Philippe MARCHAT - Gestion et Finances Publiques
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Philippe MARCHAT - Gestion et Finances Publiques
L’assouplissement du Pacte de stabilité (*) Philippe MARCHAT Inspecteur général des finances et ancien chef de la Mission interministérielle euro Qu’est le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ? p a c t fondé à en interpréter les termes. Il en est résulté des conflits, puis une crise lorsque la Commission a jugé nécessaire d’en saisir la Cour de justice. Tant les dispositions de l’arrêt rendu par celle-ci que la dégradation de la conjoncture économique et les élargissements successifs de l’Union ont eu pour effet d’accroître le nombre des Etats présentant des budgets déficitaires, dépassant parfois le seuil des 3 % de leur PIB. Aussi, la demande de réforme du Pacte, préconisée par les deux pères de ce dernier, l’Allemagne et la France, en raison de leurs propres résultats budgétaires, prit-elle suffisamment de consistance pour aboutir mais, après de laborieuses négociations avec les Etats que « l’orthodoxie financière » avait conduits à entreprendre des réformes de structures courageuses et nécessaires, malgré leurs retombées politiques et sociales parfois douloureuses. Le résultat en est un assouplissement des conditions d’application du critère limitant à 3 % du PIB le déficit budgétaire admissible, et la place prioritaire accordée, dans l’examen de la situation des Etats, à un second critére de Maastricht. Introduit postérieurement, et à fort juste titre en raison de leur endettement préoccupant et souvent croissant, il en limite le seuil à 60 % du PIB. e L’histoire, déjà bien remplie, du Pacte de stabilité a franchi une nouvelle étape avec la récente décision, qui reste à formaliser, d’en assouplir les règles de fonctionnement. D’une importance considérable pour la bonne gouvernance de l’euro, il répond, face à la Banque centrale européenne (BCE) dont la vocation exclusivement monétaire est d’assurer la stabilité des prix, à un souci budgétaire et financier qui a pris progressivement une dimension économique et sociale. Il a pour origine une volonté de l’Allemagne, surtout de sa banque centrale, la Bundesbank, et de son ministre des Finances de l’époque Théo Waigel, de s’assurer qu’au-delà de leur admission, les Etats ayant adopté l’euro continueraient d’avoir une gestion budgétaire saine. D’où, à cette fin, le maintien en vigueur de celui des quatre critères de Maastricht qui rejetait tout déficit excessif, bien que le risque en fût alors jugé moindre que celui de l’inflation, ce qui n’est plus aujourd’hui le cas. Non sans hésitation, la France s’associait au projet, et obtenait un peu plus tard que cette rigueur financière soit intégrée dans un contexte économique et surtout social, d’un Pacte qualifié de ce fait de stabilité et de croissance (PSC). Des difficultés d’application devenant rapidement conflictuelles difficultés Après que le règlement nº 1467/97 du 7 juillet 1997 ait complété les articles 99 à 104 du traité de Maastricht du 7 février 1992 instituant l’Union économique et monétaire et l’euro, le Pacte, formalisé dans le traité d’Amsterdam du 17 juin 1997, se veut à la fois préventif et dissuasif et s’applique aujourd’hui à tous les Etats membres de l’Union européenne. Car, pour « maintenir des finances saines, il leur faut parvenir à une position budgétaire saine » et être en mesure de « faire face aux fluctuations conjoncturelles normales, en maintenant le déficit public dans la limite de référence de 3 % du PIB ». Chargée d’en « faciliter le fonctionnement rigoureux, rapide et efficace », la Commission européenne dispose du droit d’initiative pour présenter « sans retard » au Conseil des ministres des Finances – l’Eurogroupe pour les douze de la zone euro, et l’Ecofin pour les vingt-cinq Etats de l’Union européenne (UE) d’aujourd’hui – « les rapports, avis et recommandations nécessaires », après avoir examiné les documents annuels reçus de chacun des Etats membres. « En cas de déficit excessif, ou lorsque le déficit public prévu ou effectif dépasse la valeur de référence de 3 % du PIB », il est prévu deux phases : d’abord une « alerte rapide » contre l’Etat pris en faute, puis, si la situation perdure, la Commission demande au Conseil des ministres que « les déficits excessifs soient corrigés le plus rapidement possible après leur apparition ». A défaut d’une rentrée dans l’ordre dans le délai maximal d’un an, des sanctions doivent suivre, « dépôts non productifs d’intérêt » d’abord, puis « amendes », qui n’ont jamais été prononcées à ce jour, même quand elles s’imposaient. Deux difficultés, finalement sans conséquences, se présentent, lorsque la Commission demande au Conseil, qui ne le fait pas, de rappeler à l’ordre deux « petits » Etats. Une première fois, le 12 février 2001, à l’encontre de l’Irlande, qui « rentrera dans les clous », puis, l’année suivante, du Portugal, dont le déficit prévisionnel est brutalement passé de 1,1 % à 2,2 %, mais qui régularise aussi, après quelques