Le portrait de famille sous la forme d`un livre à colorier Ce portrait a

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Le portrait de famille sous la forme d`un livre à colorier Ce portrait a
Le portrait de famille sous la forme d’un livre à colorier
Ce portrait a été réalisé pour combler un besoin. Un besoin de vérité et un souci d’honnêteté.
Je me suis demandé à quoi pouvait bien ressembler un vrai portrait de famille puisse que mes
parents sont divorcés depuis longtemps et qu’en plus, il y a le spectre d’un père biologique
absent qui hante mes pensées. J’ai réalisé que le dernier portrait de famille qui avait été pris
avec mes parents réunis datait de trois ans. Il avait été fait à l’occasion du mariage de ma
soeur, mais il n’était pas complet pour moi, il manquait quelqu’un et il ne reflétait pas la
réalité, car mes parents ne sont plus ensemble. J’ai voulu illustrer ma réalité. Le cahier à
colorier m’a permis d’aborder ce sujet délicat avec une certaine légèreté. Je veux dissiper le
malaise entourant mon père génétique. Je veux qu’on sache qu’il existe et qu’on soit à l’aise
d’en parler.
Ainsi, avec la proposition Amalgame, j’ai trouvé un terreau propice pour faire germer la
vérité en créant la rencontre de deux genres : le portrait de famille et le livre à colorier. J’ai
donc créé un livre à colorier composé d’images provenant de portraits photographiques que
j’ai faits de chaque membre de ma famille. J’ai inclus des photos de groupes et des portraits
individuels. J’ai demandé à chaque personne de choisir une oeuvre d’art devant laquelle elle
serait photographiée. En plus, j’ai conçu des jeux et des activités relatifs à la famille.
Pour le volet artistique, j’ai travaillé la photographie du portrait. Je me suis rendu compte que
ce n’était pas si facile à réussir. J’ai travaillé le cadrage, pour y inclure la personne et l’oeuvre
en arrière-plan, en excluant le plus possible les éléments dérangeants ou inutiles. J’ai fait des
portraits serrés, où le visage de la personne occupe la majeure partie de la photo. J’ai fait un
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portrait en plan américain, où la personne est cadrée jusqu’à la taille. J’ai expérimenté la
prise de vue en plongée et celle en contre-plongée également. Après une première séance de
photographie, j’ai commencé à transformer mes photos en images pouvant être coloriées. J’ai
fait des tests avec le logiciel Photoshop lors d’une rencontre avec René St-Pierre pour
trouver le meilleur chemin pour arriver à mes fins. J’ai continué la recherche et j’ai trouvé ce
que je cherchais. Sous l’onglet des filtres, j’ai trouvé la rubrique esquisse et la fonction
photocopie, finalement. J’ai eu à effacer tout ce que je ne voulais pas sur l’image : de la
texture, des détails superflus.
L’étude du livre à colorier m’a intéressée aussi. J’ai dégagé son code. D’abord, il est imprimé
sur du papier journal. Son aspect physique ne démontre pas une grande qualité. C’est un
produit bas de gamme. Il y a un mélange iconographique. C’est-à-dire qu’on retrouve des
illustrations dont le coup de crayon est très différent. On comprend que les images ont été
dessinées par plusieurs personnes. Il y a souvent des jeux où on demande à l’enfant de relier
des points pour former une image ou encore de trouver les différences entre deux images.
Les pages se suivent sans qu’il y ait une suite logique entre elles. Il y a donc un manque de
cohérence entre les différents éléments.
Une fois le papier trouvé, les photos transformées en dessin,les jeux inventés et les pages
couvertures créées, il était temps d’assembler le tout. Ma fille Mégane m’a aidée à assembler
et à relier les livres. Le lendemain, je les présentais à ma mère et à son conjoint, à ma soeur
et à son conjoint et à ma famille immédiate, bien sûr. Je les avais invités pour un après-midi
de coloriage. Tout le monde a aimé le livre. Ils ont trouvé qu’il reflétait bien notre famille. Il
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n’y a pas eu de moment chaud. Je crois que tout se passait à l’intérieur. J’ai perçu le malaise
quand ils ont fait le mot-mystère. Ils lisaient les mots à voix haute sur un ton banal en les
cherchant dans la grille, comme s’ils étaient anodins. Pourtant, des mots comme oubli,
abandon et génétique n’étaient pas là pour faire joli. Ils étaient là pour susciter des réactions.
