Bibliothèque et intercommunalité : quels projets pour quels services ?

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Bibliothèque et intercommunalité : quels projets pour quels services ?
Bibliothèque et intercommunalité : quels projets pour quels services ?
(journée d'étude Médiat 10/03/16)
Ouverture (Christelle GOUTAUDIER, vice-présidente déléguée, Lyon 1)
Les bibliothèques universitaires ont pour rôle d’accompagner et de soutenir la recherche. Elles ont une
place centrale en tant que lieu de travail et de convivialité. Les bibliothèques de lecture publique sont une
porte locale vers l'éducation, la citoyenneté en même temps qu’un lieu de convivialité et de sociabilité. La
journée d'étude d'aujourd'hui a pour ambition de contribuer à imaginer la bibliothèque de demain.
L'intercommunalité aujourd'hui (Philippe TEILLET, enseignant-chercheur, Institut d’Études Politiques de
Grenoble)
Le but de l'intercommunalité est de recréer des espaces d'actions communes qui dépassent les
frontières communales, car un cadre élargi est nécessaire pour penser équipements et services. La
recomposition des territoires s'impose donc aujourd'hui partout mais prend des formes diverses et concerne
des autorités de différents échelons. Ces recompositions impliquent des coopérations verticales ou
horizontales qui mettent également en jeu des coopérations conventionnelles ou structurelles. Elles peuvent
aussi êtres transfrontalières. Les communes ne pouvant plus constituer l'échelle de l'action publique, il y a «
invention de territoires ». Leur construction s'oriente selon la délimitation de zones que dessinent des
pratiques sociales ou des politiques publiques. Elles peuvent être engendrées par la fusion de communes et
engendrent une certaine complexité en rajoutant une nouvelle échelle politique territoriale à prendre en
compte.
L'intercommunalité culturelle vise à sortir de l' « égoïsme communal » afin de favoriser le
développement et le renforcement d'activités culturelles tout en répondant à des objectifs
économiques. Pourtant, la culture est rarement une compétence obligatoire, le plus souvent, elle est
optionnelle et facultative. Il n'y a donc pas de compétence culturelle mais des compétences culturelles. En
outre, les politiques culturelles sont souvent une politique d'équipement mais la responsabilité communale
peut en être détachée. Les dispositions législatives récentes visent à clarifier et simplifier la carte de
l’intercommunalité notamment en réduisant le nombre de syndicats de communes au profit des EPCI à fiscalité
er
propre, disposant de recettes fiscales directes. Cette mesure est obligatoire depuis le 1 juillet 2013. Par
ailleurs les transferts de compétences suivent un principe d'exclusivité ainsi, lorsqu’une commune transfère
une compétence, cette dernière ne relève par la suite que de l'intercommunalité.
Par ailleurs, les frontières communales n'ont pas de sens dans la culture. Les objectifs de la création
d'une intercommunalité sont moins sectoriels que transversaux car ils contribuent au redéveloppement d'un
territoire. Une politique intercommunale peut permettre de repérer des territoires sous-équipés et de penser
un aménagement culturel. Il existe ainsi plusieurs modèles stratégiques de coopération et plusieurs modèles
financiers, qui dépendent de deux paramètres : les efforts culturels et la dépense consacrée à la culture par
habitant. En croisant les deux, on fait apparaître quatre profils : émergents , focalisés, équilibrés et engagés.
L’intercommunalité peut être vue comme la source d’une valeur retranchée car si elle peut être la
source de complexités avec éloignement des décisions ; elle implique aussi de recréer les liens qui avaient été
tissés entre les différents acteurs des politiques culturelles. De plus, l'intercommunalité culturelle doit aussi
faire face à des résistances et des freins comme l’absence d’innovation ou une mobilisation faible, voire hostile,
de certains acteurs culturels. Pourtant, elle est bénéfique au territoire car elle engendre une coopération plus
concrète ainsi qu’un renforcement des actions de proximité, de l’offre culturelle et de l’aménagement du
territoite. En d’autres termes, elle peut permettre de faire ce que l’on n'arrivait pas à faire à une échelle
communale. Enfin, la mise en réseau nécessite des agents plus mobiles et donc des services adaptés à la
mobilité de la population.
Les réformes passées ont eu un faible impact sur les politiques culturelles car les réformes territoriales
mettent plus souvent en place des procédures que des contenus. Cependant, la clause générale de
compétence a permis un plus large développement des politiques culturelles territoriales. Cette clause avait
été en partie supprimée par la réforme de 2010, puis restaurée au profit des départements et des régions par
la loi MAPTAM de 2014. La loi NOTRe, en 2015 la supprime à nouveau pour les départements et les régions, y
substituant des compétences précises confiées par la loi à ces deux collectivités.
En définitive, cette dernière réforme comporte des points aveugles : la compétence est une chose
mais les moyens et capacité des intercommunalités à agir en sont une autre. La place de la société civile et sa
participation ne doit pas être laissée de côté : la démocratie participative, la co-construction ont un rôle
important. Or ces débats n'ont malheureusement pas d'écho dans les procédures à ce jour. Plus largement, ce
débat invite à s'interroger sur le sens des politiques culturelles, notamment à travers les notions de diversité et
droits culturels ainsi que d'économie créatrice.
