Comment supprimer un arrêté ou une délibération illégal(e) ?

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Comment supprimer un arrêté ou une délibération illégal(e) ?
Fiche n° 16
Avril 2004
Il existe différents moyens de faire disparaître un arrêté ou une délibération illégal(e) : l'annulation, l'abrogation ou
le retrait.
Le retrait d'un acte administratif comporte quant à lui un risque particulier d'atteinte aux droits des administrés :
il permet en effet la disparition de l'acte pour l'avenir (comme l'abrogation) mais aussi pour le passé (comme
l'annulation). Il s'agit cependant d'une faculté très importante conférée à l'autorité administrative basée sur un droit à
l'erreur qui lui est reconnu : elle peut donc, en quelque sorte, corriger ses erreurs en retirant (ou rapportant) l'acte en
cause et ainsi respecter le principe de légalité qui fonde son action.
L'opposition de ces deux principes (sécurité juridique des administrés et légalité) explique que, depuis de nombreuses années, le juge tente d'encadrer le retrait d'un acte administratif. Dans un arrêt très important - TERNON, en date
du 26 octobre 2001 - le Conseil d'Etat a adopté une position majeure qui semble mettre fin aux incertitudes en la
matière en allant dans un sens favorable à la stabilité juridique au détriment du principe de légalité.
Questions incontournables
n Quel est l'intérêt pour l'autorité administrative de retirer
l'acte ?
n Qu'est-ce qu'une décision créatrice de droits ?
n Qui peut retirer l'acte et quelle est la procédure à suivre ?
n Quelles sont les conditions du retrait ?
L’intérêt du retrait
Lorsque l'on s'aperçoit qu'un acte administratif est en tout ou
partie illégal, et pour éviter un contentieux long et coûteux,
il est préférable de le retirer.
Le retrait fait disparaître l'acte en cause de manière rétroactive ;
il n'a donc jamais existé. Concrètement, il s'agit de "devancer"
le juge dans sa décision d'annulation : le cas échéant, il se
bornera à constater qu'il n'y a plus lieu de statuer, après avoir
vérifié que l'acte n'a pas produit une partie de ses effets.
Quels sont les actes susceptibles d’être retirés ?
L'ensemble des actes administratifs peuvent être rapportés par
leur auteur. C'est ainsi que peuvent être retirés :
4 les actes créateurs de droits et/ou d'obligations pour une ou
plusieurs personnes. On dit que ces décisions "font grief".
Concrètement, ce peut être des contrats ou des actes administratifs unilatéraux tels que les arrêtés ou les délibérations ;
4 toutes les mesures purement indicatives, préparatoires ou
d'exécution d'une décision (instructions, notes, informations,
directives, circulaires et instructions de service, …).
JURIS-CONSEIL
L'acte administratif unilatéral
Il s'agit d'une décision prise par l'administration et qui
s'impose à son ou ses destinataires sans que ceux-ci n'aient
donné leur accord.
L'acte administratif unilatéral peut être :
2 de portée individuelle, lorsqu'il concerne une ou
plusieurs personnes individualisées : par exemple, le permis
de construire. Il doit être notifié à son ou ses destinataires ;
2 de portée réglementaire, lorsqu'il est général et impersonnel : par exemple, le règlement de la voirie communale. Il
doit en principe être publié.
Qui peut retirer un acte ?
Le principe est le suivant : un acte administratif ne peut être
retiré que par l'auteur de la décision, même s'il était incompétent pour la prendre.
Cependant, suivant les cas, l'acte peut être retiré par une autre
personne :
4 le supérieur hiérarchique de l'auteur et uniquement lui, si
le recours hiérarchique est obligatoire ;
4 en cas d'incompétence de l'auteur de l'acte initial, celui-ci
peut être retiré par l'autorité qui aurait été compétente ;
4 si les règles de compétences sont modifiées entre l'entrée
en vigueur de l'acte et son retrait, c'est la nouvelle autorité qui
est compétente pour le retrait.
De plus, l'article 20 de la Loi du 12 avril 2000 prévoit que
lorsqu'un recours tendant au retrait d'une décision a été adressé
à une autorité incompétente, celle-ci est tenue de le transmettre
à l'autorité compétente.
