttes syndicales seront d’autant
plus efficaces qu’elles s’orienteront vers une solidarité
transnationale entre travailleurs de plusieurs pays sur plusieurs
continents. Mais, de manière à ce que ce type de résistance ne
coïncide pas simplement avec une nouvelle forme de
corporatisme de syndiqués nantis appartenant aux pays riches,
un autre type de solidarité doit émerger simultanément unissant
les travailleurs du Nord aux individus maintenus dans la
pauvreté dans les régions du Sud. Dans un contexte de
transformations radicales des conditions de production et de la
nature même du travail, une nouvelle conscience ouvrière
transnationale doit émerger. Même si certains observateurs
(Rifkin, entre autres) insistent pour prédire la « fin du travail »,
l’on doit constater que les luttes sociales autour des
négociations collectives des conditions de travail demeurent
encore aujourd’hui importantes et structurantes pour
l’ensemble des communautés concernées.
b. Inventer des alternatives pour le développement des pays
du Sud
Comme le dit Serge Latouche, théoricien du développement,
le temps est peut-être venu de penser davantage en termes
d’anti-développement. L’économie de marché ne doit plus être
au centre de nos manières de penser le développement. Un
travail de transformation en profondeur de nos mentalités (axé
13
sur la promotion d’une culture du lien) apparaît nécessaire si
nous voulons que nos démarches d’aide concourent à une
revitalisation du tissu social local dans les pays où nous
intervenons. Pour Latouche, il faut « décoloniser notre
imaginaire » pour nous ouvrir à une logique du don. Ce constat
invite à poursuivre nos efforts vers une réorganisation en
profondeur des formes d’«aide internationale au développement» en direction des pays du Sud.
Se pourrait-il que l’une des formes alternatives de résistance
citoyenne à la globalisation de l’économie consiste dans la mise
en place à l’échelle planétaire, de réseaux décentralisés d’une
nouvelle économie solidaire orientée vers la prise en charge
responsable et durable des personnes et des communautés
démunies par elles-mêmes ? Ces nouveaux réseaux de solidarité
transnationale d’aide à l’entrepreneurship pourraient prendre
appui précisément (selon les besoins des acteurs innovateurs,
quand cela permet une meilleure efficacité des actions et dans la
mesure où elles sont accessibles) sur les infrastructures
d’information et de communication en voie d’implantation à
l’échelle de la planète. Par contre, il ne faudrait pas tomber dans
l’illusion que ce type d’action constitue une réponse
satisfaisante à tous les problèmes. Il reste qu’il y a ici une piste à
approfondir permettant de rompre avec les modèles habituels de
l’aide aux pays du Sud entraînant l’effet pervers de la
dépendance de ces derniers envers les pays fournisseurs d’aide.
Il apparaît nécessaire d’inscrire nos pratiques de dissidence
en matière de développement et nos actions de résistance
citoyenne à l’échelle globale dans le cadre plus large et
cohérent d’un projet de société alternative, projet qui relèverait
d’une autre logique que celle du marché uniforme de la
mondialisation (Latouche, 2000). Au slogan « penser globalement, agir localement », il devient nécessaire d’ajouter aussi :
« penser globalement, agir globalement » (Kocherry, 1999).
Selon Serge Latouche, les solutions sont à rechercher à l’échelle
globale dans le juste équilibre entre les pôles respectifs de
l’échange marchand, de la redistribution et de la solidarité.
c. Internet peut-il favoriser le surgissement de formes nouvelles
de démocratie mondiale ?
Irions-nous vers de nouvelles formes de solidarité planétaire
via des pratiques originales de « cyberdémocratie » ? Internet,
par exemple, pourrait-il participer à la construction d’un
nouveau type de solidarité sociale à l’échelle du globe? La
mondialisation de la communication ne porte pas,
heureusement, que des tendances à la marchandisation et à
14
l’uniformisation. C’est une réalité nouvelle qui pose des défis
nouveaux, notamment à l’ensemble des mouvements locaux
communautaires et associatifs que l’on retrouve aujourd’hui
dans les différents pays. Ainsi, les réseaux d’échange et de
communication qui se constituent via Internet pourraient-ils
préfigurer une recomposition sur un mode enchevêtré de
l’opposition classique entre les registres du collectif et de
l’individuel ? Ces lieux de responsabilisation communautaire
permettent le développement et la maîtrise de nouvelles formes
d’entraide, la création de multiples îlots de résistance tout en
mettant de l’avant une revendication internationale au «droit à
la communication» qui apparaît essentielle si l’on veut assurer
une forme de sécurité culturelle aux individus et aux
communautés en contexte de mondialisation.
