LA CASE A PEPE - Musiques Tangentes
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LA CASE A PEPE - Musiques Tangentes
LA CASE A PEPE Censure, répression, démantèlement... L'heure n'est plus à la rigolade. Etre artiste est depuis longtemps être un peu militant. Aujourd'hui il faut en plus, être catcheur et kamikaze. Exercer un métier artistique devient de plus en plus impossible. Il faut accepter pour plus de 90 % d'entre eux de crever de faim. On nous fait croire que les artistes vivent d'amour et d'eau fraîche, ce sont bien là des idées reçues. Pourtant la grande majorité d'entre eux ne ménage pas sa peine et travaille durement. Et oui, la triste réalité est là. Les politiques engagées depuis quelques temps font des ravages, comme si le milieu artistique n'avait pas déjà sa dose : précarité du travail, horaires difficiles... Tenez, essayez de louer un appartement en étant intermittent du spectacle ! Jamais de l'Histoire, les citoyens et les artistes n'avaient été attaqués aussi durement. Après quelques années de maigre reconnaissance, c'est aujourd'hui sur tous les fronts qu'il faut faire face. Ca a commencé avec le décret bruit du 15 décembre 1998 (voir Fanzy n°1). Si ce décret a le mérite de prévenir les risques auditifs, il a de son côté négatif et répressif, entraîné la fermeture de plusieurs centaines de lieux en France dont plus d'une centaine en Ile de France. Ca fait donc autant de lieux en moins pour se produire. Ca continue avec les lois anti-raves du 3 mai 2002. Là ce sont les musiques électroniques qui sont visées. Leur côté indépendant n'est pas pour plaire aux autorités et aux businessmen de la musique (lire l'excellent article de Guillaume dans ce numéro), là aussi saisie de matériel, procès verbal... Ensuite, surgissent les histoires de mendicité : c'est la traque tout azimut, et, entre autre, celle des musiciens. Lorsque la marée chaussée leur tombe dessus c'est la confiscation, voire le bris des instruments de musique des musiciens, et s'ils manifestent leur désapprobation, c'est la garde à vue, P.V. et toute la panoplie des représailles... Et maintenant, coup de grâce final, c'est le régime spécifique d'allocation chômage des artistes qui passe au pilon. Si le projet du MEDEF abouti, ce sont 60% des intermittents qui n'auront plus d'allocation. Là pour le coup c'est un génocide artistique qui se manigance en direct sous nos yeux. Nos artistes, l'exception française n'ont plus qu'à crever. Ce qui est paradoxal, c'est que nous sommes le seul pays où l'industrie du disque ne fut pas en chute libre l'année dernière, et ce, grâce à la fameuse exception Française. Alors on ne comprend plus rien ! On nous parle de déficit du régime spécifique des intermittents du spectacle, mais saviez-vous que le régime des intérimaires du régime général accuse un déficit bien plus scandaleux ? Mais là le MEDEF se tait puisqu'il est le principal bénéficiaire de ce régime, ce qui lui permet d'avoir de la main d'oeuvre flexible à souhait. Dernier coup en date, l'interdiction est faite aux musiciens de jouer au parc de la Villette, vous voyez : là où il y a la "méga" concentration des institutions de la musique, là où l'espace était réservé à la musique : le CNSM, la Cité de la Musique, le Trabendo, le Zénith, la Grande Halle . C'était le dernier lieu de liberté, de rencontre, de convivialité et d'échange où les musiciens se retrouvaient. Et bien c'est fini !!! Pourquoi ? Alors,.... chaud la rentrée. Je vous invite à exprimer votre solidarité aux artistes sous toutes ses formes, pétitions, manifestations, soutiens financiers, occupations de lieux culturels institutionnels, etc. Et bonne rentrée. Le roman noir de la rentrée pour ceux qui veulent savoir comment sont gérés les droits d'auteurs : Main basse sur la musique (d'Irène Inchauspé aux éditions Calmann-Lévy) MUSIQUES TANGENTES : 15, rue Salvador Allende 92240 MALAKOFF tel : 01.40.84.80.09, fax : 01.47.35.46.02 40-42, rue de la Passerelle 92370 CHAVILLE tel : 01.47.50.66.63 E-mail: [email protected] N°ISSN : 1628-8386 FANZY : Trimestriel gratuit édité par Musiques Tangentes à 3500 exemplaires Directeur de la publication : Ludovic Delage / Rédacteur en chef : Héloise Valezy Rédacteurs : Benjamin Desplanques, Maixent Landou, Bruno Mauguil, Anouchka Feigelson, Guillaume Michelon Remerciements à : Marie Sanchez Couverture : Kropol QUOI DE NEUF DOCTEUR... Tout sur l'actualité de Musiques Tangentes... Une grande rencontre autour des musiques actuelles aura lieu le 4 octobre au Zénith à l'initiative du RIF, le réseau Ile de France. Vous pourrez assister à des débats thématiques et à un grand concert réunissant plusieurs groupes autoproduits....... Musiques Tangentes se dote d'un nouveau site situé à Saint-Denis. Ce lieu sera spécialement dédié aux quatre groupes en résidence à partir de la rentrée, dans le cadre du programme "Rezik Dance". Ce programme vise à professionnaliser les artistes en mettant à leur disposition des formations et des studios de répétition. En Octobre, le Forum social aura lieu à Malakoff. Il y aura un stand Musiques Tangentes avec un débat sur la censure... La coordination est assurée par Guillaume (accueil Chaville). Musiques Tangentes se lance dans les concerts à travers sa filiale, Patch Phonolithe. A surveiller a partir de la rentrée. Dorénavant, une rubrique y sera consacrée dans votre cher fanzy: "Du côté de chez Patch"... Musiques Tangentes souhaite la bienvenue à Héloïse à l'accueil jour du site de Malakoff. Elle vient remplacer Benjamin qui s'en est allé du côté de Phonolithe (!!!), et complète ainsi l'équipe composée de Bruno (directeur), Ira (administratrice), Anouchka (coordinatrice pédagogique), J.C. (accueil soirée), et Guillaume (responsable du site de Chaville). Soucieux du confort de ses adhérents, Musiques Tangentes investit dans du nouveau matériel pour la rentrée : 6 amplis de guitare neufs seront répartis dans les locaux de cours et de répétition, sur les sites de Malakoff et de Chaville (qui devrait s'équiper d'une nouvelle sono également) Le studio Bamako se perfectionne avec l'achat prévu d'une nouvelle console. Grande nouveauté : La salle Orchestra va bientôt être équipée de matériel informatique musical, afin de permettre à Musiques Tangentes d'accueillir les musiciens électro en quête de jeu en groupe. Du nouveau pour les ateliers d'ensemble ! Cette année, deux nouveaux ateliers seront proposés : - un atelier musiques celtiques, dirigé par Fanny Bisselbach (violon à Malakoff) - un atelier de blues, dirigé par Arnaud Jules (professeur de piano). Zik LAB Nous proposons aux musiciens férus de musique electro (techno, rap, R'N B...), et désireux de maîtriser les nouvelles technologies, un apprentissage de logiciels tels que Protools, Logic, Reason etc.. L'enseignement est assuré par Bruno Ralle, qui sera ravi de vous aider à percer les mystères de l'arrangement de vos compos, ou de l'utilisation de musique synthétique en concert. L'équipe des professeurs de l'association s'apprête à accueillir