groupe de gotha12

Transcription

groupe de gotha12
MÉMOIRE D’ESPERANCE
D’après le livre « Résistances Chrétiennes dans
l ’Allemagne nazie, Fernand Morin, compagnon de
cellule de Marcel Callo », D.Morin, éd. Karthala, 2014
Sur douze jeunes arrêtés pour action catholique au
sein du travail forcé dans l’Allemagne nazie, 4 sont
rentrés des camps de concentration nazis pour
témoigner ; l’un des martyrs chrétiens du groupe,
Marcel CaLLo, a été béatifié en 1987 par le pape
Jean-Paul II
• Que nous apprennent-ils pour aujourd’hui ?
• Voici le récit de Fernand Morin, témoin survivant de cette histoire,
qui fut le compagnon de cellule de Marcel Callo à Gotha en
Thuringe
1- Vie des travailleurs forcés en Allemagne :
réquisitionnés pour aller travailler par des lois de
Vichy ; création d’une section jociste à Gotha, de
1942 à 1944.
2- L’étau nazi : arrestations en avril 1944 ; les
douze arrêtés pour action catholique dans une
cellule de la prison de Gotha ; puis déportés en
camps de concentration, dont 4 seulement
reviendront.
3- Travail de la mémoire depuis 1945.
Groupe des
douze
compagnons
de la cellule
de Gotha :
Départs
depuis la
France et
décès en
camps de
concentration
1-Gotha
• GOTHA : vue générale ; logement et infirmerie des
travailleurs forcés ; exemple de courrier envoyé à la
famille depuis Gotha.
• Album-photo de Fernand Morin de Gotha, 1942 à 1944.
• Documents liés au travail forcé : carte de travail, carte de
circulation gratuite de F. Morin.
• Mise en place d’activités par la section jociste pour
échapper à la propagande : club de foot, fête à la cantine,
soutien de l ’activité catholique par le cardinal Liénard.
Courrier envoyé à la famille depuis Gotha, soumis à la
censure. Bien vite, les normands demandèrent à leur
famille d’envoyer du ravitaillement.
Gotha, vues générales : cartes postales d’époque et
jardin de l’Orangerie photographié en 1977.
Bloc IV, Fliegenhorst, logement des français, photos de 1995
Bloc V, fliegenhorst, ancien emplacement de l ’infirmerie.
- Bureau-chambre de F. Morin, première fenêtre à gauche de la
porte.
Son travail d’interprète, parlant seul allemand sur 200 français,
commençait à la sortie de l’usine pour démêler les problèmes
des français avec l’administration allemande.
Fernand donnera des faux arrêts de maladie. Grâce aux
morceaux de fer chauffés au chalumeau dans la poche, ils
avaient de la température et ne pouvaient pas aller au
travail.
- Bureau ravitaillement de H. Bedouelle, fenêtre à droite de la
porte.
Pour améliorer le ravitaillement grâce aux colis des familles,
Henri parviendra même à faire parvenir un vélo pour aller
chercher le courrier des familles au bureau de poste à 8 km.
Album photo
de Fernand
Morin de 1942
à 1944
Il fut oublié par
la Gestapo dans
son tiroir de
bureau lors de
son arrestation.
Un camarade le
rapporta en
France à la
libération.
« La nuit pourra se faire
dans nos souvenirs, nous
nous souviendrons de notre
amitié », écrit au dos de la
photo en haut au milieu par
Charles Forgue, le
16/11/43.
Il est mort d’une gangrène
pour s’être tapé le genou
volontairement avec un sac
de sable afin d’être malade
et de ne pas quitter ses
amis de Gotha. Il était
désigné pour être transféré
dans une autre ville.
Photographe à Paris, Il
donna ses photos à Fernand
avant sa mort.
Photo en
bas à
gauche : le
lendemain
de la fête à
la cantine,
avec la
pancarte sur
lequel sont
écrits ces
mots :
« Les sans
amour et
sans
pinard »
Chapelle catholique de Gotha,
entièrement rénovée, photo de
1995.