délais, sa situation. L’examen, en janvier 2002, par la Commission que préside Romano Prodi, des douze programmes de stabilité de la zone euro, et des trois programmes de convergence des trois autres membres de l’Union, pour la période 2001 à 2004 révèle, à côté des six Etats présentant un excédent budgétaire, quatre autres en déficit. Parmi eux, paradoxalement, les deux initiateurs du Pacte, l’Allemagne, avec 2,7 % de son PIB, au lieu de 1,6 prévu, et la France, avec seulement 1,4 %. Bien que saisi par la Commission, le Conseil n’adresse pourtant aucun « avertissement préventif » et rend un jugement de Salomon pour une Allemagne « prête à tout faire pour éviter la sanction de l’Europe ». La Commission, le 24 septembre 2002, propose de reporter de 2004 à 2006 la date de présentation de budgets « proches de l’équilibre », afin de maintenir la limite des 3 % nominaux, et surtout d’éviter que les 3 % ne deviennent « une cible mouvante », tout en recommandant aux quatre Etats les plus déficitaires « d’entamer, pas plus tard qu’en 2003, une réduction d’au moins 0,50 % » de leur déficit structurel. La France repousse d’un an cette date, en raison « d’autres priorités », des dépenses militaires Car, si la Commission est toujours restée la gardienne fidèle d’un traité dont elle a strictement appliqué les termes juridiques, le Conseil, lui, s’est vite comporté en organe politique, s’estimant (*) Cet article est déjà paru dans la Revue du Marché commun à Bruxelles. 292 85e année - nº 6 - juin 2005 europe affirmant la primauté d’une interprétation « politique » sur la traditionnelle et fort stricte application « juridique » du Pacte, qui recueille une majorité, de huit Etats contre quatre (Autriche, Finlande, Espagne et Portugal). Pour éviter que Berlin et Paris ne soient sanctionnés, « le Conseil décide de tenir en suspens pour le moment la procédure concernant les déficits excessifs », suspension qui revient à « geler les sanctions » résultant de l’application des textes. Profondément blessée, la Commission saisit, en raison de l’importance du sujet, la Cour européenne de justice. Le Pacte connaît alors, en attendant que l’arrêt soit rendu en juillet 2004, pendant huit longs mois, une période qualifiée « d’hibernation » ou de « soins intensifs », précédant sa « sortie du coma ». notamment, qui justifieraient une exonération. Le commissaire aux Affaires économiques et monétaires, Pedro Solbes, la refuse, estime qu’elle « doit réduire son déficit structurel dès 2003 », et se déclare « absolument contre toute évasion hors du Pacte de dépenses », aussi bien d’investissement que militaires. Quant à l’équilibre budgétaire, l’Espagne espère l’obtenir en 2006, la France sans doute en 2007, après un déficit pour 2003 de – 2,6 %, égal à celui de 2002, mais sur la base d’une croissance de 2,5 %, que Bruxelles juge excessive. Dans le courant de l’automne 2002, la conjoncture s’étant améliorée, tous les Etats, hormis la France, acceptent la suggestion de la Commission de réduire dès 2003 d’un demi-point de PIB leur déficit structurel, et d’avancer à 2004, au lieu de 2006 précédemment envisagée, la date du retour à l’équilibre budgétaire. L’Ecofin de Luxembourg, insiste sur le traitement différencié des déficits conjoncturels et structurels, auxquels s’applique une méthode de calcul spécifique, cet « outil d’encadrement devant faire taire beaucoup de critiques sur le Pacte », et rendre impossible « pour la France de continuer à ignorer la pression européenne ». Bien qu’à la veille de quitter la Commission, son président Romano Prodi relance de façon surprenante le débat sur « l’assouplissement » en déclarant au Monde le 18 octobre 2002 qu’il « sait très bien que le Pacte de stabilité est stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides ». Ces propos ravivent la controverse opposant les réformistes aux Etats vertueux et au président de la BCE Wim Duysemberg, pour qui « la rigidité du corset communautaire » dénoncée à tort par M. Prodi, « apporte suffisamment de flexibilité ». Face à ces derniers, les ministres allemand Hans Eichel et français Francis Mer, en proie aux mêmes difficultés économiques et budgétaires, souhaitent un assouplissement allant au-delà des « circonstances exceptionnelles » prévues par le Pacte, tout en déclarant l’un et l’autre, « respecter » le seuil de 3 %, qu’il convient « d’affiner » et « d’accompagner ». L’intervention de la Cour européenne de justice intervention Pour d’aucuns, ce conflit entre les deux institutions communautaires se traduit par « un match nul », qui mérite cependant d’être analysé plus avant. Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, nommé, avant ratification de la Constitution qui en a ainsi décidé, premier président pour deux ans de l’Eurogroupe, estime que « la Cour européenne de justice a confirmé que les ministres des Finances avaient le droit de refuser d’approuver les recommandations de la Commission ». Mais, rappelant que « pacta sunt servanda », elle a aussi reconnu l’application judicieuse du traité par cette dernière, dont l’autorité, un instant vacillante, se trouve ainsi réaffirmée, du fait que « le règlement prévoit de façon exhaustive les hypothèses où il y a lieu de suspendre la procédure », et que le Conseil « ne peut pas les modifier sans une nouvelle impulsion de la Commission, qui dispose d’un droit d’initiative dans le cadre de la procédure pour déficit excessif ». Alors que certains en concluent que « rien n’a changé. Aucune sanction n’est adoptée contre la France et l’Allemagne. Le Conseil n’a aucune obligation de donner suite aux recommandations de la Commission. Le gel de facto de la procédure reste là », il en est d’autres pour qui, au contraire « la justice européenne condamne Paris et Berlin ». Pour autant, aucune des deux capitales directement concernées ne change de cap. A Paris, « cela ne remet pas en cause l’orientation de la politique budgétaire de la France qui vise à répondre aux critères européens par les réformes, la maîtrise résolue des dépenses, et la politique de croissance », tandis qu’à Berlin, pour Hans Eichel, c’est une « sage décision » laissant « une marge de manœuvre » dans l’application du Pacte, d’autant « qu’il n’ y a pas lieu de verser des pénalités tant que nous respecterons nos engagements ». Saluant un « rappel à un strict respect du Pacte », la Bundesbank estime conforté le rôle que la Commission va devoir jouer, le grand argentier allemand déclarant fort opportunément que « l’arrêt de la Cour est un signal adressé au Conseil des ministres et à la Commission pour qu’ils coopèrent quand il s’agit d’appliquer le Pacte ». Contre l’Allemagne, dont le PIB est le tiers de celui de la zone euro, et le déficit de plus de 3 % depuis 2001, la Commission, conformément à l’article 104-9 du traité, demande au Conseil de déclencher, pour la première fois, « la procédure pour déficit excessif », ultime étape avant l’application de sanctions financières. Elle déclare parallèlement, le 19 novembre « l’alerte précoce », à l’encontre de la France pour son déficit 2002 de 58,6 milliards, soit 2,7 % corrigé à 3,1 % par la Commission, et sa prévision 2003 de 2,6 % qui deviendront 4,1 %. Dans les deux cas, la Commission reporte à 2005 la date-butoir du passage sous les 3 %, mais exige en contrepartie le lancement d’un plan de rigueur. Le chancelier allemand se refuse à voir mis en tutelle son pays en raison des efforts consentis pour redresser la situation. Il recueille le soutien de Paris. L’appui ultérieur de l’Italie, du Luxembourg, et du Portugal bloque un moment la Commission qui, soutenue par nombre de « petits » pays – Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Grèce, Pays-Bas – saisit le Conseil des ministres. Cependant, Berlin lance au printemps 2003, un vaste programme quadriennal comportant des réformes de l’Etat providence regroupées sous le nom d’Agenda 2010 pour redonner du souffle à une économie atone et réduire un déficit budgétaire passé de 2,9 % à 3,5 %. Paris, toujours sensibilisé par les grèves de décembre 1995, ne peut réduire son déficit de 2,6 à 1 %, – au lieu de l’équilibre demandé par Bruxelles, avançant les « pertes de recettes non compensées par des économies supplémentaires, qui remettraient en cause nos priorités politiques », et une conjoncture défavorable, qui a conduit la Commission à réduire de 2,5 % à 1,5 % le taux de croissance pris pour base de son budget. Tandis que le Danemark, la Finlande, le Luxembourg présentent des budgets excédentaires, et que le Portugal, l’Italie, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Espagne prennent des mesures pour diminuer leurs déficits budgétaires nettement moindres. Comment réformer le Pacte ? r é f o r m e r C’est aussi ce que pense M. Prodi : « la Commission, en coopération avec le Conseil, réfléchira aux moyens d’assurer une résolution satisfaisante des problèmes budgétaires de ces deux Etats membres dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ». Interrogé sur sa « rigueur » d’ancien ministre des Finances à Lisbonne, qui avait « hérité d’une situation très difficile, et dû respecter le pacte de stabilité imposé par le commissaire Pedro Solbes », le successeur de M. Prodi estime qu’il « fallait rendre le Pacte plus crédible et plus efficace, sans le réécrire », à un moment où la conjoncture atone, et l’entrée massive de dix nouveaux membres, favorisent l’augmentation du nombre et parfois de la durée des déficits budgétaires. En juin 2004, sur les vingt-cinq Etats de l’Union, dix-sept affichent pour 2003 un déficit, dont six Devant cette situation contrastée, le Conseil est saisi le 24 novembre 2003 de quatre recommandations, dont deux visent la France, et deux l’Allemagne. Les premières constatent des déficits publics excessifs, les secondes préconisent des mesures rigoureuses pour y remédier : réduction de 6 milliards d’euros, soit 1 % du PIB du déficit structurel français, et de 5,5 milliards, soit 0,8 % du PIB allemand. Faute de majorité, pour éviter l’enlisement, la présidence italienne rédige une recommandation, 293 85e année - nº 6 - juin 2005 europe représentant