un "revenant". Certains se souviendront certainement de lui, car il fut des nôtres lors de "l'ère sèvrienne" pendant une petite quinzaine d'années ! En effet l'excellent Jean-Marc Labbé, professeur de saxophone, ayant joué aux côtés de La Mano Negra, des Têtes Raides, d'Azuquita avec Jim Murple, vous propose ses talents de maître dès la rentrée. Nous sommes heureux d'accueillir ce musicien d'exception, qui joue actuellement dans la formation P18. Dossier Censure ou régression culturelle La Rumeur A l'occasion de notre dossier sur la censure et ce qu'on pourrait qualifier de régression des différents mouvements culturels et musicaux, nous avons décidé de donner la parole à un rapeur du groupe La Rumeur, qui encontre des mésaventures avec le Ministère de l'Intérieur. Hamé, peux-tu nous faire une présentation de La Rumeur? La Rumeur est composé de six membres, deux djs/programmateurs Cool M et Soul G, 4 rappeurs, Maurad, Ékoué, Philippe et moi. Le groupe existe depuis 1994 environ. On a sorti une trilogie entre 1996 et 1999 afin de mettre alternativement en avant les différents membres du groupe. Au terme de la trilogie, sans promo, on a écoulé entre 30 et 40 000 exemplaires. Ce qui a mis la puce à l'oreille de certaines majors. Vu que le label sur lequel on était déposait le bilan, après beaucoup de discussions, on a fini par signer un contrat avec EMI. On a réussi à obtenir un droit de regard sur tout ce qui concerne le travail de La Rumeur: qui va de l'écriture des textes, la production des titres, jusqu'au marketing, ou la mise en place dans les bacs. On a sorti le premier album en avril 2002. La Rumeur, c'est une réappropriation de la parole pour en faire une arme de lutte et de défense populaire, à travers l'identité d'un rap de fils d'immigrés qui parle à partir de là où il est, à partir des quartiers populaires, c'est à dire l'immigration du travail africaine. Nous, on est pour un rap et une expression artistique populaire ancrée aux préoccupations des quartiers populaires. On fait partie de ceux qui pensent que ce sont toujours les minorités qui ont fait reculer la bonne grosse connerie dominante et qui ont rappelé la majorité aux valeurs humanistes essentielles. Maintenant, on est pas des anges, on a nos contradictions, on prend parfois pas de gants pour s'en prendre à certaines impostures d'où qu'elles proviennent... Comment le public a-t-il réagit On a constaté que La Rumeur a un impact, un écho, c'est pas un raz-de-marée mais on a l'impression de voir des gens qui font la démarche de venir voir un concert de La Rumeur, parce que ça dit des choses et parce qu'il y a un intérêt à voir autre chose. Un des meilleurs souvenirs, c'est les premières parties de Noir Désir, où la majorité du public ne venait pas écouter du rap, ne nous connaissait pas a priori, était plus âgé que d'habitude, mais d'où on est sorti sous les applaudissements. Notre démarche a, semble-t-il, reçu l'adhésion d'une partie de ce public. C'est la preuve qu'en étant nous mêmes, avec nos spécificités, on peut exporter et défendre notre message, notre musique, sortir de nos codes pour aller face à des gens qui ne sont pas familiers au milieu hip hop. Nous, on veut faire un maximum de bruit avec un minimum de moyens, c'est ça aussi la définition de La Rumeur. J'ai entendu parler de problèmes avec la justice, peux-tu m'en dire plus ? En mai 2002, pour accompagner la sortie de notre album, on sort un magazine 16 pages gratuit distribué à 50000 exemplaires dont on a entièrement réalisé la rédaction avec des articles, des chroniques, des interviews...C'est une sorte de prolongement de l'album mais sur un autre support. Deux articles vont déchaîner les foudres, premièrement de Skyrock, qui fait pression car la radio est attaquée dans un pamphlet intitulé: "Ne sortez plus sans votre gilet pare-balles" écrit par Ekoué. Ils ont porté plainte pour incitation à la haine et au meurtre, et ont obtenu le retrait de tous les magazines, puis la destruction des stocks, dans la perspective de nous coller un procès. Quelques jours plus tard, le Ministère de l'Intérieur porte plainte. Cette plainte est consécutive à la première. Si Skyrock n'avait pas porté plainte, on aurait pas reçu cette deuxième plainte pour l'article que j'ai écrit. Dans mon papier, il était question de l'insécurité, pas celle dont on parle habituellement, mais autrement plus dévastatrice et qui a été complètement occultée des débats. Celle-ci nous vient d'en haut, des pouvoirs politiques, économiques. C'est une insécurité qui, par exemple, depuis 20 ans, consiste à laminer et éventrer par des réformes et des mesures économiques les quartiers populaires, à mettre des milliers de familles sur la paille, à casser avec un arsenal de lois les populations immigrées. On pourrait parler du durcissement des conditions de séjour des étrangers en France, de la double peine, les lois Pasqua...C'est donc de cette insécurité qui est économique et sociale dont j'ai voulu parler. Aujourd'hui, vivre dans un quartier populaire, c'est avoir plus de chance de crever avant 60 ou 65 ans. L'espérance de vie dans les quartiers populaires est inférieure à la moyenne nationale de 10 à 15 ans. Mettre en exergue la violence et la petite délinquance de certains jeunes de quartiers, c'est pratique car ça permet de contourner discrètement l'insécurité, la violence qui nous viennent d'en haut, à cols blancs et à cravates. Au chapitre de cette insécurité, l'insécurité institutionnalisée, il y a les crimes policiers, les exactions, les humiliations que certains policiers ont un malin plaisir à nous faire subir. Depuis 30 ans environ, plus de 200 personnes sont mortes pour avoir croisé la route de certains policiers. C'est quelque chose que j'ai déjà dit, que je répète. Et jamais un policier n'a fait de peine exemplaire. A l'inverse, quand un flic est tué, c'est minimum 20 piges. Il faut que ce soit puni très lourdement vu que c'est un homicide. Dans le camp opposé, il y a une réelle inégalité de traitement, de poids et de mesure. Il me semble parfois que, même si la peine de mort à été abolie en 1981, elle est officieusement en état de marche pour les pauvres des quartiers et d'autant plus s'ils sont noirs ou arabes. Ce débat là est un tabou des plus redoutables, et un nondit des plus cadenassés du débat sur la violence. N'importe quel psychanalyste le dira: un non-dit finit toujours pas générer des conséquences catastrophiques. C'est vrai pour un individu, ça l'est d'autant plus pour une collectivité. Il est d'intérêt public d'ouvrir ce dossier et de le regarder en face. Y a des solutions. On sait que l'histoire coloniale n'y est pas pour rien, que les institutions que sont la police et l'armée ont toujours une représentation passéiste de la société et jouent un rôle de répression. C'est un travail urgent que doit faire la République Française. Tant qu'une réelle volonté politique dans ce sens ne sera pas formulée, on continuera malheureusement à perdre des frères. Il y a que nous avec