Philippe MARCHAT - Gestion et Finances Publiques

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Philippe MARCHAT - Gestion et Finances Publiques
L’assouplissement
du
Pacte de stabilité (*)
Philippe MARCHAT
Inspecteur général des finances
et ancien chef de la Mission
interministérielle euro
Qu’est le Pacte de stabilité
et de croissance (PSC) ?
p
a
c
t
fondé à en interpréter les termes. Il en est résulté des conflits,
puis une crise lorsque la Commission a jugé nécessaire d’en saisir
la Cour de justice. Tant les dispositions de l’arrêt rendu par celle-ci
que la dégradation de la conjoncture économique et les élargissements successifs de l’Union ont eu pour effet d’accroître le
nombre des Etats présentant des budgets déficitaires, dépassant
parfois le seuil des 3 % de leur PIB. Aussi, la demande de réforme
du Pacte, préconisée par les deux pères de ce dernier, l’Allemagne
et la France, en raison de leurs propres résultats budgétaires,
prit-elle suffisamment de consistance pour aboutir mais, après de
laborieuses négociations avec les Etats que « l’orthodoxie financière » avait conduits à entreprendre des réformes de structures
courageuses et nécessaires, malgré leurs retombées politiques et
sociales parfois douloureuses. Le résultat en est un assouplissement des conditions d’application du critère limitant à 3 % du PIB
le déficit budgétaire admissible, et la place prioritaire accordée,
dans l’examen de la situation des Etats, à un second critére de
Maastricht. Introduit postérieurement, et à fort juste titre en
raison de leur endettement préoccupant et souvent croissant, il
en limite le seuil à 60 % du PIB.
e
L’histoire, déjà bien remplie, du Pacte de stabilité a franchi une
nouvelle étape avec la récente décision, qui reste à formaliser,
d’en assouplir les règles de fonctionnement. D’une importance
considérable pour la bonne gouvernance de l’euro, il répond, face
à la Banque centrale européenne (BCE) dont la vocation exclusivement monétaire est d’assurer la stabilité des prix, à un souci
budgétaire et financier qui a pris progressivement une dimension
économique et sociale. Il a pour origine une volonté de l’Allemagne, surtout de sa banque centrale, la Bundesbank, et de son
ministre des Finances de l’époque Théo Waigel, de s’assurer
qu’au-delà de leur admission, les Etats ayant adopté l’euro continueraient d’avoir une gestion budgétaire saine. D’où, à cette fin,
le maintien en vigueur de celui des quatre critères de Maastricht
qui rejetait tout déficit excessif, bien que le risque en fût alors
jugé moindre que celui de l’inflation, ce qui n’est plus aujourd’hui
le cas. Non sans hésitation, la France s’associait au projet, et obtenait un peu plus tard que cette rigueur financière soit intégrée
dans un contexte économique et surtout social, d’un Pacte qualifié de ce fait de stabilité et de croissance (PSC).
Des difficultés d’application
devenant rapidement conflictuelles
difficultés
Après que le règlement nº 1467/97 du 7 juillet 1997 ait complété les articles 99 à 104 du traité de Maastricht du 7 février 1992
instituant l’Union économique et monétaire et l’euro, le Pacte,
formalisé dans le traité d’Amsterdam du 17 juin 1997, se veut à la
fois préventif et dissuasif et s’applique aujourd’hui à tous les Etats
membres de l’Union européenne. Car, pour « maintenir des
finances saines, il leur faut parvenir à une position budgétaire
saine » et être en mesure de « faire face aux fluctuations conjoncturelles normales, en maintenant le déficit public dans la limite de
référence de 3 % du PIB ». Chargée d’en « faciliter le fonctionnement rigoureux, rapide et efficace », la Commission européenne dispose du droit d’initiative pour présenter « sans retard »
au Conseil des ministres des Finances – l’Eurogroupe pour les
douze de la zone euro, et l’Ecofin pour les vingt-cinq Etats de
l’Union européenne (UE) d’aujourd’hui – « les rapports, avis et
recommandations nécessaires », après avoir examiné les documents annuels reçus de chacun des Etats membres. « En cas de
déficit excessif, ou lorsque le déficit public prévu ou effectif
dépasse la valeur de référence de 3 % du PIB », il est prévu deux
phases : d’abord une « alerte rapide » contre l’Etat pris en faute,
puis, si la situation perdure, la Commission demande au Conseil
des ministres que « les déficits excessifs soient corrigés le plus
rapidement possible après leur apparition ». A défaut d’une rentrée dans l’ordre dans le délai maximal d’un an, des sanctions
doivent suivre, « dépôts non productifs d’intérêt » d’abord, puis
« amendes », qui n’ont jamais été prononcées à ce jour, même
quand elles s’imposaient.