5- EMERGENCE D ’ UN NOUVEL ACTEUR HISTORIQUE
DANS L ’ ESPACE POLITIQUE GLOBAL ?
Dans une version précédente de ce texte, je m’interrogeais
sur l’émergence dans l’opinion publique de l’idée de
citoyenneté planétaire souvent associée aux réseaux citoyens et
communautaires qui inventent de nouvelles pratiques visant une
participation à part entière des citoyens ordinaires au
développement d’une société de plus en plus globalisée et
informationnelle (Proulx, 2001). Ces pratiques créatives
citoyennes se retrouvent autant au niveau local que national,
régional et international, le défi pour les réseaux citoyens
consistant à réussir à agir simultanément au niveau local et au
niveau mondial (ce qu’une association comme ATTAC réussit
bien). Depuis la contestation fortement médiatisée de la
conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) à Seattle (novembre 1999), il advient une
transformation importante dans l’imaginaire social planétaire. Il
y a en effet émergence et constitution d’une nouvelle
conscience sociale critique à l’échelle planétaire. Cette parole
publique internationale et critique remet en cause le modèle
actuel trop exclusivement néo-libéral de la mondialisation.
Après Seattle, plusieurs manifestations mondiales ont contesté
une série de réunions internationales regroupant les dirigeants et
fonctionnaires des organisations internationales en charge de la
gouvernance mondiale. En 2000, Bangkok, Washington,
Genève, Bologne, Millau, Prague, Bangalore, Melbourne, Séoul,
15
Nice. En 2001, Mexico, Buenos Aires, Québec, Göteborg,
Gênes, Beyrouth, Bruxelles (Luneau, 2002). Dès janvier 2001, à
Porto Allegre, 4 702 délégués en provenance de 117 pays se
réunissaient dans le premier Forum social mondial (FSM) :
« Devenu le symbole du mouvement international de
résistance à la mondialisation libérale, ce FSM est né en
réponse au Forum économique mondial (WEF) de Davos où
un cénacle de nantis, de dirigeants d’entreprises « globales »,
se réunit une semaine en janvier depuis une trentaine
d’années. » (Luneau, 2002, p. 20).
Ces mouvements diversifiés et apparemment disparates,
cherchant à inventer des alternatives sociales, politiques et
économiques pour une autre mondialisation sont unis autour
d’objectifs communs : « barrer la route à la déréglementation
libérale, à la spéculation financière, aux violations des droits
humains et aux atteintes à l’environnement (…), (la diminution
ou l’annulation) de la dette des pays en voie de développement,
le refus de la privatisation du vivant, la défense des services
publics, la protection des ressources naturelles. » (Luneau, 2002,
p. 20). Parallèlement, d’autres réseaux se sont constitués plus
particulièrement concernés par l’appropriation citoyenne et
communautaire des technologies d’information et de
communication (TIC). Deux congrès internationaux réunissant
des porte-paroles de ces réseaux ont déjà eu lieu (à Barcelone
en novembre 2000 et à Buenos Aires en décembre 2001). Le
prochain congrès aura lieu à Montréal en octobre 2002 avec
pour objectifs de :
« Créer des espaces, des occasions et des outils permettant
aux réseaux citoyens et autres acteurs de la société civile de
procéder à la démonstration, la réflexion, la célébration et la
formulation de propositions stratégiques communes. Plus
spécifiquement (…), permettre l’échange, la mise en commun et la reconnaissance de pratiques d’utilisation des TIC
qui sont au service d’un monde démocratique, solidaire et
équitable. Démontrer l’innovation et l’expérimentation de
pratiques citoyennes d’appropriation sociale des TIC. (…)
Dégager les grandes lignes d’une plate-forme de
propositions présentant les intérêts et aspirations de la
société civile internationale quant à la fracture numérique et
à l’utilisation des TIC. Cette plate-forme est destinée à
alimenter les discussions en cours sur la société de