l'organisation collective, avec la formulation politique, à travers des vecteurs politiques véritablement liés aux quartiers, qui pourront permettre d'avancer vers le bout du tunnel. C'est le Ministère de l'Intérieur et monsieur Sarkozy, en particulier, qui ont tenu à porter plainte. L' attention de l'actuel ministre de l'Intérieur français a donc été "attirée" par mon article, comme il le dit dans son courrier. Il porte plainte car il estime que certains passages portent atteinte à l'honneur de la police dans la mesure où mes propos insinueraient des comportement policiers qui sortent de la légalité et échappent à la déontologie policière. Non, la police ne tue pas, n'humilie pas, elle ne brutalise jamais. Je suis un mytho, je suis en proie à une manipulation et à un complexe de persécution. Voilà à quoi, aujourd'hui, il faudrait que je m'en tienne. Mais bien évidemment, on va se défendre comme des hommes. Il y a beaucoup d'agressivité en face de nous, il va falloir être offensif. Il y a des syndicats de flics droitiers et fachos qui envisagent de se porter partie civile pour mettre la pression, et que la peine soit d'autant plus exemplaire, pour nous fermer définitivement notre gueule. On est en train de mettre au point une défense sur le fond politique, on va assumer la dimension politique. C'est aussi un procès d'usure financière parce qu'à la clé, il y a une énorme amende. Et on sait que je suis encore chômeur, étudiant, Ekoué, c'est pareil. La Rumeur, c'est un groupe de prolos, de gars qui essaient de se démerder. C'est pas parce qu'on a signé en major il y a deux ans, que nos comptes en banque ont quintuplé de volume. Ce serait un coup sévère à notre santé financière, qui n'est pas au beau fixe. Il y a deux volets à cette affaire : le financier et le politique. On veut s'occuper des deux à la fois. Donc ne veut surtout pas pleurer et quémander du soutien. On va faire savoir que cette affaire existe. On s'est déjà adressé à un certain nombre de media, notamment des télévisions. On va essayer, audelà de ce qui nous arrive, de mettre en avant les questions qu'on soulève. Si on peut braquer les projecteurs vers certains sujets et fédérer certaines personnes, tant mieux. Au moins on aura servi à ça. Le procès est fixé au 9 janvier 2004. Il risque peut-être d'être repoussé. D'ici là, on va faire un gros boucan autour de ça et essayer de mobiliser ce qui comme nous refuse certains schémas, refuse de baisser la tête, refuse la condition de misère qui nous est faite. Interview de Benjamin DU COTE DE CHEZ PATCH Voilà, Musiques Tangentes se dote d'un nouveau moyen de promouvoir les musiques actuelles et les artistes qui lui tiennent à coeur. Patch Phonolithe, filiale de votre association favorite, est pourvue d'une licence d'entrepreneur de spectacles. Pour les néophytes, cela veut dire qu'il nous est possible d'organiser des concerts. Ben, qui quitte l'accueil journée de Malakoff, s'en occupera à partir de la rentrée. Le catalogue est en cours de préparation. L'action portera sur la recherche de concerts pour les groupes travaillant à Musiques Tangentes, et plus particulièrement, les musiciens professionnels ou en voie de professionnalisation. On travaillera groupes de profs: avec des FOOD (Christophe Gauthier), JUKO (Julien Kohler), ZEFIR (Pascal Morrow); et des adhérents: SITA LANTAA (Maixent Landou), KOMA (Ludovic Delage).... Dans une période marquée par la fermeture de salles et le manque d'ouverture de l'industrie musicale, Patch Phonolithe veut être un moyen de diffuser la musique d'artistes qu'on apprécie, et ainsi favoriser une certaine vision de la musique. Alors préparez-vous à sortir ! Dossier : Censure ou régression culturelle La Techno Après le premier teknival autorisé par la préfecture, le 1er mai dernier à Marigny, on pourrait penser que la rave-party est entrée dans les moeurs. Mais cet évènement très médiatisé reste une exception. A l'ombre des projecteurs, les autorités sont moins conciliantes. Le teknival du 1er mai, est le plus grand rassemblement annuel de la scène free-party. C'est un évènement gratuit et ouvert où peut s'exprimer la créativité d'une génération de musiciens en quête d'alternative et d'utopie...Le premier teknival a eu lieu vers Beauvais en 1993 avec 300 personnes, organisé par les travellers anglais boutés hors de Grande-Bretagne par miss Thatcher. Un mythe était né : le camion, le groupe électrogène, et bientôt l'uniforme kaki (symbole de la guérilla sonore) allaient devenir l'attirail de nombreux soundssystems, petite tribu constituées de musiciens, dj et potes, partant sur les traces de leurs aînés (tels les Spirale tribe) organisant des fêtes "clandestines" en plein air dans les champs de France et de Navarre. Très vite, ce phénomène, dont l'ambiance libertaire ressemble étrangement aux festivals pop des années 70, sera accusé de tous les maux : drogue, dégradations de propriétés privées..., Trop tard, l'épidémie est lancée ,et pendant dix ans, on ne compte plus les "teufs" qui rassemblent des milliers de personne chaque samedi soir dans toute la france, et surtout l'été dans le sud. (le "teufeur" à capuche aime danser en plein air). Le 1er mai 2001, le teknival rassemble 25 000 personnes. Pour beaucoup, ce sera "l'arret de mort" du mouvement. L'esprit d'autogestion du départ n'y est plus. Les participants se comportent comme n'importe quels consommateurs, et les tas de détritus font la une des journaux. Le gouvernement Jospin ne sait comment réagir autrement que par la répression, d'autant plus que l'opinion publique voit d'un mauvais oeil ces rassemblements présentés par les grands médias comme des hordes de barbares post-atomiques. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, annonce après mai 2001 qu'il soutient l'amendement antiraves du député RPR Mariani. Le sénat vote un amendement anti-rave en novembre 2001 dans le cadre de la loi de sécurité quotidienne. Pour les organisateurs la saisie du matériel, retrait du permis de conduire pour une durée de trois ans, des peines de travail d'intérêt général et l'interdiction de séjour dans le département. Si l' on ajoute à cela les violences policières et les perquisitions au domicile des principaux acteurs du mouvement, on comprend mieux pourquoi le hardcore (rythme rapide,univers chaotique et agressif) est devenu la musique préférée des free-party. L'association Technopol dépose alors un recours devant le Conseil d'Etat pour réclamer l'annulation du décret anti-rave. Les soundssystems s'organisent en collectif, et appellent à la résistance pacifique. Plusieurs manifestations ont lieu en France, mais la mobilisation reste faible. Méfiance de l'engagement politique et peur des représailles... La techno a du mal à défiler derrière une banderole. On préfère au slogan les postes de radios, tous calés sur la même fréquence (89.4), avec un dj qui motive les troupes depuis les studios de radio libertaire. Ce nouvel outil de désobéissance civile sera baptisé "tune in teknival"). L' avant-garde