Inventeur-Entrepreneur De l`idée originale et la
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Inventeur-Entrepreneur De l`idée originale et la
Inventeur-Entrepreneur De l’idée originale et la mise au point artisanale du produit à son industrialisation Thomas FERNAGU* - Patrice DUBOIS* - Améziane AOUSSAT* - Eric SITBON** * ENSAM-Paris – Laboratoire Conception de Produits et Innovation 151 boulevard de l’hôpital – 75013 PARIS [email protected], [email protected], [email protected] ** SARL Salomé – System Mag 9 rue du croissant – 75002 PARIS [email protected] RÉSUMÉ L’inventeur est un acteur crucial du processus d’innovation car il est à l’origine de l’idée géniale qui donnera naissance au nouveau produit. Mais ce personnage, souvent solitaire, n’est pas le mieux armé pour réussir le lancement de son invention qui nécessite le concours de nombreux métiers. Une structure entrepreneuriale, la TPE, permet à l’inventeur indépendant, souhaitant conserver le contrôle de son invention, de développer son idée et de la transformer en produit sériel industriellement. Devenu entrepreneur, l’inventeur doit savoir aller chercher les ressources nécessaires à l’extérieur afin de résoudre les problèmes liés aux manques de moyens, humains et financiers, pénalisant les petites entreprises innovantes. La mise en place de ce réseau d’innovation doit s’accompagner d’un processus de conception rigoureux intégrant les différents acteurs, ainsi que l’utilisation d’outils méthodologiques formalisés et adaptés à chaque cas, et des modes de représentations adéquats pour favoriser le dialogue et la compréhension de chacun. MOTS-CLÉS Invention – Innovation – Partenariat – Industrialisation – TPE 1 INTRODUCTION De nos jours, innover est une nécessité pour toutes les entreprises, petites ou grandes et quel que soit leur secteur d’activité, si elles souhaitent rester compétitives et garder leurs parts de marché, voire en gagner. Incrémentale ou de rupture, l’innovation est issue d’une idée originale et novatrice, d’où la recherche constante de créativité au sein des entreprises. Leur capacité à créer avant les autres assurera ainsi leur pérennité. Bon nombre de grandes entreprises actuelles, à l’image de la General Electric d’Edison, ont été fondées à la suite d’une invention, de l’apparition d’un produit, grâce à l’initiative visionnaire d’un individu isolé, l’inventeur. Mais dans une société concurrentielle et mondialisée, dominée par les multinationales, comment l’inventeur « moderne » peut-il lancer son produit, industrialiser son invention afin de devenir « innovateur » à son tour ? En France, les inventeurs individuels représentent, chaque année, 4000 demandes de brevets nationaux. Selon le Rapport Lombard, ces acteurs isolés constituent « un gisement potentiel d’innovation mal exploité ». Leurs inventions sont généralement mal valorisées car « les inventeurs individuels n’accompagnent pas le processus juridique du dépôt de brevet par un approfondissement technique et une démarche industrielle et commerciale ». Dans le cas de création d’entreprise pour exploiter le brevet, les délais et les difficultés liés au financement du projet industriel sont sousestimés [LOMBARD 98]. Dans ces conditions, comment aider les inventeurs à concrétiser leurs idées ? Quelles sont les démarches d’innovation et de conception adéquates, les outils méthodologiques utiles pour un acteur isolé ? Comment une structure entrepreneuriale minimaliste doit-elle s’organiser et évoluer pour réussir ? Pour appuyer nos propos et expérimenter des solutions, nous travaillons avec l’entreprise Salomé-System Mag, unipersonnelle, fondée à la suite d’un dépôt de brevet, par l’inventeur d’un 10ième Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, pp. 191-198 système de fermeture magnétique destinée au secteur de l’habillement. Travaillant déjà avec le laboratoire CPI de l’ENSAM Paris l’an dernier sur la mise au point du produit, son dirigeant souhaite passer en phase industrielle afin de satisfaire, en terme de qualité, coût et délais, ses premiers clients. 