l’information dont un des moments importants sera le
Sommet Mondial sur la Société de l’information [organisé
sous l’égide de l’ONU et de l’IUT à Genève en décembre
16
2003]. » (document préparatoire au Congrès de Montréal
2002, octobre 2001, p. 7)
Toutes ces rencontres internationales et ces volontés
collectives d’un consensus mondial autour d’un minimum
d’objectifs communs de revendication des fédérations de
réseaux citoyens et associatifs à l’échelle de la planète
témoignent de la nature profonde de ce qui est en train
d’apparaître sociologiquement : l’émergence d’une expression
globale d’un nouvel Acteur historique cherchant à s’implanter
sur la scène de la gouvernance mondiale. Un acteur social
semble en effet vouloir s’affirmer en synergie mais aussi en
contradiction avec les deux autres acteurs occupant déjà cette
scène de la gouvernance : l’État et l’Entreprise privée. Ce
nouvel Acteur historique cherche donc à s’affirmer comme
porte-parole légitime de la société civile internationale. Cette
affirmation identitaire de la société civile internationale apparaît
riche d’espoir en vue d’un dégagement des populations de
l’emprise de la pensée unique associée à l’idéologie néolibérale globalitaire. Sommes-nous condamnés, à l’échelle
planétaire, à ne voir surgir que des utopies sociales débordées
par les paradoxes et les effets pervers, que des formes de
citoyenneté simulée en guise d’alternatives à l’idéologie
globalitaire libérale? (Proulx & Vitalis, 1999). Inversement, la
nouvelle créativité communautaire qui s’exprime dans divers
projets et actions d’appropriation de l’espace Internet pourraitelle constituer une base pour l’invention de formes nouvelles de
solidarité citoyenne pouvant déboucher sur des actions
collectives politiquement efficaces dans l’espace public
mondial? Ces actions d’appropriation se réalisent en
conjonction et par différence d’avec d’autres initiatives en
provenance des États et des entreprises privées. Une condition
apparaît nécessaire pour que se multiplient les gestes de
solidarité citoyenne à l’échelle globale: que se développe et se
dissémine une « culture de responsabilité mondiale » soucieuse
de bien identifier les enjeux globaux qui s’ancrent
simultanément dans les actions citoyennes à l’échelle locale
(Chesneaux, 1989; Mattelart, 1999).
Depuis la contestation de Seattle, les luttes internationales
pour une mondialisation plus démocratique et plus humaine
sont davantage publicisées. La période qui a suivi le 11
septembre 2001 aura certainement ralenti ce mouvement de
publicité des luttes contre la mondialisation néo-libérale, la
riposte américaine en Afghanistan ayant mobilisé de manière
exceptionnelle l’attention médiatique. Mais ce mouvement de
17
publicité planétaire des luttes pour une autre mondialisation est
réapparue dès la tenue du Forum Social Mondial de février
2002 à Porto Allegre. Ce mouvement encourage le surgissement
d’une pluralité de pratiques créatives, individuelles et collectives,
orientées vers la recherche d’autres manières de penser et de
vivre la mondialisation, des manières plus humaines d’y
réfléchir et de s’y harmoniser. En même temps, les associations
citoyennes doivent se montrer vigilantes devant le fait que les
réseaux numériques, en tant que dispositifs socio-techniques,
sont en eux-mêmes un objet et un enjeu de pouvoir, de par leur
design, leur architecture et leurs axes de développement (Lessig,
2001). En ce sens, le mouvement du logiciel libre peut sans
doute offrir une alternative sérieuse (en matière de
développement logiciel) aux réseaux citoyens des pays nantis
comme aux pays du Sud qui cherchent à participer de plainpied au mouvement actuel de transformations structurelles et de
mutation généralisée de l’économie à l’échelle du globe.
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