Acteurs non étatiques et DIH – Approche historique

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Acteurs non étatiques et DIH – Approche historique
Acteurs non étatiques et DIH – Approche historique
Le lundi 13 avril 2015, d’anciens membres de la société privée américaine Blackwater ont été
condamnés à de lourdes peines de prison – l’un écopant de la perpétuité, les trois autres de trente ans de
prison – pour avoir tué au moins quatorze citoyens irakiens en 2007. Ces employés de Blackwater
avaient été chargés de la sécurité d’un convoi diplomatique américain le 16 septembre 2007 sur la place
Nisour de Bagdad quand ils ouvrirent le feu. Au total, dix-sept civils irakiens furent tués, selon les
enquêteurs irakiens, quatorze selon leurs homologues américains. La fusillade avait en outre blessé dixhuit personnes.
Cette société n’en était pas à ses premiers incidents. En mars 2004 en effet, quatre de ses collaborateurs
furent lynchés sur le pont de Fallujah.
Ces évènements dramatiques ont permis de mettre en lumière le rôle joué désormais par certaines
sociétés militaires privées dans les territoires où sévissent des conflits armés.
Beaucoup d’observateurs et de journalistes se sont étonnés de cette participation de plus en plus grande
d’acteurs privés dans un domaine habituellement considéré comme l’apanage exclusif des autorités
étatiques. C’est oublier que cette participation d’acteurs privés dans des conflits armés a pratiquement
toujours existé. 1
De l’Antiquité à nos jours, de grands empires, des royaumes en guerre, des républiques en conflit ouvert
ont presque constamment recouru à l’usage de troupes étrangères pour régler leurs différends armés. Au
regard de l’histoire, ce sont plutôt les conflits « classiques » entre armées régulières d’Etats souverains
qui feraient figure d’exception. En effet, l’idée selon laquelle seul l’Etat dispose du monopole du recours
légitime à la force armée est relativement récente et participe d’une conception moderne de l’EtatNation et des modalités d’exercice de sa souveraineté, laquelle remonte en grande partie au Traité de
Westphalie de 1648 mettant un terme à la Guerre de Trente Ans et consacre l’avènement des structures
étatiques souveraines, agissant selon les principes de territorialité et d’égalité. 2
Cette logique westphalienne déterminant le cadre normatif qui régit les conflits armés et qui fait des
Etats ses principaux sujets n’a cependant jamais totalement exclu le recours à des acteurs non étatiques.
Ainsi, au cours des siècles postérieurs au Traité, le recours au mercenariat a souvent servi les puissances
ne disposant pas des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes pour pratiquer ou
étendre leur territoire ou zones d’influence. Il a également permis de nombreuses opérations
politiquement contestables et au demeurant souvent contestées.
Dans un passé récent, le cadre normatif relatif aux conflits armés a dû être adapté à la réalité des faits. A
titre d’exemple, un Protocole additionnel aux Conventions de Genève a été adopté en 1977 pour prendre
en compte de manière spécifique les conflits armés non internationaux.
1
Pour cette partie introductive et le point I suivant, cfr le chapitre introductif du très intéressant ouvrage de Marie-Louise
TOUGAS, Droit international, sociétés militaires privées et conflit armé. Entre incertitudes et responsabilités, Bruylant
2012, pages 1 à 30
2
Marie-Louise TOUGAS, op.cit. Pages 1 à 5
Des normes particulières ont également été adoptées pour régir les luttes de libération nationale et
accorder un statut particulier aux principaux mouvements les initiant.
Enfin, les développements récents dans le domaine du droit pénal international et de la responsabilité
des individus pour crimes internationaux, de même que les règles bien établies et conformes au schéma
traditionnel du droit international de la responsabilité internationale des Etats, ont laissé entrevoir des
possibilités d’imputation de responsabilité en cas de non-respect de règles de droit international par des
acteurs non-étatiques.
Les considérations qui suivent auront pour but de présenter un bref historique de la participation
d’acteurs privés aux conflits armés afin de mieux cerner le développement du droit international
humanitaire dans le temps.
I. PARTIE HISTORIQUE : DE L’ANTIQUITE AU XIXe SIECLE 3
Sur le plan historique, non seulement le recours à des forces privées par les souverains, dirigeants et
gouvernements a pratiquement toujours existé, mais, en forçant quelque peu le trait, c’est le recours à
des forces armées nationales et permanentes qui constituerait plutôt l’exception. Les Etats ont cependant
souvent ressenti le besoin de limiter et d’encadrer le pouvoir de ces forces armées privées afin d’en
conserver le contrôle.
1. Les premiers mercenaires.
Les premières mentions de mercenaires remontent à l’Antiquité.
Dans l’Egypte ancienne, on retrouve des traces de recours à des troupes étrangères dès l’Ancien
Empire (2500 av. J.-C.). Dans son Anabase, Xénophon relate l’histoire de l’armée des Dix mille
embauchée en 401 av. J.-C. par Cyrus le Jeune qui voulait ravir la couronne perse des mains de son
frère Artaxerxés II. Recevant l’aide de Sparte, il recourut à une armée de plus de dix mille
mercenaires grecs pour parvenir à ses fins. Quant aux troupes de Carthage, elles étaient
essentiellement composées de mercenaires.
2. La période médiévale : les Compagnies de mercenaires.
Le régime féodal va instaurer une forme de service militaire obligatoire, celui-ci ne consistant
toutefois qu’en un nombre restreint de jours de service et ne poursuivant que des fins essentiellement
défensives, car une personne n’était pas habilitée à servir hors du royaume. Le recours aux soldats
privés s’avérait essentiel et dès lors, d’un usage fréquent.
Ainsi, au cours de la Guerre de Cent Ans (1337-1453) le nombre de soldats requis et
l’affaiblissement du contrôle centralisé qu’elle engendra vont être tout profit pour les soldats privés.
3
Cfr Marie-Louise TOUGAS, op.cit. Pages 6 à 30
Ceux-ci vont se regrouper en Grandes compagnies pour faciliter leur recherche de travail et pour
assurer leur subsistance lorsqu’ils se retrouvaient sans contrat.
En 1445 toutefois, le Roi Charles VII créera en France les Compagnies d’Ordonnance dépendant
directement du Roi, instaurées sur base permanente et payées de façon régulière. Par sa volonté de
contrôler ainsi l’activité des mercenaires, la France va se doter d’une première armée permanente.
C’est également à cette époque que la Suisse va réglementer et contrôler l’emploi de mercenaires
suisses à l’étranger.
3. Les condottieri italiens.
C’est en Italie, au début du XIVe siècle que va se développer une forme particulièrement organisée
de mercenariat.
Les condottieri, véritables entrepreneurs de guerre, étaient liés à celui qui recourait à leurs services
par un « condotta », contrat stipulant la somme qui leur était avancée pour rémunérer et équiper une
troupe, mentionnant la nature des services demandés et fixant le nombre d’effectifs requis.
