La femme est-elle encore l`avenir du sport

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Clément Soborg / FFTT
dossier
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La femme est-elle encore
l’avenir du sport ?
À l’aube de l’an 2000, après
une longue domination masculine,
le sport se déclinait de plus en plus
au féminin, avec la parité en ligne
de mire. Las, l’élan insufflé par
Marie-George Buffet semble être retombé.
Jusqu’à se demander : la femme
est-elle encore l’avenir du sport ?
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HAUT NIVEAU, ASSOCIATIONS, DIRIGEANTS
De la fragilité féminine
dans un monde d’hommes
La contre-performance de nos sportives à Pékin a révélé les faiblesses
récurrentes du sport au féminin, en dépit des efforts de certaines
fédérations et des progrès de la représentativité des femmes dans
les instances dirigeantes.
’était en Une du Monde, il y a presque
dix ans déjà. Le 21 décembre 1999,
le journal de référence titrait: «La
femme est l’avenir du sport». Dans
son article, la journaliste Bénédicte
Mathieu citait la fameuse phrase misogyne de
Pierre de Coubertin – «Une olympiade femelle
serait impratique, inintéressante, inesthétique et
incorrecte» pour montrer le chemin parcouru
depuis. «Un siècle après cette mâle affirmation,
les JO de l’an 2000 seront féminins» affirmait-elle
en insistant sur la présence croissante des femmes
aux JO (4000 à Sydney en 2000 contre 12 à Paris
en 1900) et en notant «un nouvel engouement
général pour le sport féminin», tant du côté du
public que des médias, des sponsors et des fédérations. À la surprise générale, les handballeuses
françaises venaient de s’inviter en finale du championnat du monde – le match avait été retransmis in extremis à la télé, double prolongation à
la clé! – et un souffle nouveau semblait porter
C
les femmes sportives vers des lendemains
radieux. La parité était à portée de main, la
ministre des Sports en faisait son affaire, et les
tristes réticences du vieux Baron seraient bientôt définitivement ringardisées… D’ailleurs, au
plan mondial les deux dernières olympiades ont
bien confirmé cette présence accrue des femmes
– de l’ordre de 40% – tandis que, quel symbole,
16des33médaillestricoloresdécrochéesàAthènes
en 2004 étaient féminines! On commençait à
croire que la journaliste du Monde avait vu juste…
RETOUR À LA RÉALITÉ
Quatre ans plus tard, le voyage à Pékin a balayé
cette belle assurance. Avec seulement 7 médailles
sur un total de 40 pour la délégation française,
les filles ont cruellement déçu, et les interrogations sur le sport féminin brutalement
resurgi… «Ces sept médailles de Pékin sont une
force pour nous!, estime cependant Béatrice
Palierne, cadre national à la Fédération française
de tennis de table et responsable de l’association Femix, qui défend la cause des femmes
dans le sport (1). En effet, ce médiocre résultat
a le mérite d’interpeller les dirigeants du monde
sportif, qu’il s’agisse des fédérations, du CNOSF
ou du ministère. Tous se sont pris de plein fouet
la réalité du terrain!» Une analyse partagée
par Dominique Petit, directrice de la vie associative au Comité national olympique et sportif français: «Nous avons toujours considéré les
excellents résultats d’Athènes comme l’arbre qui
cachait la forêt.» Une façon d’expliquer que la
question du haut niveau chez les femmes n’a
jamais été réglée. D’ailleurs, seul un entraîneur
national sur dix est une femme.
«Bien des entraîneurs ont beaucoup de mal à
comprendre certains aspects de la psychologie
féminine, constate Meriem Salmi, psychologue à
l’Insep, qui accompagnait la délégation française
à Pékin. Il y a encore beaucoup à faire en la
matière. » Restée longtemps taboue, la question
UN PÔLE RESSOURCES AU SERVICE DES FEMMES
Le Pôle ressources national « Sport, famille et pratiques fémi-
nisation devrait ainsi être publié ces jours-ci (le consulter sur
nines » installé au sein du Creps d’Aix-en-Provence (Bouches-
www.sfpf.fr). « Nous avons également mis en place depuis 2007
du-Rhône) a vu le jour en 2006. Cette structure animée par quatre
des groupes ressources réunissant des universitaires, des experts
personnes et dirigée par Youri Filloz se veut un «outil de mutua-
et des acteurs de terrain sur les thèmes : “filles et cités”, “sport
lisation, de conseil et d’expertise ». Le pôle organise désormais
et maternité”, “adapter les équipements sportifs” et “histoire
le concours annuel Femmes et Sport, anime un réseau de réfé-
de l’évolution du sport féminine”, explique Youri Filloz. En
rents, mène des actions de formation et produit des analyses
attendant le fruit de leurs travaux, le Pôle a déjà constitué un
statistiques. Un rapport quadriennal (2004-2008) sur la fémi-
centre documentaire riche de 1 200 références. ● V.S.