Deux difficultés, finalement sans conséquences, se présentent,
lorsque la Commission demande au Conseil, qui ne le fait pas, de
rappeler à l’ordre deux « petits » Etats. Une première fois, le
12 février 2001, à l’encontre de l’Irlande, qui « rentrera dans les
clous », puis, l’année suivante, du Portugal, dont le déficit prévisionnel est brutalement passé de 1,1 % à 2,2 %, mais qui régularise
aussi, après quelques délais, sa situation. L’examen, en janvier
2002, par la Commission que préside Romano Prodi, des douze
programmes de stabilité de la zone euro, et des trois programmes
de convergence des trois autres membres de l’Union, pour la
période 2001 à 2004 révèle, à côté des six Etats présentant un
excédent budgétaire, quatre autres en déficit. Parmi eux, paradoxalement, les deux initiateurs du Pacte, l’Allemagne, avec 2,7 %
de son PIB, au lieu de 1,6 prévu, et la France, avec seulement
1,4 %. Bien que saisi par la Commission, le Conseil n’adresse pourtant aucun « avertissement préventif » et rend un jugement de
Salomon pour une Allemagne « prête à tout faire pour éviter la
sanction de l’Europe ».
La Commission, le 24 septembre 2002, propose de reporter de
2004 à 2006 la date de présentation de budgets « proches de
l’équilibre », afin de maintenir la limite des 3 % nominaux, et surtout d’éviter que les 3 % ne deviennent « une cible mouvante »,
tout en recommandant aux quatre Etats les plus déficitaires
« d’entamer, pas plus tard qu’en 2003, une réduction d’au moins
0,50 % » de leur déficit structurel. La France repousse d’un an
cette date, en raison « d’autres priorités », des dépenses militaires
Car, si la Commission est toujours restée la gardienne fidèle
d’un traité dont elle a strictement appliqué les termes juridiques,
le Conseil, lui, s’est vite comporté en organe politique, s’estimant
(*) Cet article est déjà paru dans la Revue du Marché commun à Bruxelles.
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affirmant la primauté d’une interprétation « politique » sur la traditionnelle et fort stricte application « juridique » du Pacte, qui
recueille une majorité, de huit Etats contre quatre (Autriche, Finlande, Espagne et Portugal). Pour éviter que Berlin et Paris ne
soient sanctionnés, « le Conseil décide de tenir en suspens pour
le moment la procédure concernant les déficits excessifs », suspension qui revient à « geler les sanctions » résultant de l’application des textes. Profondément blessée, la Commission saisit, en
raison de l’importance du sujet, la Cour européenne de justice. Le
Pacte connaît alors, en attendant que l’arrêt soit rendu en juillet
2004, pendant huit longs mois, une période qualifiée « d’hibernation » ou de « soins intensifs », précédant sa « sortie du coma ».
notamment, qui justifieraient une exonération. Le commissaire
aux Affaires économiques et monétaires, Pedro Solbes, la refuse,
estime qu’elle « doit réduire son déficit structurel dès 2003 », et
se déclare « absolument contre toute évasion hors du Pacte de
dépenses », aussi bien d’investissement que militaires. Quant à
l’équilibre budgétaire, l’Espagne espère l’obtenir en 2006, la
France sans doute en 2007, après un déficit pour 2003 de – 2,6 %,
égal à celui de 2002, mais sur la base d’une croissance de 2,5 %,
que Bruxelles juge excessive.
Dans le courant de l’automne 2002, la conjoncture s’étant améliorée, tous les Etats, hormis la France, acceptent la suggestion
de la Commission de réduire dès 2003 d’un demi-point de PIB leur
déficit structurel, et d’avancer à 2004, au lieu de 2006 précédemment envisagée, la date du retour à l’équilibre budgétaire. L’Ecofin
de Luxembourg, insiste sur le traitement différencié des déficits
conjoncturels et structurels, auxquels s’applique une méthode de
calcul spécifique, cet « outil d’encadrement devant faire taire
beaucoup de critiques sur le Pacte », et rendre impossible « pour
la France de continuer à ignorer la pression européenne ». Bien
qu’à la veille de quitter la Commission, son président Romano
Prodi relance de façon surprenante le débat sur « l’assouplissement » en déclarant au Monde le 18 octobre 2002 qu’il « sait
très bien que le Pacte de stabilité est stupide, comme toutes les
décisions qui sont rigides ». Ces propos ravivent la controverse
opposant les réformistes aux Etats vertueux et au président de la
BCE Wim Duysemberg, pour qui « la rigidité du corset communautaire » dénoncée à tort par M. Prodi, « apporte suffisamment
de flexibilité ». Face à ces derniers, les ministres allemand
Hans Eichel et français Francis Mer, en proie aux mêmes difficultés
économiques et budgétaires, souhaitent un assouplissement
allant au-delà des « circonstances exceptionnelles » prévues par le
Pacte, tout en déclarant l’un et l’autre, « respecter » le seuil de
3 %, qu’il convient « d’affiner » et « d’accompagner ».