radicale des free-party devient le symbole du mouvement techno. Dans la tête du profane, il y a alors d'un coté les "vraies" raves, les free-party clandestines et gratuites, et de l'autres la techno commerciale : des compiles "dance-machine" et autres attrape-c... C'est en tout cas ainsi que la télévision et la presse ont présenté les choses, oubliant la majorité des technoïdes qui se situe entre les deux. De nombreux artistes et organisateurs voulant se professionnaliser et sortir un peu de la marginalité, des fêtes payantes et déclarées donc légales) existent depuis les débuts du mouvement. Pour ceux-là, la mauvaise réputation de cette musique, qui pouvait être amusante lors des premières raves, devient vite fastidieuse. En effet, on s'apercevra qu'il est difficile (voire impossible dans certaines régions) de trouver une salle acceptant l'organisation d'une soirée techno, d'autant plus que la police ou les commissions de sécurité cherchent la "petite bête" pour interdire l'évènement. Les nombreuses annulations et fermetures administratives privent ces petites entreprises culturelles de stabilité économique et de crédibilité vis à vis du public ou des artistes. Résultat : dépôts de bilans, abandons par épuisement et crises de nerfs. Paradoxe, à l'heure où la fameuse "french touch" s'exporte sur toute la planète, où les musiques électroniques sont omniprésentes dans les hit-parades et la pub. Il y a bien sûr une vague électro politiquement correct ou plus commerciale se portant bien, mais elle est malheureusement peu représentative de l'authenticité et de l'énergie des années raves, et s'apparente finalement plus à ce que les "yé-yé" ont été pour le rock. De nombreux mélomanes ont d'ailleurs développé un syndrome de technophobie aiguë à l'écoute de ces produits préfabriqués, alors qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'entendre la techno des raves inexistante à la radio. Entre l'amalgame techno/drogue/pitbull du journal de 13h et le manque de reconnaissance artistique (y compris dans le milieu de la musique), les acteurs français de la techno pure et dure cherchent encore leur place. Guillaume Dossier Censure et régression culturelle : La Flèche d'Or Ces derniers temps, les boîtes croulent sous les fermetures administratives, le monde de la nuit et de la culture est-il en danger ? C'est ce que nous voulons découvrir en interviewant Mani, le directeur artistique de la Flèche d'Or (célèbre "gare scénique" qui s'est vu fermer les portes à deux reprises en l'espace de quelques mois) MT : Peux-tu nous parler, pour commencer, de la première fermeture administrative que vous avez subie en décembre ? Pour la première fermeture, il y avait quatre motifs. C'est un peu le genre de technique qu'utiliserait un employeur si son salarié ne commet pas de faute grave, tu lui mets un paquet de petites fautes sur le dos, et ça fait une faute grave. Le premier motif était l'absence de gérant, le deuxième qu'on avait servi de l'alcool a un client passablement éméché (on accueille quand même environ 120 000 entrées payantes par an, on fait parfois quatre a cinq cents personnes dans une soirée, on a du mal à contrôler tout le monde et aujourd'hui la loi nous oblige à savoir ce que les gens ont dans les poches et dans la tête, c'est un peu difficile à gérer.) Il y avait aussi le problème des bruits émergents à l'extérieur, mais en principe ce bruit doit être contrôlé par des appareils de mesure, pas par l'oreille des policiers. Et puis il y avait une histoire de tapage nocturne par des clients à l'extérieur. Tout ça a donné lieu a 9 jours de fermeture administrative, la direction de la flèche d'or a décidé de ne pas faire appel pour ne pas créer de conflit avec la police, on a quand même besoin d'eux aussi. Finalement ça a continué quand même. MT : Et les évènements de février ? Le 26 février, il y a eu une descente de 22 policiers pour arrêter un dealer, qu'ils n'ont finalement pas trouvé. Il y avait une soirée avec de l'habillage interactif, un mélange de Vjing (image de synthèse) en interaction avec des caméras qui filmaient la scène. C'était une superbe soirée contre la guerre en Irak, qui avait l'originalité de mélanger le milieu hip-hop et celui de la jungle et des free-parties. Normalement, ils ne se mélangent pas trop. Grâce à la flèche d'or, ils ont pu trouver des connivences. Le principe était génial! On a vu dans la presse que la police etait intervenue dans un concert de rap, alors que c'était plutôt une soirée jungle. Pour revenir aux faits, les policiers ont été filmés aussi et ça ne leur a pas plu. Nous nous sommes retrouvés avec une nouvelle fermeture d'un mois pour "outrage à agent". Il faut savoir que jusqu'au 28 mars, l'outrage à agent ne donnait pas lieu à une fermeture administrative. Maintenant si. Seuls six policiers sur les 22 présents ont porté plainte, et cela dix jours après les évènements. Le tribunal des référés a suspendu la sanction. Mais il faut aller sur le fond, au tribunal administratif, ça va être long, et ils sont encore en train de mener l'enquête. MT : Pourquoi cet acharnement selon vous ? Au début, on croyait sérieusement qu'ils avaient une dent contre la Flèche d'Or, puis on s'est rendu compte que nous ne sommes pas les seuls à rencontrer ce genre de problèmes. Un tourneur m'a dit qu'il venait de rayer 40 festivals sur sa liste pour cet été, des festivals qui réunissent 1000 à 2000 personnes et qui font tourner des petits groupes, annulés faute d'autorisation ou de subvention. A Lyon, 17 clubs fermés, des cafés ferment un peu partout, tout le monde a des ennuis. 157 fermetures administratives selon la préfecture. Le problème, c'est que pour eux, ça n'est que des débits de boissons, pas des salles de concerts. De toutes façons, ils veulent réduire le nombre d'intermittents du spectacle. On s'attaque aux salles, c'est un peu une façon de couper l'herbe sous les pieds des artistes. MT : Peux-tu nous parler de l'association de défense des lieux de vie et de culture à Paris ? Nous étions déjà membre de l'association avant ces évènements, depuis un peu plus d'un an. On s'est réuni avec l'Opus Café et le Batofar qui avaient eu des ennuis à l'époque, on a voulu les soutenir avec notre nom. Finalement nous avons eu des ennuis aussi. Avec l'association, on défend nos points de vue. On essaie d'avoir un interlocuteur à la préfecture pour que les choses soient un peu plus claires au niveau des attributions de nuits. Pourquoi certains peuvent ouvrir la nuit et d'autres non ? Pourquoi certains peuvent mettre la musique fort et d'autres non ? La préfecture refuse la discussion. MT : Avez-vous eu des soutiens lors de ces deux fermetures administratives ? Enormément. Même des majors. La flèche est connue pour être un lieu alternatif qui se fout des majors, ce qui est un peu faux. On dirait plutôt :"Les petits groupes et les majors, tout le monde au même niveau". On a donc reçu et accepté le soutien de Virgin, de Night -and-Day, de syndicats, de la mairie du XXème, de café et de riverains. Le Flèche d'or café est une ancienne gare désaffectée de l'ancienne "petite ceinture". Sur le principe de la gare scénique se déroulent tous les soirs des concerts, débats, projections.. .La Flèche d'or vient de fêter, le 5 mai dernier, ses 5 ans d'existence. 