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Presse-Sports
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Norvège-France, décembre 1999 :
la marche en avant du sport féminin
semblait alors impossible à freiner.
commence cependant à pointer son nez: «Les
féminines ont-elles besoin d’une stratégie différenciée dans l’approche du haut niveau?» interrogeait l’un des ateliers du rassemblement du
haut niveau, à Talence, en octobre dernier.
AulendemaindecesJeuxendemi-teinte,Roselyne
Bachelot s’est elle-même inquiétée du «déséquilibre flagrant» entre les équipes masculines et
féminines: «C’est vraiment un caillou dans ma
chaussure de sport» a-t-elle confié (2), en souhaitant que cette «déception majeure» soit «absolument rectifiée» en vue de Londres 2012. D’où la
commande d’un rapport circonstancié à la
Préparation olympique et paralympique (lire p 14).
ET DANS LES CLUBS ?
À travers la contre-performance de Pékin, et audelà de la vitrine du haut niveau, c’est aussi la
place des femmes dans la pratique sportive en
général qui interroge. Comme l’écrit Stéphanie
Mahuet dans un document récemment publié par
le pôle ressources national «Sport famille et pratiques féminines», s’il demeure d’actualité le
débat sur les médailles n’est que «la partie visible
de la question de la présence des femmes dans le
sport, à tous les niveaux.» D’ailleurs, en dépit de
la spécificité de la problématique du haut niveau,
on retrouve la même proportion de femmes –
stable autour de 35 % depuis quelques années
– sur la liste du haut niveau et parmi les licenciés sportifs en France, toutes fédérations confondues… Et ce malgré les efforts déployés par
certaines fédérations pour encourager la pra-
tique féminine au sein de leurs clubs. C’est le cas
du tennis de table, qui a réussi en deux ans à
séduire 700 nouvelles adeptes – portant ainsi leur
nombre à 14000 (12%) sur un total de 120000
licenciés (hors licences promotionnelles), ce
qui relativise un peu la performance – en proposant en plus du ping-pong des modules de
gymnastique et d’assouplissements, dans des créneaux horaires mieux adaptés aux attentes des
femmes. Des fédérations très masculines ont
elles aussi choisi de faire un effort. Le rugby a
vu par exemple sa proportion de femmes progresser de 2,8 à 3,8% de 2004 à 2007: elles
sont désormais 10000. Dans le même temps, la
part des footballeuses dans les effectifs de la FFF
passait de 2,1% à 3%, soit près de 70000 femmes
sur 2,3 millions de licenciés.
Cette évolution est encouragée par le ministère des Sports. Dans le cadre du dispositif «Soyez
sport», en 2007, 14 fédérations (3) se sont vu
attribuer des postes dans le cadre de conventions d’objectifs visant à développer la pratique
féminine. «Grâce à une jeune fille ainsi recrutée parmi nos athlètes de haut niveau, nous
avons pu mener une enquête approfondie auprès
d’une trentaine de nos clubs les plus ”féminins”
afin de comprendre pourquoi cela marche chez
eux. Ceci afin de proposer un modèle d’accueil
des femmes utilisable par toutes nos associations», explique Béatrice Palierne à la FFTT.