L’intervention
de la Cour européenne de justice
intervention
Pour d’aucuns, ce conflit entre les deux institutions communautaires se traduit par « un match nul », qui mérite cependant
d’être analysé plus avant. Le Premier ministre luxembourgeois,
Jean-Claude Juncker, nommé, avant ratification de la Constitution
qui en a ainsi décidé, premier président pour deux ans de l’Eurogroupe, estime que « la Cour européenne de justice a confirmé
que les ministres des Finances avaient le droit de refuser
d’approuver les recommandations de la Commission ». Mais, rappelant que « pacta sunt servanda », elle a aussi reconnu l’application judicieuse du traité par cette dernière, dont l’autorité, un
instant vacillante, se trouve ainsi réaffirmée, du fait que « le règlement prévoit de façon exhaustive les hypothèses où il y a lieu de
suspendre la procédure », et que le Conseil « ne peut pas les
modifier sans une nouvelle impulsion de la Commission, qui dispose d’un droit d’initiative dans le cadre de la procédure pour
déficit excessif ». Alors que certains en concluent que « rien n’a
changé. Aucune sanction n’est adoptée contre la France et l’Allemagne. Le Conseil n’a aucune obligation de donner suite aux
recommandations de la Commission. Le gel de facto de la procédure reste là », il en est d’autres pour qui, au contraire « la justice
européenne condamne Paris et Berlin ». Pour autant, aucune des
deux capitales directement concernées ne change de cap. A Paris,
« cela ne remet pas en cause l’orientation de la politique budgétaire de la France qui vise à répondre aux critères européens par
les réformes, la maîtrise résolue des dépenses, et la politique de
croissance », tandis qu’à Berlin, pour Hans Eichel, c’est une « sage
décision » laissant « une marge de manœuvre » dans l’application
du Pacte, d’autant « qu’il n’ y a pas lieu de verser des pénalités
tant que nous respecterons nos engagements ». Saluant un
« rappel à un strict respect du Pacte », la Bundesbank estime
conforté le rôle que la Commission va devoir jouer, le grand argentier allemand déclarant fort opportunément que « l’arrêt de la
Cour est un signal adressé au Conseil des ministres et à la Commission pour qu’ils coopèrent quand il s’agit d’appliquer le Pacte ».
Contre l’Allemagne, dont le PIB est le tiers de celui de la zone
euro, et le déficit de plus de 3 % depuis 2001, la Commission,
conformément à l’article 104-9 du traité, demande au Conseil de
déclencher, pour la première fois, « la procédure pour déficit
excessif », ultime étape avant l’application de sanctions financières. Elle déclare parallèlement, le 19 novembre « l’alerte précoce », à l’encontre de la France pour son déficit 2002 de 58,6 milliards, soit 2,7 % corrigé à 3,1 % par la Commission, et sa prévision
2003 de 2,6 % qui deviendront 4,1 %. Dans les deux cas, la Commission reporte à 2005 la date-butoir du passage sous les 3 %,
mais exige en contrepartie le lancement d’un plan de rigueur. Le
chancelier allemand se refuse à voir mis en tutelle son pays en
raison des efforts consentis pour redresser la situation. Il recueille
le soutien de Paris. L’appui ultérieur de l’Italie, du Luxembourg, et
du Portugal bloque un moment la Commission qui, soutenue par
nombre de « petits » pays – Autriche, Belgique, Espagne, Finlande,
Grèce, Pays-Bas – saisit le Conseil des ministres. Cependant, Berlin
lance au printemps 2003, un vaste programme quadriennal comportant des réformes de l’Etat providence regroupées sous le
nom d’Agenda 2010 pour redonner du souffle à une économie
atone et réduire un déficit budgétaire passé de 2,9 % à 3,5 %.
Paris, toujours sensibilisé par les grèves de décembre 1995, ne
peut réduire son déficit de 2,6 à 1 %, – au lieu de l’équilibre
demandé par Bruxelles, avançant les « pertes de recettes non
compensées par des économies supplémentaires, qui remettraient en cause nos priorités politiques », et une conjoncture
défavorable, qui a conduit la Commission à réduire de 2,5 % à
1,5 % le taux de croissance pris pour base de son budget. Tandis
que le Danemark, la Finlande, le Luxembourg présentent des budgets excédentaires, et que le Portugal, l’Italie, le Royaume-Uni, les
Pays-Bas et l’Espagne prennent des mesures pour diminuer leurs
déficits budgétaires nettement moindres.
Comment réformer le Pacte ?
r é f o r m e r
C’est aussi ce que pense M. Prodi : « la Commission, en coopération avec le Conseil, réfléchira aux moyens d’assurer une résolution satisfaisante des problèmes budgétaires de ces deux Etats
membres dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ».
Interrogé sur sa « rigueur » d’ancien ministre des Finances à Lisbonne, qui avait « hérité d’une situation très difficile, et dû respecter le pacte de stabilité imposé par le commissaire Pedro
Solbes », le successeur de M. Prodi estime qu’il « fallait rendre le
Pacte plus crédible et plus efficace, sans le réécrire », à un moment
où la conjoncture atone, et l’entrée massive de dix nouveaux
membres, favorisent l’augmentation du nombre et parfois de la
durée des déficits budgétaires. En juin 2004, sur les vingt-cinq
Etats de l’Union, dix-sept affichent pour 2003 un déficit, dont six
Devant cette situation contrastée, le Conseil est saisi le
24 novembre 2003 de quatre recommandations, dont deux visent
la France, et deux l’Allemagne. Les premières constatent des déficits publics excessifs, les secondes préconisent des mesures
rigoureuses pour y remédier : réduction de 6 milliards d’euros,
soit 1 % du PIB du déficit structurel français, et de 5,5 milliards,
soit 0,8 % du PIB allemand. Faute de majorité, pour éviter l’enlisement, la présidence italienne rédige une recommandation,
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représentant à eux seuls 80 % du PIB de la zone euro. Dix Etats
atteignent ou dépassent les 3 % : la République tchèque – 13,6 %,
Malte – 7,6, Chypre – 6,3, la Hongrie – 5,8, la France et la Pologne
– 4,1, l’Allemagne – 3,9, la Slovaquie – 3,6, le Royaume-Uni – 3,1,
et même le chantre de l’orthodoxie, les Pays-Bas – 3 %. Sept sont
aussi dans le rouge, mais en-deçà des 3 % : l’Italie – 2,4 %, la Grèce
– 1,9, la Lettonie – 1,8, la Slovénie, – 1,8, la Lituanie, – 1, 7, l’Autriche
– 1,1, et même le Luxembourg, – 0,1. Les soldes négatifs les plus
importants restent ceux de l’Allemagne et de la France, qui dépassent les 3 % depuis 2002. Sans doute, le 23 novembre 2003,
M. Francis Mer, alors ministre des Finances, promet-il de les
réduire à 3,6 % en 2004, puis à moins de 3 % en 2005, ambitieux
objectifs que son successeur M. Sarkozy fait siens avant de quitter
Bercy. L’Allemagne annonce elle aussi le retour aux 3 % en 2005
après 3,25 % en 2004.