à eux seuls 80 % du PIB de la zone euro. Dix Etats atteignent ou dépassent les 3 % : la République tchèque – 13,6 %, Malte – 7,6, Chypre – 6,3, la Hongrie – 5,8, la France et la Pologne – 4,1, l’Allemagne – 3,9, la Slovaquie – 3,6, le Royaume-Uni – 3,1, et même le chantre de l’orthodoxie, les Pays-Bas – 3 %. Sept sont aussi dans le rouge, mais en-deçà des 3 % : l’Italie – 2,4 %, la Grèce – 1,9, la Lettonie – 1,8, la Slovénie, – 1,8, la Lituanie, – 1, 7, l’Autriche – 1,1, et même le Luxembourg, – 0,1. Les soldes négatifs les plus importants restent ceux de l’Allemagne et de la France, qui dépassent les 3 % depuis 2002. Sans doute, le 23 novembre 2003, M. Francis Mer, alors ministre des Finances, promet-il de les réduire à 3,6 % en 2004, puis à moins de 3 % en 2005, ambitieux objectifs que son successeur M. Sarkozy fait siens avant de quitter Bercy. L’Allemagne annonce elle aussi le retour aux 3 % en 2005 après 3,25 % en 2004. stabilité et de croissance », pour lequel il préconise une « application, non pas plus flexible, mais plus économique » des règles budgétaires communes, dont les objectifs – déficit et dette inférieurs à respectivement 3 % et 60 % du PIB – restent inchangés. Mais pour mieux les atteindre, des assouplissements sont à envisager, car, pour citer M. Almunia, « l’expérience des cinq dernières années a démontré que, dans certains cas au moins, les règles ont peut être été trop strictes et ont réduit notre marge de manœuvre ». D’une part, pour les déficits excessifs, deux mesures complémentaires sont proposées : – une fois franchi le seuil des 3 %, et avant que la situation de « déficit excessif » ne soit déclarée, les Etats pourront recourir à un concept de « circonstances exceptionnelles » élargi, telle qu’une croissance « molle », et non plus seulement une « récession d’au moins 2 % » ; Commencent alors à la Commission, où l’espagnol Joaquin Almunia a succédé au commissaire Pedro Solbes, nouveau ministre des Finances à Madrid, les préparatifs de l’Ecofin d’octobre 2004. Porte-parole des Etats « orthodoxes » qui ne se satisfont pas de simples déclarations d’intentions, le ministre autrichien Karl Heinz Grasser déclare que l’Allemagne et la France ont à « prendre des mesures concrètes pour ramener leur déficit sous l’équivalent de 3 % du PIB auxquelles doit être associée une date-butoir », et que, « si cette date-butoir est dépassée, la Commission devra prendre des sanctions ». Il apparaît cependant que « la voie est ouverte à une réforme du Pacte qui tienne mieux compte de l’évolution du cycle économique », sans avoir à « le réécrire ». En juillet 2004, à Rome, où le déficit budgétaire frôle les 3 %, le ministre des Finances Giulio Tremonti démissionne et le président du Conseil Silvio Berlusconi, accouru en personne devant l’Eurogroupe, s’engage à faire voter « dans les dix jours » un programme d’économies de 7,5 milliards d’euros, soit 0,6 % du PIB, et à adopter, ce qui sera le cas, un budget 2005 rigoureux. Pour le président néerlandais Gerrit Zalm, autre fidèle de l’orthodoxie budgétaire, « le fait que M. Berlusconi soit apparu est un signe qu’il s’implique dans la réalisation des objectifs budgétaires. Aussi, l’Italie ne fait à son tour l’objet d’aucune procédure – du moins jusqu’en avril 2005 –, malgré les doutes émis par la Commission sur la véracité de ses comptes. Cette suspicion ne la vise pas seule, mais aussi, un peu plus tard, la Grèce, dont les comptes de la période 1997-1999, (qui ont justifié son entrée, cependant non remise en cause, le 1er janvier 2002, dans la zone euro) sont mis en cause. Ce qui « pose surtout un problème de contrôle statistique » par Eurostat, mais nuit, plus gravement, à la crédibilité du Pacte. Toutefois, la menace brandie en septembre par la Commission de suspendre le versement d’aides en raison du dépassement du plafond des 3 % conduit Athènes à réduire de 5,3 %, en 2004, à 2,8 % le déficit prévisionnel de 2005. – alors que les Etats ayant un déficit excessif n’ont qu’un an pour repasser sous la barre des 3 %, le retour aux normes serait modulable d’un pays à l’autre, la Commission proposant de « prendre en compte les éléments spécifiques d’un pays dans la correction des déficits excessifs ». D’autre part, l’expérience acquise et le fait que l’Allemagne ne puisse plus se prévaloir de la supériorité de son modèle économique, conduisent la Commission à accorder dans son approche économique, autant, si ce n’est plus d’importance à l’endettement global qu’au déficit annuel. L’utilisation, à cette fin d’une procédure analogue à celle des déficits, aurait deux avantages. Eviter que les pays présentant des déficits excessifs n’invoquent des éléments conjoncturels pour justifier leur incapacité ou leur absence de volonté à rétablir la situation dans les délais prévus. Et surtout permettre, avec des modulations nécessaires, de mieux suivre l’évolution dans plusieurs Etats d’un endettement à long terme préoccupant, atteignant par exemple plus de 1 100 milliards d’euros en France. Soit, pour les générations futures un