Paul Ricard et Charly
Transcription
Paul Ricard et Charly
Paul Ricard et Charly Une histoire d’amitié, de sponsoring et de mécénat. Paul Ricard, inventeur en 1932 de la célèbre boisson anisée qui porte son nom, va jouer un rôle prépondérant dans la carrière et l’œuvre du caricaturiste seynois. L’œuvre de Charly recèle en effet d’innombrables mentions de la boisson anisée. Comment peut-on l’expliquer ? Quels liens peut-on établir entre ces mentions dans l’œuvre et la politique novatrice de l’entreprise marseillaise ? En 1951, une loi-décret interdit la publicité des produits anisés par affiche et par presse. Paul Ricard va alors contourner l’obstacle en devenant le précurseur du sponsoring et du parrainage d’entreprise. Il invente une communication globale qui conjugue en les entremêlant, publicité, sponsoring, mécénat, animations culturelles et commerciales. Il devient également le précurseur de la communication par l’objet. (Brocs, verres, doseurs, célèbres cendriers jaunes triangulaires, carafes, sous-verres, fanions, cartes à jouer, porteclés…). Dès le milieu des années 1950 la marque Ricard est présente partout, dans les manifestations locales, les fêtes populaires, concours de boules et sur les tables et terrasses des bars et cafés. Le visuel jaune et bleu devient rapidement reconnaissable par tous les consommateurs. La marque est présente et visible dans de nombreux évènements populaires ayant une portée nationale : - Le tour de France et sa caravane Le Mondial à pétanque (créé sur une idée de Paul Ricard en 1962) Les courses automobiles (sur un circuit créé en 1962 au Castellet par Paul Ricard) Les clubs taurins Paul Ricard (créés en 1955) Paul Ricard participe en temps que mécène, au financement des courses à la voile d’Eric Tabarly et d’Alain Colas (c’est un passionné de nautisme). Il se lance enfin dans le mécénat artistique avec une fondation qui porte son nom et crée et développe un centre océanographique à son nom également sur l’île des Embiez. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer les représentations de la célèbre bouteille dans les caricatures de Charly. RICARD dans l’œuvre de CHARLY 1. Une série de lithographies numérotées et datées de 1959, émanant certainement d’une commande de Paul Ricard, mettent en scène les personnages de l’île de Bendor : - Le chef électricien Les matelots des navettes reliant l’île au port de Bandol (« le Coucoussa » et « l’étoile ») Le maître d’hôtel du Délos Le gérant du Tampico Le maître d’hôtel du Grand Large Le directeur technique de l’île Les figures « typiques » de l’île : le jardinier, le soigneur du parc zoologique, le maître du port, le mécanicien, les cuisiniers des hôtels et restaurants. Les personnages travaillant sur le bateau de Paul Ricard (Le Garlaban) notamment le 1er maître. Les toréadors dans l’arène. Dans chacune de ses lithographies la bouteille de pastis est mise en scène, seule ou accompagné d’un broc Ricard et d’un ou plusieurs verres. Elle se veut désaltérante, elle accompagne les repas, elle peut servir de carburant pour la voiture du mécanicien ou les moteurs de bateaux…... Quand il faut repeindre le bateau la peinture est fraîche comme « un Ricard » dit le panneau. Les fanions avec le « code couleur » jaune et bleu fleurissent sur les mats des navires. 2. « Bandol Humoristique » recueil de caricatures, porte également la trace de Ricard. L’entreprise soutient l’édition de la brochure. On y retrouve un certains nombre de personnages de l’île de Bendor mais également de nombreux commerçants bandolais et des figures locales. Dans de très nombreux cas, plus discrète cependant, la bouteille est là… Notons que Paul Ricard est mis en scène par Charly dans cette brochure. En costume, le pinceau à la main, la palette dans l’autre, il peint un bouquet de fleurs…. A l’arrière plan un sculpteur travaille sur une statue… Sa caricature est légendée « Mr Paul Ricard, l’ami et le mécène des artistes » et dessous : « Mécène, il apporte une aide efficace aux arts et aux jeunes artistes. Il a crée notamment pour eux un grand prix international de sculpture et l’association « Indépendance et tradition de l’art français » La volonté est là clairement affichée de se montrer, à l’instar des grands mécènes du XVIIème et XVIIIème au milieu des artistes, artiste lui-même, et prodigue. Le recueil « Toulon aux mille visages » est également construit sur le même modèle, avec le soutien de la maison Ricard et d’innombrables références dans les images. 3. On notera enfin que dans les innombrables caricatures faîtes par Charly pour les journaux locaux et celles offertes aux particuliers, commerçants, artisans, on peut apercevoir des casiers de bouteilles en bois siglés Ricard, la marque apparait en arrière plan, sur les calendriers punaisés au mur des bars, sur de panneaux publicitaires des stades de football et de rugby, sur les auvents et parasols des terrasses, sur les calicots et banderoles des courses cyclistes, sur les fanions délimitant les terrains des concours de boules…… La célèbre caricature de la figure locale bien connue de nombreux seynois, Georgette la laitière, ne distribue t’elle pas son lait en remplissant une bouteille vide …..De Ricard…. Il s’agit bien donc à la fois de mécénat et de communication globale, ce que l’on appelle aujourd’hui du placement de produit, ou placement de marque. Paul Ricard utilise cette technique dans son accord avec Charly. L’œuvre fourmille de références au pastis. C’est aussi une façon de détourner la loi de 1951. Il n’en est pourtant pas le précurseur. Dès la fin du 19eme siècle Sarah Bernhardt posait pour une affiche de cabaret tenant dans les mains une boite d’une célèbre marque de poudre de riz. Les frères Lumière dans leurs premiers films font apparaître marques de savons et caisses de bouteilles d’Evian…. Dans l’œuvre de Charly le recours à cette technique est systématique. On remarquera enfin sur une caricature de Charly, dans la série « Bandol humoristique » une Madame Rigal, certainement gérante d’un Tabac, tenant sous le bras, deux gigantesques paquets de cigarettes de marque « Chesterfield » et « Gauloises » aux logos très reconnaissables. Une infidélité à Paul Ricard ? Bernard Industri