stabilité et de croissance », pour lequel il préconise une « application, non pas plus flexible, mais plus économique » des règles
budgétaires communes, dont les objectifs – déficit et dette inférieurs à respectivement 3 % et 60 % du PIB – restent inchangés.
Mais pour mieux les atteindre, des assouplissements sont à envisager, car, pour citer M. Almunia, « l’expérience des cinq dernières
années a démontré que, dans certains cas au moins, les règles
ont peut être été trop strictes et ont réduit notre marge de
manœuvre ».
D’une part, pour les déficits excessifs, deux mesures complémentaires sont proposées :
– une fois franchi le seuil des 3 %, et avant que la situation de
« déficit excessif » ne soit déclarée, les Etats pourront recourir à
un concept de « circonstances exceptionnelles » élargi, telle
qu’une croissance « molle », et non plus seulement une « récession
d’au moins 2 % » ;
Commencent alors à la Commission, où l’espagnol Joaquin
Almunia a succédé au commissaire Pedro Solbes, nouveau
ministre des Finances à Madrid, les préparatifs de l’Ecofin
d’octobre 2004. Porte-parole des Etats « orthodoxes » qui ne se
satisfont pas de simples déclarations d’intentions, le ministre
autrichien Karl Heinz Grasser déclare que l’Allemagne et la France
ont à « prendre des mesures concrètes pour ramener leur déficit
sous l’équivalent de 3 % du PIB auxquelles doit être associée une
date-butoir », et que, « si cette date-butoir est dépassée, la Commission devra prendre des sanctions ». Il apparaît cependant que
« la voie est ouverte à une réforme du Pacte qui tienne mieux
compte de l’évolution du cycle économique », sans avoir à « le
réécrire ». En juillet 2004, à Rome, où le déficit budgétaire frôle
les 3 %, le ministre des Finances Giulio Tremonti démissionne et
le président du Conseil Silvio Berlusconi, accouru en personne
devant l’Eurogroupe, s’engage à faire voter « dans les dix jours »
un programme d’économies de 7,5 milliards d’euros, soit 0,6 %
du PIB, et à adopter, ce qui sera le cas, un budget 2005 rigoureux.
Pour le président néerlandais Gerrit Zalm, autre fidèle de l’orthodoxie budgétaire, « le fait que M. Berlusconi soit apparu est un
signe qu’il s’implique dans la réalisation des objectifs budgétaires.
Aussi, l’Italie ne fait à son tour l’objet d’aucune procédure – du
moins jusqu’en avril 2005 –, malgré les doutes émis par la Commission sur la véracité de ses comptes. Cette suspicion ne la vise
pas seule, mais aussi, un peu plus tard, la Grèce, dont les comptes
de la période 1997-1999, (qui ont justifié son entrée, cependant
non remise en cause, le 1er janvier 2002, dans la zone euro) sont
mis en cause. Ce qui « pose surtout un problème de contrôle
statistique » par Eurostat, mais nuit, plus gravement, à la crédibilité
du Pacte. Toutefois, la menace brandie en septembre par la Commission de suspendre le versement d’aides en raison du dépassement du plafond des 3 % conduit Athènes à réduire de 5,3 %,
en 2004, à 2,8 % le déficit prévisionnel de 2005.
– alors que les Etats ayant un déficit excessif n’ont qu’un an
pour repasser sous la barre des 3 %, le retour aux normes serait
modulable d’un pays à l’autre, la Commission proposant de
« prendre en compte les éléments spécifiques d’un pays dans la
correction des déficits excessifs ».
D’autre part, l’expérience acquise et le fait que l’Allemagne ne
puisse plus se prévaloir de la supériorité de son modèle économique, conduisent la Commission à accorder dans son approche
économique, autant, si ce n’est plus d’importance à l’endettement global qu’au déficit annuel. L’utilisation, à cette fin d’une
procédure analogue à celle des déficits, aurait deux avantages.
Eviter que les pays présentant des déficits excessifs n’invoquent
des éléments conjoncturels pour justifier leur incapacité ou leur
absence de volonté à rétablir la situation dans les délais prévus.