Mes intentions artistiques pour ce projet étaient de développer une habileté à prendre des
photos de portrait. De plus, je voulais m’approprier et actualiser le livre à colorier, le mettre
au goût du jour. Je voulais qu’on sente qu’il y avait eu une manipulation informatique dans le
traitement des images. L’approfondissement de mes connaissances du logiciel Photoshop était
aussi un de mes objectifs.
Sur le plan de l’esthétique, je voulais inclure ma famille dans mon processus de création. Je
voulais qu’ils soient partis prenants de toutes les étapes du projet. Mon mari et mes filles ont
démontré beaucoup d’intérêt pour ce travail. Ils m’ont soutenue tout au long de l’élaboration
du livre. J’ai posé un regard sur la famille d’aujourd’hui. Elle s’est complexifiée avec le
temps : les parents sont souvent divorcés, remariés ou pas. Les enfants sont moins nombreux
qu’avant alors que les grands-parents sont multipliés par deux. J’ai noté un fait intéressant,
mes parents, ma soeur et moi avons émigré de la France en 1976, j’étais âgée de 5 ans.
Beaucoup plus tard, mes parents se sont remis en couple avec une personne immigrante alors
que ma soeur, mon frère et moi sommes en couple avec des conjoints d’origine québécoise.
Voilà un indicateur de notre adaptation au milieu.
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J’ai utilisé l’aspect ludique du livre à colorier pour aborder un sujet délicat : l’identité de ma
famille versus la mienne. Je voulais éliminer un malaise qui perdure autour de la question de
mon père biologique.
L’intervention avec ma famille s’est échelonnée sur trois mois. J’ai commencé à prendre les
photos au mois d’octobre, nous nous sommes réunis spécifiquement pour mon projet à trois
occasions. J’ai eu des échanges téléphoniques avec mon père pour qu’il m’envoie des photos
de sa conjointe, car les premières que j’avais prises ne me convenaient pas. J’ai échangé par
courrier électronique avec mon frère et sa conjointe pour qu’ils m’envoient des photos des
poissons que Karine a peints dans la chambre de leur fils. Mon projet a provoqué des
rencontres et des échanges qui ont permis le resserrement des liens familiaux. Dans le
tourbillon de nos vies respectives, il est facile de s’éloigner les uns des autres.
Pour le volet pédagogique, j’ai imaginé un projet où les enfants pourraient créer un livre à
colorier qui regrouperait tous les élèves de la classe. Dans un premier temps, j’inviterais les
élèves à apporter à l’école leurs livres à colorier pour que nous puissions poser un regard
critique sur ceux-ci. Je pourrais mettre en relief le contenu implicite de leurs albums (les
stéréotypes, etc.) et questionner son utilisation. Je ferais ensuite la présentation de mon livre
à colorier en expliquant mes motivations. Dans un deuxième temps, je demanderais aux élèves
de faire leur autoportrait en dessin à colorier pour constituer le livre de la classe. Je veux
amener l’élève à réfléchir sur son identité : avec quels éléments veut-il se représenter? De
plus, un sentiment d’appartenance sera sûrement développé quand ils auront leur livre entre
les mains.
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Ce projet est réalisable avec tous les cycles du primaire et peut être fait dans la première
partie de l’année scolaire, en octobre ou en novembre. Néanmoins, une variante serait
possible avec les plus vieux, si les ressources techniques le permettent, ils pourraient utiliser
leur photo et la travailler numériquement, un peu comme je l’ai fait.
Pour les élèves du secondaire, je proposerais la réalisation d’un album de famille créé
numériquement. Les élèves auraient la liberté de représenter les membres de leur famille à
leur guise, à partir de photographies numériques qu’ils exécuteraient eux-mêmes après avoir
vu en classe les notions de base de la photographie comme le cadrage, la lumière, etc. Je
pourrais leur présenter plusieurs artistes qui travaillent le portrait tel que Ilse Bing, une
femme photographe du début du 20e siècle et Grégoire Philipidhis, un photographe français
qui trace le portrait dans le noir, à l’aide de la lumière.
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Grégoire Philipidhis, http://web.mac.com/philgreg/Site/Bienvenue.html
Je pourrais aussi faire un retour dans l’histoire de l’art et présenter des portraits de peintres
célèbres (Rembranlt, Delacroix, etc.) pour montrer l’évolution du portrait.