héritage dèja fort lourd à supporter, qu’aussi bien le vieillissement des populations dans nombre de pays européens, avec les problèmes de santé qui s’y rattachent, que la remontée inéluctable de taux d’intérêt exceptionnellement faibles aujourd’hui ont toutes chances d’obérer davantage. Aussi, étant précisé que « l’objectif à moyen terme pourrait être d’autant plus strict que le niveau d’endettement est élevé », sera-t-il demandé aux Etats de « dégager des excédents en période de conjoncture favorable ». Mais, si cette approche n’est rien d’autre qu’une recommandation, sans obligation ni sanctions effectivement appliquées, il est fort à craindre qu’elle ne reste qu’un simple vœu pieu. Car, en la matière – nombre d’exemples en témoignent –, les pressions d’opinions publiques pour la plupart insuffisamment informées de la réalité et de la gravité de la situation sont trop souvent assez fortes pour inciter, en période de « vaches grasses », leurs gouvernants à distribuer les fonds d’une « cagnotte » minuscule au regard de la dette existante ou les fruits d’une croissance, même encore potentielle, plutôt que de réduire prioritairement une dette qui grève dèja de manière excessive et pour plusieurs années les dépenses publiques. Cette nouvelle approche permettrait, enfin, à la Commission de mieux coordonner la préparation et l’exécution des budgets nationaux et surtout des grandes orientations de politique économique (les GOPE) établies en concertation avec les Etats. Ceux-ci seraient alors mieux à même de se soucier des problèmes à long, plutôt qu’à court terme, et d’y sensibiliser plus qu’aujourd’hui les opinions publiques. C’est là un grave problème pour l’avenir qui se pose déjà. L’endettement moyen de la zone euro atteignait déjà, à la mi-2004, 70,4 % du PIB et huit Etats sur douze étaient souvent bien au-delà du seuil des 60 % : Italie 106,2 %, Grèce 102,4 %, Belgique 100,6 %, Chypre 73 %, Malte 69,9 %, Autriche 66,6 %, Allemagne 64,2 %, et France, nouvelle venue dans ce peloton avec 63 %. Les orientations de la Commission orientations Réformer revient à répondre aux multiples questions qui se posent. Quel est, s’il n’est pas mort, l’objet du Pacte de stabilité ? Quel rôle doit y jouer la Commission ? Quelle discipline budgétaire imposer à la zone euro, et quelles règles y respecter ? De quel Gouvernement économique l’Union européenne a-t-elle besoin, après ses élargissements successifs ? La règle d’or des 3 % est-elle un fétiche, ou une nécessité ? Le Pacte est-il un frein, ou un atout à la croissance européenne ? Joue-t-il un rôle dans la disparité constatée entre les taux de croissance des Etats-Unis et de l’Union européenne qui s’éloigne dangereusement de ses objectifs de Lisbonne : 2,9 % contre 4,4 % en 1999, 3,5 contre 3,7 en 2000, 1,6 contre 0,5 en 2001, 1 contre 2,2 % en 2002, 0,7 contre 3,1 en 2003 et 1,9 % contre 4 % en 2004 ? La Cour de Luxembourg a dèja rappelé que tous les Etats sont tenus de respecter les règles communes, que le droit d’initiative revient à la Commission, qui se voit, en outre, donner par la Constitution celui de formuler à l’encontre d’un Etat en situation de déficit excessif des propositions que les ministres ne peuvent rejeter ou amender qu’à l’unanimité. De son côté, M. Barroso fait, dès le 3 septembre 2004, une déclaration sur « la gouvernance économique et le Pacte de Telles sont les propositions de la Commission, présentées par la nouvelle équipe que préside M. Barroso, dont l’un des proches constate que « tout le monde voit bien que le système ne fonctionne plus ». Elles marquent la fin d’une période au cours de laquelle le Pacte n’a pu empêcher ni dérapages, ni polémiques, ni même une crise dont la construction de l’Europe est coutumière. Elles font évidemment l’objet de réactions diverses. Favorables à Berlin, où le chancelier se félicite de « la relation équilibrée entre 294 85e année - nº 6 - juin 2005 europe les orientations de stabilité et de croissance » et à Paris, où le nouveau locataire de Bercy, Thierry Breton, évoque « une grande nouvelle pour l’Europe, dotée désormais d’un pacte politique, économique, et non plus technocratique ». Mitigées en Italie, en raison de sa dette publique élevée. Critiques ailleurs, où il est reproché que « Paris et Berlin imposent un relâchement de la discipline ». De même, le ministre autrichien des Finances Karl Heinz Grasser, fidèle à sa position de toujours, déclare qu’il « ne s’associera jamais à un affaiblissement du Pacte qui doit être appliqué de manière égale par tous les pays », la Bundesbank se dit « profondément inquiète », et l’ancien grand argentier allemand, Theo Waigel, l’un des pères du Pacte, fait un pas de plus et évoque un « péché contre nos enfants ». M. Juncker faisant de lui le meilleur président pour mener des débats s’annonçant difficiles, résume aussi bien sa position que les orientations dèja prises par la Commission. Comme « le Pacte est aussi bien de stabilité que de croissance », le seuil de déficit de 3 % est « un indicateur qui ne reflète pas la réalité politique