La Thuringe était en majorité
protestante. Le curé catholique
n’avait pas le droit d’assister les
français, sous peine d’aller en camp
de concentration.
Les jeunes jocistes français
venaient y prier le chapelet le soir
en douce grâce à une porte laissée
ouverte « par erreur » à leur
intention.
Missel de
l’abbé Godin
édité en 1942
à l’intention
des jocistes.
Grâce à un
exemplaire
comme celuici, l’abbé Lecoq
lut la messe
dans leur
cellule de
prison, même
s’il ne pouvait
pas la célébrer.
Fernand suivit
ses messes
avec celui-ci
jusqu’ à
Vatican 1962,
en mémoire de
ses
compagnons
morts martyrs.
Carte de Travail distribuée à tous les travailleurs forcés
Pendant que la France occupée connaissait une paix
relative, toutes les usines allemandes
étaient réquisitionnées pour constituer du matériel
pour étendre la guerre.
A Gotha, étaient fabriqués des avions de guerre
redoutables, les « Messerschmidt 110 »,
des avions de chasse.
Des travailleurs de toutes les nations des pays
envahis par Hitler, Russes, Polonais, Belges, français,
y étaient employés de force.
Carte de circulation gratuite de F. Morin, 1944
Club de foot, 1943, créé par Fernand
Elle fut renvoyée en France à l’adresse de ses parents par la
prison après la guerre, avec le contenu de ses poches saisi
par la prison lors de son arrestation en 1944.
Il n’a jamais pratiqué le foot. Des activités de loisirs furent
créées par l’ Amicale de loisirs. Elle était dirigée par l’abbé
Lecoq ( l’aumônier de la section jociste de Gotha, ancien
aumônier du camp des prisonniers de guerre stationnés à
Gotha). Elle permettait de soustraire les camarades
français à la propagande nazie et de pratiquer l’entraide.
Elle lui permettait de circuler sans autorisation préalable à
Gotha et aux alentours en tant qu’interprète et homme de
confiance du camp des Français. Il pouvait ainsi transmettre
des informations sur les réunions clandestines des jocistes.
D’ anciens membres de mouvements d’Action catholique
s’étaient retrouvés à Gotha et avaient décidé de créer
une section jociste à Gotha. La « Jeunesse Ouvrière
Catholique » était le seul mouvement suffisamment
organisé pour avoir mis au point une structure
clandestine en Allemagne.
Fête du 25 juillet 1943, grande cantine de l ’usine
L’Amicale demanda l’autorisation d’organiser une fête à la cantine
de l’usine. Ils s’aperçurent trop tard qu’elle allait être récupérée
pour la propagande, avec la présence d’officiels nazis sur un
podium.
Photo du 26/7/43, le lendemain de la fête
Elle est extraite de l’album de Fernand. Elle montre
les acteurs sous leur vrai visage.
Ils se présentent autour d’un panneau sur lequel
est écrit : « les privés d ’amour et de pinard ».
Exemplaire d’extrait d’une allocution du Cardinal Liénart du 21/3/43, copié sur papier pelure à l’intention des jocistes en
Allemagne
Les jocistes en Allemagne la
gardaient pliée dans le fond
de la poche pour se soutenir
le moral.
Le texte du cardinal
continuait ainsi : « je m’
expose à ce que mes
paroles, détournées de leur
sens, soient exploitées par la
propagande à des fins
étrangères…. ».
2- L ’ETAU NAZI
• Première page du décret du 3 décembre 1943.
• Notes du prêtre catholique allemand à Gotha à propos des arrestations d’avril
1944 , écrites en 1987 à l’occasion de la béatification de Marcel Callo.
• Prison de Gotha, photographie de 1977.
• Convocation de F. Morin, alors en prison, à un tribunal civil, juillet 1944, pour
défendre un travailleur forcé. Celui-ci fut condamné à mort par pendaison pour
l’exemple pour motif de « vol pendant bombardement ».