Réflexion sur ma posture d’artiste-enseignante
Ces transpositions de mon projet artistique vers des projets pédagogiques m’amènent à
réfléchir à ma posture de future enseignante. Suite à la lecture des trois textes proposés sur
le sujet, j’ai réalisé que je ne me retrouve pas exactement dans l’un des textes. D’emblée,
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j’aspire à la double carrière d’artiste et d’enseignante. J’y aspire depuis le tout début de mon
entrée à l’université. Je sais, je suis idéaliste et utopiste, mais j’aurais l’impression de
renoncer à une partie de moi-même si je ne développais pas une carrière d’artiste
professionnel. C’est un rêve d’enfance. D’abord, qu’est-ce que ça veut dire être artiste
professionnel au Québec? Selon la « Loi sur le statut professionnel des artistes des arts
visuels, des métiers d’art et de la littérature », pour avoir le statut d’artiste professionnel, il
faut satisfaire aux conditions suivantes : se déclarer artiste professionnel; créer des oeuvres
pour son propre compte; ses oeuvres sont exposées, produites, publiées, représentées en
public ou mises en marché par un diffuseur; recevoir de ses pairs des témoignages de
reconnaissance comme professionnel, par une mention d’honneur, une récompense, un prix,
une bourse, une nomination à un jury, la sélection à un salon ou tout autre moyen de même
nature (j’ai eu ces informations dans mon cours d’histoire HAR3500). Ainsi, il n’y a pas de
contradiction avec la carrière d’enseignant, car dans les deux cas, pour être un bon
professionnel en art il faut s’actualiser, être au courant de ce qu’il se passe en art actuel. Il
n’est dit nulle part qu’il faille travailler à temps plein comme artiste pour être considéré
professionnel. Je rejoins ici l’idée de Moniques Richard sur la notion de carrière
professionnelle en art. Par ailleurs, j’admets volontiers que durant les premières années qui
suivront ma diplomation, je serai occupée à me tailler une place dans l’enseignement. Je suis
consciente qu’il faut du temps pour préparer son programme de l’année et ses cours quand on
a peu d’expériences dans le domaine. Néanmoins, quand la vitesse de croisière sera atteinte,
je désire ardemment me réaliser en tant qu’artiste. Je ne crois pas comme Eisner que
l’enseignant s’exprime comme artiste, à travers ses élèves. Je crois qu’il s’exprime comme
enseignant à travers ses élèves. C’est une utopie de penser le contraire puisse que selon moi,
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on ne peut pas s’exprimer comme artiste à travers quelqu’un d’autre. On ne peut pas sublimer
son besoin de créer à travers quelqu’un d’autre, car la création vient de l’intérieur, de son
intérieur. À ce sujet, j’ai remarqué que dans mon travail de création, depuis environ deux ans,
l'eau est très présente. J'ai peint les sillons du ventre d'une baleine qui erre dans l'eau, en
bleu, par exemple. J'ai peint des paysages aquatiques. En fait, ce sont des images qui
pourraient être vues en visitant le monde qui existe sous l'eau. Je m’intéresse depuis toujours
aux formes présentes dans la nature. Celles-ci sont à la base de toutes mes propositions. Les
formes organiques qui poussent, qui se reproduisent et qui envahissent l’espace attirent
constamment mon regard. De plus, je suis fascinée par la répétition de ses formes naturelles
présentes à différentes échelles dans notre univers. La cire, l’acrylique et le bois me
permettent d’illustrer mes projets artistiques. J’apprécie le potentiel que ces matériaux
offrent sur les plans de la texture et du relief. Néanmoins, la photographie apparaît
sporadiquement dans ma pratique. Par ailleurs, je cherche à altérer la perception du
spectateur par un jeu d’échelle qui permet de perdre la référence de grandeur.
Créer un projet pédagogique est un travail tout à fait différent que de créer une oeuvre d’art.
la sollicitation de sa créativité ne se situe pas au même niveau. Je réalise que j’ai laissé de
côté ma pratique habituelle, pour la création de mon livre à colorier. J’ai répondu à un besoin
que j’avais de me créer une famille qui me corresponde vraiment.