L'intercommunalité dans les bibliothèques : comment ça marche ? (Modérée par Anne-Marie BOYER,
Conseillère livre et lecture, DRAC Auvergne Rhône-Alpes)
L'adhésion au réseau doit se faire sur la base du volontariat et il peut être intéressant d'accepter que
les communes gardent leurs spécificités pour les convaincre d'adhérer au réseau.
Dans le cas de Strasbourg, le réseau Pass'relle a débuté en 2003 d'une démarche politique des réseaux
d'Eurométropole, visant à créer un réseau de lecture publique (constat d'un déficit de places assises, de
collections, d'accès à Internet). Cela a abouti au vote d'une compétence partielle pour gérer les quatre
bibliothèques municipales de Strasbourg et un réseau intercommunal d'environ trente médiathèques pour
vingt-huit communes. En 2007, la carte unique unifie l'offre du réseau, notamment en harmonisant les tarifs
(les revenus générés sont redistribués annuellement car certaines communes craignaient de perdre au
change).
Le réseau Loire-Forez s'est structuré en 2009 avec la création progressive de deux médiathèques tête de
réseau. La communauté d'agglomération Loire-Forez est un EPCI à compétence optionnelle "culture et sport".
En 2014, elle prend en charge les budgets municipaux d'acquisition dans une volonté d'harmonisation des
collections. La difficulté de ce réseau rural réside dans l'animation d'un écosystème d'acteurs qui ont des
intérêts divergents pour combler la disparité des collections et de la fréquentation. Sa gratuité témoigne d'une
forte volonté politique visant à mettre la culture, la connaissance et les loisirs à la portée de tous. Un habitant
sur quatre est inscrit au réseau aujourd'hui.
La communauté d'agglomération d'Annecy est née en 2003. La ville a ainsi transféré ses équipements
culturels à l'agglomération. Le réseau compte aujourd'hui quinze bibliothèques avec un SIGB commun.
L'abonnement permet d'emprunter sur l'ensemble du réseau. Une perspective de développement prometteuse
concerne le tourisme culturel, ce dernier étant une compétence d'agglomération.
Une intercommunalité peut ne prendre en charge qu'une seule compétence comme le réseau Pass'relle de
l'Eurométropole de Strasbourg ne prend en charge que l'action culturelle mais dans son intégralité, de la
création à la promotion.
Le fonctionnement des réseaux de lecture publique et d'action culturelle s'organise par le dialogue
entre professionnels mais aussi en lien étroit avec les instances politiques (réunions annuelles, production de
statistiques détaillant les pratiques des usagers pour évaluer l'évolution de la fréquentation du réseau et des
attentes des publics). Cependant certaines collaborations sont parfois complexifiées par des tensions politiques
quand les tendances politiques diffèrent selon les échelons. Il est donc important de bien préciser les
compétences de chacun des acteurs politiques. Par ailleurs, ces réseaux fonctionnent grâce à un nombre très
important de bénévoles.
L'intercommunalité permet aux bibliothécaires d'être moins isolés, tout en suscitant une émulation au
sein du réseau. Elle permet plus de réactivité et le public peut jouer entre les échelons.
Panorama de projets culturels intercommunaux (par Anne-Marie BOYER, Conseillère livre et lecture, DRAC
Auvergne Rhône-Alpes)
On note souvent une déficience de compétences dans les petites communes en terme de lecture
publique mais il est parfois difficile de les faire travailler ensemble. Pourtant, l'intercommunalité pour le livre et
la lecture passe par les EPCI qui ont déjà permis de mettre en place différents types d'actions comme les
contrats « territoire-lecture ». En effet, par sa mission de développement des arts et de la culture dans les
territoires ruraux en besoin, les DRAC ont une convention avec les EPCI. Certains contrats ont pour objectif de
faire émerger des réseaux au sens physique du terme, en finançant des diagnostics territoriaux. Ils se
développent sur des périmètres différents pouvant regrouper plusieurs EPCI ou communes. Un EPCI offre la
possibilité de développer un projet à plus grande ampleur, de réaliser et qualifier des emplois ainsi qu'à
l'extension d'horaires aménagés.
La DRAC offre une aide par le biais du concours particulier. Les lacunes touchant le domaine du livre et
de la lecture, décelées par la BDP sont souvent à l'origine de cette candidature. La DRAC peut être saisie si la
bibliothèque répond aux normes de 0,07m²par habitant et faire au moins 100m². Le rapport Robert et ses
suites ont orienté le financement sur l'extension des horaires d'ouverture, l'investissement sera donc mis
davantage sur les bibliothèques existantes. Entre 2013 et 2015, la DRAC Rhône-Alpes a reçu trente-trois
dossiers dont neuf portant sur des bibliothèques intercommunales. Pour les EPIC, la difficulté majeure est liée
au nombre d'intervenants. Les projets intercommunaux sont donc plus difficiles à mettre en place mais ils ne
font pas montre de plus d'abandon que les seuls projets communaux. Depuis 2013, quatre bibliothèques
intercommunales ont été inaugurées dans la région Rhône-Alpes, ce qui compte le plus n'étant pas la
bibliothèque intercommunale mais le réseau qu'elle sous-tend. En Auvergne, deux projets d'importance sont
en cours de réalisation dont la médiathèque intercommunale de Lezoux (fruit d'un projet participatif entre la
ème
population et l'ingénierie culturelle de la 27 région).