Les fédérations de boxe, de rugby et de cyclisme
se sont également engagées dans cette voie. À l’arrivée, le constat est le même: aucune solution
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miracle mais du cas par cas et, surtout, une
approche différente à intégrer tant en terme d’accueil (vestiaire, ambiance), d’activité proposée
(plutôt loisir que compétition), d’encadrement et
d’horaires. Si on veut faire venir les femmes dans
les clubs, il faut peut-être aussi qu’elles puissent
s’y retrouver entre elles, comme le montre le succès des courses urbaines ou des salles de sport qui
leurs sont exclusivement réservées. Ou proposer
tout au moins un environnement où la mixité n’est
pas numériquement trop déséquilibrée…
FRÉMISSEMENT DANS L’ENCADREMENT
Autre problème récurrent, le déficit de représentation féminine dans l’encadrement sportif
et les instances dirigeantes. Un déficit qui a
conduit au décret de 2005 imposant la proportionnalité au sein des fédérations entre la part
de licenciées et la part des femmes dans les
conseils d’administration et comités directeurs. Et,
de fait, ça bouge en haut de la pyramide. «On sent
un certain frémissement, note Dominique Petit,
même si on ne pourra dresser un vrai bilan
qu’après toutes les élections post-olympiques»,
précise-t-elle. En athlétisme par exemple, pour
la toute première fois une femme – Chantal
Langlacé, ex-marathonienne de haut niveau –
a osé se porter candidate à la présidence. Sans
être élue, mais c’est un début… «Grâce à ce
décret, souligne Danielle Salva, du CNOSF, les
fédérations sont obligées de se poser la question,
voire de solliciter certaines candidates, ce qui
entraîne un changement d’état d’esprit.» Plus
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sport féminin et du haut niveau, tandis que la
fédération de cyclisme compte désormais une DTN
adjointe! «La présence et la visibilité des femmes
à des postes de responsabilité aura un effet boule
de neige», prédit Danielle Salva. Mais de là à
parier sur l’arrivée prochaine d’une femme à la
tête d’une fédération olympique… Quant au
CNOSF, qui ne compte encore que 6 femmes
sur 45 élus au conseil d’administration, et aucune
fort encore, Pierre You, président de la
Fédération française de la montagne et de l’escalade, a choisi d’imposer la parité au sein du
comité directeur pour les prochaines élections,
alors que sa fédération ne compte que 38,7%
de femmes.
Autres signes de ce frémissement, au sein de la
fédération de volley-ball une vice-présidente
est désormais en charge du développement du
parmi les 7 membres du bureau, il a encore
quelques mois pour montrer l’exemple.●
VALÉRIE SARRE
(1) Femmes Mixité Sports (www.femixsports.fr)
(2) Le Monde du 25 août 2008: «Sport français: où sont les
femmes?», par Gilles Van Kote.
(3) Basket-ball, handball, rugby, aviron, baseball, boxe,
course d’orientation, cyclisme, Foot US, gym, surf, tennis de
table, roller, Centre nautique des Glénans.
POP
« Pékin n’est pas un simple
accident de parcours »
abien Canu, vous aviez annoncé 40
médailles françaises à Pékin: le contrat
est rempli, mais vous attendiez-vous à
seulement 7 podiums féminins ?
Nous estimions difficile de reproduire le score
d’Athènes – 16 médailles – et avions évalué le
potentiel des filles entre 10 et 12 podiums. On
est loin du compte. Si la France se maintient dans
les dix premiers pays, nous ne sommes qu’en 22e
position chez les filles, alors que tous les autres
pays du Top ten s’appuient sur 40 à 50% de
médailles féminines. Cependant, je tiens à souligner que la moitié de nos représentantes ont
réussi à être finalistes, c’est-à-dire dans les huit
premières de leur discipline, une performance
équivalente à celle des garçons. En revanche,
beaucoup sont restées au pied du podium, phénomène que nous avons du mal à expliquer. Il
est vrai que le sport féminin a progressé de
façon significative dans le monde. Est-ce nous
qui n’arrivons pas à suivre le rythme? Quoiqu’il
en soit, on ne peut considérer ces résultats
comme un simple accident de parcours.
F
Quelle réponse apporter ?
Depuis septembre, nous rencontrons les fédérations pour analyser le manque de médailles
d’or (la France a régressé dans ce classement,
avec seulement 7 titres olympiques contre 12
espérés) et le manque de réussite chez les filles.
Bien sûr, il existe encore des fédérations où la
pratique féminine n’est pas bien considérée,
mais c’est loin d’être la majorité. De nombreuses
fédérations ont mis en place des politiques
volontaristes à l’égard des femmes, comme l’aviron par exemple. Mais, malgré cela, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous…
Nous essayons de comprendre pourquoi afin
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Presse-Sports
L’analyse de Fabien Canu, directeur de la Préparation olympique et paralympique (Pop).
L’élimination du relais 4 x 100 m en séries a symbolisé
la contre-performance des filles à Pékin.
de formuler des propositions aux fédérations et
au mouvement olympique.