Pour les cités commerçantes italiennes, le recours à ces troupes composées d’étrangers le plus
souvent, leur permettait d’épargner les commerçants locaux et de préserver l’économie de la cité.
Qui plus est, ces étrangers non impliqués dans les affaires politiques de la cité s’avéraient moins
enclins à se retourner contre leurs employeurs.
4. Les compagnies coloniales : l’entreprise privée à la conquête de nouveaux territoires.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des compagnies coloniales à charte vont être créées pour conquérir de
nouveaux territoires, en contrôler les échanges commerciaux et briser le monopole portugais
du commerce des Indes. Véritables Etats dans l’Etat, ces compagnies se verront accorder de
nombreux pouvoirs régaliens, dont celui de posséder des forces armées et de prendre, contrôler et
défendre des territoires par la force.
Les plus importantes compagnies des Indes furent sans doute la Compagnie anglaise des Indes
orientales (East India Company) créée en 1600 et la Compagnie néerlandaise des Indes orientales
(Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC)), créée en 1602. La Compagnie française des Indes
orientales, moins importante, sera quant à elle créée par Colbert en 1664.
Ces compagnies furent dotées d’importants pouvoirs administratifs, judiciaires et militaires. A titre
d’exemple, la charte constitutive de la VOC habilitait la compagnie à signer des traités, à déclarer la
guerre ou conclure la paix, à exercer sa juridiction, à battre monnaie et lever des impôts. Chacune
des compagnies des Indes possédait son armée privée composée d’individus de différentes
nationalités.
Ces compagnies permirent de regrouper les ressources nécessaires à l’exploration et à l’exploitation
de nouveaux territoires sans engager de fonds publics. Les Etats, n’étant qu’indirectement impliqués
et responsables, pouvaient mener des politiques d’expansion coloniale plus audacieuses et pousser
les compagnies à prendre des risques que des troupes nationales n’auraient peut-être pas pu prendre.
En cas de comportement répréhensible de la part d’une compagnie ou de litige avec un autre Etat, il
était toujours loisible à l’Etat d’incorporation de la compagnie de désavouer celle-ci et de régler le
différend par voie diplomatique. Le recours à des compagnies privées pour poursuivre leurs
politiques d’expansion coloniale permettait enfin aux Etats de contourner les oppositions politiques
et celles de la société civile.
5. La Course : Le mercenariat maritime.
La pratique de la Course fut chose courante jusqu’au milieu du XIXe siècle. Elle consistait en
l’octroi, par un souverain de lettres de marque à un navire marchand l’autorisant à intercepter et
capturer des navires ennemis lors d’un conflit et à en saisir la cargaison, sans pour autant que son
équipage puisse être qualifié de pirates. Cette pratique permettait aux Etats et aux souverains de
pallier par ce biais l’insuffisance de leurs armées sur mer.
Le recours par les Etats aux services de navires marchands privés lors de conflits armés était donc
permis. L’octroi de lettres de marque était cependant réglementé car l’Etat, conservait un certain
degré de contrôle sur la pratique en imposant certaines conditions à l’exercice de ce privilège. Ainsi,
pour devenir propriétaire de la cargaison saisie lors d’une course, les corsaires devaient
préalablement se présenter devant un tribunal des prises.
En 1856, la Déclaration de Paris consacra l’interdiction de cette pratique qui, par ailleurs, était déjà
tombée en désuétude.
II. PARTIE HISTORIQUE : LES XIX et Xè SIECLES
1. La guerre de Sécession aux Etats-Unis : le « Code Lieber » du 24 avril 1863 4.
Le Code Lieber également appelé « Instructions pour le comportement des armées en campagne »
consistait en un corpus d’instructions signées par le Président Abraham Lincoln. Il a été nommé ainsi
en référence au juriste et philosophe politique germano-américain Franz Lieber.
Ce Code déterminait l’attitude à adopter par les forces de l’Union pendant la Guerre de Sécession et
codifiait la loi martiale, la juridiction militaire, le traitement des espions et des traîtres ainsi que des
prisonniers de guerre.
4
Cfr http://en.wikipedia.org/wiki/Lieber_Code
Franz Lieber avait combattu dans les rangs prussiens au cours des guerres napoléoniennes et ensuite
été blessé à la bataille de Waterloo. Il avait ensuite vécu et enseigné pendant une vingtaine d’années
en Caroline du Sud où il avait pu observer les effets de l’esclavage auquel il s’était opposé. Au début
d’octobre 1861, en tant que professeur d’histoire et de science politique à l’Université de Columbia,
Lieber donna un certain nombre de cours sur les « Droits et coutumes de la Guerre » où il précisait
que les moyens et méthodes de guerre utilisés au cours du conflit devaient s’aligner sur les buts
poursuivis, la fin ne justifiant dès lors pas le recours à n’importe quel moyen.
Comme beaucoup d’autres militaires américains au cours du conflit, Lieber fut confronté
personnellement à nombre de dilemmes éthiques. Ainsi, il eut un fils combattant dans les rangs de
l’Union et un autre qui succomba dans les rangs de la Confédération.
Lieber fut chargé par le Général de l’Union Henry Halleck, lui-même juriste, et le Secrétaire à la
Guerre Edwin Stanton de rédiger des instructions pour les soldats de l’Union, lesquelles devaient
s’aligner sur la Proclamation d’Emancipation rédigée par Abraham Lincoln qui contresigna ces
instructions le 24 avril 1863.
Le Code Lieber a constitué l’un des premiers jalons de ce qui allait graduellement constituer le droit
de la guerre.
Il insistait par exemple sur l’attitude que devaient avoir les soldats dans les zones occupées. En
premier lieu, il était clairement spécifié que les prisonniers de guerre5 ne pouvaient pas être exécutés
(pas de combat sans merci), sauf si les soldats les ayant fait prisonniers étaient directement et
manifestement menacés.
Ce Code fut le premier à parler de la protection des biens culturels. C’est ainsi que l’article 35 des
Instructions stipulait que « les œuvres d’art, les bibliothèques, les collections scientifiques, ou les
instruments de grand prix, tels que les télescopes astronomiques, doivent être préservés, au même
titre que les hôpitaux, de tout dommage qui n’est pas inévitable, même quand ils sont compris dans
les places fortifiées qui subissent un siège ou un bombardement ».
Le Code Lieber6 comprenait cependant des dispositions justifiant des pratiques qui seraient
considérées comme illégales ou à tout le moins hautement contestables selon les normes
d’aujourd’hui. Ainsi, en cas de violations des règles de droit de la guerre par l’ennemi, le Code
autorisait les exécutions d’espions, de francs-tireurs ou de guérilleros capturés pendant le
déroulement de leur mission7.