• Notes de M. Callo, cachée dans les murs de la prison de Gotha.
• Photos des huit chrétiens morts martyrs pour leur foi.
• Pancarte de Buchenwald, qui associe juifs et chrétiens en camp.
Première page du décret émanant du responsable
des affaires religieuses auprès de Hitler,
daté du 3/12/1943
« CONCERNE: l’activité de l’Action catholique
Française parmi les travailleurs français dans
le Reich ».
Les interrogatoires des douze membres
d’action catholique arrêtés par la Gestapo de Gotha
portèrent sur leurs activités religieuses.
S’ils reniaient leur foi, ils étaient relâchés.
Les onze camarades de Fernand, tous responsables
de groupements d’Action catholique interdits,
signèrent le même motif de condamnation :
« Par leur action catholique, ont gêné le Reich
et le peuple allemand ».
Mais aucun d’eux ne savait comment ils avaient été repérés.
Témoignage du père Redemann, curé catholique
de Gotha de 1932 à 1950
Il écrivit son témoignage sur les événements de 1944
à l’occasion de la béatification de Marcel Callo en 1987.
Il fut lui-même arrêté et menacé d’être envoyé au camp
de concentration de Dachau s’il avait assisté les français
dans les sacrements catholiques.
Il s’en tira en niant énergiquement les avoir aidés, sûr
qu’il ne serait pas trahi par les français arrêtés. Ceux-ci
prirent tout sur eux pour qu’il ne soit pas inquiété.
Copie du témoignage du père Redemann donnée par
Mgr. Wanke, évêque d’Erfurt, à F. Morin, à l’occasion
de la commémoration des 50 ans de la mort de
Camille Millet.
Prison de Gotha
Ils furent regroupés dans une grande cellule appelée « die
Kirche », « l’église », car un pasteur y venait évangéliser les
prisonniers au siècle dernier ; voir fenêtre au dernier étage,
en haut à droite, sur la photo de 1977 ci-contre.
Malgré le régime de la prison, « on serait rentrés heureux, s’il
n’y avait pas eu les camps » disait Fernand, tellement ils
avaient vécu ensemble une vie de communion dans la foi,
auquel il resta attaché toute sa vie.
Petits mots écrits par Marcel
Callo en prison
Ils furent griffonnés sur des petits
bouts de papier enfoncés dans un
trou de mur avec un bout de
crayon.
Le 15 juillet, Marcel écrivit :
« communion, joie immense ».
Le 27 juillet, il mentionne :
« arrivée de Fernand dans cellule ».
Les huit martyrs
chrétiens de la cellule
de la prison de Gotha
Ces photos ont été
rassemblées par Mgr.
Molette avec le soutien
des familles et des
diocèses.
Un CDRom fut édité dans
le but qu’elles soient
exposées aux Journées
Mondiales de la Jeunesse
qui eurent lieu à
Cologne en 2005.
Convocation de F. Morin au tribunal
civil de la ville, 22 août 1944, étant
lui-même en prison.
Il dut défendre un travailleur forcé
dénoncé par des français aux
allemands pour avoir volé du pain
pendant un bombardement.
La sanction, « condamné à mort par
pendaison pour vol pendant un
bombardement », fut placardée dans
toute la ville pour l’exemple.
Buchenwald : Pancarte à l ’entrée du camp
Ce camp fut construit en 1937 d’abord pour les allemands. La pancarte relève du sadisme moral, en caricaturant un juif,
un clergyman catholique et un moine, encadrés par un kapo en arme et poussés dans une direction, tandis que les SS
logeaient avec leur famille en dehors du camp.
3- TRAVAIL DE LA MEMOIRE
APRES 1945
• La croix d ’immortelles : boite en carton de 1945, plaque en verre de 1945, photo
de 1948, dos de la photo avec inscription des martyrs morts pour leur foi.
• Pèlerinage des anciens de Gotha, 1977.
