Rapport de la table ronde sous le thème « La Réforme de la Justice

Transcription

Rapport de la table ronde sous le thème « La Réforme de la Justice
Rapport de la table ronde sous le thème
« La Réforme de la Justice Pénale au Maroc :
Phase de Jugement »
17 avril 2013
Hôtel Golden Tûlip Farah - Casablanca
L’association Droit et Justice en partenariat avec le bureau régional du club des
magistrats du Maroc à Casablanca et en collaboration avec la fondation Hanns
Seidel, a organisé une deuxième table ronde sur le thème : « La réforme de la justice
Pénale au Maroc : Phase de Jugement », et ce, le 17 Avril 2013 à Casablanca. De
nombreuses personnalités ont assisté à cet événement notamment des magistrats,
avocats, le vice président du club des magistrats, le conseiller Monsieur Mohamed
Anbar, le Procureur Général du Roi près la cour d’appel de Casablanca, Monsieur
Moulay Abdallah Elbelghiti, et Madame Aicha Elnassiri, procureur du Roi près le
tribunal civil et présidente de l’association des femmes juges.
La table ronde, a été animée par maître Mourad Faouzi, secrétaire général de
l’association Droit et Justice ; suivi par Monsieur Mohamed Elbakir, avocat et
professeur à la faculté du droit. Dans son intervention, Monsieur Elbakir a constaté
que l’évaluation de la performance de la justice pénale au Maroc selon les normes
internationales des droits de l’Homme, conduit à des résultats qui ne sont pas
objectifs. Monsieur Elbakir a expliqué dans son intervention la signification
linguistique d’un procès équitable. Ce dernier renvoie à une justice dans laquelle une
affaire est traitée sur le même pied d’égalité entre la défense et l’accusé. Bien que le
code de procédure pénale contienne toutes les garanties pour un procès équitable, il
est impossible que le parquet et l’accusé soient sur le même pied d’égalité. Il conclu
son intervention en dénonçant la détermination des autorités compétentes de garder
un suspect en détention préventive au lieu de le mettre en liberté jusqu’au jour du
jugement.
Monsieur Abdelaziz ElBaâli, Président du bureau régional des magistrats du Maroc à
Casablanca, a mis en évidence les garanties d’un procès équitable prévues dans le
code de procédure pénale marocain selon des critères internationaux. Parmi ces
critères, le respect d’un équilibre entre les parties, la séparation des pouvoirs entre
l’autorité chargée de l’exercice de l’action publique, l’instruction et l’autorité de
jugement. Le code de procédure pénal confirme la présomption d’innocence,
reconnait le droit de l’accusé à une assistance et un procès public.
Toutefois, selon Monsieur ElBaâli la problématique réside dans l’interprétation des
textes juridiques portant du fait que le législateur marocain a adopté le principe de la
nullité juridique, c'est-à-dire pas de sanction sans texte. Pour certaines dispositions
procédurales, le juge n’est pas obligé de se prononcer sur la nullité d’une violation
d’une règle procédurale, du seul fait que la cour de cassation – l’organisme chargé
par le législateur d’unifier la jurisprudence – ne prend jamais une seule décision.
1
Pour donner la vraie valeur à un texte juridique, il faut prendre la décision d’annuler
toute atteinte procédurale.
Pour répondre à la question relative à l’excès dans le recours à la détention
préventive, Monsieur Abdelaziz Elbaâli a confirmé que le recours à la détention n’est
pas possible qu’après réunion des conditions suivantes : le droit de la victime à la
protection, le droit de la société à la sécurité, et la nécessité de traiter objectivement
la détention préventive.
En ce qui concerne l'indépendance du parquet, Elbaâli a considéré que l'affaire est
réglée constitutionnellement, et que toute atteinte à cette indépendance dans les lois
organiques sera contestée constitutionnellement. Le club quand il a exigé
l'indépendance du parquet, il a fait appel aux débats, qui ont été soulevé dans les
pays développés comme la France, de qui le Maroc a importé le modèle de
dépendance du procureur au ministre de la Justice et c’est la position de la Cour
européenne des droits de l'homme qui a estimé que la justice française n’est pas
indépendante au motif que le parquet est dépendant du ministre de la justice. Le
Maroc dans son contexte juridique actuel, sa justice ne peut pas revenir en arrière et
laisser le parquet dans la captivité de la dépendance.
Le docteur Omar Azoughar, avocat à l’ordre de Casablanca et professeur
universitaire, s’est référé dans son intervention, à l'approche constitutionnelle d’un
droit à un procès équitable, tel que prévu par la Constitution de 2011. Il appartient
aux autorités d’abroger les textes nationaux contraires avec les dispositions
constitutionnelles afin d’harmoniser la législation interne avec les conventions
internationales relatives au droit à un procès équitable. Il a mis le point sur les
contraintes qui empêchent un procès équitable, exemple la chambre criminelle de
Casablanca qui statue sur plus de 100 affaires pénales, si un juge souhaite donner
10 min pour chaque affaire, combien de temps peut prendre une audience. Selon
Monsieur Azoughar, le problème est celui du texte et non du juge qui se trouve
obliger de prendre en considération le PV de la police judiciaire puisque le législateur
lui a donné la force probante d’une preuve.
Monsieur Khalid El Marrouni, avocat à l’ordre de Kenitra, a mis le point sur les
obstacles de la réforme de la justice pénale au Maroc. Parmi ces obstacles : la non
prise en considération de la présomption d’innocence dans la justice pénale ce qui
porte atteinte aux droits de la défense ; la non réponse à la plupart des moyens de
défense invoqués, ni à une demande de citer des témoins ou à un contrôle sur le
travail de la police judiciaire. Aussi, le système de l’assistance judicaire connaît-il un
nombre important de problème puisque les avocats nommés dans ce cadre ne
reçoivent aucune indemnité alors qu’en contrepartie ils sont obligés de payer des
impôts.
