Fichier PDF
Transcription
Fichier PDF
D D O S S I E R C O L L O Q U E C A P S U R L A P R É V E N T I O N Le bonheur au boulot Est-il possible d’être heureux au travail Gaston Pouliot 22 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 26 – NO 4 – 2003 asstsas malgré les contraintes et les obstacles ? Par quoi passe le bonheur au travail ? Rémi Tremblay et Linda Plourde de la firme Adecco-Québec étaient les conférenciers invités en plénière au colloque. Ils ont présenté leur vision d’entreprise et ont dévoilé la recette du bonheur au travail apprêtée à la sauce Adecco. En partageant l’histoire de son développement, les porteparole de cette entreprise ont mis en lumière les bénéfices économiques et humains d’une organisation qui se distingue, non seulement par son expertise et son efficience, mais aussi par ses valeurs et par sa philosophie de gestion. Voici pour l’essentiel, ce que nous avons retenu de leur exposé. Un peu d’historique Adecco-Québec est une filiale d'une firme européenne qui se spécialise dans le recrutement et le placement de personnes dans diverses entreprises pour des périodes de temps limitées. Rémi Tremblay a été un pionnier de la première heure de cette organisation. Il se rappelle : « J'avais 22 ans lorsque j'ai lancé Adecco au Québec. Je me souviens avoir éprouvé beaucoup de fierté lorsque les diri« Nous croyons que le bonheur geants européens m'ont accorau travail passe par la découverte dé leur confiance. Un peu plus de son identité tant personnelle tard, j'ai réalisé que je voulais faire de cette filiale une entreque collective pour ainsi œuvrer prise nouvelle. Mon leitmotiv : en toute authenticité. Nous avons les jeunes avant tout et… le entièrement confiance dans la bonheur au travail. » capacité de nos employés d’être Cette philosophie transpire constamment dans les propos créatifs et en leur faculté de de Rémi Tremblay. Il suffit de réflexion. » l’écouter pour s’en convaincre : « Nous croyons que le bonheur au travail passe par la découverte de son identité tant personnelle que collective pour ainsi œuvrer en toute authenticité. Nous avons entièrement confiance dans la capacité de nos employés d’être créatifs et dans leur faculté de réflexion. » Le travail, c’est la santé vous dites ? Les travailleurs se disent en général plus stressés, fatigués et insatisfaits que jamais de leur vie professionnelle. Même le vieil adage « Le travail, c’est la santé » semble avoir du plomb dans l’aile et montrer des signes d’épuisement (sic) par les temps qui courent… Mais tout n’est pas blanc ou noir, évidemment. Certaines sociétés font des efforts significatifs pour rendre leurs salariés plus heureux, tout en n’écartant pas l’objectif qui est aussi une nécessité pour une entreprise privée, soit de faire des profits. Les dirigeants d’Adecco s’inscrivent tout à fait dans le sillage de ces nouvelles philosophies d’entreprises. Au fil des ans, cette organisation a toujours cherché à se démarquer de ses concurrents en développant une philosophie très particulière. Mais comment rendre tangible le rêve d’une entreprise, quand rentabilité et efficacité riment avec priorités ? À cette question, M. Tremblay répond que la vie de son entreprise est surtout portée par un état d’esprit. « C’est pourquoi, précise-t-il, nous avons mis en place une structure hiérarchique aux pouvoirs très décentralisés. Chaque équipe travaille de façon extrêmement autonome. Les décisions qui concernent nos collaborateurs sont prises localement, directement à leur niveau. Les salariés sont toujours intégrés au processus de décision lorsque les choix à faire les concernent directement. Nous considérons que chaque individu dispose d’un potentiel considérable. Nous avons mis en place de nombreuses méthodes permettant d’apprécier les traits de personnalité et les potentialités des candidats ». Trop beau pour être vrai ? L’importance d’être authentique en tout temps semble, en effet, figurer très haut dans la liste des priorités chez Adecco. À cet égard, M. Tremblay est très clair : « C’est vrai que nous demandons à nos collaborateurs de demeurer eux-mêmes à tous les jours. Par conséquent, ils ne peuvent se réfugier derrière une façade ou un masque. Pour certaines personnes, cette exigence s’avère trop lourde. » Mais, il reconnaît qu’il est parfois très difficile de demeurer soi-même en tout temps et de ne pas pouvoir se réfugier derrière des apparences. Et il avouera très franchement que des collaborateurs quittent précisément à cause de cette exigence. De sa propre expérience, Rémi Tremblay dit avoir beaucoup appris sur lui-même. Avec le temps, il a compris qu’il pouvait être heureux sans avoir à porter de C O L L O Q U E C A P S U R masque et sans avoir, non plus, à se soucier des apparences. Il ajoute : « J’ai surtout découvert qu’il est possible aujourd’hui de travailler dans le monde des affaires à ma manière tout en demeurant moi-même. » Même s’il est permis de penser que le type de fonctionnement privilégié chez Adecco ne saurait certainement convenir partout, il semble toutefois que les salariés qui s’y plaisent restent très fidèles à leur employeur. Pour Rémi Tremblay, Adecco est composé d’employés qui ont décidé de réaliser de belles choses collectivement et qui ont envie