Revenons à la création pédagogique qui s’avère plus cérébrale, car elle est encadrée par le
système scolaire et le programme ministériel. En même temps, je ne suis pas en train de
diminuer la profession d’enseignant, je crois qu’on peut se réaliser en tant que tel. J’ai
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éprouvé une grande satisfaction, lors de mon premier stage au primaire, lorsque le projet que
j’avais imaginé avait bien fonctionné et que les élèves y avaient trouvé leur compte. Ainsi, je
suis d’accord avec Eisner lorsqu’il dit qu’« on ne peut pas juger de la qualité d’un professeur
d’art en observant sa production... mais plutôt en regardant ce que ses élèves ont fait. »
J’ajouterais que l’observation des travaux des élèves ne suffit pas à déterminer la valeur de
l’enseignant. Il faut aussi mesurer l’appréciation que les élèves ont de leur travail et de leur
enseignant. Parce qu’enseigner, c’est échanger, proposer et partager l’art.
De toute façon, il faut avoir expérimenté soi-même la création pour l’enseigner. Ça ne
s’invente pas. Certes, nous sommes formés dans les deux disciplines, mais je ressens un
manque d’approfondissement du côté de la création. À la fin de mon baccalauréat, je pense
continuer mes études en création pour compléter ma formation artistique. Je n’ai pas encore
touché au moulage et à la céramique. Je veux suivre des cours dans ces disciplines et je veux
également approfondir ma peinture à l’encaustique. Je ne sens pas ma formation assez
complète en art pour pouvoir proposer un spectre assez large de possibilités plastiques à mes
futurs élèves. Comme je ne me sens pas assez formée du côté de la gestion de classe. Il
faudra l’apprendre sur le terrain. Je n’ai pas eu une bonne expérience, à ce sujet lors de mon
stage. L’enseignante qui nous recevait dans sa classe n’avait pas une bonne gestion de ses
groupes. Elle accueillait des stagiaires pour la première fois et ne nous faisait pas de retour
sur notre enseignement. Nous devrions pouvoir noter notre enseignante formatrice comme
elle nous note, ce serait plus équitable!
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Pour conclure, j’aspire donc à être une artiste-enseignante et une artiste professionnelle. Je
me donne du temps pour développer ses deux carrières parallèlement, en acceptant qu’elles
n’aillent pas à la même vitesse. On verra bien ce que l’avenir me réserve...
Références bibliographiques :
Pour le projet livre à colorier
LANDRY, Lise et WALLOT, Jacques Albert, «Analyse formelle et idéologique des cahiers à
colorier», L’enseignement des arts au Québec, Montréal, Université du Québec à Montréal,
1980, pp. 217-261.
Supadupa, livre à colorier, AM Productions
Mes meilleures amies, Coloriage et cahier d’activités, Les livres de la petite princesse, Playmore
inc., imprimé au Canada, 2004
Références électroniques:
Archives publiques de l’ontario, Le livre à colorier The ABCs of Traffic Safety, en ligne:[
http://www.archives.gov.on.ca/french/on-line-exhibits/education/colouringbook.aspx ] visité le
03-11-2009
Heidi Hollinger, en ligne:[ http://www.heidihollinger.com ] visité le 15-10-2009
L’internaute, Le portrait en dix leçons, en ligne:[ http://www.linternaute.com/photonumerique/dossier/portrait/index.shtml ] visité le 15-10-2009
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Free- High Tech, Réussir un bon portrait, en ligne:[http://hightech.portail.free.fr/photographie/prise-de-vue/15-06-2009/reussir-un-bon-portrait/ ] visité le 1510-2009
Grégoire Philipidhis, photographe, en ligne: [
http://web.mac.com/philgreg/Site/Bienvenue.html ] visité le 11-12-2009
Pour la partie sur la posture de l’enseignant
textes du recueil:
PÉLISSIER, Gilbert, Artiste / Enseignant en arts plastiques, Académie de Nantes- Espace
pédagogique, 1991
THÉBERGE, André, L’enseignant en arts plastiques: un artiste...
RICHARD, Moniques, le modèle de l’artiste-enseignant dans la conjoncture actuelle
Mes notes pour le cours HAR3500 définitions, mythes et représentations de l’artiste en arts
visuels, donné par Patrice Loubier
Remerciements:
Je veux remercier René St-Pierre pour le temps qu’il m’a accordé le 27 octobre 2009.
Je veux remercier mon équipe de soutien et plus particulièrement Dominique Simard et Éliane
D’Anjou-Dumas qui m’ont servi de conseillères.
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