Médiathèques numériques: un réseau territorial? (modérée par Laurence KHAMKHAM avec, le réseau
lecture de Clermont-Communauté, la communauté de commune Saône-Beaujolais, le département Nouveau
Rhône)
Une intercommunalité peut naître d’une volonté économique et agricole. Par exemple, la
communauté de communes Saône-Beaujolais est née de l’association des vignerons de la région.
Pour ce qui a trait aux ressources humaines, le nombre de poste peut être réduit dans le cadre d’une
volonté politique. Ainsi, le réseau de lecture de Clermont-Communauté emploie un bibliothécaire et un
ingénieur informatique pour cent cinquante agents. Cependant, il est nécessire d’assurer une formation à tous
les niveaux pour que les bibliothécaires soient médiateurs. La formation des usagers peut se faire en
bibliothèque mais aussi au sein d’autres structures comme les maisons de département du Rhône dont le rôle
social peut être considéré comme un bon relai pour la médiation numérique. Car les bibliothèques ont
aujourd’hui pour rôle de lutter contre la fracture numérique et l'illectronisme.
Néanmoins, le numérique ne doit pas primer sur les autres outils, il doit intervenir comme un
complément car il est entré dans notre vie quotidienne et il serait aujourd’hui impossible de ne pas le
proposer. Mais les services numériques des bibliothèques doivent être adaptés aux différents usagers. Le
réseau de lecture de Clermont-Communauté a ainsi choisi de proposer au prêt de liseuses pleines et de liseuses
vides. Concernant les ressouces en ligne, Marion Dupuy, directrice de la médiathèque départementale du
Nouveau Rhône tourve nécessaire la question de la porte d’accès aux données car on doit se demander si elles
doivent être accessibles à tous les usagers via un site départemental, ou réservées aux usagers de la
bibliothèque. Enfin, il est nécessaire de simplifier l’accès aux ressources numériques en masquant par exemple
le système de jetons aux utilisateurs.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que l’intercommunalité se présente comme un coordinateur des
médiathèque numérique, qu’elle permet de construire un réseau moderne ou de le consolider.
La diversité des territoires de l'action culturelle (modérée par Nicolas DOUEZ,Conseiller livre et lecture, DRAC
Auvergne Rhône-Alpes, avec Julien SEGURA , directeur-adjoint de la médiathèque du bassin d'Aurillac et
Marie-Lys COUREL, directrice de l’animation de la lecture publique de la ville de Voiron)
La Communauté d’Agglomération du bassin d’Aurillac et la communauté d’agglomération du Pays
Voironnais ont des réalités géographiques différentes car Aurillac est à majorité rurale, tandis que Voiron est
une ville de taille moyenne entourée de communes rurales. Ces deux intercommunalités ont choisi des voies
différentes dans la mise en place d'une politique d'action culturelle. Ainsi, Voiron organise depuis 2009 le
festival du livre «Livre à vous » en s’appuyant sur divers partenaires : communes, services départementaux,
librairies, médiathèques et SNCF. Cette manifestation se poursuit dans l'année (ateliers d'écriture,invitation
d'auteurs). Les actions culturelles du bassin d'Aurillac s'articulent autour de plusieurs événements comme le
mois du film documentaire, le festival de la bande dessinée ou le festival du théâtre de rue. Les organisateurs
travaillent aussi en collaboration avec différents partenaires et élaborent les politiques culturelles lors d'une
réunion annuelle permettant à tous les acteurs culturels de l'EPCI de se rencontrer de façon régulière. L'objectif
est d'inscrire la médiathèque dans la politique d'actionculturelle de l'agglomération pour en faire un lieu
d'action facilement identifiable par les usagers. En Pays Voironnais, l'organisation en réseau s'est poursuivie en
2012 par la structuration du réseau avec une médiathèque tête de réseau etun SIGB commun. La possession
d'un logiciel unique semble recommandée puisque le bassin d’Aurillac a aussi fait ce choix, couplé avec une
carte unique, bien qu'il n'y existe pas de retour centralisé.
L'organisation d'un réseau d'action culturelle, telle que le proposent ces deux exemples, nécessite
l'action de personnes qualifiées. Ainsi, les bibliothèques sont toutes gérées par des professionnels avec le
soutien de bénévoles. La médiation d'un bibliothécaire est importante, y compris pour l'offre numérique, si
l'on veut mener un travail de médiation et de complémentarité entre ludothèque et médiathèque par exemple.
Cependant, la question du financement de l'action culturelle suscite encore de nombreux débats au sein des
EPCI.
Compte-rendu réalisé par Romane COUTANSON et Camille PLOIX
Etudiantes dans la formation : préparation aux concours de Conservateur et Bibliothécaire Médiat, site de Lyon.