Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux

Pause Carême 2012
Anne-Noëlle Clément, Déléguée diocésaine à l’oecuménisme
et chargée de formation pour le Diocèse de Valence
ainsi que directrice d’Unité Chrétienne à Lyon
Lundi 5 mars
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » nous dit Jésus dans l’évangile de ce jour (Luc
6, 36-38). La TOB traduit : « soyez généreux », la Bible de Jérusalem : « soyez compatissant ». Comment
pouvons-nous exprimer cette générosité, cette compassion, la suite du texte nous le dit : en ne jugeant pas, en
ne condamnant pas, mais au contraire en pardonnant, en donnant largement.
Pour savoir réellement comment être miséricordieux à l’image du Père, contemplons Jésus à l’œuvre,
véritable image et ressemblance du Père. Jésus guérit le paralytique et lui dit : « tes péchés sont pardonnés ».
Il appelle Lévi le collecteur d’impôts et participe à un festin dans sa maison avec des gens peu
recommandables. Il admire la foi du centurion pourtant pas très catholique… Il se laisse toucher par des
femmes, l’une lui baigne les pieds de larmes et les essuient avec ses cheveux, l’autre touche la frange de son
manteau par derrière, on dit de la première que toute la ville savait qu’elle était pécheresse et de la deuxième
qu’elle souffrait de perte de sang, donc qu’elle était impure. Il délivre un possédé en plein pays païen, il
rassasie les foules, nous pouvons lire tout l’évangile de Luc ainsi… Voilà comment le Fils se montre
généreux, compatissant, miséricordieux. Tel est le Fils qui nous est donné en exemple.
Christian de Chergé disait à ses frères : « L’homme n’est pas premier dans la conversion… Il y a un double
mouvement, contenu dans le nom de Dieu, que le Coran associe souvent à celui de miséricordieux : celui qui
revient sans cesse vers le pécheur repentant1. Ce nom dit toute la mission de Jésus, du Bon Pasteur en quête de
brebis égarées…2 ». Nous le chantons souvent pendant ce temps de Carême : « l’amour a fait les premiers
pas ». Le premier pas de la conversion, c’est celui qu’a fait Dieu en venant vers l’humanité en Jésus. Comme
le dit la prière eucharistique n°4 : « Dans ta miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu’ils te
cherchent et puissent te trouver. » Oui, si nous nous tournons vers Dieu – ce qui est le sens de “se convertir” -,
c’est que Dieu nous cherche inlassablement et nous attire à lui. C’est parce que le Père par son Fils a d’abord
posé son regard de miséricorde sur nous, que nous pouvons nous voir autrement et que nous acceptons de
changer pour nous conformer à ce regard bienveillant porté sur nous. « Ce qui attire et change les cœurs dans
le regard de Jésus, c’est qu’il nous restitue le regard de bénédiction du Père dans lequel notre péché n’est pas
prévu : le regard de Jésus ne s’est jamais d’abord posé sur le péché, et c’est ce qui a bouleversé MarieMadeleine. » disait encore le prieur de Tibhirine. Quelqu’un commentait : « Dans la conversion, c’est l’attrait
1
Le Coran place en tête de chaque sourate : « au nom de Dieu, le Clément, le miséricordieux ». Un verset affirme : « Dieu est celui
qui revient sans cesse vers le pécheur repentant ; il est miséricordieux » (Coran 9, 118).
2
Christian de Chergé, chapitre du 30 mai 1986.
du bien qui est premier… on peut dire que Dieu revient sur les lieux de son amour.3 » C’est le pardon qui
révèle le péché, et c’est ce qui a fait pleurer la femme dite “pécheresse”.
« Ne jugez pas, ne condamnez pas, pardonnez, donnez…», c’est ainsi que Dieu se manifeste en Jésus, aimant
et donnant sa vie jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême, c’est ce qu’on appelle en langage théologique “la grâce”,
gratuite et gracieuse. Notre vocation chrétienne, notre mission de chrétien, c’est de reconnaître cette grâce à
l’œuvre, en nous et chez les autres, et d’en rendre grâce, de rendre à Dieu sa grâce, c’est le mouvement de
l’eucharistie, pour vivre en grâce, vivre de cette grâce transformante en nous et dans notre relation avec les
autres.
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3
Christophe Purgu, « processus de conversion », Chemins de dialogue n° 24, p. 170.