Le code envisageait également les relations réciproques entre forces armées et population civile. Il
affirmait ainsi que, aussi longtemps que la population ne résistait pas à l’autorité militaire occupante,
elle devait être bien traitée. Toutefois, en cas de recours aux armes ou d’aide prodiguée à des
mouvements de guérilla, elle pouvait faire l’objet de mesures de répression parmi lesquelles
l’imposition d’amendes, la confiscation ou la destruction de propriété, l’emprisonnement, le
déplacement de population, la prise d’otages voire l’exécution de guérilleros ayant refusé
5
Section III, articles 48 à 80
Et même la Convention de La Haye de 1907 qui s’en inspira pour en faire un traité de droit international
7
Section IV, articles 81 à 85
6
d’appliquer les lois de la guerre. Le Code autorisait le tir à vue sur les personnes ne portant pas
d’uniforme et agissant comme des soldats ainsi que sur celles commettant ou cherchant à commettre
des actes de sabotage.
Le Code fit en outre œuvre utile en matière de lutte contre l’esclavage. Au cours du conflit,
beaucoup de responsables de la Confédération - dont Jefferson Davis - avaient en effet déclaré que
les responsables sudistes traiteraient les soldats noirs de l’Union comme des criminels et non pas
comme des soldats, et seraient donc passibles de la peine de mort ou d’une nouvelle réduction en
esclavage après capture.
En guise de réponse, le Code Lieber défendit la thèse de la parfaite légalité de l’émancipation des
noirs au regard des règles du droit de la Guerre et insista sur l’interdiction par celles-ci de la
discrimination des combattants sur base de la couleur de leur peau.
S’il n’est pas certain que le Général Sherman ou d’autres généraux en chef de l’Union eurent jamais
connaissance de ces règles, elles servirent de base juridique pour le prononcé de centaines de
jugements pour crimes de guerre commis pendant la guerre de Sécession.
Il influença également par la suite les règlements de campagne des troupes allemandes, anglaises,
françaises, italiennes, japonaises et russes.
Ce code fut appliqué pendant la guerre menée par les Etats-Unis aux Philippines, tant pour réfréner
les atrocités commises par les insurgés philippins que pour punir les excès de mesures de rétorsion
prises par des militaires américains à l’égard de non-combattants philippins.
Enfin, les juristes européens et les négociateurs des futures Conventions de 1899 et de 1907 sur les
lois et coutumes de la guerre s’inspirèrent largement des dispositions du Code Lieber.
2. La guerre franco-prussienne et l’existence des francs-tireurs 8.
Etymologiquement, un franc-tireur est un combattant ne faisant pas partie d’une armée régulière.
2.1 Origines et évolution.
L’appellation de franc-tireur fut employée pour la première fois pendant le siège de Sébastopol en
1854 pendant la guerre de Crimée. Par après, elle réapparut pendant la guerre franco-prussienne
de 1870. Il s’agissait de corps de volontaires, appelés corps-francs, plus ou moins organisés et
plus ou moins importants qui se levèrent contre les troupes prussiennes. Tout au long du conflit,
le haut-commandement prussien refusa de leur reconnaître la qualité de belligérant.
Par la suite, les Conventions de la Haye de 1899 et 1907 et les Conventions de Genève de 1949
leur accorderont cette qualité de belligérant à condition qu’ils se présentent en formation militaire
8
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francs-tireurs, p. 2
et aient à leur tête un chef assumant la responsabilité des hommes sous ses ordres, qu’ils portent
un signe distinctif reconnaissable à distance et enfin qu’ils portent les armes ouvertement et
connaissent les lois de la guerre.
L’appellation de franc-tireur va au fil du temps s’effacer devant celle de partisan. Ainsi, à titre
d’exemple, entre 1941 et 1945 en France, deux mouvements de la Résistance intérieure vont
s’organiser et se structurer en assumant cette dénomination, à savoir, le mouvement « FrancTireur » (résistance française), créé en zone sud par Jean-Pierre Levy et celui des « Francs-tireurs
et partisans » (FTPF), d’obédience initialement communiste et dirigé par Charles Tillon.
2.2 La guerre franco-prussienne 9
Les Francs-tireurs étaient à l’origine une émanation de clubs de tir ou de sociétés militaires
officieuses formées dans l’Est de la France au temps de la crise du Luxembourg en 1867. Ces
membres étaient au premier chef intéressés par la pratique du tir. En cas de conflit, l’on attendait
d’eux qu’ils servent comme milice de substitution ou constituent des troupes légères. Ils ne
portaient pas d’uniforme, s’armaient des meilleurs fusils de l’époque et élisaient leurs propres
officiers.10
En juillet 1870, au déclenchement de la guerre franco-prussienne, le Ministre français de la
Guerre avait tenté d’assurer le contrôle de ces sociétés pour les organiser en troupes de campagne.
Ce n’est toutefois que le quatre novembre, date de la levée en masse que les milices furent placées
sous les ordres de généraux de terrain. Ils furent parfois organisés en corps de grande taille et
incorporés au sein des forces armées mais la plupart du temps, ils continuèrent à agir par petits
groupes s’attaquant à de petits postes ennemis, aux lignes de communication et s’en prenant aux
troupes de reconnaissance. Ainsi, les Francs-tireurs détruisirent un pont sur la Moselle à
Fontenoy-sur-Moselle le 22 janvier 1871. La défense de Châteaudun le 18 octobre 1870 fut
assurée par les Francs-tireurs de Cannes et Nantes aux côtés du Corps des « Francs-tireurs de
Paris » composé de huit cent puis deux mille ouvriers, étudiants, bourgeois et artistes, sous le
commandement d’Ernest de Lipowski, saint-cyrien, lieutenant au 10° bataillon de chasseurs,
démissionnaire en 1864.
9
http://www.empereurperdu;com/forum.phpBB2/viewtopic.php?f=47&t=4731, pages 3 et 4 ;
voir aussi http://lagrandeguerre.cultureforum.net/t61933-les-francs-tireurs-durant-la-guerre-de-1970, pages 1 à 9.
10
“L’Encyclopedia Britannica” de 1911 les décrivait comme « at once a valuable asset to armed strength of France and a
possible menace to internal order under military discipline ». Et en effet, toutes ces sociétés refusèrent obstinément toute
tentative de leur imposer une discipline militaire normale.
D’autres de ces corps de Francs-tireurs s’illustrèrent par de hauts faits d’armes tels les
« Eclaireurs de Paris » dits les « Mocquard » du nom de leur chef, fils du secrétaire de Napoléon
III et chef d’escadron de spahis, démissionnaire, ou les « Volontaires de la Seine » du colonel
Lafon.
2.3 Statut des Francs-Tireurs.
Les armées prussiennes et la presse populaire de l’époque accablèrent ces Francs-tireurs, les
considérant comme des meurtriers ou des bandits de grand-chemin ; les Prussiens eurent bientôt
à constater que ces « insurgents » identifiaient parfaitement les points faibles de leurs armées en
France et réagirent aux embuscades des Francs-tireurs par des représailles très dures contre les
villes et villages les plus proches où ils s’en prirent à la population civile. Des divisions et
régiments entiers prirent part à des « actions de pacification » dans des zones censées abriter des
activités de francs-tireurs, ce qui eut pour conséquence de créer une inimitié, voire une haine
durable entre les armées d’occupation allemande et la population civile française.