financière dans toute sa complexité ». Aussi peut-il y avoir, « à court terme, des conflits d’objectifs entre la nécessité de consolider des budgets publics et des mesures prises par un Etat afin d’accroître le potentiel de croissance de son économie ». Du fait que, « en appliquant mécaniquement le Pacte de stabilité, de nouvelles mesures aux effets restrictifs ont été recommandées du côté européen, qui ont retardé la reprise économique, et, par conséquent, menacé une consolidation durable », il estime que « la Commission doit tenir compte, dans son examen, de tous les facteurs permanents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’Etat membre ». Pour Hans Eichel, son inamovible ministre des Finances – ce qui est loin d’être le cas pour ses homologues d’outre Rhin –, l’Ecofin ne doit pas ouvrir « un débat sur l’assouplissement », car « la nécessaire révision du Pacte de stabilité et de croissance ne relève pas d’un constat d’échec, mais d’un souhait consensuel d’amélioration ». De son côté, son nouvel et fugace collègue Hervé Gaymard déclare qu’il convient de « rendre compatibles les objectifs de la stratégie de Lisbonne et la discipline du Pacte de stabilité », dont on reste malheureusement fort éloigné, comme le rappelle le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, qui demande que Paris à Berlin reviennent, dès 2005, en-deçà du seuil des 3 %. Une situation fragile et préoccupante s i t u a t i o n Un an après la crise, la Commission, qui se veut plus pédagogique que répressive, annonce le 14 décembre 2004, en raison des efforts accomplis, la suspension des deux procédures de déficit excessif engagées contre l’Allemagne et la France, et le commissaire Joaquin Almunia déclare : « il semblerait qu’aucune action supplémentaire ne soit nécessaire à ce stade ». A Paris, Nicolas Sarkozy, a fait adopter, avant de quitter Bercy, une loi de finances rectificative réduisant à 49,3 milliards d’euros le déficit 2004, grâce au maintien dans leur enveloppe des 283,7 milliards de dépenses, et à un excédent de 7,5 milliards de recettes dû à une croissance de 2,5 % au lieu des 1,7 % retenus. L’avenir est cependant loin d’être dégagé, car pour 2005 l’Allemagne prévoit un déficit de 3 % et la France de 2,9 %, contre les 3,6 % ramenés à 2,9 % de 2004. Selon son programme 2006-2008, il devrait être de 2,2 % en 2006, 2,7 % en 2007, et seulement 0,9 % en 2008. Cela incite le nouveau ministre Hervé Gaymard, qui ne fera que passer, à déclarer : « il faut continuer dans cette voie d’économie de l’argent public ». Il apparaît pourtant, selon le commissaire espagnol, que « la situation est fragile, et il faudra voir si les résultats suivent », et que « une bonne partie des ajustements budgétaires, surtout dans le cas de la France, est due à des mesures qui ne sont pas seulement structurelles », mais purement conjoncturelles, et non renouvelables, comme celles visant la retraite d’agents publics, de la Poste en Allemagne, et d’EDF en France. L’Ecofin accepte, en janvier, selon son président luxembourgeois, de ne « pas changer une virgule du traité », estime que les procédures budgétaires « devraient être engagées comme à présent », et insiste pour que « la Commission européenne puisse jouer son rôle ». Dans une atmosphère considérée comme « extraordinairement constructive », les ministres des Finances, sans pour autant régler tous les problèmes, entérinent, en vue du Sommet européen de mars, les principales propositions de la Commission : suspension de la procédure de déficit excessif à l’encontre de Berlin et Paris, non-exclusion de certaines dépenses (militaires, d’infrastructure...), et réhabilitation du critère de l’endettement qui « mérite une surveillance accentuée ». L’Eurogroupe des 7 et 8 mars 2005 voit les grands argentiers de « petits » pays, respectueux des règles du Pacte, comme l’Autriche et les Pays-Bas, réticents à l’assouplissement souhaité par « les grands ». « La question du déclenchement de la procédure pour déficit excessif » est le principal sujet de discorde de la réforme d’un pacte qui, pour M. Juncker, « ne doit pas perdre son mordant », alors que près de la moitié des Etats de la zone euro sont en déficit, et que Paris et Berlin mettent en cause l’automaticité des sanctions financières qui en sont la conséquence logique. L’Italie prône la souplesse et la recherche d’une « voie médiane » en matière d’endettement. L’Allemagne demande que soient défalqués du calcul des « déficits excessifs » les coûts d’une réunification encore inachevée, d’une contribution substantielle au budget européen, ou de l’aide apportée à l’Asie après le tsunami, et la France évoque les dépenses d’investissement, de défense, et d’aide au développement. Le président Yuncker, en habile diplomate désireux de tout faire « pour nous rapprocher d’un accord », estime, à propos de ces exemptions, que « plus la liste sera longue, plus l’interprétation qui en sera faite sera restrictive ». Il n’exclut pas plus que le commissaire Almunia, d’allonger de un à trois ans le délai accordé aux