Mais quelles explications envisagez-vous ?
Nous constatons un problème d’investissement
dans le haut niveau pour les filles vers l’âge de
15-16 ans. Souvent, la pression des parents est
plus forte en matière de réussite scolaire que
pour les garçons. D’où le choix de beaucoup
d’entre elles de mettre le sport entre parenthèses
pour mieux se consacrer à leurs études et s’assurer un avenir professionnel. Il est vrai que les
débouchés pour les filles dans le sport sont
moins nombreux que pour les garçons.
Il existe aussi un problème d’encadrement.
Les filles réagissent davantage que les garçons à certaines qualités humaines et certains entraîneurs ne sont pas prêts à
répondre à cette demande. Nous devons utiliser le savoir-faire de certains, comme
Olivier Krumbholz (entraîneur de l’équipe
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de France de handball, NDLR) pour « coacher » d’autres entraîneurs. Je ne suis pas
convaincu qu’il faille à tout prix féminiser
l’encadrement, mais plutôt apprendre aux
entraîneurs, hommes et femmes confondus,
à gérer des équipes de filles. On devrait aussi
s’inspirer du tennis, qui a choisi de suivre
et d’encadrer de près les joueuses dès l’âge
de 12 ans, afin d’anticiper sur la période
délicate de l’adolescence.
L’aspect financier n’est pas négligeable non
plus…
C’est vrai, certains clubs préfèrent encore investir sur les garçons. Le haut niveau coûte très
cher en stages, en déplacements, en entraîneurs, et dans certains sports il demeure une
discrimination à l’égard des filles. La plupart des
clubs de football n’ont par exemple pas de vraie
équipe féminine, comme en Allemagne.●
RECUEILLI PAR V.S.
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Féminité sportive dans les cités
C
sports collectifs et de danse
Dans les cités
à raison d’une à deux fois par
de Marseille,
les filles
semaine, l’accès étant grase prêtent
tuit» explique Amina Madi,
au jeu.
en charge du projet. Grâce à
cette initiative, une cinquantaine de filles de 7 à 17
ans ont découvert le foot, le
hand, le basket, le hip-hop
ou le roller. «Ces filles ne faisaient aucun sport, mais elles
y ont vite pris goût. Elles
apprécient de pouvoir choisir
leur activité et de se sentir
responsabilisées, en arbitrant
par
exemple.
L’essentiel est d’assurer un
bon contact via l’animateur, qui doit miser
sur l’aspect ludique de la pratique. » Plusieurs
rencontres sont prévues en mai prochain, de
manière à associer aussi les parents à cette
démarche. « Même si ce programme s’adresse
aux filles, cela nous arrive parfois d’accueillir
quelques garçons », explique également
Amina Madi. L’idée, à terme, est d’ailleurs de
créer des équipes mixtes. Une gageure pour
le foot marseillais ! ●
V.S.
L’Agence pour l’éducation par le sport organisait le 14 janvier à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) une journée-débat
sur le thème «sports au féminin dans les banlieues» en présences d’élus politiques, d’éducateurs, de responsables
associatifs et de plusieurs championnes (www.apels.org).
LFBB
oncernant le rapport entre les catégories
socioprofessionnelles et la pratique sportive des femmes, les statistiques sont
implacables: si 77% des femmes qui travaillent
ont une activité sportive, seulement 45 % des
autres enfilent régulièrement un short, un
maillot, un justaucorps ou un jogging… Dans
les milieux défavorisés surtout, le sport n’est
pas une priorité pour les filles. Et les collectivités locales ne cherchent pas forcément à aller
contre le cours des choses. « Dans les quartiers
sensibles, confirme Marie Launo, déléguée
Ufolep des Bouches-du-Rhône et membre du
groupe national Femmes et sport, les clubs sportifs s’intéressent très peu aux filles. Quant aux politiques de la ville, elles préfèrent miser sur les
garçons pour acheter une certaine forme de paix
sociale.»
Afin de tenter de palier ce déficit, l’Ufolep a
lancé il y a deux ans à Marseille un programme
baptisé «Sport pour elles». L’objectif: proposer dans les quartiers, avec l’aide des structures
sociales en place, un programme d’activités
sportives à destination des filles. « Sur trois
sites différents, nous proposons des cycles de
Ufolep 13
À Marseille, l’Ufolep invite les filles à s’approprier les terrains de foot.