Par ailleurs, les Prussiens exécutèrent les Francs-tireurs capturés, considérés comme des noncombattants armés, irréguliers.
La Guerre des Boers 11
3.
La guerre des Boers (fermiers en néerlandais) est une expression qui désigne deux conflits
intervenus en Afrique du Sud à la fin du XIX è siècle entre les Britanniques et les habitants des deux
républiques boers indépendantes (République du Transvaal et Etat libre d’Orange).
Les Boers étaient les descendants des premiers colons d’origine néerlandaise, allemande et française,
arrivés en Afrique du Sud aux XVII è et XVIII è siècles.
L’entente entre les Britanniques et les Boers ne fut jamais très bonne. En 1836, la plupart des Boers,
mécontents de l’administration britannique dans la Colonie du Cap décidèrent de quitter la colonie,
l’anglais étant devenu la langue officielle en 1828 au détriment du néerlandais, et l’esclavage ayant
ensuite été aboli sans compensation financière. C’est ce qui est désormais connu sous le vocable
Grand Trek du nom de ceux qui émigrèrent (Voortrekkers).
Le 18 janvier 1852, la Grande-Bretagne reconnut l’indépendance des territoires situés au nord du
fleuve Vaal qui prirent ainsi le nom de Transvaal ou République d’Afrique du Sud. Elle reconnut
également le territoire compris entre les fleuves Orange et Vaal, lequel devint le 23 février 1854
l’Etat libre d’Orange.
2.1. L’annexion du Transvaal et la première guerre des Boers (1877 – 1881)
11
Cfr pour cette partie : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Guerre_des_Boers&oldid=115776710, pages 1 à 4.
Sur le plan économique, la République du Transvaal était en 1877 en situation de quasi banqueroute.
Au plan militaire, elle était également menacée par une offensive imminente des armées zouloues en
provenance du Natal.
Lord Carnavon, le ministre des colonies britanniques, chaud partisan de la création d’une fédération
d’Afrique du Sud, pensa annexer la République du Transvaal à la couronne britannique à la plus
grande satisfaction de ses habitants.
Le 4 janvier 1877, un détachement de la police montée du Natal pénétra en territoire boer. Il se
rendit sans rencontrer de résistance à Pretoria pour se concerter avec les autorités locales. Les
discussions aboutirent à l’annexion du Transvaal par l’Empire Britannique le 12 avril 1877. Le viceprésident de la république, Paul Kruger, fut alors l’un des rares dirigeants boers à s’y opposer. Par
deux fois, il se rend à Londres pour protester mais en vain. Il fonda alors un triumvirat avec Piet
Joubert et Marthinus Wessel Pretorius pour organiser une résistance armée qui ne fut en mesure de
passer à l’action qu’à la fin de l’année 1880.
Le 16 décembre 1880, les rebelles boers proclamèrent l’indépendance du Transvaal. Le conflit ainsi
déclenché vit alors les combattants boers remporter nombre de victoires sur les troupes britanniques.
L’humiliation finale des Britanniques eut lieu à la bataille de Majuba Hill le 27 février 1881, qui
s’acheva par la défaite cuisante des troupes de la Reine Victoria.
Cette défaite conduisit le premier ministre britannique William Gladstone, peu enclin à poursuivre
les hostilités, à signer un traité d’armistice le 6 mars 1881, complété par un traité de paix final le 22
mars 1881 par lequel les Boers du Transvaal retrouvaient leur autonomie toute en restant sous la
souveraineté britannique. Le traité fut ensuite ratifié par la Convention de Pretoria le 3 août 1881, et
en 1884, la Convention de Londres redonna sa pleine souveraineté au Transvaal réorganisée sous sa
forme originelle de République d’Afrique du Sud.
2.2 Les années Kruger.
Dorénavant dirigés par Paul Kruger, les Boers aspiraient à retourner à leur mode de vie rural, sans
réelle autre aspiration.
En 1873, de l’or fut découvert à Pilgrim’s Rest, entraînant une première ruée.
L’apparition à partir de 1886 d’un système industriel dans une société fondée jusqu’alors sur la
volonté de préserver un certain ordre social, un mode de vie rural et de refuser les ingérences
extérieures, allait avoir des répercussions internes considérables, menaçant l’ordre établi par les
descendants des Voortrekkers et déplaçant le centre de gravité économique de l’Afrique du Sud de la
colonie du Cap au Transvaal.
Johannesburg allait rapidement devenir la plus grande ville du Transvaal, au fur et à mesure de
l’installation des uitlanders (étrangers) près des mines d’or. Ceux-ci dépassèrent rapidement en
nombre les Boers sur les lieux des gisements aurifères, tout en restant une minorité dans le Transvaal
lui-même. Le gouvernement sud-africain, agacé par la présence des uitlanders, leur refusait
cependant le droit de vote et taxait lourdement l’industrie aurifère. En réponse, les uitlanders
exercèrent une pression sur les autorités britanniques, en vue d’obtenir le renversement du
gouvernement boer.
En 1895, Cecil Rhodes, premier ministre de la colonie du Cap et richissime homme d’affaires,
appuya une tentative de coup d’Etat mené par Leander Starr Jameson. Le fameux « Raid Jameson »
se solda par un échec lamentable et par la démission de Rhodes.
Néanmoins, la marche vers la guerre allait se poursuivre.
Celle-ci débuta le 12 octobre 1899 quand les Boers attaquèrent la colonie du Cap et la colonie du
Natal.
2.3 La seconde guerre des Boers et la défaite du Transvaal.
Dans les premières semaines du conflit, les Boers prirent l’avantage. Les troupes britanniques,
commandées par Lord Roberts, reprirent toutefois l’initiative avec l’arrivée de renforts le 4 février
1900. L’offensive britannique s’intensifia alors et partout les boers furent sur la défensive puis firent
retraite.
À partir du mois de mars, les troupes britanniques avancèrent au cœur des deux républiques boers.
Bloemfontein, la capitale de l’Etat libre d’Orange, tomba le 13 mars. Le 18 mai, le siège de
Mafeking fut levé. Puis le 5 juin, ce fut le tour de Pretoria, évacué par le gouvernement sud-africain
retranché dans l’est du Transvaal.
Si les Britanniques pensèrent la victoire acquise, ils durent faire face encore deux ans à la guérilla
active qui désorganisa les lignes de communication et de ravitaillement britanniques.
En mai 1902, un traité de paix fut finalement signé à Vereeniging entérinant la défaite des Boers et
l’annexion définitive du Transvaal et de l’Etat libre d’Orange à la couronne britannique.
2.4 Caractéristiques du conflit.
Les deux guerres des boers se caractérisèrent par trois traits principaux : la confrontation entre une
armée régulière et une armée « citoyenne », une guerre de « guérilla » et un mode de répression qui
visera également les populations civiles.
Du côté boer, l’entièreté de la population blanche masculine des républiques du Transvaal et de
l’Etat libre d’Orange, âgée de 16 à 60 ans pouvait potentiellement être enrôlée pour un service
militaire non rétribué.