5 ans de découvertes et d'échanges dans un espace magique sur le thème du voyage immobile. Guillaume et Benjamin Dossier Censure ou régression culturelle Les intermittents du spectacle Sujet bouillant de cette rentrée : l'avenir des intermittents du spectacle. En effet nous pouvons nous faire du soucis pour eux. Musiciens, comédiens, chanteurs, peintres, artistes de cirque, cadreurs, techniciens du son et lumière, animateurs radio, et j'en passe, sont autant de personnes concernées par le projet de réforme visant, à terme, à l'augmentation de leurs heures de travail, à la réduction du laps de temps pour les effectuer, tout en réduisant également la période sur laquelle ceux-ci seraient indemnisés (sinon ce s'rait pas drôle...) Jusqu'à présent, un intermittent du spectacle devait cotiser 507 heures de "piges" ou "cachets" afin de bénéficier d'une indemnisation mensuelle (calculée par les Assedic selon les heures effectuées) sur la période d'une année. Peut être est-il intéressant de savoir qu'avant de bénéficier du statut d'intermittent, la majorité des artistes et techniciens passe souvent une année ou plus à effectuer ses heures sans indemnisation aucune. Car le statut d'intermittent du spectacle est un statut qui se gagne au prix d'un sacrifice que pas mal de "bosseurs-passionnés" ont été prêts à faire jusqu'ici. Mais les premières réformes sont alarmantes, car le nouveau statut prévoit tout d'abord une cotisation de 507 heures sur 9 mois. Celle-ci est rapidement révisée suite aux premières mobilisations des syndicats. On nous parle alors de 507 heures sur 10 mois pour les techniciens, et de 507 heures sur 10 mois et demi pour les artistes. Peut être que la première proposition fait office de fabuleux coup de poker du ministère de la culture, afin de mieux faire "avaler" la seconde proposition de réforme.. Qui sait ? A ces nouvelles conditions, s'ajoute la réduction de la durée d'indemnisation à 247 jours au lieu de 12 mois. Ces 247 jours correspondent à une sorte de forfait dont chaque intermittent est "détenteur", et au-delà duquel il ne lui est plus possible de toucher d'indemnisation. Pour démarrer plus rapidement l'indemnisation des allocataires, les partenaires sociaux ont décidé, dans le dernier accord (datant de fin juillet), de porter la franchise à 30 jours. Le résultat appliqué au réel est scandaleux. Le calcul des indemnités prend soudain des air de loterie : "- si une personne touche 83 cachets de 207 euros brut chacun, au cours d'une période de dix mois et demi, elle gagnera 17 180 euros et elle obtiendra, avec une franchise de 51 jours, 9 926 euros d'indemnités pendant les dix mois suivants. En revanche - si un autre intermittent gagne la même somme sur la même période grâce à 43 cachets de 400 euros, il ne touchera aucune allocation pendant les dix mois suivants, puisque sa franchise aura atteint le plafond de 247 jours." Un tel schéma inciterait les intermittents à déclarer davantage de cachets moins élevés" D'après le"Memo protocole"du calcul des indemnités, distribué à l'ANPE du spectacle, on s'aperçoit de la disparition de la fameuse "date anniversaire" bien connue des statutaires. Le projet de réforme semble viser à régulariser les revenus des intermittents : "chaque année de référence (ramenée donc à 10 ou 10.5 mois) le salaire total reçu dans le mois sera divisé par le Salaire Journalier de Référence de l'année précédente... Mais s'il fallait appliquer ce protocole on se rendrait vite compte que selon les cas particuliers, ce sont 35% des intermittents qui seraient dans l'impossibilité d'effectuer leurs heures. A l'heure où vous lirez cet article du Fanzy, les choses auront peut-être de nouveau évolué. On l'espère du moins pour l'avenir de la diversité culturelle "made in France", même si l'on sait que le nombre d'intermittents a presque triplé en dix ans. De plus, l'assurancechômage accusait en 2001 un déficit de 739 millions d'euros. A ce sujet, de grosses sociétés de production audivisuelle sont montrées du doigt car leur utilisation du statut d'intermittent semble excessive, étant donné la régularité et la nature de leur activité, qui n'ont parfois plus rien à voir avec une activité relatant du domaine culturel. De nombreux artistes ne peuvent pas justifier des fameuses 507 heures nécessaires à l'obtention du statut. Ils utiliseraient donc réellement ces périodes que certains qualifient de "chômage indemnisé " dans le but de se préparer -à l'ombre des projecteurs- à l'exercice de leur métier : à savoir répétitions, créations, achat de matériel, autoproduction, etc.). Entre ces excès internes et la détermination du Medef, on comprend les sérieuses inquiétudes des défenseurs du secteur culturel et de l'"exception française." La situation reste donc très préoccupante, notamment pour ces précaires qui ont déjà des difficultés à cumuler leurs 507 heures.. Et la grande portion d'artistes qui réussissait tout de même à survivre, risque de ne plus pouvoir garder le rythme. On peut d'ores et déjà se poser la question de savoir ce qu'il adviendra d'eux dans le cas où le système ne prévoirait pas une place décente pour nos travailleurs au service de la culture. C'est au vu de cet horizon de points de suspensions et d'attentes que nous refermons ce dossier. Nous avons tenté de dégager quelques faits marquants, selon nous, de l'actualité de l'année, illustrant un phénomène d'entrave à la liberté culturelle de chacun, (donc d'expression), qu'il s'agisse du public ou de l'artiste. Il est malheureusement aisé de constater qu'au jourd'hui, il est de moins en moins facile de vivre d'initiatives culturelles sans passer sous l'égide des "multinationales" de la culture. Héloïse et Guillaume EN PISTE L'agenda concert des groupes sympathisants et musiciens adhérents de Musiques Tangentes. Sortie officielle d'El Bandi chez M10 Records. Cheikh Sidi Bemol en concert le 27 septembre au Centre culturel d'Orly. Sortie fêtée lors du tremplin d'Ivry-sur-Seine le 10 octobre CONCERT de l'association l'Usine (musique, expos) le 12 octobre au Centre culturel d'Athis-mons. Au programme : Gaada, l'Orchestre National de Barbes, Thal Weg et Sidi Bemol Renseignements : http://louzine.free. Vous êtes adhérents, professeurs, ou amis musiciens en concert ? Et bien le Fanzy vous propose de faire circuler l'information pour vous, car un espace VOUS est consacré dans nos pages. N'hésitez-plus à me contacter afin de me communiquer vos dates de concerts : [email protected] BAZAR Les petites annonces de Musiques Tangentes... Guitariste déb. 13 ans ch. groupe reprises ou compos entre 12 et 16 ans (soad, nirvana, muse) Contact : 06-82-77-38-07. Voix et Guitare Rech. Répertoire Jazz Chanson française et italienne. Possédons local de répétition, (piano électrique et sono voix) Contact : 01 46 38 44 93. Bassiste Cherche groupe tous styles. Ronana: 06 18 49 42 76. Et encore d'autres annonces dans nos locaux ... Chanteuse Cherche groupe influence soul/rock/gospel. Interprète/auteur/compositeur. Contact : 06 75 59 92 62 Guitare flamenco, Juan Estruch 1974 à chevilles. 