UNE MÉDIATISATION TRÈS SUBJECTIVE
Elles sont devenues des stars people, ou presque: Laure Manaudou,
championnes n’attend pas le nombre
Laura Flessel, Muriel Hurtis… Autant de championnes dont la visi-
des médailles». Une Christine Arron ou
bilité médiatique est presque équivalente à celle de leurs homo-
une Laura Flessel sont toujours pri-
logues masculins. Et pourtant… À y regarder de plus près, l’hyper
sées, même si leurs résultats s’avèrent
médiatisation de quelques vedettes cache le déficit médiatique du
décevants. «En revanche, qui connaît
sport féminin. «On ne voit toujours pas de match de rugby ou de foot
Marie Delattre ou Anne-Laure Viard,
féminin à la télé, souligne la sociologue Catherine Louveau. Quant
kayakistes en bronze à Pékin, et aussi
au mondial de hand féminin qui s’est tenu en France fin 2007, qui
championnes du monde en 2005 et
était au courant?» Lors des Jeux de Pékin, la couverture médiatique
2007?», interroge Stéphanie Mahuet.
des épreuves féminines a cependant été plus large que précédem-
La médiatisation du sport féminin continue donc de faire problème.
ment et, selon France Télévision, 3,9 millions de téléspectateurs ont
Avec, de surcroît, quelques dérives récurrentes chez certains com-
suivi la finale du 400 m nage libre dames, avec… Laure Manaudou
mentateurs prompts à mettre en avant des considérations plastiques
et Coralie Balmy. Soit la meilleure audience des Jeux! On notera
ou «esthétiques», ou encore cette propension des ligues de basket-
d’ailleurs que la contre-performance de Manaudou a complètement
ball (photo) et de handball à vendre leurs championnats féminins
éclipsé la quatrième place de Coralie Balmy, qui n’a pourtant échoué
en jouant sur une imagerie sexy… Signe que sur ce point aussi,
qu’à huit centièmes de la médaille de bronze! En réalité, comme on
l’égalité de traitement entre le sport féminin et masculin est loin d’être
le souligne au pôle ressources national, «la valeur en image des
gagnée. ● V.S.
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L’Ufolep et le sport au féminin
Le groupe Femmes et sport multiplie les initiatives sur une thématique
que notre fédération a fait sienne depuis longtemps.
T
Le pari était-il gagné?
C’est au début des
En tout cas la commisannées 70 que la
question féminine a
sion féminine disparait
véritablement
alors en tant que telle,
émergé au sein de
pour renaître en 2000
l’Ufolep.
sous le nom de groupe
de travail Femmes et
sport. Une façon de
s’inscrire dans les priorités de Marie-George
Buffet, ministre de la
Jeunesse et des Sports,
et surtout de contribuer au développement de la pratique
féminine et de l’accès des femmes aux responsabilités dirigeantes au sein de notre fédération.
Ce groupe a tout d’abord lancé des enquêtes qui
ont mis en lumière la place encore insuffisante
faite aux femmes dans nos instances, même si,
depuis, l’obligation de proportionnalité entre le
nombre de licenciés femmes et hommes éligibles
a fait évoluer les choses. Le groupe de travail a
ensuite supervisé la réalisation d’une vidéo intitulée «Sport, les mots qu’elles disent» et nourrie des témoignages de pratiquantes Ufolep.
S’est ajoutée depuis une exposition mettant
en parallèle l’émancipation des femmes et leur
place dans la société, l’histoire du sport féminin et l’évolution des pratiques en France, et
plus spécifiquement la place des femmes à
l’Ufolep et à l’Usep. Enfin, le groupe Femmes et
sport a organisé des stages thématiques pour
Archives En Jeu
rès tôt, l’Ufolep s’est intéressée à la
pratique féminine, et nos archives
témoignent d’un intérêt porté à celleci dès 1931. Certes, à une époque où
le mot sport se décline encore quasiment exclusivement au masculin, on pense
surtout «mouvements d’ensemble, danse rythmique, excursions et promenades». Mais dès
1939 l’évolution est sensible puisque G.Varlet,
délégué de l’Allier écrit: «Développons, au sein
de notre Ufolep, les sports féminins d’été!»