Les forces boers étaient organisées sous la forme de « commandos » au sein desquels les citoyens
élisaient leurs officiers, en ce compris, au plus haut niveau, le commandant-général du Transvaal.
Mobilisés, ces citoyens devaient être prêts avec leurs chevaux, leurs armes et munitions et
suffisamment de nourriture pour tenir huit jours, après quoi le gouvernement prenait le relais.
A l’exception de la police et de l’artillerie pendant la seconde guerre des Boers, les citoyens ne
portaient pas d’uniforme, seulement des vêtements civils kakis, neutres voire leurs habits usuels, ce
qui les rendaient facilement dissimulables à la vue de leurs ennemis. A l’inverse, en tout cas lors de
la première guerre des boers, l’uniforme rouge écarlate des soldats britanniques faisait de ces
derniers des cibles faciles pour les tireurs d’élite embusqués.
Les forces britanniques eurent à faire face à des adversaires recourant à une tactique de guérilla. Ces
« citoyens-fermiers » qu’étaient les boers disposaient en effet d’une excellente connaissance du
terrain et étaient capables d’évaluer parfaitement les distances. Une fois l’ennemi repéré par une
reconnaissance efficace, les Boers attaquaient par surprise en raids ultra rapides suivis d’un repli sur
une position plus favorable en cas de riposte sérieuse.
Afin de les contrer, le commandement de l’armée britannique décida pendant la seconde guerre de
construire tous les cent yards des postes fortifiés, entourés et reliés par des fils barbelés, afin de
réduire les mouvements des groupes de guérilla. Cette politique fut accompagnée par une stratégie
de la terre brûlée destinée à couper les boers de leurs bases arrières. Les campagnes du Transvaal et
de l’Orange furent ainsi vidées, les stocks de vivres réquisitionnés ou détruits, les récoltes brûlées et
les fermes évacuées. Les familles boers furent alors rassemblées dans des camps de concentration.
Finalement, trente mille fermes furent détruites ainsi qu’une quarantaine de petites villes. Un quart
de la population boer, soit plus de cent mille personnes, fut internée dans des camps de concentration
au côté de cent vingt mille Africains noirs. Près de trente mille femmes et enfants boers et de
nombreuses personnes noires y moururent, principalement de malnutrition ou par manque d’hygiène.
En tout, la seconde guerre des Boers coûta la vie à environ 22 000 soldats britanniques, 4 000 à 7000
soldats boers, 20 000 à 28 000 civils boers et sans doute 20 000 personnes noires.
4. La première guerre mondiale et l’expérience belge.12 13
Les expériences des attaques de la guérilla française et de la guerre asymétrique durant le conflit
franco-prussien eurent un effet durable sur le Haut Etat-major allemand. Au cours de la première
guerre mondiale, les troupes allemandes exercèrent une occupation inhabituellement dure et sévère
dans les zones conquises. Des otages furent régulièrement exécutés en réponse aux rapports
mentionnant des tirs essuyés provenant des communautés belge et française. Les forces d’occupation
allemandes craignirent en effet les actes de résistance civile spontanés, ce qui conduisit à nombre
Voir à ce sujet, la très éclairante étude de Aurore François & Frédéric Vesentini dont la présente section s’inspire
largement et intitulée « Essai sur l’origine des massacres du mois d’août 1914 à Tamines et à Dinant », « Cahiers d’histoire
du temps présent » (CHTP-BEG) – n° 7/2000 ; pages 51 à 82
13
http://www.commemorer 14-18.be/index.php ?id=lesatrocitsallemandes, page 1.
12
d’arrestations et d’exécutions, certaines à titre préventif.
Louvain, dont les Halles universitaires furent détruites, Tamines et Dinant figurent parmi les
quelques villes belges particulièrement endeuillées par les premières semaines de la Grande Guerre.
À l’échelle nationale, un dernier bilan fait état de 5.500 exécutions de civils (384 à Tamines et 674 à
Dinant), d’un nombre indéterminé de blessés et d’importants dégâts matériels, dus pour la plupart
aux bombardements, pillages et incendies.
Durant plusieurs décennies, la mise en récit des massacres et la question des francs-tireurs ont été les
préoccupations centrales des chercheurs. Si la majorité des publications vont exprimer en préambule
un souci d’exactitude et de rétablissement de la vérité, toutes furent néanmoins dictées par les
intérêts politiques de leur époque, à savoir la dénonciation des exactions commises par l’Allemagne
en Belgique depuis le viol de sa neutralité le 4 août 1914 d’une part ainsi que le rejet intégral de la
thèse des francs-tireurs d’autre part. En effet, aux yeux des Allemands, l’intervention de civils armés
dans le conflit justifia et légitima les massacres de population, dès lors considérés comme une juste
répression.
En janvier 1915 déjà, un premier compte-rendu officiel va paraître au Havre. Il sera suivi de
nombreux rapports de la commission belge d’enquête sur la violation du droit des gens en Belgique.
L’Allemagne va à son tour dépêcher des enquêteurs sur le terrain et publiera les résultats de ses
recherches dans un Livre blanc du 10 mai 1915 qui consacre officiellement la thèse des francstireurs. En 1916 va paraître la réponse belge au Livre blanc allemand et qui réfutera la thèse des
francs-tireurs.
Après la guerre, le Général Ludendorff qui fut le Commandant en chef sur le Front Ouest à la fin de
la guerre, tenta de défendre le comportement allemand dans ses Mémoires publiés en 1919 en deux
volumes : « Meine Kriegserinnerungen 1914–1918 ». En 1927, le Reichstag chargera un certain
professeur Meures d’enquêter sur la conduite des soldats allemands durant l’invasion. Ses
conclusions, approuvées par le Parlement de le république de Weimar, soutinrent sans hésitation la
thèse initiale du Livre blanc, thèse à nouveau réfutée par des écrivains belges en 1928.
Les travaux de John Horne et Alan Kramer ont sans doute mis fin aux tentatives de déni des atrocités
allemandes, la réalité de ces massacres constituant aujourd’hui une certitude, seules l’ampleur et les
causes que leur ont attribué la propagande d’alors étant à remettre en question.
En ce qui concerne les francs-tireurs, et selon la thèse officielle allemande, la seule éventuelle cause
des massacres de Tamines et Dinant était imputable aux agissements de la population locale. Elle
tendait à incriminer les civils pour leur participation active au combat, les exécutions prenant dès
lors les allures d’une juste répression. En droit, la Convention de La Haye, ratifiée par l’Allemagne
malgré quelques réticences en 1907, autorisait pourtant une population envahie à résister, à partir du
moment où elle observait les lois et usages de la guerre.
Dans les faits, la présence des francs-tireurs fut-elle avérée ?