Et surtout permettre, avec des modulations nécessaires, de mieux
suivre l’évolution dans plusieurs Etats d’un endettement à long
terme préoccupant, atteignant par exemple plus de 1 100 milliards d’euros en France. Soit, pour les générations futures un
héritage dèja fort lourd à supporter, qu’aussi bien le vieillissement
des populations dans nombre de pays européens, avec les problèmes de santé qui s’y rattachent, que la remontée inéluctable
de taux d’intérêt exceptionnellement faibles aujourd’hui ont
toutes chances d’obérer davantage. Aussi, étant précisé que
« l’objectif à moyen terme pourrait être d’autant plus strict que
le niveau d’endettement est élevé », sera-t-il demandé aux Etats
de « dégager des excédents en période de conjoncture favorable ». Mais, si cette approche n’est rien d’autre qu’une recommandation, sans obligation ni sanctions effectivement appliquées,
il est fort à craindre qu’elle ne reste qu’un simple vœu pieu. Car,
en la matière – nombre d’exemples en témoignent –, les pressions
d’opinions publiques pour la plupart insuffisamment informées
de la réalité et de la gravité de la situation sont trop souvent assez
fortes pour inciter, en période de « vaches grasses », leurs gouvernants à distribuer les fonds d’une « cagnotte » minuscule au
regard de la dette existante ou les fruits d’une croissance, même
encore potentielle, plutôt que de réduire prioritairement une
dette qui grève dèja de manière excessive et pour plusieurs
années les dépenses publiques. Cette nouvelle approche permettrait, enfin, à la Commission de mieux coordonner la préparation
et l’exécution des budgets nationaux et surtout des grandes
orientations de politique économique (les GOPE) établies en
concertation avec les Etats. Ceux-ci seraient alors mieux à même
de se soucier des problèmes à long, plutôt qu’à court terme, et
d’y sensibiliser plus qu’aujourd’hui les opinions publiques. C’est là
un grave problème pour l’avenir qui se pose déjà. L’endettement
moyen de la zone euro atteignait déjà, à la mi-2004, 70,4 % du
PIB et huit Etats sur douze étaient souvent bien au-delà du seuil
des 60 % : Italie 106,2 %, Grèce 102,4 %, Belgique 100,6 %, Chypre
73 %, Malte 69,9 %, Autriche 66,6 %, Allemagne 64,2 %, et France,
nouvelle venue dans ce peloton avec 63 %.
Les orientations de la Commission
orientations
Réformer revient à répondre aux multiples questions qui se
posent. Quel est, s’il n’est pas mort, l’objet du Pacte de stabilité ?
Quel rôle doit y jouer la Commission ? Quelle discipline budgétaire
imposer à la zone euro, et quelles règles y respecter ? De quel
Gouvernement économique l’Union européenne a-t-elle besoin,
après ses élargissements successifs ? La règle d’or des 3 % est-elle
un fétiche, ou une nécessité ? Le Pacte est-il un frein, ou un atout
à la croissance européenne ? Joue-t-il un rôle dans la disparité
constatée entre les taux de croissance des Etats-Unis et de l’Union
européenne qui s’éloigne dangereusement de ses objectifs de
Lisbonne : 2,9 % contre 4,4 % en 1999, 3,5 contre 3,7 en 2000,
1,6 contre 0,5 en 2001, 1 contre 2,2 % en 2002, 0,7 contre 3,1 en
2003 et 1,9 % contre 4 % en 2004 ? La Cour de Luxembourg a
dèja rappelé que tous les Etats sont tenus de respecter les règles
communes, que le droit d’initiative revient à la Commission, qui
se voit, en outre, donner par la Constitution celui de formuler à
l’encontre d’un Etat en situation de déficit excessif des propositions que les ministres ne peuvent rejeter ou amender qu’à l’unanimité. De son côté, M. Barroso fait, dès le 3 septembre 2004, une
déclaration sur « la gouvernance économique et le Pacte de
Telles sont les propositions de la Commission, présentées par
la nouvelle équipe que préside M. Barroso, dont l’un des proches
constate que « tout le monde voit bien que le système ne fonctionne plus ». Elles marquent la fin d’une période au cours de
laquelle le Pacte n’a pu empêcher ni dérapages, ni polémiques, ni
même une crise dont la construction de l’Europe est coutumière.
Elles font évidemment l’objet de réactions diverses. Favorables à
Berlin, où le chancelier se félicite de « la relation équilibrée entre
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europe
les orientations de stabilité et de croissance » et à Paris, où le
nouveau locataire de Bercy, Thierry Breton, évoque « une grande
nouvelle pour l’Europe, dotée désormais d’un pacte politique,
économique, et non plus technocratique ». Mitigées en Italie, en
raison de sa dette publique élevée. Critiques ailleurs, où il est
reproché que « Paris et Berlin imposent un relâchement de la
discipline ». De même, le ministre autrichien des Finances Karl
Heinz Grasser, fidèle à sa position de toujours, déclare qu’il « ne
s’associera jamais à un affaiblissement du Pacte qui doit être
appliqué de manière égale par tous les pays », la Bundesbank se
dit « profondément inquiète », et l’ancien grand argentier allemand, Theo Waigel, l’un des pères du Pacte, fait un pas de plus
et évoque un « péché contre nos enfants ».