900 euros. 06 64 18 97 66. Ampli Guitare Fender Deluxe Reverb II Révisé, lampes neuves, 2 canaux. 700 Euros. Contact: Eric, 06 07 97 82 43. Djembe, 35 cm. 230 euros. 06 64 22 70 63. Accordéon, avec clavier (80 bass.). 300 Euros. 06 15 36 49 21 Piano droit marque bentley (acajou verni) bon état, 1m de hauteur, 3 pédales, bien adapté pour un appartement 1200 euros Contact : 01-30-24-11-25 Duo (chant, guit., basse, guit.) cherche batteur. Style rock, blues, espé (T. Waits, N. Cave, Cramps) Eric: 01 48-56- 25-15 ou 06-32-10-10- 34 Congas MEINL MARATHON. Beau son. 400 euros. 06 11 45 06 56. VIBRATION AFRICAINE Un petit tour en Afrique noire en compagnie de Maixent Landou... Bonjour Ami(e)s du Fanzy! L'aventure continue. C'est avec un grand plaisir que je vous retrouve une nouvelle fois. Comme je vous l'ai dit dans le Fanzy précédent, je ne vous parlerai que des musiques urbaines d'Afrique noire, en commençant par celle qui m'est la plus familière: la rumba congolaise. Cette musique, qui malgré le dynamisme d'autres courants musicaux sub-sahariens, continue d'occuper une position hégémonique grâce à: - sa grande popularité en Afrique noire - son influence importante sur d'autres courants musicaux tels le "benga" kenyan, le "semba" angolais, le "panko" nigérian. Cette rumba congolaise provient d'un "mix" de quatre influences principales: - les traditions locales, - la technique guitaristique des "westcoastmen", expatriés d'autres pays africains plus à l'ouest, notamment les camerounais et les ghanéens, - les apports des musiques afro-cubaines et caraïbéennes, - les musiques occidentales. Aujourd'hui, je vous parlerai de la première d'entre elles, mais avant de le faire, j'aimerais vous faire remarquer que cette rumba congolaise, comme d'autres genres musicaux à travers le monde, est le fruit d'un métissage. Certes la rumba congolaise comme la jazz ou d'autres courants a bénéficié de relais médiatiques pour favoriser son expansion. Mais n'a-t-elle pas été médiatisée grâce au brassage qu'elle porte en elle, et le fait que beaucoup peuvent donc s'y reconnaître. Ce constat peut paraître simpliste, cependant, à l'heure où le repli sur soi est le maître mot de certains, la question mérite, me semble-til, d'être posée. Revenons donc à l'influence des traditions locales sur la rumba congolaise. Comme son nom l'indique, cette musique a son creuset entre les deux Congos, en Afrique centrale. Les peuples de ces pays sont essentiellement "bantous", groupe de populations qui va des confins du Cameroun à l'Afrique du Sud et englobe certaines parties de l'Afrique de l'est. Les "bantous" (signifiant "homme" dans certains langues de ce groupe) sont composés des peuples qui ont énormément de folklores. Les musiciens de la rumba congolaise, toutes générations confondues, ne se sont pas privés de puiser dans ceux-ci, et cela pour différentes raisons: prenant en marche le train de l'industrialisation et par définition de l'urbanisation, ils sont souvent encore intimement liés à leurs peuples d'origine et leurs folklores, n'ayant pas été éloignés de leurs territoires, ils ont un accès direct à leurs traditions, même si pendant la période coloniale, l'administration a tenté de limiter celles-ci par différents moyens, D'autre part, les musiciens congolais chantent dans les langues locales avec, depuis les années 40, un net avantage pour le lingala, langue créée au XIX° siècle pour les échanges commerciaux à partir de plusieurs "parlers" locaux et qui est usité dans les deux Congos. De plus , ils utilisent, dans certains cas, des instruments traditionnels : les "bitsatsa", sorte de maracas en fer ou en bois, le "lokolé" qui se joue avec des baguettes, les "ngomas", sorte de tam-tam, et, pour une génération plus ancienne, les "patenge", autre type de tam-tam, et les "mkwakwa", sorte de grattoir. Parmi les rythmes récurrents de la rumba congolaise, directement issus de la tradition, on peut citer le "zébola" appelé aussi "lokolé", comme l'instrument, qui fait partie de la famille des 6/8, le "walla", genre de 12/8, voire le "mutuashi", un genre de rumba avec une clave syncopée, cousine de la samba et qui, comme elle, se pense en 2/2. Je vous citerai d'ailleurs, comme représentante de ce dernier rythme, l'une des rares chanteuses reconnues dans le monde un tantinet machiste de la musique congolaise: Tshala Muana. Voici venue l'heure de nous quitter, cher(e)s ami(e)s. Avant de partir, je vous donne quelques références discographiques pour vous faire une idée sur les musiques sub-sahariennes en général et la rumba congolaise en particulier. < Discographie > Franco et le Tp OK Jazz "Mario" et "20ème anniversaire, 6 juin 1956-6 juin 1976" KoffiI Olomide"Loi","Magie","Noblesse oblige" et "V12" ZAO "Ancien Combattant" (pour la chanson humoristicosatyrique congolaise). Zaiko langa Langa "Nippon Banzaî" . "The sound of Kinshasa,Guitar classics from Zaîre"Editions Night & Day. Rochereau Tabu Ley et l'African Fiesta National (1966/1969) "Les merveilles du passé", (1957-1975)"Editions African. "Slows classiques de la Musique Congolaise" Editions Sonodisc(1998) A l'occasion de notre dossier sur la censure et la répression de différents mouvements culturels et musicaux, nous avons décidé de donner la parole à un rapeur du groupe La Rumeur, qui encontre des mésaventures avec le Ministère de l'Intérieur. Hamé, peux-tu nous faire une présentation de La Rumeur? La Rumeur est composé de six membres, deux djs/programmateurs Cool M et Soul G, 4 rappeurs, Maurad, Ékoué, Philippe et moi. Le groupe existe depuis 1994 environ. On a sorti une trilogie entre 1996 et 1999 afin de mettre alternativement en avant les différents membres du groupe. Au terme de la trilogie, sans promo, on a écoulé entre 30 et 40 000 exemplaires. Ce qui a mis la puce à l'oreille de certaines majors. Vu que le label sur lequel on était déposait le bilan, après beaucoup de discussions, on a fini par signer un contrat avec EMI. On a réussi à obtenir un droit de regard sur tout ce qui concde swaanerne le travail de La Rumeur: qui va de l'écriture des textes, la production des de swaantitres, jusqu'au marketing, ou la mise en place dans les bacs. On a sorti le premier album en avril 2002. La Rumeur, c'est une réappropriation de la parole pour en faire une arme de lutte et de défense populaire, à travers l'identité d'un rap de fils d'immigrés qui parle à partir de là où il est, à partir des quartiers populaires, c'est à dire l'immigration du travail africaine. Nous, on est pour un rap et une expression artistique populaire ancrée aux préoccupations des quartiers populaires. On fait partie de ceux qui pensent que ce sont toujours les minorités qui