un come-back vraiment schtroumpfant

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un come-back vraiment schtroumpfant
UN COME-BACK VRAIMENT SCHTROUMPFANT
Après plus de cinquante ans d’existence, les mini-hommes bleus ont toujours la cote:
des albums, des produits dérivés, un film et même une analyse politique de leur société.
Secrets, et revers, d’un succès planétaire...
Dans leur forêt, ils sont cent. Un Grand Schtroumpf, une Schtroumpfette et toute une tribu de
joyeux bonshommes, «hauts comme trois pommes», toujours unis pour combattre les assauts
machiavéliques de Gargamel et de son chat Azraël. On a tous lu, ou regardé à la télé, leurs
aventures, imaginées par le Belge Peyo, en 1958. Depuis la mort de l’auteur, il y a dix-neuf ans,
son fils Thierry Culliford a pris la relève. Les albums sont traduits dans de nombreuses langues. On
les adore.
«Des paraboles de douceur»
La clé de ce succès? «Il s’agit de l’univers le plus typé, le plus cadré, de la bande dessinée, estime
Philippe Duvanel, directeur artistique du Festival international BD-FIL à Lausanne. Les Schtroumpfs
vivent dans un monde imaginaire, qui ressemble à celui des humains. Avec un langage, des codes,
des personnages plutôt sympathiques qui ont une vie plutôt sereine. Des paraboles de douceur,
dans une société où tout se passe relativement bien.»
Les personnages demeurent stéréotypés, Schtroumpf Gourmand, Schtroumpf à Lunettes ou
Schtroumpf Poète. Mais s’ils ne poussent pas à l’identification, ils provoquent l’empathie. «Les
traits sont forcés, mais on sait à qui on a affaire, souligne Philippe Duvanel. Le Schtroumpf Coquet
reste coquet, point à la ligne.»
En d’autres termes, les petits hommes bleus apparaissent rassurants. Ce qui n’a pas empêché les
critiques. Les féministes déplorent l’image dégradante de la femme donnée par la Schtroumpfette.
A noter que Thierry Culliford a tenté de changer cette vision dans l’album La Grande
Schtroumpfette. Aux Etats-Unis, les Schtroumpfs Noirs – Schtroumpfs malades, agressifs, ne
sachant dire que «GNAP!», dont le seul but est de mordre la queue des lutins bleus – sont
considérés comme une caricature raciste.
L’analyse la plus originale reste celle de l’écrivain et enseignant en littérature Antoine Buéno,
publiée cette année. Dans Le petit livre bleu, le Français utilise des concepts de sciences politiques
pour étudier la société des Schtroumpfs. Sa conviction: le Grand Schtroumpf serait «le Petit Père
des Schtroumpfs», alias Staline, le Schtroumpf à Lunettes un «Trotski bleu», dans une société
totalitaire hésitant entre communisme et nazisme. Une thèse qui a fortement déplu aux amis des
petits hommes bleus. L’auteur a reçu de nombreuses insultes.
La Maison des Schtroumpfs à Genève
Les Schtroumpfs sont aussi devenus l’emblème de garderies, d’écoles enfantines, de clubs sportifs.
A Genève, dans les années 80, des architectes ont imaginé la Maison des Schtroumpfs, un
immeuble aux couleurs et aux formes improbables inspirées de Gaudi. A l’époque, il s’agissait
d’une sorte de manifeste pour une nouvelle architecture, conçue comme un havre de paix. A ne
pas oublier non plus, les nombreux produits dérivés. Qui n’a jamais bu son sirop dans un verre à
moutarde Schtroumpf…
Et que penser du film qui va sortir, plantant la bucolique tribu à New York, hors de sa forêt? «Je
trouve intéressant qu’on puisse, d’une manière ou d’une autre, exporter la culture européenne aux
Etats-Unis, déclare Philippe Duvanel. Toutefois, les Schtroumpfs, c’est un village, un univers qui
n’a rien d’urbain. Les voir confrontés à un autre monde me surprend beaucoup. Sauf exception,
tels Titeuf ou Le chat du Rabbin récemment, le transfert de la BD au cinéma reste difficile, voire
réducteur, ce qui conduit souvent à une dépréciation. » Les quatre personnalités romandes
interrogées (lire les encadrés) ne se déplaceront peut-être pas au cinéma, mais une chose est
sûre: elles ont toutes schtroumpfé avec bonheur dans leur enfance.
