Faire des véhicules plus attrayants… et électriques : l
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Faire des véhicules plus attrayants… et électriques : l
Faire des véhicules plus attrayants… et électriques : l'exemple de La Rochelle JACQUES MOLLARD, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUE (AVERE) Vendredi 10 - 14h / / / / / / / / / / / L'ancien maire de La Rochelle, Michel Crépeau, avait le souci de l'environnement. Dès 1971, il met en place un réseau de mesure de la pollution de l'air. À ce momentlà, La Rochelle est le 7e port de commerce de France. Accessoirement, la pierre calcaire claire utilisée dans les bâtiments de la region a la propriété de fixer les polluants. À l'ouest de la ville sont situées des industries chimiques dont les rejets dans l'atmosphère sont alors mésestimés, mais dont des riverains se plaignent. D'autre part, on souhaite évaluer les conséquences du chauffage au charbon et au fuel. En 1975 sont institués les vélos jaunes de la Rochelle. La pollution automobile représente alors 8 ou 9 % de la pollution totale. Depuis, la circulation a augmenté de 6 % par an, et représente 80 % de la pollution totale… La pollution chimique et industrielle a diminué, les chaufferies ont changé de carburant pour adopter le gaz. Mais si les constructeurs ont de bonnes raisons d'affirmer que la pollution par voiture a beaucoup baissé, il faut préciser que la circulation a considérablement augmenté et qu'il n'y a donc pas de gain global. Aussi, dès 2001, on expérimente Elcidis, service de livraison par véhicules électriques, pour débarrasser le centre-ville des camions de livraison des embouteillages. Chaque matin, 55 camions au minimum livrant pour autant de fournisseurs différents entrent alors dans l'hypercentre. Une boutique pouvait être livrée par 15 camions successifs dans la matinée, amenant chacun entre un et six colis, d'où un sentiment de gaspillage, d'inorganisation, plus la pollution. Autant de problèmes liés au fait que ce n'est pas le destinataire qui choisit son transporteur, mais l'expéditeur. Nous avons organisé une plate-forme où tous les camions déchargent. Le centre ville est interdit aux camions de livraison sauf de minuit à six heures du matin, temps pendant lequel quelques gros camions livrent des grands magasins. Les colis sont enregistrés, regroupés par points de distribution. Sans être trop imposants, les camions électriques utilisés pour la livraison finale sont assez gros pour les palettes, car dépalettiser compliquerait les operations ; 400 colis et une dizaine de palettes passent chaque jour par la plate-forme. La part de palettes a tendance à augmenter légèrement aux dépens des colis simples. Les expéditeurs ont de plus en plus le souci d'envelopper leurs envois d'un film. Les transporteurs paient à la plate-forme le transport final. Ils disent lors d'une enquête de satisfaction que la plate-forme est bien située et qu'ils évitent trois heures par jour de tourne-en-rond en ville. Mais que les prix sont trop élevés… Toujours la même histoire. Avec les commerçants, les discussions ont été assez faciles pendant les deux ans de préparation. 33 Campus d’été Europe-Internaional 2010 / / / / / / / / / / / / Ils ont dit très vite que si on ne leur demandait pas un euro et qu'ils étaient bien livrés, ils seraient d'accord. C'était moins facile du côté des transporteurs. Ils ont avancé des arguments souvent creux, comme “on va perdre le contact avec notre client” – mais leur client n'est pas le magasin, c’est l'expéditeur. Nous faisons également des livraisons dans l'autre sens, depuis le centre-ville vers l’extérieur. Jusque là, les commerçants essayaient le matin de se garer hors la zone horodatée, donc un petit peu loin, et venaient au magasin à pied. Pour livrer, ils allaient chercher leur voiture, venaient devant la boutique, chargeaient et partaient livrer. Puis revenaient, se garaient… Nous avons proposé de venir sur appel téléphonique avec un fourgon réfrigéré, pour prendre et livrer. On a eu très vite tous les fleuristes comme clients. Les fourgons, des Citroën Berlingo aménagés sont soignés quant à l'isolation thermique, réglables la veille au soir avec un thermostat pour obtenir 5°C pour les fleurs, -5°C pour l'alimentaire, -20°C pour le surgelé. Pendant la journée, on entretient cette température en puisant sur les batteries. On a observé que l'on ne perdait, du fait de la réfrigération, que 10 % au plus de l'autonomie du véhicule. A condition de ne pas laisser trop longtemps