2 L’INVENTION COMME ORIGINE DE L’INNOVATION « L’invention est une activité fondamentale de la société technique, puisqu’elle est le processus par lequel idées nouvelles ou formes et créations originales s’incèrent dans le monde matériel pour le transformer » [MOLES 70]. Les inventeurs sont donc des acteurs capitaux pour l’innovation, des précurseurs de la mutation du monde qui nous entoure. Historiquement et socialement représenté comme un génie héroïque et solitaire, le statut de l’inventeur a évolué avec la société. L’invention n’est plus une fin en soi, elle doit devenir innovation, c’est-à-dire rencontrer le marché pour être reconnue par et dans la société. Pour jouir de sa découverte, l’inventeur doit devenir innovateur. Or, contrairement à l’idée originelle, individuelle et subite, l’innovation fait appel un processus complexe qui ne peut être supporté par un homme isolé. Ce processus, collectif et itératif, nécessite une structure, l’entreprise, qui permettra à l’inventeur d’exploiter les applications de son invention. A l’inverse de la découverte, c’est-à-dire de l’instant inventif, de l’éclair de génie dont l’origine reste obscure et irrationnelle, l’invention est considérée comme beaucoup moins inopinée, car elle résulte d’un processus de recherche mené avec intention afin de répondre à un manque, à un besoin [DUCHAMP 99]. Le succès de l’invention est le résultat d’un travail laborieux de mise au point, de développement et d’adaptation. L’invention est l’aboutissement matériel d’une longue maturation de l’idée de départ. Le dépôt de brevet d’invention est le premier pas officiel de l’inventeur dans la société pour permettre à son produit de devenir innovation. Cet outil stratégique permet à l’inventeur de protéger son idée, et les applications industrielles qui en résultent, vis-à-vis de la concurrence et des risques de contrefaçon. Il est l’instrument indispensable pour communiquer son invention et pouvoir intéresser les clients et investisseurs potentiels. Il lui permet également de formaliser en termes techniques ses idées et de valider leurs pertinences grâce à la recherche d’antériorité. Pour jouir personnellement des retombées commerciales de son produit et garder le contrôle de son idée, l’inventeur doit doter son invention d’une structure adéquate, l’entreprise. Il devient ainsi entrepreneur, qui selon Schumpeter, est le personnage central de l’innovation assumant les risques et percevant les applications et les opportunités d’affaires [VERSTRATE 02]. La structure entrepreneuriale confère à l’entreprise le droit de bénéficier d’Aides à l’Innovation et autres subventions, et une certaine crédibilité face aux clients et investisseurs éventuels. La recherche de clients est nécessaire afin d’attribuer de la « valeur » à l’invention et d’adapter le produit aux exigences du marché. 3 PROBLEMATIQUE DE L’INNOVATION DANS LES STRUCTURES MINIMALISTES Les petites structures, telles que les PME1 ou les TPE2, souffrent d’un paradoxe : elles sont prédisposées à l’innovation par leur flexibilité, leur souplesse d’organisation et leur réactivité mais n’ont pas les moyens pour développer des projets innovants souvent trop risqués [MERLANT 93]. Les obstacles à l’innovation les plus fréquemment rencontrés sont le manque de financement dû au coût élevé d’élaboration et l’insuffisance des effectifs notamment spécialisés. 3.1 Le manque de ressources Le manque de fond propre est le principal frein à l’innovation que doit surmonter l’inventeurentrepreneur, car l’absence l’activité antérieure, et donc de chiffre d’affaire, ne lui permet aucune entrée d’argent contrairement aux PME. Durant la mise au point du produit, l’individu créatif fait avec « les moyens du bord » et un budget restreint, mais la question financière devient problématique lors de l’industrialisation de l’invention. En effet, les coûts engendrés par cette phase du processus d’innovation sont multipliés par dix par rapport à la phase de développement. D’autre part, l’association de partenaires financiers privés, souvent difficiles à convaincre, reste synonyme, pour 1 PME : Petites et Moyennes Entreprises, moins de 250 salariés TPE : Très Petites Entreprises, entreprises gérées par une seule personne sans encadrement intermédiaire (généralement moins de 20 salariés), selon le CEN Workshop Agreement. 2 192 l’inventeur, de perte de contrôle sur le produit nouveau et sur les retombées économiques escomptées. Les solutions résident essentiellement dans les aides publiques remboursables telles que celles de l’ANVAR3 ou de la DRIRE4. Ces aides restent compliquées à obtenir à cause d’un parcours administratif laborieux, décourageant trop souvent un acteur isolé, faute de temps et de compétences. L’absence de ressources humaines et des connaissances associées, qui est directement liée au manque de moyen financier, est une contrainte supplémentaire, l’innovation étant un processus collectif et pluridisciplinaire. Un acteur isolé ne peut posséder toutes les compétences nécessaires, ni même gérer seul le bon déroulement du projet. Dans une société fondée sur le savoir et la spécialisation, l’entreprise unipersonnelle doit aller chercher les compétences nécessaires à l’extérieur. De plus, cette carence s’accompagne souvent d’une vision à court terme de la part de l’entrepreneur due à la multitude de tâches quotidiennes à gérer ne permettant pas une projection dans l’avenir, privilégiant ainsi une culture du présent. Il n’a pas toujours le temps de mener des activités connexes de façon approfondie comme la recherche d’informations techniques ou une activité significative de Recherche et Développement. 