TEXTE VIRGINIE JOBÉ
Sortie du film «Les Schtroumpfs» au cinéma en 3D le 3 août.
A lire: «Le petit livre bleu. Analyse critique et politique de la société des Schtroumpfs »,
Antoine Buéno, Ed. Presses de la Cité (2011). Les albums sortis cette année aux Editions
Le Lombard: «Les Schtroumpfs et l’arbre d’or», «L’univers des Schtroumpfs. Gargamel et
les Schtroumpfs».
CE QU’ILS PENSENT DES SCHTROUMPFS
Quatre questions posées à quatre personnalités de Suisse romande sur le monde des mangeurs de
salsepareille…
1. Le personnage ou le Schtroumpf que vous préférez, ou qui vous ressemble, dans la BD de
Peyo…
2. Vos souvenirs des petits bonshommes bleus…
3. Selon vous, pourquoi ont-ils toujours du succès?
4. Ce que vous pensez des Schtroumpfs aujourd’hui…
AGNÈS WUTHRICH, JOURNALISTE À LA RTS
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«Je serais un mélange de Schtroumpfette, de Schtroumpf Maladroit, de Schtroumpf
Gourmand et de Schtroumpf à Lunettes... Quant à mon personnage préféré, sans hésiter:
le Grand Schtroumpf. J’ai toujours eu un faible pour les personnages de vieux sages.»
«Le plus ancien souvenir que je garde des Schtroumpfs remonte à 5 ou 6 ans. Nous
n’avions pas la télé à la maison et j’ai découvert leur univers dans un dessin animé à
l’école. Je me rappelle avoir été terrorisée par Gargamel, le château et Azraël. J’ai lu les
BD plus tard. Je me souviens d’avoir reçu l’album «Schtroumpf Vert et Vert Schtroumpf»
et de l’avoir beaucoup relu. Longtemps après, à la maison, on parlait toujours de tirebouschtroumpf.»
«Comme tous les personnages qui survivent aux générations, les Schtroumpfs incarnent
des sentiments, des attitudes et des défauts universels. Et puis, ils sont plutôt drôles, à
plusieurs niveaux.»
«Les Schtroumpfs ont quitté ma planète depuis un moment. Quant au film, je prends la
mesure de l’opération marketing, mais je n’exclus pas d’emmener ma fille le voir. A 5 ans
et demi, elle connaît déjà les personnages des Schtroumpfs pour en avoir reçu des
figurines, et sans doute pour avoir entrevu un dessin animé ou l’autre. Et comme nous
partageons le même goût pour les livres, je me réjouis de lui faire découvrir les BD,
bientôt.»
TOM TIRABOSCO, AUTEUR DE BANDES DESSINÉES
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«Mon personnage préféré reste évidemment Gargamel, un étrange croisement entre l’ogre
du Petit Poucet et le loup de Bip-Bip, celui qui finit toujours par se prendre le rocher sur la
tronche. Et mon Schtroumpf favori est le Schtroumpf Noir, qui me faisait flipper quand
j’étais petit. Aujourd’hui, le Schtroumpf Grognon correspond à mon état d’esprit du
moment...»
«Je me rappelle avoir collectionné les figurines et en avoir pas mal perdu dans l’herbe, car
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l’intérêt de la chose était plus de leur construire des cabanes et des décors naturels que de
les aligner sur une étagère. J’aimais aussi beaucoup l’idée des maisons dans les
champignons et que les Schtroumpfs puissent vivre des centaines d’années.»