Association des Maires d’Eure-et-Loir
Actes Administratifs
Comment supprimer un arrêté ou
une délibération illégal(e) ?
Elles sont différentes selon la décision en cause :
Acte individuel
RETRAIT
Créateur de
droits
Acte
réglementaire
Non-créateur
de droits
 Retrait possible à tout moment si la demande émane de
son bénéficiaire et ce pour une décision plus favorable
 Retrait impossible si l'acte est légal :
- sauf hypothèse ci-dessus
- sauf en cas de procédure spécifique de recours hiérarchique
 Pour les décisions explicites illégales, le retrait est possible dans le délai de 4 mois à compter de la décision
 Pour les décisions implicites d'acceptation illégales, le
retrait est possible :
- dans le délai de deux mois à compter de la naissance de
la décision si aucune mesure d'information des tiers n'a
été prise
- ou pendant la durée de l'instance lorsqu'un recours
contentieux a été formé
- ou pendant le délai de recours contentieux si des mesures d'information des tiers ont été mises en œuvre
 Retrait possible pour cause d’inopportunité ou d’illégalité
 Si le règlement est légal : retrait impossible
 Si le règlement est illégal, le retrait est possible uniquement tant que le délai de recours contentieux n'est pas
épuisé et pendant toute la durée de l'instance si un
recours a été engagé
A noter :
le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de l'accomplissement des
formalités de publicité (publication ou/et notification) article R. 421-1 du Code de Justice
Administrative.
Les formes de retrait
En dehors des cas précis où la loi ou le règlement précise
quelle doit être la procédure de retrait à mettre en œuvre, il
importe de respecter la règle du parallélisme des formes :
cela signifie que le retrait de l'acte est soumis à la même
procédure que celle qui est instituée pour son édiction.
Enfin, si le retrait s'analyse comme une sanction ou une mesure prise en considération de la personne, l'autorité administrative doit respecter les droits de la défense.
Concrètement, avant de retirer une décision, l'administration, doit mettre l'intéressé
(réserve faite des relations avec ses agents) à même de présenter des observations
écrites ou orales s'il le demande.
Le plus souvent, le retrait est opéré par une décision expresse. Mais, il est également
possible de prendre une nouvelle décision qui serait similaire à un retrait implicite
de la décision antérieure.
Ce retrait implicite ne joue que si cette seconde décision a un objet et une portée
identiques ou identiquement contraires à la première.
JURIS-CONSEIL
Le cas par ticulier
des actes inexistants
L'illégalité qui caractérise un acte peut
être d'une gravité telle que l'acte doit
être considéré comme étant "inexistant".
Lorsqu'il est frappé d'inexistence, un
acte est susceptible d'être déféré au
tribunal administratif sans condition
de délai et peut être retiré à toute
époque.
A titre d'exemple, sont juridiquement
inexistantes : les décisions émanant
d'organisme "dépourvues d'existence
légale", celles dont l'auteur n'a pas de
pouvoir de décision, celles qui
réalisent un empiétement de l'administration sur les attributions d'une
juridiction comme le prononcé d'une
peine d'amende à l’encontre d’une
personne.
Quelques conseils
r lorsque cela est encore possible,
retirer les actes entachés de vices de
forme ou de procédure, pour mieux les
reprendre (légalement !) ;
r en cas de contentieux et s'il apparaît
que l'acte attaqué est contestable,
penser à le rapporter si le retrait est
encore possible ;
r porter une attention toute particulière aux délais d'instruction des décisions administratives : cela permettra
d'éviter qu'une décision implicite non
souhaitée par l'administration intervienne ;
r bien identifier quelles sont les
formalités de publicité à accomplir en
fonction de la portée de la décision :
notification pour les décisions individuelles et publication pour les
décisions réglementaires.
Références :
- Conseil d'État, 3 novembre 1922, Dame
Cachet
- Conseil d'État, Ass., 6 mai 1966, Ville de
Bagneux
- Conseil d'État, Sect., 14 novembre 1969,
Eve
- Conseil d'État, Ass., 26 octobre 2001,
M. Ternon
- Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations
- Article R. 421-1 du CJA
Association des Maires d’Eure-et-Loir
Rédaction : C. BAÏT - S. HAGNÉRÉ - A. RENOU
Quelles sont les conditions du retrait ?