3.2 L’individualisme Cette particularité des PME atteint son paroxysme dans une entreprise unipersonnelle où l’inventeur est également l’entrepreneur. La notion de création implique un travail cognitif et donc personnel et individuel de la part de l’inventeur. Mais cet individualisme nécessaire à l’éclosion de l’idée devient problématique lors du passage de l’invention à l’innovation. Pour valider son idée, l’inventeur a besoin de la matérialiser et devient un artisan-créateur. Il développe seul son produit. Il devient comme un artiste et veut conserver la paternité de son oeuvre, souvent incompatible avec les réalités industrielles et sérielles, surtout si l’objet original à réaliser est technique. Cette attitude, trait de la psychologie de l’inventeur, caractérisant l’artisan solitaire est désignée « Syndrome de Gepetto5 » [BASSEREAU 95]. Pour industrialiser son produit, l’inventeur doit rompre avec ce syndrome en acceptant la critique, la remise en cause de certains détails par des tierces personnes et collaborer avec elles pour permettre la reproductibilité du produit. En plus de l’attachement affectif à son œuvre, l’individualisme de l’inventeur s’explique également par une crainte de la concurrence et de la contrefaçon, la peur d’une mauvaise reproduction de l’idée originelle par autrui. 3.3 Le manque de rigueur et de méthodes Les inventeurs et les TPE mettent souvent en œuvre des démarches de conception peu formalisées où le résultat matériel est prépondérant. On note un besoin de concrétiser rapidement l’idée en objet palpable, sans réelle phase de recherche de solutions, de conception et de représentation « papier ». Cette démarche intuitive suit une logique d’essais/erreur avec de multiples itérations. Cette recherche par tâtonnement de la solution idéale s’avère consommatrice de temps et d’argent. Utiliser des raccourcis dans les méthodes de conception est classique dans les PME, mais entraîne souvent des problèmes au niveau de la commercialisation ou de l’industrialisation du produit lié à la non maîtrise d’une technologie ou d’un savoir-faire [MERCIER 98]. Le processus de conception se caractérise également par un manque de prise en compte en amont des besoins des futurs clients, un manque de recherche d’informations techniques et normatives, une tendance à ré-inventer l’existant et surtout l’absence de prise en compte de la faisabilité industrielle et des contraintes de la production en série du produit. Le manque de rigueur chez l’inventeur transforme la réactivité de la structure en précipitation dans des voies de solutions qui se révèlent, parfois tardivement, mal adaptées. 3 Agence Nationale pour la Valorisation de la Recherche, www.anvar.fr Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement, www.drire.gouv.fr 5 Du nom du vieil homme solitaire ayant créé sa marionnette Pinocchio et refusant de la voir partir, dans le conte de Collodi, 1881 ; Cf Concevoir, Inventer, Créer, p. 213 4 193 4 APPORTS ORGANISATIONNELS Pour que son invention devienne innovation, la TPE doit s’armer d’une véritable démarche structurée faisant appel à des outils méthodologiques adaptés et intégrant les différents acteurs aux moments opportuns. Dans notre cas industriel, l’inventeur a un produit au point, fabriqué de façon artisanale. Il doit valider la reproductibilité de son produit et définir les outils industriels nécessaires à son élaboration afin de pouvoir protéger son savoir-faire. Il faut donc optimiser le produit par rapport aux besoins des clients et aux réalités industrielles afin de le rendre sériel. 4.1 L’intégration d’une démarche de conception adaptée et adaptable Pour minimiser les risques liés au lancement de son produit, la TPE doit se doter d’une démarche organisée qui servira de guide durant tout le déroulement du projet. La démarche proposée s’appuie sur les quatre grandes étapes du processus de conception de produits nouveaux formalisé par A. Aoussat [AOUSSAT 90]. Les différentes étapes ont été simplifiées et adaptées au produit à industrialiser et à l’entreprise afin de mieux répondre au besoin de l’inventeur, orientant l’action vers la validation industrielle de l’invention. La figure 1 décrit la démarche utilisée en faisant apparaître les différents outils et informations nécessaires pour