L’examen des sources militaires allemandes, auquel s’est livré Alan Kramer semble rendre plausible
l’hypothèse, mais à une échelle très limitée et uniquement les premiers jours de l’invasion. Une
question demeure cependant. Les allégations allemandes, émises dès le déclenchement des
massacres, visaient-elles à légitimer des exactions projetées ou déjà commises, ou relevaient-elles
d’une croyance voire d’une certitude ancrée dans l’esprit des soldats et officiers allemands ?
Deux éléments décisifs vont biaiser l’opinion allemande à cet égard.
D’une part les manuels en usage dans l’armée allemande14 préparèrent le soldat à des confrontations
de ce type et préconisèrent à l’égard des francs-tireurs une extrême sévérité. D’autre part, une
littérature populaire abondante, consacrée en partie aux agissements des francs-tireurs français en
1870, nourrit le lecteur de développements liés à ce thème.
Un autre élément est lié à la stratégie de défense du territoire, mise en œuvre par les armées belge et
française. En effet, vu leur faiblesse numérique, elles adoptèrent une tactique consistant à retarder la
progression allemande au moyen de combats d’arrière-garde, le repli progressif des soldats engagés
permettant d’éviter des rencontres décisives. Or, les soldats belges et français se sont montrés très
habiles à opérer des retraites disciplinées ponctuées par des embuscades et des escarmouches. De
même, la garde civique belge, particulièrement entraînée au combat de rue, parvint souvent à
s’échapper à temps. Les troupes allemandes confrontées à ce type de résistance se sont logiquement
trouvées angoissées par l’impossibilité de riposter et surtout par l’ignorance de l’origine des tirs. Le
moindre fait insolite, le moindre incident relevait dès lors de la responsabilité des francs-tireurs.
En guise de conclusion sur ce point, il convient également de souligner l’existence d’un ensemble de
facteurs dont la conjugaison s’avéra des plus meurtrières. Les souffrances, l’énervement et l’ivresse
de nombreux soldats, la désorganisation sociale caractéristique de l’invasion, l’effet stimulateur lié à
la détention d’armes ont contribué dans une mesure qu’il est sans doute impossible de déterminer
aux déchaînements de violence qui se sont exercés sur les civils. S’y sont ajoutés des phénomènes de
nature essentiellement psychologique tels que la dynamique de groupe et l’obéissance à l’autorité,
facteur déterminant s’il en fut.
14
Tel le « Kriegsgebrauch im Landkriege», paru en 1902
5.
La guerre civile en Espagne et les brigades internationales.15
5.1 Les parties en présence
Le rôle des forces étrangères lors de la guerre civile qui a opposé en Espagne la République aux
rebelles nationalistes du 17 juillet 1936 au 31 mars 1939 a été considérable, sinon capital.
Dès les premiers instants, les généraux séditieux déclenchèrent leur rébellion avec l’aide de cette
sorte de garde prétorienne qu’étaient le Tercio (légion étrangère composée en majorité de volontaires
espagnols et fondée en 1920 par le général Millan Astray) et les Maures (appelés aussi regulares ou
tabores : soldats marocains recrutés dans les tribus du Rif), soit un total de 35.000 hommes, dont
8.000 pour le Tercio.
Se joindront par la suite aux rebelles des unités régulières envoyées avec tout leur équipement
militaire (y compris les avions, des chars et de l’artillerie) par :
- l’Allemagne : il s’agit de la légion Condor qui avec les civils et le personnel
instructeur compta, selon les sources, entre 16.000 et 35.000 homes ;
- l’Italie : ce furent les divisions Flèches Noires, Littorio, Chemises Noires, Flammes
Noires, … soit un total qui varie, selon les sources, de 50.000 à 100.000 hommes ;
- le Portugal : la légion de Viriathe composée de 20.000 hommes.
La seule aide étrangère non étatique dont bénéficia la rébellion en dehors des étrangers du Tercio
et des regulares marocains se réduisit à quelques volontaires irlandais, un groupe de Français (la
Bandera Jeanne d’Arc), des Russes blancs, quelques Européens de l’Est et une soixantaine de
Belges.
Du côté gouvernemental, on évalue entre 35.000 et 40.000 le nombre de volontaires étrangers
qui affluèrent individuellement pour défendre le gouvernement légal de la République. Ce sont
ces hommes qui, venus à titre privé de cinquante-trois pays différents, formèrent l’effectif des
Brigades Internationales. La seule aide étatique directe en personnel consista en l’envoi de deux
mille agents soviétiques (conseillers, instructeurs, officiers, commissaires politiques, aviateurs).
Les présentes lignes sont un condensé des principales conclusions de l’étude entreprise par le Professeur Eric DAVID « La
condition juridique des volontaires belges pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) », Revue belge d’histoire contemporaine,
vol. XVIII n° 1&2, première partie, 1987, pages 39 à 80.
15
5.2 Les règles applicables aux Etats tiers au conflit.
L'interdiction du recours à la force énoncée à l'époque par le Pacte de la Société des Nations
(article 10 et suivants) et le Pacte "Briand-Kellogg" du 27 août 1928, non seulement exigeait que
les Etats ne recourent pas à la guerre les uns contre les autres mais impliquait aussi qu'ils
empêchent des bandes armées se trouvant sur leur territoire de se livrer à des actions hostiles
contre le territoire d'un autre Etat.
La neutralité, codifiée dans la 5ème Convention de La Haye du 18 octobre 1907 (art. 4),
obligeait l'Etat qui s'en prévalait à éviter que des personnes se trouvant sur son territoire n'y
ouvrent des bureaux d'enrôlement ou n'y lèvent des corps de combattants destinés à venir en aide
aux belligérants. Enfin, et surtout, la non-intervention obligeait les Etats à éviter que des
personnes se trouvant sur leur territoire ne déclenchent des actes de violence à l'étranger ou ne
s'engagent dans une guerre civile déchirant un pays étranger. Il s'agissait là d'une règle
coutumière remontant au XIXè siècle.
La non-intervention ne constituait cependant pas une règle absolue et si la violation de
l'interdiction du recours à la force autorisait le recours à la force dans le cadre de la légitime
défense, de même la violation du principe de non-intervention fondait le recours à la
contrintervention. En l'occurrence, les premiers en Espagne à bénéficier d'une aide étrangère
furent les rebelles franquistes.
La France se fit la championne de la non-intervention (1er août 1936) en décidant de fermer ses
frontières à tout transit de matériel de guerre vers l'Espagne, ce qui évidemment n’empêcha pas
l'Allemagne, l'Italie et le Portugal de continuer à accroître leur aide aux troupes rebelles du
général Franco.
Les Etats tiers au conflit espagnol devaient donc s'abstenir de fournir toute aide aux parties en
présence. Seules la légitime défense ou la contrintervention pouvaient justifier l'octroi d'une
assistance à la partie victime d'une agression ou d'une intervention étrangère. Etant donné
l'existence d'une intervention, sinon d'une agression, de l'Allemagne et de l'Italie en Espagne aux
côtés des rebelles, la communauté internationale était donc juridiquement fondée à intervenir en
faveur du gouvernement républicain.