M. Juncker faisant de lui le meilleur président pour mener des
débats s’annonçant difficiles, résume aussi bien sa position que
les orientations dèja prises par la Commission. Comme « le Pacte
est aussi bien de stabilité que de croissance », le seuil de déficit
de 3 % est « un indicateur qui ne reflète pas la réalité politique
financière dans toute sa complexité ». Aussi peut-il y avoir, « à
court terme, des conflits d’objectifs entre la nécessité de consolider des budgets publics et des mesures prises par un Etat afin
d’accroître le potentiel de croissance de son économie ». Du fait
que, « en appliquant mécaniquement le Pacte de stabilité, de nouvelles mesures aux effets restrictifs ont été recommandées du
côté européen, qui ont retardé la reprise économique, et, par
conséquent, menacé une consolidation durable », il estime que
« la Commission doit tenir compte, dans son examen, de tous les
facteurs permanents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’Etat membre ». Pour Hans Eichel, son
inamovible ministre des Finances – ce qui est loin d’être le cas
pour ses homologues d’outre Rhin –, l’Ecofin ne doit pas ouvrir
« un débat sur l’assouplissement », car « la nécessaire révision du
Pacte de stabilité et de croissance ne relève pas d’un constat
d’échec, mais d’un souhait consensuel d’amélioration ». De son
côté, son nouvel et fugace collègue Hervé Gaymard déclare qu’il
convient de « rendre compatibles les objectifs de la stratégie de
Lisbonne et la discipline du Pacte de stabilité », dont on reste
malheureusement fort éloigné, comme le rappelle le président
de la BCE, Jean-Claude Trichet, qui demande que Paris à Berlin
reviennent, dès 2005, en-deçà du seuil des 3 %.
Une situation fragile et préoccupante
s i t u a t i o n
Un an après la crise, la Commission, qui se veut plus pédagogique que répressive, annonce le 14 décembre 2004, en raison
des efforts accomplis, la suspension des deux procédures de
déficit excessif engagées contre l’Allemagne et la France, et le
commissaire Joaquin Almunia déclare : « il semblerait qu’aucune
action supplémentaire ne soit nécessaire à ce stade ». A Paris,
Nicolas Sarkozy, a fait adopter, avant de quitter Bercy, une loi de
finances rectificative réduisant à 49,3 milliards d’euros le déficit
2004, grâce au maintien dans leur enveloppe des 283,7 milliards
de dépenses, et à un excédent de 7,5 milliards de recettes dû à
une croissance de 2,5 % au lieu des 1,7 % retenus. L’avenir est
cependant loin d’être dégagé, car pour 2005 l’Allemagne prévoit
un déficit de 3 % et la France de 2,9 %, contre les 3,6 % ramenés
à 2,9 % de 2004. Selon son programme 2006-2008, il devrait être
de 2,2 % en 2006, 2,7 % en 2007, et seulement 0,9 % en 2008.
Cela incite le nouveau ministre Hervé Gaymard, qui ne fera que
passer, à déclarer : « il faut continuer dans cette voie d’économie
de l’argent public ». Il apparaît pourtant, selon le commissaire
espagnol, que « la situation est fragile, et il faudra voir si les résultats suivent », et que « une bonne partie des ajustements budgétaires, surtout dans le cas de la France, est due à des mesures qui
ne sont pas seulement structurelles », mais purement conjoncturelles, et non renouvelables, comme celles visant la retraite
d’agents publics, de la Poste en Allemagne, et d’EDF en France.
L’Ecofin accepte, en janvier, selon son président luxembourgeois, de ne « pas changer une virgule du traité », estime que les
procédures budgétaires « devraient être engagées comme à présent », et insiste pour que « la Commission européenne puisse
jouer son rôle ». Dans une atmosphère considérée comme
« extraordinairement constructive », les ministres des Finances,
sans pour autant régler tous les problèmes, entérinent, en vue
du Sommet européen de mars, les principales propositions de la
Commission : suspension de la procédure de déficit excessif à
l’encontre de Berlin et Paris, non-exclusion de certaines dépenses
(militaires, d’infrastructure...), et réhabilitation du critère de
l’endettement qui « mérite une surveillance accentuée ». L’Eurogroupe des 7 et 8 mars 2005 voit les grands argentiers de « petits »
pays, respectueux des règles du Pacte, comme l’Autriche et les
Pays-Bas, réticents à l’assouplissement souhaité par « les grands ».
« La question du déclenchement de la procédure pour déficit
excessif » est le principal sujet de discorde de la réforme d’un
pacte qui, pour M. Juncker, « ne doit pas perdre son mordant »,
alors que près de la moitié des Etats de la zone euro sont en
déficit, et que Paris et Berlin mettent en cause l’automaticité des
sanctions financières qui en sont la conséquence logique. L’Italie
prône la souplesse et la recherche d’une « voie médiane » en
matière d’endettement. L’Allemagne demande que soient défalqués du calcul des « déficits excessifs » les coûts d’une réunification encore inachevée, d’une contribution substantielle au budget
européen, ou de l’aide apportée à l’Asie après le tsunami, et la
France évoque les dépenses d’investissement, de défense, et
d’aide au développement. Le président Yuncker, en habile diplomate désireux de tout faire « pour nous rapprocher d’un accord »,
estime, à propos de ces exemptions, que « plus la liste sera longue,
plus l’interprétation qui en sera faite sera restrictive ». Il n’exclut
pas plus que le commissaire Almunia, d’allonger de un à trois ans
le délai accordé aux Etats ayant franchi la barre des 3 % pour
rétablir la situation. Malgré huit longues heures de débat au sein
des Douze de l’Eurogroupe, aucun accord n’est cependant trouvé
pour établir une liste, certes acceptée par la Belgique et l’Italie,
mais jugée trop longue par l’Autriche, et trop courte par Berlin et
Paris. L’affaire devra donc être reprise à l’Eurogroupe de mars.