chaque phase. La singularisation de la démarche permettra une meilleure ré-appropriation des résultats par l’inventeur souvent réticent au terme « méthodologie » qu’il considère comme théorique et donc inadapté à son cas. Outils Produit artisanal non sériel Informations Analyse Fonctionnelle ANALYSE & CARACTERISATION Produit & Process de fabrication Données Clients Qualité/Coût/Délais Diagramme SADT Global Données Produit Phase 1 Traduction du besoin CdCF Process & Dossier Produit Diagrammes SADT Détaillés Diagrammes FAST Informations Technologiques CONCEPTION GENERALE Recherche de Solutions Normes Créativité Phase 2 Interprétation du besoin CdC Concepteur Process Analyse des coûts Matrices de choix AMDEC CONCEPTION DETAILLEE Choix des solutions Validation & Définition Critères de choix Spécifications techniques Fournisseurs Phase 3 Définition du besoin Dossier Process & Plans de définition Planning Fabrication FABRICATION Réalisation du prototype Essais / Réglages Modifications Données Fabrication Données Montage & Assemblage Phase 4 Validation du besoin Prototype Fonctionnel Produit reproductible industriellement Figure 1 : Démarche de conception 194 4.2 Mise en place d’un réseau d’innovation La structure restreinte de la TPE ne lui permet pas de posséder en interne ou d’intégrer toutes les connaissances induites par l’industrialisation de son produit. La TPE doit savoir trouver les compétences à l’extérieur, mettre en place un véritable réseau entre fournisseurs, sous-traitants, laboratoires de recherche publique ou privée, clients… Ce réseau technico-économique de la TPE innovante, présenté figure 2, est dynamique afin de répondre le plus efficacement aux besoins de l’entreprise. L’état d’avancement du projet et la gestion des contraintes font évoluer le réseau vers une structure optimale. Ainsi, par exemple, certains fournisseurs peuvent devenir des partenaires à part entière pour répondre aux contraintes économiques du produit. Les fournisseurs impliqués assurent la veille technologique, normative ou commerciale dans leur domaine d’action, ils conseillent et orientent, proposent des solutions techniques et donnent leur avis. L’implication des clients en amont permet de définir plus précisément les besoins et d’adapter de façon optimale les applications de l’invention. L’association de concurrents, sous forme d’alliance de coopération, permet de partager les coûts et les risques du projet d’innovation, et facilitera la diffusion commerciale [LOILIER & TELLIER 99]. La maîtrise de ce réseau, véritable « communauté d’innovation », permet à la TPE d’atteindre sa taille critique pour réussir le lancement de son innovation. Fournisseurs Concurrents TPE Innovante Partenaires Clients Figure 2 : Réseau technico-économique de la TPE innovante La gestion de l’innovation par la TPE repose sur l’optimisation de son environnement et le rôle de chaque acteur. L’entreprise doit choisir les voies d’accès à la technologie et à l’innovation adéquates afin de répondre efficacement à sa stratégie de développement. « faire », « faire faire » et « faire avec » sont les trois solutions offertes à la TPE. Le développement en interne permet une bonne maîtrise des connaissances et savoir-faire mais reste coûteux, long et les résultats mal maîtrisés. La sous-traitance et la coopération minimisent les risques et permettent l’accès à des technologies spécifiques et complexes mais les coûts et les dépendances engendrées sont incertains. L’entrepreneur doit trouver des compromis en les différentes solutions selon des critères économiques et stratégiques, les délais et les risques. L’effort de recherche et développement interne doit être privilégié pour des technologies directement liées à la nature de l’invention, souvent novatrices, qui peuvent faire l’objet d’un brevet de procédé. Le transfert de technologies clés, vitales au produit et dont la contribution extérieure est incertaine, est bénéfique pour la bonne maîtrise de l’innovation. D’autre part, la participation de partenaires permet de profiter d’outils spécifiques et souvent onéreux, ainsi que de conseils d’experts à coûts raisonnables tous en conservant une certaine maîtrise des risques. Enfin les technologies standardisées, largement répandue sur le marché et dont la fiabilité est reconnue, doivent rester externes à l’entreprise. Le large choix de sous-traitants et de fournisseurs minimise les risques de dépendance. 5 OUTILS METHODOLOGIQUES ET MODES DE REPRESENTATION La réussite d’un projet d’innovation est le fruit de l’interaction entre des acteurs grâce à des outils méthodologiques et des modes de représentation adéquats à travers une organisation, la démarche. Le manque de ressources humaines dans les TPE ne permet pas de multiplier les outils souvent lourds à mettre en place. Il faut rechercher le strict nécessaire méthodologique à appliquer. 