Cependant, ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées.
Le 1er août 1936, la France décida donc de promouvoir la conclusion d'un accord par lequel tous
les Etats européens s'engageraient à ne pas intervenir en Espagne. Cet accord fut accepté au plan
international par vingt-six Etats européens.16
En l'occurrence, la non-intervention consista essentiellement dans l'engagement de ne pas
envoyer de matériel de guerre en Espagne et la constitution d'un organisme de surveillance: le
Comité de non-intervention (C.N.I.) regroupant les représentants de tous les Etats signataires de
l'accord. Ce n'est que plus tard que la non-intervention allait être étendue aux volontaires
étrangers. Elle conduira le C.N.I, à prendre trois types de mesures : la suggestion d'interdire les
recrutements, l'interdiction des recrutements, des départs et transits de volontaires et l'évacuation
des forces étrangères se trouvant en Espagne.
Si en fait la non-intervention ne fut qu'une comédie qui profita essentiellement à la rébellion
franquiste, juridiquement, elle constitua un précédent important pour la définition de son
contenu. 17
Comme l’a écrit le Professeur David, « Son application (théorique) à la guerre d'Espagne
confirme l'idée que le caractère légal d'un gouvernement ne suffit pas nécessairement à fonder
l'aide étrangère qu'il sollicite pour réprimer une insurrection. En ce qui concerne plus
spécialement la présence de volontaires étrangers, elle montre que les Etats tiers à une guerre
civile doivent interdire non seulement des opérations de recrutement sur leur territoire, mais
même des départs individuels de volontaires. Cette évolution importante par rapport aux règles
classiques de la neutralité ne doit cependant pas masquer le fait que la violation de la règle par
un Etat fonde un autre Etat à s'en dégager et à intervenir en faveur de la partie lésée pour autant
que cette contrintervention soit équivalente à l'intervention initiale : équilibre imaginable sur le
papier, mais sans doute peu aisé à réaliser sur le terrain ».
5.3 Les règles applicables aux parties au conflit.
Entre le gouvernement républicain et les rebelles franquistes, quelles règles devaient-elles
s’appliquer ? En 1936, le droit international régissait-il la guerre civile ? Les interventions
étrangères modifiaient-elles le caractère interne du conflit ? Les volontaires étrangers avaient-ils
droit à un statut particulier en cas de capture ?
La guerre d'Espagne fut un conflit interne, et en 1936, le droit international n'énonçait pas de
règles bien précises en dehors de celles qui régissaient les questions de responsabilité pour les
dommages causés aux étrangers en cas de guerre civile. En 1936, les principaux instruments
applicables aux conflits armés étaient les Conventions de La Haye du 18 octobre 1907 et
16
La proposition française de non-intervention en Espagne déboucha non sur un traité en bonne et due forme, mais sur un
ensemble de "notes échangées entre le gouvernement français et les autres gouvernements".
17
Cfr Eric DAVID : op.cit, page 54
les Conventions de Genève du 27 juillet 1929, mais les unes et les autres restaient muettes sur la
question de la guerre civile. La seule disposition théoriquement applicable eût été la clause de
Martens qui stipule dans le préambule de la Quatrième Convention de la Haye :
"En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties Contractantes
jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par Elles,
les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens, tels
qu'il résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la
conscience publique".
En cas de conflit armé interne, les combattants, les populations et les victimes n'auraient dès lors
bénéficié d'autre protection que celle résultant "des usages établis entre nations civilisées, des
lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique". 18
Les choses n’auraient pu changer qu’en assimilant la guerre civile à une situation de
belligérance, l'ensemble du droit de la guerre s'appliquant au conflit en pareille hypothèse.
Qu'en fut-il en Espagne ? Outre le minimum humanitaire précité applicable aux deux parties,
existait-il une situation de belligérance impliquant l'application au conflit de l'ensemble des lois
et coutumes de la guerre ?
Indépendamment de la réponse à cette question qui demanderait des développements juridiques
plus affinés, le gouvernement républicain était tenu, comme les rebelles, de respecter certaines
prescriptions humanitaires minimales qui excluaient en tout cas la prise d'otage, la torture et
les exécutions sommaires.
Dans les faits, on fut loin du respect de ce minimum humanitaire. Certains auteurs citent ainsi les
chiffres de 50.000 exécutions sommaires commises par les Républicains, 300.000 par les rebelles
nationalistes.
Qu’en fut-il alors du sort réservé aux volontaires étrangers ?
Membres des Brigades internationales, étrangers du Tercio ou membres des unités régulières
allemandes, italiennes et portugaises, aucun d'eux ne pouvait, en cas de capture, faire l'objet d'un
traitement plus défavorable que celui réservé aux combattants espagnols conformément au
principe de non-discrimination entre étrangers et nationaux.
La question essentielle qui se pose est de savoir si les combattants étrangers, comme d'ailleurs
leurs compagnons d'arme espagnols, avaient droit au statut de prisonniers de guerre. A cet égard,
le gouvernement légal décida le 9 août 1936 d'octroyer ce statut aux combattants capturés, les
18
On peut considérer que la doctrine de l'époque confirma implicitement cette idée puisqu'en 1900, dans son Règlement sur
les "droits et devoirs des Puissances étrangères en cas de mouvement insurrectionnel", l'Institut de droit international
condamnait "les peines exceptionnellement cruelles et qui dépassent évidemment les nécessités de la répression".
volontaires étrangers y ayant donc droit en cas de capture.
Le gouvernement revint plus tard sur cette décision puisqu’il y eut des exécutions de membres
des forces rebelles capturés par les gouvernementaux. De leur côté, les rebelles menacèrent
officiellement de fusiller tous les étrangers faits prisonniers les armes à la main.
Injustifiables au regard aussi bien du droit de la guerre que des "exigences de la conscience
publique", ces pratiques et ces déclarations devaient conduire les Etats tiers à exercer des
pressions sur les autorités gouvernementales et rebelles pour que les combattants capturés aient
la vie sauve et pour encourager des échanges de prisonniers qui auront effectivement lieu à partir
de mai 1937.
6.
La seconde guerre mondiale ; Résistance et partisans19.
6.1 Les différentes formes de résistance à l’occupant nazi.
L'opposition active à l'occupation par les forces de l'Axe et aux différents régimes collaborateurs au
cours de la Seconde Guerre mondiale revêtit différentes formes.
Les motivations des activités de résistance furent doubles, à savoir soit une réaction nationale à
l'occupation étrangère et une lutte de nature militaire pour le recouvrement de l'indépendance
nationale, soit une lutte politique et morale contre le nazisme et plus généralement les régimes
fascistes, que ce soit le régime du général Franco, le gouvernement de Vichy et les représentants de
l'Allemagne nazie en France, le régime de Mussolini ou le système de l'Estado Novo au Portugal.