Très sensible depuis des années au vieillissement des populations, la Commission vise avant tout à réduire les déficits structurels, ce qui nécessite des réformes de fond, insuffisantes pour
elle, en raison de la difficulté à les réaliser. Elles n’ont, en 2004,
été que de 1 % en Allemagne et de 0,70 % en France, laissant des
déficits excessifs. En France par exemple, après leur décrue de
1995 à 2000 (49,2 milliards d’euros en 1995, 45 en 1996, 40,8 en
1997, 37,7 en 1998, 31,4 en 1999 et 29,2, leur minimum, en 2000)
ils ont augmenté jusqu’en 2003 (32 milliards en 2001, 49,3, le
niveau de 1995, en 2002), pour atteindre leur pic de 56,9 milliards
en 2003, temporairement réduit à 43,9 l’année suivante.
L’Espagne est, à l’inverse, l’un des Etats de la zone euro, comme
le Canada à l’extérieur, à apporter la preuve qu’il est possible, en
dépit d’incontestables difficultés, de mener, comme le fit
M. Aznar, une politique « orthodoxe », poursuivie par M. Zapatero,
lui permettant d’annoncer un déficit proche de zéro, voire un
léger bénéfice pour 2005.
La longue préparation
du Sommet de Bruxelles de mars 2005
M. Juncker adresse alors un « document remanié », au sommet
des vingt-cinq chefs d’Etat et de Gouvernement, « réunion de la
dernière chance » pour certains, non sans avoir, quelques
semaines auparavant, fort justement rappelé, ce qui est trop souvent oublié, que les Etats utilisant de l’euro devaient en assurer
une gestion conjointe et efficace. « Il nous faut apprendre à gérer
de manière collective et solidaire la monnaie unique. L’euro est la
monnaie de tous, et les fautes commises par les uns peuvent avoir
préparation
Le chancelier Schröder donne, dans Le Monde du 19 janvier,
avant l’Ecofin, une interview qui, après avoir relaté l’expérience
européenne inégalée du Premier ministre luxembourgeois
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85e année - nº 6 - juin 2005
europe
un impact négatif sur les autres ». En Allemagne, le chancelier, qui
poursuit un ambitieux programme de réformes, exhorte une
nouvelle fois l’opposition et les syndicats à une union sacrée pour
tenter de réduire un chômage frappant cinq millions de personnes. A Paris, M. Raffarin, qui s’engage à le réduire de 10 %
dans l’année, est en butte, simultanément, à des grèves affectant
différents secteurs, à la reprise, après les brillants résultats de
quelques grandes entreprises, d’un sempiternel débat sur la distribution des fruits d’une croissance nullement assurée, et, surtout, à l’inquiétante montée du nombre de ceux – confortés par
l’irruption intempestive de la candidature turque et de la directive
Bolkestein sur les services – qui s’opposent au traité de Constitution européenne. Et ce, au moment où le nouveau ministre
Thierry Breton, déclare en prenant ses fonctions à Bercy, qu’il se
montrera « intraitable » sur la dépense publique, mais aussi, à
l’Ecofin de Bruxelles où il siège pour la première fois, que « le
Pacte de stabilité ne doit pas être excessivement rigide quand la
croissance est faible ».
– pour le plus long terme, le seuil d’endettement de 60 % du
PIB, dont le suivi lui incombe aussi, retrouve la place importante
que lui avait donnée Maastricht, et devient un indicateur plus
précis et important que celui des déficits budgétaires.
. Pour les Etats, en matière d’endettement, l’Italie bénéficiera d’une certaine bienveillance, et s’agissant des déficits excessifs, la Commission prendra en compte, pour l’Allemagne des
dépenses relatives à la réunification de ses cinq Länder de l’Est, et
pour la France les dépenses de recherche et des politiques européennes de « solidarité internationale ».