195 5.1 Représentations SADT Le formalisme SADT6 est « un outil d’aide à la structuration et à la communication par la représentation » [BOCQUET 98]. La méthode « décrit un système existant, projeté ou à réaliser, sous son aspect fonctionnel », favorisant ainsi les échanges, la créativité et la capitalisation des idées [CAZAUBON, GRAMACIA & MASSARD 97]. Une fois la syntaxe et le fonctionnement global assimilé par l’inventeur, l’utilisation des diagrammes lui permet de gérer les différents flux d’informations, de moyens disponibles ou nécessaires, les contraintes et critères, les résultats obtenus. La hiérarchisation des « boîtes » permet de détailler suivant plusieurs niveaux les activités à caractériser. La finalité de la méthode développée est de conserver le même outil tout au long du processus de conception afin de faciliter son assimilation par l’inventeur, tout en associant ponctuellement d’autres outils simples à mettre en place. Dans notre cas, les diagrammes SADT sont utilisés, sous Données de forme d’actigramme, tout au long de la démarche de base Contraintes conception, pour caractériser la fabrication de l’invention. Il s’agit d’enrichir, au fur et à mesure de l’avancement du projet, Grande la représentation. Durant la première phase d’analyse du besoin, Composants Etat du étape de de base le diagramme SADT « global » (niveaux Ax dans le formalisme produit fabrication SADT) décrit synthétiquement les grandes étapes de la fabrication artisanale du produit et identifie les composants, les contraintes et autres informations, les états intermédiaires, les Métiers et domaines métiers et domaines d’expertise nécessaires (figure 3). A ce d’expertise associés stade, le diagramme complète l’analyse fonctionnelle et sert Figure 3 : Bloc SADT Global d’outil de communication entre l’inventeur et l’équipe projet. Cela permet de formaliser et de capitaliser les connaissances et savoir-faire, souvent tacites, de l’inventeur. Durant la phase divergente de recherche de solution, les grandes étapes (actions) identifiées précédemment, sont détaillées en sous-actions et suivants différents scénarios afin de proposer différentes architectures, puis différentes solutions technologiques. La recherche de solutions est enrichit par une collecte d’informations, menée en parallèle, auprès de fournisseurs, de partenaires, mettant en évidence les technologies existantes et transposables dans notre cas. Cette veille technologique, rarement pratiqué par les inventeurs et les TPE en général, faute de motivation et de temps, est indispensable car elle permet de rencontrer les fournisseurs potentiels, d’éviter de réinventer l’existant et donc de gagner un temps précieux en conception Informations tout en suscitant de la créativité. A titre d’exemple, la visite de technologiques salons professionnels permet de collecter un maximum Critères de choix d’informations en un minimum de temps. Les diagrammes SADT « détaillés » (niveaux Axy et suivants) de la figure 4 SousComposants Etat du orientent ainsi la recherche de solutions et permet de mieux actions de base produit visualiser les interactions entre les sous-actions. Des outils de créativité classiques et l’utilisation de diagrammes FAST7 par exemple complètent la phase conception générale. Les Solutions envisageables / Solution retenue diagrammes évoluent jusqu’à ce que toutes les solutions soient figées. Le choix peut être facilité par l’utilisation de matrices Figure 4 : Bloc SADT détaillé permettant de noter puis de classifier les solutions envisagées avec une pondération des critères de choix. Les diagrammes définitifs permettent de caractériser précisément le procédé de fabrication en y associant, de la façon la plus exhaustive possible, toutes les données utiles au projet. Comme le souligne Cazaubon et al., c’est une « méthode à mi-chemin entre spécification fonctionnelle et méthode de conception ». 