ouverte la porte arrière… LISELEC, LIBRE-SERVICE DE VÉHICULE ÉLECTRIQUE L'opération Liselec de véhicules en libre-service a démarré en 1999. Elle fonctionne bien et nous n'avons pas l'intention d'arrêter. Il s'agissait de compléter les transports publics. Dans une ville de la taille de la Rochelle, on ne peut pas faire tourner la nuit des bus vides. Ils stoppent donc leur service à 21 heures. La flotte comprend 25 Peugeot 106, 25 Citroën Saxo, trois Gem type “véhicules de golf” et trois Berlingo de 3 m3. Les étudiants qui déménagent représentent aussi un potentiel d'utilisateurs. Chaque fois qu'une voiture est ramenée sur l'une des sept stations, un échange d'informations avec le PC permet d'organiser la mise en charge des véhicules dont la réserve d'autonomie est tombée sous les 30 %. Soir et matin, un préposé fait le tour des station pour brancher les véhicules, vérifier la pression des pneus, s'assurer qu'il n'y a pas eu d'accident de carrosserie nécessitant de rechercher l'utilisateur … Hors les stations, on ne sait rien de l'endroit où se trouve la voiture, ce qui évite de contrarier la CNIL… Depuis onze ans, les véhicules ont parcouru 2 millions de km. Une dizaine de voitures ont été mises à la réforme suite à des accidents de circulation. Mais aucun n’a impliqué un piéton ou un vélo, ce qui contredit l'idée reçue selon laquelle les véhicules électriques seraient Campus d’été Europe-Internaional 2010 / / / / / / / / / / / / dangereux parce que silencieux. D'ailleurs, dans un environnement silencieux, le bruit des pneus d'une voiture qui vient s'entend très bien. LES AVANTAGES DU LIBRE-SERVICE Pas de paperasse à signer à chaque usage : on se présente une fois avec un permis de conduire. On signe un contrat comme avec un loueur traditionnel ; une carte à puce sert de clef et permet d'accéder aux véhicules sur n'importe quelle station. Les véhicules, sans levier de vitesse, sont faciles à conduire. C'est confortable, car la différence de bruit avec un véhicule thermique est très sensible à l'intérieur. Le prix de la course est affichée à la fin de celle-ci, ce qui permet aux usagers, s'ils sont plusieurs, de partager les frais. Il y a cinq ou six kilomètres entre l'université et le centre-ville et la nuit, en particulier lorsqu'il pleut, les voitures sont l'unique alternative aux vélos en libre-service. Avec les taxis pour lesquels les points stratégiques sont l'aéroport et la gare, nous nous sommes arrangés. Nous leur laissons l'aéroport qui ne nous intéresse pas et nous sommes présents à la gare parce que c'est le lieu de tous les transports. De toute façon, les taxis sont vite dépassés lorsque les passagers d'un train arrivent tous en même temps. La station de la gare Liselec se trouve elle-même parfois démunie en véhicules et un préposé doit en ramener, ce qui se produit très rarement, des autres stations. L'exploitant est depuis le début la Communauté d'agglomération. En 2008, un appel d'offres a été lancé pour une délégation de service public, car les élus considéraient que ce n'était plus une expérience et ils ne voulaient pas mettre d'argent pour développer le nombre de stations et remplacer les voitures. Véolia a été retenue pour l'exploitation. Elle a créé pour cela une filiale locale spécifique, Proxiway. Véolia s'est montré intéressée par cette expérience qui tournait depuis 8-9 ans pour acquérirt ce savoir-faire et revendre ce service ailleurs. Ils ont installé à Carcassonne un service, qui n'est pas en électrique parce qu'il n'y avait pas de véhicule électrique sur le marché il y a deux ans, mais je suis sûr qu'il vont réussir à en mettre en place ailleurs. Depuis 2005, il n'y a pratiquement plus en Europe de voiture électrique traditionnelle disponible sur le marché. On sait que ça va repartir dès 2011, puisqu'un certain nombre de villes ont préparé des appels d'offres : un Peugeot avant la fin 2010, et un Citroën qui sera à peu près le même ; des Renault dès le début 2011, des Nissan modèle Leaf, les Think norvégiennes et les Modec, et des Renault Trucks dans le domaine des camions. A l'époque, nous avions fait du lobbying auprès de la DDE, de la Préfecture, des Douanes, du port de commerce, du port de plaisance, de la Chambre de Commerce, et une vingtaine de véhicules avaient été achetés par des administrations ou des entreprises pour les tester, mais lorsqu'ils sont arrivés en fin de vie, il n'y avait plus rien pour les remplacer. Des particuliers en avaient aussi acheté et étaient enchantés. Les voitures électriques auraient toute leur place en campagne où l'on doit parfois faire 30 kilomètres pour trouver de l'essence ou du gazole. Il y a un marché… LISELEC EN CHIFFRES Déplacement moyen : de 1 à 35 km, moyenne : 6. Durée moyenne d’emprunt d’un véhicule : 34 minutes. Nombre d'abonnés : 400. Chaque abonné emploie un véhicule trois fois par semaine en moyenne. Les utilisateurs resident ou travaillent à moins de 500 mètres d'une station. 