Du basket et du rugby sur quatre jambes

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Du basket et du rugby sur quatre jambes
Du basket et du rugby sur
quatre jambes
Créé voici une trentaine d'années dans sa définition actuelle, le horse-ball est
l'un des rares sports collectifs à cheval. S'il ne compte que quelques milliers de
licenciés dans toute la France, il est beaucoup plus pratiqué, notamment par les
jeunes, comme détente après une séance d'équitation ou pour améliorer leur
équilibre de manière ludique. Deux championnats de France Élite (l'équivalent de
la Ligue 1), opposant chacune huit équipes, se déroulent chaque année, l'une en
mixte, l'autre en féminine.« JULIE passe à Gwendoline, qui passe à Tiphaine, qui
marque ! », exulte le speaker sur fond de sono. « Saumur 4, Gif 1. » Nous
sommes au centre équestre du Saumurois, à Saint-Hilaire-Saint-Florent, à un
kilomètre à peine de l'ENE, l'École nationale d'équitation, qui abrite le célèbre
Cadre noir de Saumur. Sur un terrain de 60 m sur 20, idéalement souple grâce
aux trombes d'eau qui se sont abattues la veille, huit jeunes filles à cheval,
quatre contre quatre, disputent une manche du championnat de France Élite
féminin de horse-ball. De chaque côté du terrain, dans la zone de sécurité
délimitée par un long boudin gonflable posé au sol, deux autres cavalières, dans
chaque camp, se tiennent en réserve. Le but est d'envoyer la balle, en
l'occurrence un ballon de football muni de six poignées en cuir, dans un cercle
vertical d'un mètre de diamètre situé à 3,50 m du sol.
Comme au basket, le porteur du ballon ne peut garder la balle pour lui tout seul,
dans le cas présent plus de dix secondes, et trois passes minimum à trois
partenaires doivent être effectuées avant de tirer. Pour le reste, le horse-ball
emprunte au rugby, notamment pour les touches et plus généralement pour le
contact.
Le horse-ball est un jeu rude : on peut tenter d'arracher la balle à l'adversaire.
Pour le cheval aussi, notamment celui qui fait le « chien », dernier rempart sous
les panneaux. Ce poste « tourne » beaucoup. Gardons nous pourtant de dire que
ce n'est pas un jeu de filles : officiellement, il n'existe que des équipes mixtes ou
féminines. « La raison est simple, explique Julien Thiessard, président de
l'Association française du horse-ball, aujourd'hui, la grande majorité des
pratiquants de l'équitation sont des cavalières. » Elles représenteraient, en effet,
selon les derniers pointages, 75 à 77 % du total. « Cela étant, précise Julien
Thiessard, le horse-ball a été créé en partie pour garder les garçons, et en
catégorie Élite, sur les huit équipes mixtes qui disputent les championnats de
France, soit 48 cavaliers, il n'y a que deux filles. Preuve que le jeu, à haut
niveau, est très exigeant, physiquement. »
Technique et équilibre
Une passe ratée, la balle tombe à terre, Julie plonge sur le côté pour la
ramasser. Une lanière, reliant les deux étriers et passant sous le cheval, permet
à la cavalière d'appuyer sur l'étrier extérieur pour faciliter son rétablissement.
L'équipe de Saumur repart à l'attaque. Les chevaux démarrent avec une vivacité
étonnante, comme s'ils mesuraient l'enjeu du match, rien de moins que la tête
du championnat pour Saumur. Le fond du terrain est délimité par des murs en
rondins gonflables de 1,60 m de haut. Les chevaux, rompus à l'exercice, ne
freinent pas à leur approche. Au dernier moment, ils virevoltent sur eux-mêmes
avec une maestria étonnante. Une manoeuvre qui exige du cavalier une
technique et un équilibre sans failles.
L'attaque portée par Saumur a été bien contrée par Gif, qui a empêché la
porteuse du ballon de s'orienter vers le but. Il y a trop de monde sous le
panneau et celle-ci préfère « rentrer à la maison », retourner dans son camp
pour aérer et reconstruire le jeu.