Etats ayant franchi la barre des 3 % pour rétablir la situation. Malgré huit longues heures de débat au sein des Douze de l’Eurogroupe, aucun accord n’est cependant trouvé pour établir une liste, certes acceptée par la Belgique et l’Italie, mais jugée trop longue par l’Autriche, et trop courte par Berlin et Paris. L’affaire devra donc être reprise à l’Eurogroupe de mars. Très sensible depuis des années au vieillissement des populations, la Commission vise avant tout à réduire les déficits structurels, ce qui nécessite des réformes de fond, insuffisantes pour elle, en raison de la difficulté à les réaliser. Elles n’ont, en 2004, été que de 1 % en Allemagne et de 0,70 % en France, laissant des déficits excessifs. En France par exemple, après leur décrue de 1995 à 2000 (49,2 milliards d’euros en 1995, 45 en 1996, 40,8 en 1997, 37,7 en 1998, 31,4 en 1999 et 29,2, leur minimum, en 2000) ils ont augmenté jusqu’en 2003 (32 milliards en 2001, 49,3, le niveau de 1995, en 2002), pour atteindre leur pic de 56,9 milliards en 2003, temporairement réduit à 43,9 l’année suivante. L’Espagne est, à l’inverse, l’un des Etats de la zone euro, comme le Canada à l’extérieur, à apporter la preuve qu’il est possible, en dépit d’incontestables difficultés, de mener, comme le fit M. Aznar, une politique « orthodoxe », poursuivie par M. Zapatero, lui permettant d’annoncer un déficit proche de zéro, voire un léger bénéfice pour 2005. La longue préparation du Sommet de Bruxelles de mars 2005 M. Juncker adresse alors un « document remanié », au sommet des vingt-cinq chefs d’Etat et de Gouvernement, « réunion de la dernière chance » pour certains, non sans avoir, quelques semaines auparavant, fort justement rappelé, ce qui est trop souvent oublié, que les Etats utilisant de l’euro devaient en assurer une gestion conjointe et efficace. « Il nous faut apprendre à gérer de manière collective et solidaire la monnaie unique. L’euro est la monnaie de tous, et les fautes commises par les uns peuvent avoir préparation Le chancelier Schröder donne, dans Le Monde du 19 janvier, avant l’Ecofin, une interview qui, après avoir relaté l’expérience européenne inégalée du Premier ministre luxembourgeois 295 85e année - nº 6 - juin 2005 europe un impact négatif sur les autres ». En Allemagne, le chancelier, qui poursuit un ambitieux programme de réformes, exhorte une nouvelle fois l’opposition et les syndicats à une union sacrée pour tenter de réduire un chômage frappant cinq millions de personnes. A Paris, M. Raffarin, qui s’engage à le réduire de 10 % dans l’année, est en butte, simultanément, à des grèves affectant différents secteurs, à la reprise, après les brillants résultats de quelques grandes entreprises, d’un sempiternel débat sur la distribution des fruits d’une croissance nullement assurée, et, surtout, à l’inquiétante montée du nombre de ceux – confortés par l’irruption intempestive de la candidature turque et de la directive Bolkestein sur les services – qui s’opposent au traité de Constitution européenne. Et ce, au moment où le nouveau ministre Thierry Breton, déclare en prenant ses fonctions à Bercy, qu’il se montrera « intraitable » sur la dépense publique, mais aussi, à l’Ecofin de Bruxelles où il siège pour la première fois, que « le Pacte de stabilité ne doit pas être excessivement rigide quand la croissance est faible ». – pour le plus long terme, le seuil d’endettement de 60 % du PIB, dont le suivi lui incombe aussi, retrouve la place importante que lui avait donnée Maastricht, et devient un indicateur plus précis et important que celui des déficits budgétaires. . Pour les Etats, en matière d’endettement, l’Italie bénéficiera d’une certaine bienveillance, et s’agissant des déficits excessifs, la Commission prendra en compte, pour l’Allemagne des dépenses relatives à la réunification de ses cinq Länder de l’Est, et pour la France les dépenses de recherche et des politiques européennes de « solidarité internationale ». Quels jugements porter sur cet « assouplissement » à la gestation aussi laborieuse que controversée ? Ainsi « relooké », et devenu moins contraignant, le Pacte est-il moins « stupide » au sens où l’entendait M. Prodi ? Tout dépend de l’interprétation « politique » que lui donneront, après son récent, mais non ultime élargissement, l’Europe à vingt-cinq, en attendant que ce soit à vingt-sept, dans un environnement nouveau, avec cinq groupes d’Etats qu’une étude récente a ainsi répartis : – quatre « réformistes » Allemagne, France, Italie, Portugal, qui, souvent en situation de déficit excessif et aussi de surendettement, défendent l’assouplissement, Le Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des 22 et 23 mars 2005 – trois « orthodoxes » Autriche, Finlande, Pays-Bas, qui s’opposent, comme la Banque centrale européenne et la Bundesbank, à tout laxisme dans l’application du texte actuel, s o m m e t – trois « temporisateurs » Belgique, Espagne et Luxembourg, qui acceptent l’assouplissement mais estiment que le Pacte doit continuer d’être strictement appliqué, Dans la nuit