Cet intérêt va se concrétiser après-guerre avec
l’organisation de «championnats féminins» et
de stages de formation également féminins, à
Bordeaux puis à Boulouris. Grande première, en
1966 le stage de Reims est mixte et permet aux
organisateurs de poser une question cruciale:
«Devons-nous faire une différence entre l’enseignement apporté aux garçons et celui dispensé aux filles?»
Mais c’est avec la création, en 1968, de la toute
première commission féminine Ufolep, que la
question féminine va vraiment émerger dans nos
rangs. Une rubrique du mensuel Informations
Ufolep-Usep, signée Jerico (1) et intitulée «sport
au féminin», est alors réservée à des articles traitant du sport et de la femme. L’année suivante
voit l’éclosion de nombreuses associations féminines ou mixtes permettant aux femmes de
pratiquer et, en 1975, le congrès de Rodez présente des panneaux d’exposition sur « Les
femmes et le sport » réalisés par le Groupe
d’études et de recherche du sport féminin.
contribuer à faire émerger des dirigeants et
rédigé un guide invitant à la pratique. Intitulé
«Femmes et sport, un bienfait tout au long de
la vie », il propose notamment le regard de
médecins, de sociologues et d’universitaires.
D’autres projets sont envisagés ou déjà en cours :
un nouveau film de témoignages de pratiquantes et de militantes fortement engagées,
ou encore une plaquette sur le droit des femmes.
Les idées ne manquent pas, et pour les mener
à bien le groupe aimerait s’étoffer un peu… Avis
aux intéressées!●
NELLY ARADAN, ÉLUE NATIONALE
CHARGÉE DU GROUPE FEMMES ET SPORT
(1) Pseudonyme commun formé par les initiales des prénoms
des cinq membres de cette commission féminine.
ESQUISSER LE PORTRAIT DE LA SPORTIVE UFOLÉPIENNE
Militante ou simple pratiquante, engagée en compétition ou en
partage, de la communication et, pourquoi pas, de la transmission
loisir, la femme sportive ufolépienne est multiple. Néanmoins, forte
de connaissances, après avoir suivi les formations fédérales. Ce
de mon expérience personnelle et de nos multiples questionne-
plaisir, les femmes le trouvent moins que les hommes dans la
ments, l’image que j’en ai est celle d’une jeune fille ou d’une
compétition, mais il n’en est pas moins le principal moteur de leur
femme recherchant avant tout dans la pratique d’activités physiques
pratique. C’est pourquoi je suis persuadée que des pratiques et des
le bien-être, la santé, le plaisir, voire la performance comme moyen
aménagements adaptés (lieux, horaires, garde d’enfants, etc.)
de se tester et de se dépasser, mais sans aller jusqu’à la souffrance
pourraient faire progresser le nombre des féminines à l’Ufolep.
physique et psychique que peut entraîner la pratique de haut
Nous y croyons et ferons tout pour que les femmes prennent toute
niveau. Pour moi, dans le sport féminin le plaisir vient aussi du
leur place au sein de notre fédération. ● N.A.
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Et chez nous, où sont les femmes ?
Paradoxe : la proportion de femmes parmi nos licenciés est en recul depuis plusieurs
années tandis que nos cadres et nos instances dirigeantes se féminisent.
F
Ufolep 77 / En Jeu
arouchement attachée aux
valeurs de mixité et d’égalité,
l’Ufolep travaille depuis des
années sur la dynamique
hommes/femmes, tant dans le
domaine de l’accès aux responsabilités que dans celui de la pratique sportive. Des avancées ont eu lieu, grâce
à l’impulsion donnée par le groupe
national Femmes et sport, au travail
mené à tous les échelons de notre
fédération et à l’évolution de la
société, avec des femmes volontaires
qui s’engagent et dont le projet de vie
croise celui de notre fédération.
C’est sûrement dans le domaine
de la « représentation politique »
que les avancées ont été les plus
marquées. Il faut dire que nous
partions de très loin avec une vie
statutaire très masculinisée, même
dans des comités ou des associations où la pratique sportive féminine est très développée, voire
majoritaire. Les postes étaient traditionnellement aux mains des
hommes, qui trustaient toutes les
Avec le cyclotourisme
et l’APE, les activités
présidences et n’abandonnaient
gymniques, comme ici
aux élues femmes que quelques
la GRS, concentrent
postes de secrétariat départeencore l’essentiel des
licenciées Ufolep.
mental.