Le match, très intense, se déroule sur deux périodes de dix minutes, entre et
après lesquelles, les chevaux, à l'encolure blanchie par la transpiration et le
frottement de la bride, font de la « récupération active », et notamment de la
marche à la longe, sans cavalier, pour éliminer l'acide lactique.
Face à Gif, Saumur l'emportera finalement10 à 3. Un score sans appel qui, sans
ternir l'exploit de Saumur, trahit des méthodes d'entraînement différentes. Julie
Murzeau, la capitaine de l'équipe de Saumur, explique : « Nous nous entraînons
trois heures par jour, six jours par semaine, généralement de 6 à 9 heures le
soir, ou, quand c'est possible, sur l'heure du déjeuner. C'est un sport très
exigeant. » Baptiste Auclair, le coach de Gif-sur-Yvette, aimerait bien que ses
« filles » disposent de la même disponibilité : « Elles ne s'entraînent qu'une
heure et demie en moyenne par semaine. »
Cheval et sport collectif
Les coûts ne sont en effet pas les mêmes en région parisienne. Ici à Saumur, ils
sont réduits à l'extrême, grâce, d'une part, aux aides versées à l'Association de
horse-ball par la ville, le département et la région, et de l'autre, à la structure
familiale du centre équestre du Saumurois. Le centre est dirigé par Thierry
Murzeau et son beau-père, Louis Mignon, tandis que le coach de l'équipe
féminine et joueur en Élite mixte, n'est autre que son fils, Cédric, et la capitaine
de l'équipe féminine, sa fille Tiphaine ! Cela étant, le centre ne peut nourrir toute
la famille, et Tiphaine vient de passer son permis transports en commun. Pour
elle, comme pour ses équipières, qui possèdent presque toutes leur cheval, une
saison en élite revient environ à 2 000 eur, explique la belle Anne-Solène,
membre de l'équipe de « Nationale 2 » de Gif et venue à Saumur supporter
l'équipe première. Une somme, certes, mais que peuvent s'offrir des
passionnées, qui sont par ailleurs, dans la vie professionnelle, secrétaire,
comptable, laborantine, voire lycéenne pour la plus jeune.
À Gif, les membres de l'équipe d'Élite féminine sont en majorité étudiantes. Elles
ne possèdent pas leur cheval et naviguent dans le ventre du classement (5es).
Au contraire de l'équipe Élite mixte, actuellement en tête de son championnat.
À Chambly, autre club en compétition ce week-end à Saumur (avec Galbaux,
près de Sens, actuellement en tête des féminines), changement de décor : le
domaine s'ouvre sur un superbe château, les pratiquants sont plus aisés. La
saison revient à 5 000 eur et plus. Parmi les membres de l'équipe féminine, la
n° 3 n'est autre que la charmante Sarah Balutin, fille de Jacques, qui a délaissé
le concours complet « sans le moindre regret » pour s'adonner « au plaisir du
sport co' ». Le horse-ball est sans conteste un sport cher, mais qui peut être
pratiqué par tous, à condition d'habiter à proximité d'un centre équestre et...
d'aimer le cheval. Il faut environ deux saisons pour faire un bon couple de
horse-ball.
À Saint-Hilaire-Saint-Florent, il n'y avait guère plus de spectateurs que de
joueuses. Mais quand un match se déroule pendant un Salon du cheval, il fait
recette. Preuve que le spectacle séduit.
Championnats de France et
d'Europe : où et quand ?
En Élite, huit équipes en mixte et huit en féminine disputent le championnat de
France de horse-ball. A l'issue du week-end, Galbaux, près de Sens, mène le
championnat Elite féminine, avec 21 points, suivi par Saumur, à un point.
Les prochains matchs Élite auront lieu le 17 mars à Tarascon et au Havre, le
7 avril à Grans, près de Grenoble, le 21 avril à Soissons, le 5 mai à
Auvers-sur-Oise et le 19 mai à Bordeaux et Nancy.
Cette année, la France accueille les championnats d'Europe, qui auront lieu à
Saint-Lô, du 10 au 14 août en mixtes et à Rennes, du 14 au 16 septembre, pour
les féminines.
Pour tout renseignement complémentaire, vous pouvez utilement consulter le
site de l'Association de horse-ball: www.horseball.org