ont fait reculer la bonne grosse connerie dominante et qui ont rappelé la majorité aux valeurs humanistes essentielles. Maintenant, on est pas des anges, on a nos contradictions, on prend parfois pas de gants pour s'en prendre à certaines impostures d'où qu'elles proviennent... Comment le public a-t-il réagit On a constaté que La Rumeur a un impact, un écho, c'est pas un raz-de-marée mais on a l'impression de voir des gens qui font la démarche de venir voir un concert de La Rumeur, parce que ça dit des choses et parce qu'il y a un intérêt à voir autre chose. Un des meilleurs souvenirs, c'est les premières parties de Noir Désir, où la majorité du public ne venait pas écouter du rap, ne nous connaissait pas a priori, était plus âgé que d'habitude, mais d'où on est sorti sous les applaudissements. Notre démarche a, semble-t-il, reçu l'adhésion d'une partie de ce public. C'est la preuve qu'en étant nous mêmes, avec nos spécificités, on peut exporter et défendre notre message, notre musique, sortir de nos codes pour aller face à des gens qui ne sont pas familiers au milieu hip hop. Nous, on veut faire un maximum de bruit avec un minimum de moyens, c'est ça aussi la définition de La Rumeur. J'ai entendu parler de problèmes avec la justice, peux-tu m'en dire plus ? En mai 2002, pour accompagner la sortie de notre album, on sort un magazine 16 pages gratuit distribué à 50000 exemplaires dont on a entièrement réalisé la rédaction avec des articles, des chroniques, des interviews...C'est une sorte de prolongement de l'album mais sur un autre support. Deux articles vont déchaîner les foudres, premièrement de Skyrock, qui fait pression car la radio est attaquée dans un pamphlet intitulé: "Ne sortez plus sans votre gilet pare-balles" écrit par Ekoué. Ils ont porté plainte pour incitation à la haine et au meurtre, et ont obtenu le retrait de tous les magazines, puis la destruction des stocks, dans la perspective de nous coller un procès. Quelques jours plus tard, le Ministère de l'Intérieur porte plainte. Cette plainte est consécutive à la première. Si Skyrock n'avait pas porté plainte, on aurait pas reçu cette deuxième plainte pour l'article que j'ai écrit. Dans mon papier, il était question de l'insécurité, pas celle dont on parle habituellement, mais autrement plus dévastatrice et qui a été complètement occultée des débats. Celle-ci nous vient d'en haut, des pouvoirs politiques, économiques. C'est une insécurité qui, par exemple, depuis 20 ans, consiste à laminer et éventrer par des réformes et des mesures économiques les quartiers populaires, à mettre des milliers de familles sur la paille, à casser avec un arsenal de lois les populations immigrées. On pourrait parler du durcissement des conditions de séjour des étrangers en France, de la double peine, les lois Pasqua...C'est donc de cette insécurité qui est économique et sociale dont j'ai voulu parler. Aujourd'hui, vivre dans un quartier populaire, c'est avoir plus de chance de crever avant 60 ou 65 ans. L'espérance de vie dans les quartiers populaires est inférieure à la moyenne nationale de 10 à 15 ans. Mettre en exergue la violence et la petite délinquance de certains jeunes de quartiers, c'est pratique car ça permet de contourner discrètement l'insécurité, la violence qui nous viennent d'en haut, à cols blancs et à cravates. Au chapitre de cette insécurité, l'insécurité institutionnalisée, il y a les crimes policiers, les exactions, les humiliations que certains policiers ont un malin plaisir à nous faire subir. Depuis 30 ans environ, plus de 200 personnes sont mortes pour avoir croisé la route de certains policiers. C'est quelque chose que j'ai déjà dit, que je répète. Et jamais un policier n'a fait de peine exemplaire. A l'inverse, quand un flic est tué, c'est minimum 20 piges. Il faut que ce soit puni très lourdement vu que c'est un homicide. Dans le camp opposé, il y a une réelle inégalité de traitement, de poids et de mesure. Il me semble parfois que, même si la peine de mort à été abolie en 1981, elle est officieusement en état de marche pour les pauvres des quartiers et d'autant plus s'ils sont noirs ou arabes. Ce débat là est un tabou des plus redoutables, et un non-dit des plus cadenassés du débat sur la violence. N'importe quel psychanalyste le dira: un non-dit finit toujours pas générer des conséquences catastrophiques. C'est vrai pour un individu, ça l'est d'autant plus pour une collectivité. Il est d'intérêt public d'ouvrir ce dossier et de le regarder en face. Y a des solutions. On sait que l'histoire coloniale n'y est pas pour rien, que les institutions que sont la police et l'armée ont toujours une représentation passéiste de la société et jouent un rôle de répression. C'est un travail urgent que doit faire la République Française. Tant qu'une réelle volonté politique dans ce sens ne sera pas formulée, on continuera malheureusement à perdre des frères. Il y a que nous avec l'organisation collective, avec la formulation politique, à travers des vecteurs politiques véritablement liés aux quartiers, qui pourront permettre d'avancer vers le bout du tunnel. C'est le Ministère de l'Intérieur et monsieur Sarkozy, en particulier, qui ont tenu à porter plainte. L' attention de l'actuel ministre de l'Intérieur français a donc été "attirée" par mon article, comme il le dit dans son courrier. Il porte plainte car il estime que certains passages portent atteinte à l'honneur de la police dans la mesure où mes propos insinueraient des comportement policiers qui sortent de la légalité et échappent à la déontologie policière. Non, la police ne tue pas, n'humilie pas, elle ne brutalise jamais. Je suis un mytho, je suis en proie à une manipulation et à un complexe de persécution. Voilà à quoi, aujourd'hui, il faudrait que je m'en tienne. Mais bien évidemment, on va se défendre comme des hommes. Il y a beaucoup d'agressivité en face de nous, il va falloir être offensif. Il y a des syndicats de flics droitiers et fachos qui envisagent de se porter partie civile pour mettre la pression, et que la peine soit d'autant plus exemplaire, pour nous fermer définitivement notre gueule. On est en train de mettre au point une défense sur le fond politique, on va assumer la dimension politique. C'est aussi un procès d'usure financière parce qu'à la clé, il y a une énorme amende. Et on sait que je suis encore chômeur, étudiant, Ekoué, c'est pareil. La Rumeur, c'est un groupe de prolos, de gars qui essaient de se démerder. C'est pas parce qu'on a signé en major il y a deux ans, que nos comptes en banque ont quintuplé de volume. Ce serait un coup sévère à notre santé financière, qui n'est pas au beau fixe. Il y a deux volets à cette affaire : le financier et le politique. On veut s'occuper des deux à la fois. Donc ne veut surtout pas pleurer et quémander du soutien. On va faire savoir que cette affaire existe. On s'est déjà adressé à un certain nombre de media, notamment des télévisions. On va essayer, au-delà de ce qui nous arrive, de mettre en avant les questions