Il y avait 7 présidentes de comités
départementaux en 2001, 13 en 2005, 17 en départementales femmes et, depuis trois
2008 : la tendance est donc amorcée et ans, les promotions de nouveaux délégués
devrait s’accentuer avec la mise en place de sont quasiment mixtes. Au niveau régiola proportionnalité dans toutes les ins- nal, les femmes sont même 8 sur 12. Des
tances fédérales, comme le stipule la Loi sur efforts restent cependant encore à réaliser
le sport et comme va le permettre le renou- au sein de la direction nationale, même si
vellement, en cette année 2009, des comi- nous sommes passés de 0 à 2 femmes dans
tés directeurs de toutes nos instances. une équipe de 8.
Comme quoi c’est en passant par la contrainte
UNE PROPORTION EN BAISSE
que les progrès sont les plus sensibles…
Quant au comité directeur national élu en Concernant la vie sportive et la présence
avril 2008, il compte 12 élues sur 30 féminine, un colossal travail statistique a
membres, contre seulement 5 en 2001. Enfin, permis de distinguer quelques grandes tencette féminisation s’est aussi traduite dans dances, confirmées depuis par l’implacable
la composition des commissions nationales logiciel Affiligue... Les sportives licenciées
sportives.
sont donc aujourd’hui près de 150 000, un
Côté salariés, la tendance est tout aussi nombre en baisse depuis 8 ans (-13 %) alors
nette. On compte désormais 22 déléguées que celui des hommes est stable, mais équi-
Février 2009
valent aux effectifs d’il y une vingtaine d’années. La proportion
hommes/femmes s’établit désormais
à 61/39 contre 52/48 en 2001. La
présence plus affirmée des femmes
dans les instances statutaires n’en
est que plus remarquable.
On relève aussi que les pratiquantes
Ufolep se répartissent très inégalement d’une discipline sportive à
l’autre, avec notamment plusieurs
activités à la fois très investies et
stables : gymnastique sportive, activités physiques d’entretien, gymnastique rythmique et sportive et
cyclotourisme. Par ailleurs, on
constate une baisse dans d’autres
activités individuelles, parallèlement
à une certaine féminisation dans
certains sports collectifs et les activités motorisées. Les femmes contribuent également à l’augmentation
des effectifs dans la quinzaine d’activités les plus pratiquées à l’Ufolep,
parmi lesquelles la randonnée
pédestre et la danse. Enfin, pour ce
qui est des classes d’âge, la population féminine est stable chez les
jeunes, principalement grâce à la
gym sportive et à la GRS.
Dernier point : les femmes sont-elles
heureuses à l’Ufolep ? Il le semble,
puisque selon la dernière enquête nationale réalisée auprès des licenciés Ufolep,
ceux-ci estiment que notre fédération correspond aux aspirations loisir du public
féminin. C’est en tout cas l’image qu’ils en
ont. En effet, quand les 300 licenciés interrogés estiment que l’Ufolep a comme priorité le plaisir par le sport et qu’elle met en
place des actions autour du sport en famille
et de la santé, ceci croise les aspirations de
nombreuses femmes concernant la pratique
sportive. Gageons donc qu’en menant un
projet fédéral fidèle à nos valeurs et en
phase avec nos ambitions et les transformations de la société, nous saurons répondre
à ces demandes et séduire de nouvelles licenciées.●
ARNAUD JEAN
en jeu une autre idée du sport n°423
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santé
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La musculation en question
«M
(1) co-auteur
de Musculation
et renforcement
musculaire
du sportif,
Amphora, 22,50€.
(2) Auteur
de Programmes
de musculation,
Amphora, 18,50€.
Amphora
Si les sportifs de haut niveau pratiquent la musculation, les amateurs
ont-ils intérêt à reprendre cette habitude à leur compte?
Pourquoi pas, mais à certaines conditions.
vite et manque de fluidité dans les
oi, ce que
gestes techniques. Pour être utile, la
j’aime dans la
musculation doit être spécifique à
natation, c’est
chaque sport et aux muscles sollicités.
la muscu ! »
C’est pourquoi un tennisman ne praCette phrase
tiquera pas la même musculation
définitive, c’est la marionnette du
qu’un footballeur. Avis donc aux spornageur médaillé olympique Alain
tifs amateurs qui souhaiteraient ajouBernard qui la prononce dans les
ter du renforcement musculaire à leurs
Guignols de l’Info! Bien sûr, on est
entraînements habituels de vélo, de
dans le registre de la satire et de l’exajogging ou de foot: il ne s’agit pas de
gération. Il n’empêche que, depuis
faire n’importe quoi!