• Audience de Jean-Paul II le 4/10/87, lors de la béatification de Marcel Callo.
• Cérémonie à Rennes, le 1er Mai 1988, avec première présentation publique de la
croix d ’immortelles.
• Croix d ’immortelles, photographiée en 1988.
• Mémoire reprise par l’Eglise pour les générations futures.
TEMOIGNAGES DES QUATRE SURVIVANTS
• L’abbé Lecoq, leur aumônier à Gotha, conserva précieusement la croix d’immortelles, symbole
de leur vie de foi, jusqu’à sa mort en 1983.
• Paul Beshet, jésuite, écrivit « Mission en Thuringe », dès 1946, pour raconter leur apostolat.
• René Le Tonquèze, resté militant jociste, évoqua toute sa vie « l’Equipe » de Gotha.
• Fernand Morin témoigna publiquement de la vie du groupe lors de cérémonies religieuses et
de conférences, après la béatification de Marcel Callo en 1987.
Tours 1984 : Jean Callo, frère de Marcel, à gauche, écoute
R. Le Tonquèze, P. Beshet, et F. Morin à droite.
Carentan 1983 : L’abbé Lecoq avec F. Morin
1945, boite de biscuits américains
Elle fut utilisée par le prisonnier de
guerre pour transporter une croix
d’immortelles jusqu’à la France et la
donner à l’abbé Lecoq.
Négatif de 1946
plaque en verre
Croix d’immortelles, photo de 1948,
donnée par l’abbé Lecoq aux survivants du groupe de la prison
de Gotha.
Fabriquée par Camille Millet avec des fleurs d’immortelles, ils réussirent à la
rentrer dans leur cellule sous la chemise.
L’abbé Lecoq la bénit et la fixa au mur. Ils prièrent tous les jours devant.
Elle symbolise la foi qui les unissait tous.
Dos de la photo de 1948,
avec les noms des douze du groupe de la prison de Gotha,
avec indication des martyrs morts pour leur foi
Pèlerinage
à 1977 à Gotha
Les Anciens de Gotha sont
accompagnés par l’abbé Lecoq
et leurs familles.
La photo fut prise devant l’église
de Colombey-les-deux-églises,
lieu où est enterré le Général De
Gaulle, à la sortie d’une messe
d’action de grâce.
Audience pontificale du 4/10/87
Présentation du groupe à Jean-Paul II
Il répondit « je connais » quand
Monique Morin lui déclara qu’ils
étaient un groupe.
René Le Tonquèze, autre survivant, est
présent à gauche
Croix d’immortelles
Photo en couleur prise en 1988, avant de
la placer dans un coffret afin de la
montrer au public
Elle représente la foi qui les unissait tous.
Fernand Morin en devint le dépositaire
après la mort de l’abbé Lecoq. Il décida
de la montrer au public lors des
cérémonies religieuses en l’honneur de
Marcel Callo à la suite de la béatification
de celui-ci pour montrer qu’il n’était pas
seul.
)
Rennes : à gauche en 1988 ; au centre
en 2000.
Collégiale St Florian : près de
Mauthausen, Autriche, en 1997.
Dévotion publique autour du
groupe de Gotha à partir de
1987
Dévotion publique au sein de l’Eglise
à partir de la béatification de
Marcel Callo en 1987,
avec présentation de la croix
d’immortelles représentant le groupe
lors de nombreuses cérémonies
religieuses
Mémoire d’espérance
pour les générations futures
Cette carte fut distribuée par Fernand Morin, témoin
survivant du groupe de Gotha, la dernière fois en 2006 aux
élèves de l’école de Notre-Dame de Carentan.
Elle montre comment la foi chrétienne a permis à ces
jeunes chrétiens de maintenir une transcendance de
l’homme au sein de l’ Allemagne nazie, résistant à une
idéologie voulant les couper de toutes références
chrétiennes pour les réduire au travail forcé au profit
d’une race supérieure.
C’est une MÉMOIRE D’ESPERANCE qui défie le temps.