«Le thème demeure universel. L’idée de la communauté vivant en harmonie avec la nature
et les animaux, soudée autour de sa source d’énergie: la salsepareille.»
«J’ai dû lire «Les Schtroumpfs» pour la dernière fois il y a trente ans. Etrangement, je ne
les ai pas lus avec mes enfants. Je crois qu’ils les ont lus chez leurs grands-parents. C’est
une BD destinée aux petits, qui n’a pas gardé sa place dans ma bibliothèque d’adulte.»
KARIM SLAMA, HUMORISTE
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«Mon préféré: Gargamel! Parce que sans lui, qu’est-ce qu’on s’embêterait.»
«C’est un des premiers dessins animés que j’ai regardés après l’école. Juste avant de
devoir attaquer mes leçons. D’ailleurs, j’ai une plainte: il est impossible d’obtenir des DVD
des dessins animés de ma jeunesse! Je me souviens particulièrement des expéditions des
Schtroumpfs avec la récurrente question: «C’est encore loin Grand Schtroumpf?» Et la
récurrente réponse: «Non, plus très», puis, «oui très loin!!!» J’ai beaucoup joué à ça dans
la voiture avec mes parents lors des longs voyages en vacances.»
«Je ne sais pas pourquoi... Peut-être grâce au suspense insoutenable qui nous tient en
haleine tout au long des épisodes: qui va finalement réussir à se taper la
Schtroumpfette?»
«Rien de ringard à ces petits gars tout bleus. Je n’ai pas les BD à la maison, mais pourquoi
pas les lire un jour à mes enfants. Les premières, lorsque la série n’était pas encore
industrielle... Par contre, je ne suis pas du tout chaud à aller voir le film. J’aime les
Schtroumpfs dans leur univers. Aucun intérêt pour moi de les voir dans un film, confrontés
à notre monde. Pourquoi les scénaristes ont-ils toujours besoin de casser les univers
acquis?»
ANNICK JEANMAIRET, ANIMATRICE DE «PIQUE-ASSIETTE» SUR LA TSR
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«Deux personnages m’ont marquée: la Schtroumpfette, peut-être parce que c’était une
fille. Et puis, le Schtroumpf Grognon. Mais je m’identifiais plus au Schtroumpf qui n’est
jamais content qu’à la Schtroumpfette.»
«Vers 6 ou 7 ans, j’aimais collectionner les figurines. A l’école, on commençait à utiliser le
vocabulaire schtroumpf. Il nous permettait de communiquer entre nous, de se dire des
trucs à haute voix sans qu’on nous comprenne.»
«En y réfléchissant, ce qui plaît, c’est peut-être le côté rassurant des Schtroumpfs dans
notre société de brutes où tout le monde a la trouille. En fait, je ne savais pas que ça avait
toujours du succès. Je les avais un peu oubliés jusqu’à ce qu’on parle du «Petit livre bleu»,
qui devait être humoristique, mais qui n’a pas été compris par des gens qui se veulent les
gardiens du Temple. Je trouve cela terrifiant, ce n’est qu’une BD.»
«Il faudrait que j’aille voir au grenier si j’ai encore les figurines… Cela reste, et cela restera
un souvenir d’enfance. Mais si les Schtroumpfs demeurent des personnages qui traversent
les époques, comme Tintin ou Lucky Luke, peut-être que j’aurai l’occasion de me replonger
dans les BD dans quelques années. Il y a un film? Je ne suis pas sûre que j’irai le voir.»
PEYO-2011-LICENSED THROUGH I.M.P.S. (BRUSSELS) - WWW.SCHLUMPF.COM / CHRISTOPHE
CHAMMARTIN/REZO, MAGALI GIRARDIN, THIERRY PAREL, OLIVIER VOGELSANG, FLORIAN CELLA
SOURCE : MIGROSMAGAZIN.CH