plusieurs années, les sportifs de
Prenons l’exemple de l’escalade. Dans ce
haut niveau entretiennent une relasport, le muscle a tendance à tétaniser
tion très étroite avec la musculation.
car on est souvent obligé de tenir une
«Avant, on faisait du sport pour se
posture, le temps de consolider ses
muscler. Maintenant, on se muscle
appuis et de préparer la prise suivante.
pour faire du sport!» résume Nicolas
« Avant, on faisait du sport pour
On dit que le muscle travaille «en isoDyon, préparateur physique d’équipes
se muscler. Maintenant, on se muscle
métrie» et «en statique»: sa longueur
professionnelles de football (1).
pour faire du sport ! »
ne varie pas pendant l’effort.
Cette tendance n’est pas due au hasard
Conclusion? Les exercices de muscuou au désir secret des athlètes de ressembler à des bodybuilders. Elle se justifie de manière tout lation doivent le préparer à ce type de travail en privilégiant
à fait rationnelle. « Chez le sportif, la musculation est les contractions pendant lesquelles on ne bouge pas : par
d’abord orientée vers la prévention des blessures, explique exemple, dos au mur, on se maintient en position assise en
le Dr Stéphane Cascua (2). Cette pratique protège l’appa- respectant un angle de 90°, pendant des temps assez longs
reil locomoteur dans son ensemble et tout spécialement les (plus de 30 secondes) et répétés.
articulations. Un exemple : avoir des muscles des cuisses
ACIDE LACTIQUE
puissants permet de pallier les éventuelles défaillances des ligaments du genou.» Et puis, dans des sports collectifs devenus La problématique du coureur à pied est très différente. Il
de plus en plus « virils », posséder une carrure d’armoire à a bien sûr tout intérêt à travailler les muscles de ses membres
glace aide sans conteste à mieux encaisser les chocs et les inférieurs afin de repousser l’apparition de crampes et l’accontacts. « En foot notamment, une musculature développée cumulation d’acide lactique. Pour cela, il peut utiliser une
est indispensable pour garantir l’intégrité physique des « presse » dans une salle de sport : allongé sur la machine,
les jambes en l’air, il s’agira de repousser un poids vers le
joueurs » complète Nicolas Dyon.
Bien sûr, l’amélioration de la performance est l’un des objec- haut en poussant sur les jambes. Il privilégiera les séries
tifs visés par les sportifs qui soulèvent de la fonte ou enchaî- longues (de nombreuses répétitions) avec des charges
nent les séries d’abdominaux. Le coup droit du tennisman sera légères (inférieures au poids du corps). Mais encore fautd’autant plus performant que celui-ci aura développé les il que ces muscles des membres inférieurs puissent venir
chaînes musculaires du bras et de l’avant-bras, impliquées dans s’appuyer sur un bassin bien fixe. Et pour cela, il faut de
ce geste, et la propulsion du basketteur sous le panier d’au- bons abdominaux !
tant plus efficace qu’il pourra compter sur des muscles réac- On le voit, l’affaire est complexe… Il est donc essentiel de
tifs des membres inférieurs. « Le niveau des sports de se renseigner auprès d’un spécialiste de la musculation ou
compétition a tellement augmenté qu’on ne peut désormais d’un médecin du sport avant de se lancer. Un dernier petit
se passer de la musculation pour courir plus vite, sauter plus conseil : « Pour être sûr de pratiquer un renforcement musculaire adapté à son sport, on peut tout simplement partir de
haut, frapper plus fort» affirme Nicolas Dyon.
ce sport et se rajouter des contraintes : le cycliste peut priviÀ CHAQUE SPORT SA MUSCU
légier l’utilisation du grand plateau, le coureur à pied recherOn l’aura compris, pour le sportif la musculation n’est pas de cher les côtes et le nageur se mettre des palettes aux mains »
la «gonflette». Si la prise de volume est parfois recherchée, propose le Dr Stéphane Cascua. Et les progrès seront au renelle n’est pas – et de loin – la priorité. D’ailleurs, un sportif dez-vous !●
bodybuildé est rarement à son avantage: il a du mal à courir
ISABELLE GRAVILLON
Février 2009
en jeu une autre idée du sport n°423
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