30 % sont étudiants, il y a aussi les femmes de couples où l'on a qu'une voiture, les couples de retraités qui ont liquidé une de leurs deux voitures, ou même leur unique voiture, quelques familles. Le coût d'utilisation, calculé à la minute pour que les utilisateurs ne la gardent pas deux heures garée devant chez eux, est de 5 centimes la minute soit 3 euros de l'heure. On est au petit équilibre et il faudrait arriver au grand équilibre, c'est-à-dire que les recettes financent aussi le remplacement des véhicules. La communauté d'agglomération était dans une logique de transport public, qui impose d'être plus cher que le bus car il ne s'agit pas de le concurrencer, sans être aussi cher que le taxi. Outre qu'on ne fournit pas le chauffeur, les utilisateurs sont une cible sociale : ils n'ont pas financièrement accès à la voiture. Véolia ne va pas augmenter beaucoup les tarifs. Elle achète les futures voitures, et prévoit d'en remplacer une quinzaine par an et d’aménager sept nouvelles stations en 2011. On passera ainsi de sept à quatorze, ce qui devrait entraîner une montée du nombre d'abonnés, puisque les gens s'abonnent à condition d'avoir une station proche. LE TRANSPORT ÉLECTRIQUE SUR MER Une petite navette de 35 places, le passeur, fonctionne de 7 à 23 heures pour un trajet très court dans le vieux port. En été, deux bateaux font la navette aux heures de pointe. Il n'y a pas d'horaire, le départ se fait sur demande. Un plus gros bateau, de 75 places, rallie le vieux port au port de plaisance, un parcours de six km dont une partie en pleine mer. Il fait une navette toutes les heures l'hiver, toutes les demiheures l'été. Les bateaux ont trois sources d'approvisionnement électrique : des panneaux photo-voltaïques sur le toit apportant une énergie d'appoint (environ 15 % des besoins), un inducteur qui permet, à l’arrêt, de récupérer automatiquement de l'électricité, un fil et une prise à brancher toute la nuit. Avec ça on tient toute la journée. 35 AUTRES VÉHICULES ÉLECTRIQUES Un minibus électrique est affecté au trajet entre le parking relais et le vieux port. 22 places, de modèle Oreos 22, modèle qu'on trouve dans presque toutes les villes qui ont des bus électriques aujourd'hui. Son successeur est arrivé, équipé de batteries lithium au lieu des “plomb interchangeables”, et permet 120 kilomètres d'autonomie dans la journée. Le parcours est de 1,2 km. On exploite également quatre mini-bennes électriques pour collecter les ordures dans le centre-ville, le soir et le matin. Elle sont pénalisées par leur faible volume, aussi s'est-on organisé pour faire des tours très courts. DEMAIN QU'EST-CE QU'ON FAIT ? Vers juin-juillet 2011 commence Citymobil, un essai de 6 mois d’un véhicule automatique sans chauffeur. Le constructeur est Softcar Redigo. A la Rochelle, le modèle devrait être vitré, ouvert d'un côté et s'appellera Upgo. Il n'a pas d'avant ni d'arrière. Il ne nécessite ni marquage au sol, ni rail. Il sera capable de faire du “platooning” : on conduit un véhicule de tête au joystick, les autres suivent automatiquement. Une seule personne peut donc les ramener le soir du centre d'exploitation. Le parcours qui n'est actuellement desservi par aucun bus comprend la médiathèque, le siège de l'université, des commerces, un complexe cinéma de huit salles. Il est relié à un site de transport en site propre où passent trois lignes de bus, à un ponton de bateaux électriques, à une station Liselec… On est en circulation ouverte avec piétons ou circulation générale. Cette conférence a été suivie d'une démonstration d'un véhicule automatique par François Marmoiton et Serge Alizon, ingénieur CNRS au Lasmea. On a vu circuler sur une plate-forme simulant une zone urbaine un véhicule automatique utilisant un système de vision par caméra pour se diriger. Il suit un parcours sur lequel il est conduit manuellement une première fois, qui est enregistré, et qu'il reproduit. Moins onéreux que le guidage par GPS, ce système permet également au véhicule de circuler dans des espaces couverts. Campus d’été Europe-Internaional 2010 / / / / / / / / / / / /