Monsieur Anbar, Président du club des magistrats a confirmé qu’un procès équitable
au Maroc se heurte à plusieurs obstacles, parmi eux la dépendance de la police
judiciaire, dans la mesure où le parquet prend la décision de la détention; la faible
garantie de l’indépendance des magistrats qui ne permet pas à un juge de prendre
sa décision sans aucune influence.
Monsieur Abdelaziz Zahran, Président de la chambre criminelle près la cour d’appel
de Casablanca, a donné ses commentaires concernant certaines interventions. Il a
2
confirmé qu’en matière répressive il n’existe que des témoins de vérité, et lorsque la
justice décide de rejeter une liste de témoins c’est parce qu’il n’ y a pas d’intérêt à les
entendre. Aussi, il a confirmé qu’un procès équitable ne commence pas et ne s’arrête
pas au niveau de la phase de jugement. En partant de son expérience, le juge
marocain, même en présence de plusieurs dossiers respecte le droit de la défense, il
cherche également, comme il peut, à consolider son indépendance vis-à-vis de soimême, de ses collègues et de toute influence externe.
Monsieur Abdallah Alaoui Elbelghriti, le procureur général du roi près la Cour d’appel
de Casablanca, était le dernier intervenant. Il s’est référé au titre du thème de la table
ronde qui est la réforme de la justice pénale, et il a confirmé que les conditions de la
réforme exigent la détermination des points de défaillance. Il a posé la question à
savoir : la défaillance est-elle dans le texte ou dans la pratique ?
Il a considéré, selon son expérience professionnelle de 44 ans, que les textes
juridiques marocain, principalement le code de procédure pénal est très avancé par
rapport à beaucoup de pays, et que toutes les garanties, sans exception, d’un
procès équitable ont été prévues. Il a confirmé l’existence de certaines
problématiques dans la pratique. Un juge doit défendre son indépendance, et
prendre sa décision, même s’il reçoit des recommandations du supérieur
hiérarchique.
Le procureur général a fait part de son expérience à la tête du parquet général, près
la cour d’appel de Casablanca. Face à la détention préventive qui se caractérise par
un traitement général pour chaque affaire, à partir des faits et de lois adaptées
jusqu’à l’incrimination du détenu, , il y’ a parfois recours à un vote en cas de
déférence entre plusieurs points de vues. Le procureur général ne prend pas seul la
décision, son rôle consiste à animer le débat qu’il ouvre avec ses substituts
concernant une affaire. Pour Monsieur Elbelghiti la réforme est une opération
continue et c’est avec l’effort de tous qu’on peut faire sa réussite.
Concernant les textes juridiques, les recommandations des participants sont les
suivantes, il faut:
1-confirmer l’indépendance du parquet général vis-à-vis du ministère de la justice
pour l’adapter au texte constitutionnel et soumettre son autorité dans la mise en
détention préventive au contrôle de la justice, avec le dédommagement de l’ancien
détenu suite à l’ordonnance de non suite ou l’acquittement.
2- Reconsidérer la force probante accordée aux PV de la police judiciaire, en
particulier dans les délits, et que la police judiciaire devient dépendante,
exclusivement, du pouvoir judiciaire.
3-Prononcer la nullité en cas de non respect des procédures prévues par la loi.
4-Fixer des délais courts et obligatoires pour le transfert du dossier de l’affaire devant
le tribunal du deuxième degré après appel à un jugement.
5-Indemniser les avocats nommés d’office dans le cadre de l’assistance judicaire,
demander l’intervention du tribunal en cas d’un manque constaté dans la défense.
3
6-Dédommager le suspect victime d’un abus ; adapter des règles de la justice en
conformité avec l’article 14 (6) de la charte internationale des droits civils et
politiques.
7- Appliquer les conventions internationales ratifiées par le Maroc en leur accordant
la primauté sur la législation interne.
8- Déterminer le
objectifs.
pouvoir discrétionnaire du juge et le soumettre à des critères
10- Permettre aux prisonniers de bénéficier de l’assistance judiciaire en cas d’atteinte
à leurs droits et d’être dédommagés pour les préjudices qu’ils auraient subis.
11- Avoir le droit d’obtenir une copie du dossier de l’affaire en cas d’appel à une
ordonnance du juge d’instruction.
Concernant la réunion des conditions d’un procès équitable d’un point de vue
logistique et matériel, les participants ont recommandé de :
1- Mettre à disposition des structures d'accueil dans les tribunaux : grandes salles et
haut-parleurs.
2- Fournir un nombre suffisant de juges ; limiter le nombre de dossiers qui leur sont
présentés, tout en améliorant leur situation matériel ; leur assurer une protection
contre toute atteinte à laquelle ils peuvent faire l'objet dans l'exercice de leur
fonction.
3- Fournir un nombre suffisant d'ordinateurs, de secrétaires et des auxiliaires
judiciaires dans les audiences.
4- Fournir un nombre suffisant d'agents de sûreté dans les tribunaux, des véhicules
pour le transport d’accusés aux établissements pénitentiaires.
Et il a été décidé de transmettre ces recommandations aux départements concernés
pour être prise en considération en cas de réforme législative prévisionnelle.
Hakim Ouardi
Membre du club des magistrats du Maroc à Casablanca
4