Quels jugements porter sur cet « assouplissement » à la gestation aussi laborieuse que controversée ? Ainsi « relooké », et
devenu moins contraignant, le Pacte est-il moins « stupide » au
sens où l’entendait M. Prodi ? Tout dépend de l’interprétation
« politique » que lui donneront, après son récent, mais non ultime
élargissement, l’Europe à vingt-cinq, en attendant que ce soit à
vingt-sept, dans un environnement nouveau, avec cinq groupes
d’Etats qu’une étude récente a ainsi répartis :
– quatre « réformistes » Allemagne, France, Italie, Portugal, qui,
souvent en situation de déficit excessif et aussi de surendettement, défendent l’assouplissement,
Le Sommet
des chefs d’Etat et de Gouvernement
des 22 et 23 mars 2005
– trois « orthodoxes » Autriche, Finlande, Pays-Bas, qui s’opposent, comme la Banque centrale européenne et la Bundesbank, à
tout laxisme dans l’application du texte actuel,
s o m m e t
– trois « temporisateurs » Belgique, Espagne et Luxembourg,
qui acceptent l’assouplissement mais estiment que le Pacte doit
continuer d’être strictement appliqué,
Dans la nuit du dimanche au lundi 21 mars 2005, après des
mois de discussions, les ministres des Finances mettent la dernière main aux propositions de réforme du Pacte avant de les
transmettre au Conseil des chefs d’Etat et de Gouvernement qui
s’ouvre le lendemain. En raison de la situation créée en France par
le référendum, il ne pourra se pencher autant que prévu sur les
causes des retards enregistrés dans la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne visant à faire de l’économie européenne la première au monde. Ce qui conduit le président Barroso à déclarer
que « s’il y a une confusion totale dans l’opinion publique française
entre la Constitution, la Turquie et la directive services, ce n’est
pas la faute de la Commission. C’est aux hommes politiques en
France d’expliquer les enjeux de ce vote, de lever les malentendus.
La Commission peut contribuer à cette explication, mais pas faire
le travail à leur place. Nous n’allons pas renoncer à notre programme économique parce qu’il y a un référendum en France.
Nous sommes vingt-cinq, je ne peux pas prendre une décision en
fonction d’un seul pays. Il faut faire des compromis ». A propos
de la directive, qualifiée « d’inacceptable » par le président Chirac
qui demande sa « complète remise à plat », M. Barroso précise
qu’elle « est jugée très bonne, en l’état, par certains, mauvaise par
d’autres. Il faudra trouver un équilibre. A cause de la France, la
Commission a dèja annoncé qu’elle était prête à bouger, à
s’adapter. Nous ne pouvons pas faire plus ».
– trois, voire cinq « trouble-fête », Danemark, Royaume-Uni,
Suède, et plus épisodiquement, Grèce et Irlande, à la position
parfois fluctuante au fil des négociations,
– dix nouveaux adhérents, appelés, pour entrer dans la zone
euro, à poursuivre des réformes nécessaires mais socialement et
politiquement coûteuses, qui devraient afficher progressivement
et au gré des circonstances leurs points de vue sur le Pacte.
Il est difficile de prévoir, dans ces conditions, ce que seront,
au cas par cas, les majorités, donc les décisions, d’ordre essentiellement politique désormais, que les Conseils seront amenés à
prendre sur les déficits et les endettements excessifs dont la Commission continuera de les saisir. Une chose est en tout cas certaine : les discussions qui s’y déroulent n’ont rien de byzantin, car
le Pacte est aujourd’hui, avec une spécificité propre qui rend sa
gestion complexe, un organe essentiel, souvent insoupçonné, de
la politique économique et financière de l’Union européenne.
Celle-ci est confrontée à deux défis majeurs, qui ne sauraient être
dissociés. Il lui faut, en effet, acquérir l’influence politique qui lui
manque encore sur la scène internationale, et réaliser l’ambitieux
objectif économique qu’elle s’est fixé en adoptant la stratégie de
Lisbonne. Malgré de sérieux handicaps conjoncturels – une croissance insuffisante générant un chômage important – et surtout
structurels – le vieillissement d’une population manquant du
dynamisme nécessaire pour accepter, surtout dans certains Etats,
les profondes réformes qui s’imposent. A l’inverse, elle dispose
d’un indéniable atout avec l’euro, sa monnaie unique devenue la
seconde au monde, dont la tenue et l’influence sur les marchés
exigent, comme le rappelait récemment M. Yuncker, une bonne
gouvernance de la part de ceux qui en ont la charge. Ces derniers
– Banque centrale européenne, ministres des Finances de l’Eurogroupe et de l’Union, chefs d’Etat et de Gouvernement – constituent un cénacle multinational bien différent de celui des EtatsUnis ou du Japon, où ces mêmes problèmes sont du seul ressort
d’un ministère des Finances et d’une Banque centrale uniques ;
ce qui rend beaucoup plus délicate une gestion devant tenir
compte à la fois de la spécificité nationale de chacun des vingtcinq Etats, et de leur appartenance commune à la même Union,
lors de la prise de décisions susceptibles, avec la mondialisation,
d’affecter simultanément les économies aussi bien européennes
que mondiale.
D’aucuns reprochent à ce Sommet d’avoir été « otage du référendum français », et d’avoir réformé le Pacte sous la pression
d’un « couple franco-allemand » retrouvé, car affecté par une crise
économique et un chômage élevé, caractéristiques de cette
« vieille Europe » que le président Bush distinguait, au plus fort de
la crise irakienne, de la « nouvelle Europe », beaucoup plus dynamique et néo-libérale. Dans ce contexte, le projet de réforme du
Pacte de stabilité proposé par la Commission, puis par les grands
argentiers européens, est examiné par le Sommet de Bruxelles,
qui y ajoute quelques retouches et concessions habilement négociées par la présidence luxembourgeoise, avant qu’il soit formellement adopté à l’automne 2005.
. Pour la Commission, qui en reste la gardienne vigilante, le
traité n’est pas modifié :
– sur le plan conjoncturel, il n’est pas touché à la règle d’or
selon laquelle tout déficit excessif de 3 % du PIB, dûment
constaté, doit rester « temporaire et proche de la valeur de référence » ;
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