de se découvrir au quotidien. « Nous avons choisi de concrétiser ensemble les rêves que nous partageons. Voilà à quoi ressemble notre organisation. » En plus de recruter du personnel temporaire pour un certain nombre d’entreprises, Adecco-Québec vient aussi en aide à des dirigeants par le biais de la « Maison des leaders. » Après avoir tissé des liens privilégiés au fil du temps avec plusieurs chefs d’entreprise soumis au cercle du stress, de la performance et du profit, Adecco cherche à les recentrer sur leurs rêves. « Nous avons été à même de constater leur détresse, » de souligner M. Tremblay. Par ailleurs, il se dit plus favorable à une stratégie de développement des compétences axée sur le questionnement plutôt Rémi Tremblay, président Adecco Canada, et que sur la formation. Selon lui, c’est la Linda Plourde, présidente Groupe Adecco-Québec. meilleure façon d’actualiser le fameux « Connais-toi toi-même » si cher au philosophe grec, Platon. C’est dans ce même esprit, qu’il encourage les individus à trouver leurs ressources en eux-mêmes. Du rêve à la réalité : un chemin parfois tortueux Pour aboutir à l’entreprise telle qu’on la connaît aujourd’hui, Adecco-Québec est, semble-t-il, passé à travers toute une série de phases de développement assez mouvementées. Selon Linda Plourde, les étapes ayant marqué l’évolution de l’entreprise ont, non seulement permis de définir l’identité de l’organisation, mais aussi de préserver l’identité propre des salariés ainsi que les valeurs auxquelles ils se disaient attachés. Mais avant cela, il a fallu ancrer solidement les compétences de chacun et permettre à l’entreprise de se démarquer de ses concurrents dans un domaine ou la compétition est féroce. En effet, le défi ne se résume pas seulement à recruter des personnes compétentes et spécialisées, mais encore faut-il les garder au service de l’organisation. Plus que des objectifs, des rêves communs Au plan des valeurs, Linda Plourde nous explique de quelle façon on en est arrivé à établir un consensus à ce chapitre. « Nous nous sommes réunis dans le cadre d’un week-end de réflexion à Saint-Paulin. À cette occasion, nous avons construit ensemble les valeurs propres à Adecco-Québec. Pour y parvenir, nous avons commencé par écouter le sentiment de chaque collaborateur. Nous avons demandé à chacun ce qu’il souhaitait valoriser, ce qui le rendrait vraiment heureux dans l’entreprise et dans son environnement de travail. » Cela n’a pas tout réglé, loin de là si l’on en croit Rémi Tremblay : « Lorsque nous avions défini nos valeurs, nous pensions que tout était en place. Nous partagions un même rêve, des valeurs et nous connaissions bien notre métier. Or, nous nous sommes aperçus que la philosophie de gestion, c’est-à-dire la manière dont nous travaillons, est un enjeu tout aussi déterminant dans la réussite d’une entreprise. Nous avons donc dû définir notre conception des relations de travail. Cette étape nous a permis de préciser encore davantage notre identité. » Centraliser ou décentraliser ? Voilà la question Adecco-Québec souhaitait non seulement devenir l’entreprise numéro un dans son L A P R É V E N T I O N domaine, mais elle désirait aussi être reconnue sur le marché pour son intégrité, son humanisme et sa capacité à passer à l’action. C’est alors qu’Adecco prend résolument le virage de l’expansion et choisit de multiplier les nouvelles agences. Après l’ouverture d’une quatrième puis d’une cinquième agence, Adecco se heurte à nouveau à une période de crise. Il semble que le désir de réaliser beaucoup de profits à court terme et une stratégie centralisatrice ont été à l’origine de bien des problèmes et de quelques maux de tête chez les dirigeants de l’entreprise. Aux dires mêmes des collaborateurs d’Adecco, cette orientation stratégique ne faisait pas de sens. Ils n’en comprenaient pas l’enjeu, d’autant plus qu’ils étaient habitués à travailler dans des structures hiérarchiques très décentralisées. Rémi Tremblay rappelle en toute humilité : « Nous sommes rentrés dans le mur plusieurs fois au cours des années. Mais au lieu de le défoncer, prend-il soin d’ajouter, nous avons préféré réfléchir aux raisons qui ont déclenché la crise. » Sage, très sage. Selon Linda Plourde, l’entreprise a été carrément sauvée par le courage des équipes de travail qui ont osé dire que la centralisation n’avait pas de sens. « Nos collaborateurs nous ont rappelé qu’ils étaient plus à l’aise dans un contexte de décentralisation, car celui-ci leur permet de rester très proches de leurs clients. Ils ont demandé à retrouver cet environnement. Ce qui fut d’ailleurs fait et bien fait… ». L’entreprise semble se porter à merveille à l’heure actuelle, à en juger par l’enthousiasme communicatif de nos deux conférenciers invités au colloque. De quoi réfléchir un peu En conclusion, Mme Plourde et M. Tremblay nous laissent avec deux questions qui méritent très certainement d’être contemplées par chacun d’entre nous dans nos milieux de travail respectifs : qu’est-ce qui fait que je suis heureux d’être là chaque jour et qu’est ce qui fait que je suis fier de mon organisation et des décisions que je prends ? Bonne réflexion ! ◆ 23 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 26 – NO 4 – 2003 D D O S S I E R