qu'on soulève. Si on peut braquer les projecteurs vers certains sujets et fédérer certaines personnes, tant mieux. Au moins on aura servi à ça. Le procès est fixé au 9 janvier 2004. Il risque peut-être d'être repoussé. D'ici - là, on va faire un gros boucan autour de ça et essayer de mobiliser ce qui comme nous refuse certains schémas, refuse de baisser la tête, refuse la condition de misère qui nous est faite. Interview de Benjamin DU CÔTE DE CHEZ PATCH Voilà, Musiques Tangentes se dote d'un nouveau moyen de promouvoir les musiques actuelles et les artistes qui lui tiennent à coeur. Patch Phonolithe, filiale de votre association favorite, est pourvue d'une licence d'entrepreneur de spectacles. Pour les néophytes, cela veut dire qu'il nous est possible d'organiser des concerts. Ben, qui quitte l'accueil journée de Malakoff, s'en occupera à partir de la rentrée. Le catalogue est en cours de préparation. L'action portera sur la recherche de concerts pour les groupes travaillant à Musiques Tangentes, et plus particulièrement, les musiciens professionnels ou en voie de professionnalisation. On travaillera avec des groupes de profs: FOOD (Christophe Gauthier), JUKO (Julien Kohler), ZEFIR (Pascal Morrow); et des adhérents: SITA LANTAA (Maixent Landou), KOMA (Ludovic Delage).... Dans une période marquée par la fermeture de salles et le manque d'ouverture de l'industrie musicale, Patch Phonolithe veut être un moyen de diffuser la musique d'artistes qu'on apprécie, et ainsi favoriser une certaine vision de la musique. Alors préparez-vous à sortir! Après le premier teknival autorisé par la préfecture, le 1er mai dernier à Marigny, on pourrait penser que la rave-party est entrée dans les moeurs. Mais cet évènement très médiatisé reste une exception. A l'ombre des projecteurs, les autorités sont moins conciliantes. Le teknival du 1er mai, est le plus grand rassemblement annuel de la scène free-party. C'est un évènement gratuit et ouvert où peut s'exprimer la créativité d'une génération de musiciens en quête d'alternative et d'utopie...Le premier teknival a eu lieu vers Beauvais en 1993 avec 300 personnes, organisé par les travellers anglais boutés hors de Grande-Bretagne par miss Thatcher. Un mythe était né : le camion, le groupe électrogène, et bientôt l'uniforme kaki (symbole de la guérilla sonore) allaient devenir l'attirail de nombreux sounds-systems, petite tribu constituées de musiciens, dj et potes, partant sur les traces de leurs aînés (tels les Spirale tribe) organisant des fêtes "clandestines" en plein air dans les champs de France et de Navarre. Très vite, ce phénomène, dont l'ambiance libertaire ressemble étrangement aux festivals pop des années 70, sera accusé de tous les maux : drogue, dégradations de propriétés privées..., Trop tard, l'épidémie est lancée ,et pendant dix ans, on ne compte plus les "teufs" qui rassemblent des milliers de personne chaque samedi soir dans toute la france, et surtout l'été dans le sud. (le "teufeur" à capuche aime danser en plein air). Le 1er mai 2001, le teknival rassemble 25 000 personnes. Pour beaucoup, ce sera "l'arret de mort" du mouvement. L'esprit d'autogestion du départ n'y est plus. Les participants se comportent comme n'importe quels consommateurs, et les tas de détritus font la une des journaux. Le gouvernement Jospin ne sait comment réagir autrement que par la répression, d'autant plus que l'opinion publique voit d'un mauvais oeil ces rassemblements présentés par les grands médias comme des hordes de barbares post-atomiques. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, annonce après mai 2001 qu'il soutient l'amendement antiraves du député RPR Mariani. Le sénat vote un amendement anti-rave en novembre 2001 dans le cadre de la loi de sécurité quotidienne. Pour les organisateurs la saisie du matériel, retrait du permis de conduire pour une durée de trois ans, des peines de travail d'intérêt général et l'interdiction de séjour dans le département. Si l' on ajoute à cela les violences policières et les perquisitions au domicile des principaux acteurs du mouvement, on comprend mieux pourquoi le hardcore (rythme rapide,univers chaotique et agressif) est devenu la musique préférée des free-party. L'association Technopol dépose alors un recours devant le Conseil d'Etat pour réclamer l'annulation du décret anti-rave. Les sounds-systems s'organisent en collectif, et appellent à la résistance pacifique. Plusieurs manifestations ont lieu en France, mais la mobilisation reste faible. Méfiance de l'engagement politique et peur des représailles... La techno a du mal à défiler derrière une banderole. On préfère au slogan les postes de radios, tous calés sur la même fréquence (89.4), avec un dj qui motive les troupes depuis les studios de radio libertaire. Ce nouvel outil de désobéissance civile sera baptisé "tune in teknival"). L' avant-garde radicale des freeparty devient le symbole du mouvement techno. Dans la tête du profane, il y a alors d'un coté les "vraies" raves, les free-party clandestines et gratuites, et de l'autres la techno commerciale : des compiles "dance-machine" et autres attrape-c... C'est en tout cas ainsi que la télévision et la presse ont présenté les choses, oubliant la majorité des technoïdes qui se situe entre les deux. De nombreux artistes et organisateurs voulant se professionnaliser et sortir un peu de la marginalité, des fêtes payantes et déclarées donc légales) existent depuis les débuts du mouvement. Pour ceux-là, la mauvaise réputation de cette musique, qui pouvait être amusante lors des premières raves, devient vite fastidieuse. En effet, on s'apercevra qu'il est difficile (voire impossible dans certaines régions) de trouver une salle acceptant l'organisation d'une soirée techno, d'autant plus que la police ou les commissions de sécurité cherchent la "petite bête" pour interdire l'évènement. Les nombreuses annulations et fermetures administratives privent ces petites entreprises culturelles de stabilité économique et de crédibilité vis à vis du public ou des artistes. Résultat : dépôts de bilans, abandons par épuisement et crises de nerfs. Paradoxe, à l'heure où la fameuse "french touch" s'exporte sur toute la planète, où les musiques électroniques sont omniprésentes dans les hitparades et la pub. Il y a bien sûr une vague électro politiquement correct ou plus commerciale se portant bien, mais elle est malheureusement peu représentative de l'authenticité et de l'énergie des années raves, et s'apparente finalement plus à ce que les "yé-yé" ont été pour le rock. De nombreux mélomanes ont d'ailleurs développé un syndrome de technophobie aiguë à l'écoute de ces produits préfabriqués, alors qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'entendre la techno des raves inexistante à la radio. Entre l'amalgame techno/drogue/pitbull du journal de 13h et le manque de reconnaissance artistique (y compris dans le milieu de la musique), les acteurs français de la techno pure et dure cherchent encore leur place. Guillaume