du dimanche au lundi 21 mars 2005, après des mois de discussions, les ministres des Finances mettent la dernière main aux propositions de réforme du Pacte avant de les transmettre au Conseil des chefs d’Etat et de Gouvernement qui s’ouvre le lendemain. En raison de la situation créée en France par le référendum, il ne pourra se pencher autant que prévu sur les causes des retards enregistrés dans la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne visant à faire de l’économie européenne la première au monde. Ce qui conduit le président Barroso à déclarer que « s’il y a une confusion totale dans l’opinion publique française entre la Constitution, la Turquie et la directive services, ce n’est pas la faute de la Commission. C’est aux hommes politiques en France d’expliquer les enjeux de ce vote, de lever les malentendus. La Commission peut contribuer à cette explication, mais pas faire le travail à leur place. Nous n’allons pas renoncer à notre programme économique parce qu’il y a un référendum en France. Nous sommes vingt-cinq, je ne peux pas prendre une décision en fonction d’un seul pays. Il faut faire des compromis ». A propos de la directive, qualifiée « d’inacceptable » par le président Chirac qui demande sa « complète remise à plat », M. Barroso précise qu’elle « est jugée très bonne, en l’état, par certains, mauvaise par d’autres. Il faudra trouver un équilibre. A cause de la France, la Commission a dèja annoncé qu’elle était prête à bouger, à s’adapter. Nous ne pouvons pas faire plus ». – trois, voire cinq « trouble-fête », Danemark, Royaume-Uni, Suède, et plus épisodiquement, Grèce et Irlande, à la position parfois fluctuante au fil des négociations, – dix nouveaux adhérents, appelés, pour entrer dans la zone euro, à poursuivre des réformes nécessaires mais socialement et politiquement coûteuses, qui devraient afficher progressivement et au gré des circonstances leurs points de vue sur le Pacte. Il est difficile de prévoir, dans ces conditions, ce que seront, au cas par cas, les majorités, donc les décisions, d’ordre essentiellement politique désormais, que les Conseils seront amenés à prendre sur les déficits et les endettements excessifs dont la Commission continuera de les saisir. Une chose est en tout cas certaine : les discussions qui s’y déroulent n’ont rien de byzantin, car le Pacte est aujourd’hui, avec une spécificité propre qui rend sa gestion complexe, un organe essentiel, souvent insoupçonné, de la politique économique et financière de l’Union européenne. Celle-ci est confrontée à deux défis majeurs, qui ne sauraient être dissociés. Il lui faut, en effet, acquérir l’influence politique qui lui manque encore sur la scène internationale, et réaliser l’ambitieux objectif économique qu’elle s’est fixé en adoptant la stratégie de Lisbonne. Malgré de sérieux handicaps conjoncturels – une croissance insuffisante générant un chômage important – et surtout structurels – le vieillissement d’une population manquant du dynamisme nécessaire pour accepter, surtout dans certains Etats, les profondes réformes qui s’imposent. A l’inverse, elle dispose d’un indéniable atout avec l’euro, sa monnaie unique devenue la seconde au monde, dont la tenue et l’influence sur les marchés exigent, comme le rappelait récemment M. Yuncker, une bonne gouvernance de la part de ceux qui en ont la charge. Ces derniers – Banque centrale européenne, ministres des Finances de l’Eurogroupe et de l’Union, chefs d’Etat et de Gouvernement – constituent un cénacle multinational bien différent de celui des EtatsUnis ou du Japon, où ces mêmes problèmes sont du seul ressort d’un ministère des Finances et d’une Banque centrale uniques ; ce qui rend beaucoup plus délicate une gestion devant tenir compte à la fois de la spécificité nationale de chacun des vingtcinq Etats, et de leur appartenance commune à la même Union, lors de la prise de décisions susceptibles, avec la mondialisation, d’affecter simultanément les économies aussi bien européennes que mondiale. D’aucuns reprochent à ce Sommet d’avoir été « otage du référendum français », et d’avoir réformé le Pacte sous la pression d’un « couple franco-allemand » retrouvé, car affecté par une crise économique et un chômage élevé, caractéristiques de cette « vieille Europe » que le président Bush distinguait, au plus fort de la crise irakienne, de la « nouvelle Europe », beaucoup plus dynamique et néo-libérale. Dans ce contexte, le projet de réforme du Pacte de stabilité proposé par la Commission, puis par les grands argentiers européens, est examiné par le Sommet de Bruxelles, qui y ajoute quelques retouches et concessions habilement négociées par la présidence luxembourgeoise, avant qu’il soit formellement adopté à l’automne 2005. . Pour la Commission, qui en reste la gardienne vigilante, le traité n’est pas modifié : – sur le plan conjoncturel, il n’est pas touché à la règle d’or selon laquelle tout déficit excessif de 3 % du PIB, dûment constaté, doit rester « temporaire et proche de la valeur de référence » ; 쏋 296 85e année - nº 6 - juin 2005