Eu égard à leurs origines et motivations politiques radicalement différentes, les mouvements de
résistance intérieure purent connaître d’intenses affrontements politiques. Ainsi, durant la guerre en
Yougoslavie, les Partisans communistes et les Tchetniks royalistes entrèrent en conflit armé, lequel
s'acheva en même temps que l'occupation par la victoire des communistes et l'établissement du
régime du maréchal Tito. En Grèce, l'opposition entre résistants communistes et monarchistes
dégénéra également, pour déboucher après l'occupation sur une véritable guerre civile.
Les mouvements de résistance se manifestèrent de manière très diverse : célébration des
anniversaires-symboles à travers l’Europe occupée (fêtes et grandes victoires nationales),
manifestations symboliques en France, où elles ont été les plus nombreuses, celle des étudiants aux
Champs-Élysées le 11 novembre 1940, celle du 1er janvier 1941, celle du 31 octobre 1941 en
réponse au massacre des otages de Châteaubriant, ou bien la « campagne des V » orchestrée par la
BBC, qui couvrit les murs de Paris du signe de la victoire à l’irritation des troupes d’occupation
allemandes. De même, une symbolique se développa : porter à sa boutonnière un signe de
reconnaissance indiquant par exemple sa fidélité au monarque en exil. Une résistance plus intime put
19
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=r%C3%A9sistance_dans_l%27Europe_occup%C3%A9e_par_les_nazis&oldid=115
872429, pages 1&2
également se manifester à travers les lettres et journaux intimes (simples récits de vie privée, certains
devenant de véritables chroniques politiques), « écrits des tiroirs » destinés à n'être publiés qu'après
la fin du Troisième Reich. Autre exemple de résistance spontanée et massive, la population
luxembourgeoise boycotta à 98 % le référendum organisé par les nazis pour ratifier l'annexion du
grand-duché, et déclencha en août 1942 une grève générale durement réprimée contre
l’incorporation forcée des jeunes luxembourgeois dans la Wehrmacht.
Aux Pays-Bas, la première grève antiraciste de l'Histoire éclata les 25 et 26 février 1941 à
Amsterdam pour protester contre la persécution des Juifs; en 1943, le corps médical néerlandais
démissionna collectivement pour refuser l’exclusion sur ordre des médecins juifs et la subordination
à un organe corporatiste collaborationniste. Un demi-million de Néerlandais se mirent en grève
contre le Service de travail obligatoire en mars 1943, la plus vaste grève de l'Europe occupée, tandis
que les départs forcés de main-d'œuvre provoquèrent à Athènes des manifestations de masse quasiinsurrectionnelles et la chute de deux gouvernements fantoches en huit mois.
De nombreux civils européens se dévouèrent pour offrir une protection aux pourchassés et
persécutés, résistants, aviateurs abattus, réfractaires au Service du Travail Obligatoire, et bien sûr
aux Juifs. Les manifestantes ‘‘aryennes’’ de la Rosenstraße parvinrent en 1943, en plein Berlin, à
faire libérer leurs maris juifs. En Bulgarie, un vaste mouvement d'opinion empêcha la déportation
des Juifs nationaux au printemps 1943. De nombreux "Justes parmi les Nations" sauvèrent des Juifs
de la mort.
La résistance organisée passa quant à elle par l'organisation d'une presse clandestine (un millier de
titres en France, plus de 1 200 aux Pays-Bas), de réseaux de renseignements, de groupes de
sabotages, de mouvements de lutte armée. La guérilla fut surtout présente en Europe de l'Est, où les
partisans yougoslaves, grecs et soviétiques parvinrent assez tôt à contrôler des régions entières. La
Biélorussie compta ainsi la plus forte concentration de partisans d'Europe. L'Armia Krajowa
polonaise mit quant à elle sur pied un véritable contre-État clandestin.
6.2 Au plan du droit.
Après la seconde guerre mondiale20, au cours du déroulement du Tribunal de Nuremberg, le
septième jugement du Tribunal – aussi appelé officiellement United States of America v. Wilhelm
List et consorts considéra que, sur la question des partisans, eu égard aux lois de la guerre alors en
vigueur (la Convention n° IV de 1907), les partisans combattant dans le sud-est de l’Europe ne
pouvaient être considérés comme des combattants légaux en fonction de l’article 1 de ladite
Convention21.
En ce qui concerne Wilhelm list, le tribunal déclara :
"We are obliged to hold that such guerrillas were francs-tireurs who, upon capture, could be
Nous ne pencherons pas ici plus en détail sur la légalité même des actes de résistance, analyse qui conduirait à l’éternel
débat entre légalité et légitimité : « Obéir, c’est trahir, désobéir, c’est servir ».
21
http://en.wikipedia.org/wiki/Francs-tireurs, p.4
20
subjected to the death penalty. Consequently, no criminal responsibility attaches to the defendant
List because of the execution of captured partisans..."
Les Conventions de Genève établiront de nouveaux principes à savoir que, selon l’article 4 de la
Troisième Convention de Genève, les francs-tireurs seront considérés comme bénéficiant du statut
de PG à la condition d’être commandés par une personne responsable de ses subordonnés, de porter
un insigne distinctif reconnaissable à distance, de porter ouvertement les armes, et de conduire leurs
opérations en conformité avec les lois et coutumes de la guerre.
7. Evolution récente : mercenaires et Compagnies militaires privées22.
Depuis le début des années 1990, un contexte favorable à la privatisation, à l’externalisation de
nombreux domaines d’activités étatiques et à la fin de la guerre froide a engendré des réductions
dans les effectifs militaires de certains Etats. Cette situation a entraîné du même coup une certaine
disponibilité de matériel militaire et de personnel qualifié, et a ainsi favorisé l’essor et le
développement des services militaires privés. Il s’agit aujourd’hui d’une véritable industrie
hautement organisée et offrant une multitude de services spécialisés à différentes entités. Ce sont
surtout les conflits en Irak et en Afghanistan qui ont attiré l’attention sur le phénomène de la
privatisation de certains services militaires et qui ont confirmé l’importance de cette industrie sur la
scène des conflits armés.
Les conséquences du 11 septembre 2001 ont créé un énorme marché pour ces Sociétés militaires
privées, particulièrement aux Etats-Unis. Cet évènement a ouvert le marché de la sécurité intérieure
et de la défense du territoire. Blackwater, Triple Canopy et plusieurs autres sociétés ont vu le jour
après cette date.
Les conflits internationaux entre puissances étatiques s’affrontant uniquement par le biais de leurs
armées nationales sont aujourd’hui plus rares. On voit ainsi de plus en plus souvent combattre sur
les champs de bataille des entités de natures diverses à l’intérieur des frontières d’un même Etat et
parfois en dehors du cadre de toute frontière étatique (que l’on pense par exemple à la « guerre
contre le terrorisme » menée par certains gouvernements contre le groupe Al-Qaïda).
Le statut de ces compagnies et leurs responsabilités font aujourd’hui l’objet de nombreux débats en
doctrine. L’importance de l’analyse à y consacrer déborde toutefois le cadre de la présente étude.
22
Marie-Louise TOUGAS, op.cit. p.2 & 3

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