6 7 Structured Analysis and Design Technique Function Analysis System Technique (appelée également IDEF0) 196 5.2 L’importance des modes de représentation intermédiaires Les représentations concrètes et visuelles se révèlent primordiales tout au long du processus de conception. Elles servent de supports de communication entre les différents acteurs du projet, facilitant la compréhension et la coopération. Les modes de représentation intermédiaires contribuent à établir un langage commun entre les différents métiers. D’autre part, le passage de l’idée à sa matérialisation permet de valider la conception en visualisant les problèmes éventuels. Les différents types de représentations sont : • Les maquettes « papiers » : il s’agit des croquis, esquisses, schémas normalisés tels que les schémas cinématiques. Ils permettent de visualiser rapidement une idée sous forme de dessin 2D et de la partager et de la discuter avec les autres protagonistes avec un minimum de matériel et à moindre coût. • Les maquettes numériques comme les logiciels de CAO8, de simulation de contraintes ou de modélisation permettent de tester virtuellement le comportement et les géométries de solutions envisageables. La CAO tridimensionnelle permet d’appréhender les volumes et les interactions entre les pièces avec des facilités de manipulation et d’agrandissement. De plus, l’avènement des NTIC9, notamment Internet, autorise les échanges de fichiers à distance entre les acteurs et donc de communiquer aisément et en temps réel en France comme à l’international. Toutefois, les licences d’utilisation, notamment les logiciels de CAO, restent relativement coûteuses pour les TPE et la pratique demande un minimum de formation. La limite de la modélisation numérique dans l’idéalisation des solutions laissant parfois sceptique l’inventeur qui résonne plutôt en mise en œuvre réelle. • Les maquettes physiques : ce sont des supports palpables tels que des maquettes cartons ou mousses. Elles permettent d’expérimenter et de vérifier concrètement des principes de solutions. Elles sont le dernier stade avant la réalisation finale de l’objet. Dans le cas du dialogue avec l’inventeur, le passage à la représentation physique reste inévitable. Les maquettes physiques transformables servent de supports pour les échanges entre l’inventeur et le reste de l’équipe en permettant de discuter des solutions concrètement, de susciter de la créativité par croisement d’idées en puisant directement dans le volumique solide et la manipulation. D’autre part, l’expérimentation réelle de principe de solution, sous forme de prototypes intermédiaires « bricolés » mais fonctionnels, est inévitable pour valider certaines étapes de fabrication de l’invention dont l’originalité empêche l’utilisation de solutions classiques directement. 6 CONCLUSION Proposer une démarche globale permettant à l’inventeur de réussir à coup sûr le lancement de son produit reste utopique, compte tenu de la singularité de l’individu créatif et de l’invention elle-même. Le lancement de l’innovation demande le concours de nombreux acteurs que l’inventeur doit savoir identifier et intégrer au sein du projet au moment opportun. L’entreprise unipersonnelle doit évoluer vers une structure plus stable et intégrer en interne, ou grâce à des partenariats efficaces, les acteurs clés indissociables au bon déroulement du projet d’innovation. En plus des apports méthodologiques et de l’outillage technique mis à disposition, le partenariat avec le laboratoire a surtout permis d’intégrer un véritable chef de projet au sein la TPE conférant une certaine rigueur nécessaire au processus de conception. Ce couple Inventeur/Ingénieur se révèle être un bon compromis entre formalisme et créativité. Du côté des aides à l’innovation, on peut regretter l’absence des véritables structures d’accompagnement sur plusieurs années validant l’invention, du point de vue technique, économique ou juridique, jusqu’à la commercialisation du produit. A long terme, la TPE innovante et l’inventeur doivent continuer leurs efforts de recherche et développement, afin de rebondir sur de nouvelles innovations et permettre à l’entreprise de survivre à cette première invention. L’inventeur ne doit rester sur le succès de son invention originelle et doit savoir l’adapter afin de conquérir de nouveaux marchés. 8 9 Conception Assistée par Ordinateur Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication 197 7 BIBLIOGRAPHIE Aoussat A. (1990). La pertinence en innovation : Nécessité d’une approche plurielle. Thèse, ENSAM, Paris. Bassereau J-F, Duchamp R. (1995). Etude critique de la conception de produits In R. PROST, Concevoir, Inventer, Créer (pp. 189-217). Paris : Ed. L’Harmattan. Bocquet J-C (1998). Modèles fonctionnels In M. Tollenaere, Conception de produits mécaniques (pp. 397-411). Paris : Hermes. Cazaubon C., Gramacia G., Massard G. (1997). Management de projet technique. Paris : Ed. Ellipse. 182 p. Duchamp R. (1999). Méthodes de conception de produits nouveaux. Paris : Hermes. 192 p. Loilier T., Tellier A. (1999). Gestion de l’innovation. Caen : Ed. Management Société. 214 p. Lombard D. (1998). Le brevet pour l’innovation. 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