Mémoire de la demanderesse
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Mémoire de la demanderesse
Dossier no ________ COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC) ENTRE : DESJARDINS SÉCURITÉ FINANCIÈRE, COMPAGNIE D’ASSURANCE VIE DEMANDERESSE (appelante) - et MARIETTE ÉMOND et VICTOR FOISY et SABRINA FOISY INTIMÉS (intimés) DEMANDE D’AUTORISATION D’APPEL (article 40(1) de la Loi sur la Cour suprême et règle 25 des Règles de la Cour suprême du Canada) Volume I, pages 1 – 197 Me Maria Isabel Garcia Cholette Houle, Avocats 200, rue des Commandeurs Lévis (Québec) G6V 6R2 Tél. : 418 838-7800, poste 5584929 Téléc. : 418 833-5356 [email protected] Procureure de la Demanderesse -2- Me Gérald Lamarche 14, rue Church Ormstown (Québec) J0S 1K0 Tél. : 450 829-4112 Téléc. : 450 829-4110 [email protected] Procureur des Intimés - 48 Mémoire de la Demanderesse Exposé de la position et des faits MÉMOIRE DE LA DEMANDERESSE PARTIE I – EXPOSÉ DE LA POSITION DE LA DEMANDERESSE ET EXPOSÉ DES FAITS 1. Le 7 juillet 2009, Desjardins a émis un contrat d’assurance accident au nom de feu Sébastien Foisy, qui prévoit notamment le paiement d’une prestation de 56 000 $ s’il décède en raison d’un accident1. 2. Sous la rubrique « 14. Exclusions et limites », le contrat précise que : 14. EXCLUSIONS ET LIMITES Le contrat ne donne droit à aucune prestation dans les cas suivants : […] f) si l’accident survient lors de la participation de l’assuré à tout acte criminel ou à tout acte qui y est lié; [Caractères gras et italiques dans l’original] 3. La succession de feu Sébastien Foisy, soit ses héritiers légaux, est la bénéficiaire de cette prestation. 4. Feu Sébastien Foisy est âgé de 30 ans, célibataire et sans enfants, et travaille comme vendeur d’outils sur la route pour le commerce Snap-On. Il détient un permis de conduire probatoire pour la motocyclette, car il n’a jamais complété son examen de conduite. Il n’est pas autorisé à conduire seul sa motocyclette de marque Yamaha, de modèle YZF-R1 2001, un véhicule de course qui peut atteindre 270 km/h2. 5. Le jour qui a suivi l’émission de ce contrat d’assurance, feu Sébastien Foisy est intercepté alors qu’il conduit sa motocyclette seul, à une vitesse qui dépasse les limites permises3. 1 2 3 Pièces D-1, D-2, D-3, demande d’autorisation d’appel, ci-après « D.A. », vol. I, p. 81 et s. Victor Foisy, contre-interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 133-134, pièces D-4, D.A., vol. I, p. 107 et D-13, D.A., vol. I, p. 116-117. Pièces D-5, D.A., vol. I, p. 108-109 et D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. - 49 Mémoire de la Demanderesse 6. Exposé de la position et des faits Dûment sommé de s’arrêter par un agent de la paix, feu Sébastien Foisy n’obtempère pas : il choisit de fuir4. 7. Bien qu’il soit pris en chasse par un agent de la paix et que les circonstances le permettent, feu Sébastien Foisy ne veut pas arrêter son véhicule5. 8. C’est une courbe très prononcée, vingt (20) kilomètres plus loin, qui mettra fin à cette folle poursuite, ainsi qu’à la vie de feu Sébastien Foisy. Voici le récit des circonstances qui ont entouré ce décès accidentel6. 9. Un mercredi d’été, le 8 juillet 2009, Luc Monette, agent de la Sûreté du Québec depuis 22 ans, est affecté à la circulation et procède à une opération de radar stationnaire aux abords de la route 201, à partir de son véhicule7. 10. Vers 11 h, il entend le bruit d’une motocyclette qui circule à haute vitesse et qui est en pleine accélération. Lorsqu’elle passe à la hauteur de son véhicule, il parvient à capter sa vitesse de 123 km/h. Et elle continue d’accélérer8. 11. L’agent Luc Monette se trouve dans une zone résidentielle, où la vitesse est limitée à 50 km/h. Sans hésitation, il décide d’intercepter le conducteur de cette motocyclette et se lance à sa poursuite. Il désire au moins prendre en note sa plaque d’immatriculation9. 12. Feu Sébastien Foisy vient de s’engager sur la route principale de St-Antoine Abbé et se dirige vers le rang des Savary, la seconde route la plus achalandée du village, qui y est jointe par une intersection où on dénombre plusieurs accidents. La vitesse y est règlementée à 50 km/h. Il s’agit d’un secteur où il y a habituellement plusieurs piétons et sportifs aux abords de la route10. 4 5 6 7 8 9 10 Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 152-182, pièce D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. Idem. Pièce D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 137-138 et pièce D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 147-149. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 149-150. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 145-147, 149. - 50 Mémoire de la Demanderesse 13. Exposé de la position et des faits Feu Sébastien Foisy y dépassera de nombreuses résidences, des commerces, un cassecroûte, un parc d’enfants adossé à une école primaire, une station-service et un restaurant sans ralentir véritablement sa course, sauf pour compléter un virage de 90 degrés au cœur du village, sans faire son arrêt obligatoire. Lorsqu’il effectue ce virage, il reconnait l’autopatrouille derrière lui11. 14. La poursuite débute et feu Sébastien Foisy pousse sa moto au maximum dans le but de fuir le policier. Sur une ligne droite, il circule à une vitesse impressionnante, dépassant les 200 km/h. La vitesse y est limitée à 80 km/h, puisqu’il y a des commerces et des résidences aux abords de la route. Il se dirige vers une zone de plus en plus rurale, qui compte quelques regroupements de résidences12. 15. Considérant sa grande vitesse, sa conduite dangereuse et sa fuite, l’agent Luc Monette allume immédiatement ses lumières d’urgence et contacte ses collègues pour obtenir de l’assistance13. 16. L’agent Luc Monette vivra une expérience qu’il jugera hautement éprouvante. Incommodé par le bruit de la sirène et celui créé par la vitesse, il parvient difficilement à entendre le Sergent Lamontagne, qui supervise la poursuite à partir du poste de police14. 17. Son véhicule a atteint sa vitesse maximale de 200 km/h, mais il se fait facilement distancer par le motocycliste, au point de le perdre de vue parfois. Seuls les 5 virages d’environ 90 degrés et un changement de direction d’environ 240 degrés, entre les diverses lignes droites, lui permettront de garder feu Sébastien Foisy en vue15. 11 12 13 14 15 Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 141, 143-146, 150-152; pièce D-15, D.A., vol. I, p. 122. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 152, 154-155, 165-167, 170. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 152-153, 160-161. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 156, 162. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 154, 179; pièce D-15, D.A., vol. I, p. 122, Luc Monette, contre-interrogé (Me Lamarche), D.A., vol. II, p. 212. - 51 Mémoire de la Demanderesse 18. Exposé de la position et des faits Feu Sébastien Foisy est conscient de la présence du policier et après chaque ralentissement, il accélère de plus belle. Le policier est très visible avec ses lumières d’urgence et sa sirène16. 19. Aucun des arrêts obligatoires ne sera respecté ni la limite de vitesse qui est toujours de 80 km/h17. 20. Des renforts sont déployés : deux autres véhicules prennent position pour intercepter le motocycliste. L’agent Luc Monette réduit sa vitesse lorsqu’il est informé que les issues sont bloquées par ses collègues. Il poursuit tout de même le motocycliste pour s’assurer que le fautif ne se cache pas dans une entrée privée ou qu’il n’emprunte pas un chemin secondaire18. 21. La poursuite se déroule ainsi jusqu’à ce que feu Sébastien Foisy soit surpris par une courbe très prononcée, où la vitesse réglementée est de 35 km/h. À la jonction du chemin de l’Artifice et de la route 209, feu Sébastien Foisy perd la maîtrise de sa moto et est projeté dans un fossé d’une profondeur de 10 à 15 pieds. Sur la chaussée, on ne retrouve aucune trace de freinage19. 22. L’agent Luc Monette est désorienté par cette poursuite dangereuse. Bien qu’il soit familier avec les lieux, il est surpris par la même courbe. Il est incapable de garder le contrôle de son véhicule et dans un instant, il fait une sortie de route et va frapper feu Sébastien Foisy, qui est demeuré étendu au sol20. 16 17 18 19 20 Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 170, 174, 187-189. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 152, 170, 173-176; pièce D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 177–180. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 154, 163-165, 168; pièces D-5, D.A., vol. I, p. 108-109 et D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. et Dean Thompson, interrogé (Me Lamarche), D.A., vol. I, p. 126-127. Luc Monette, contre-interrogé (Me Lamarche), D.A., vol. II, p. 226-229 et à la pièce D-5, D.A., vol. I, p. 108-109. - 52 Mémoire de la Demanderesse 23. Exposé de la position et des faits Feu Sébastien Foisy est alors projeté dans les airs et retombe face contre terre, une dizaine de mètres plus loin. Il aboutira, ainsi que l’autopatrouille, sur la route 209. C’est à sa sortie du véhicule que l’agent Luc Monette comprendra qu’il se trouve sur le chemin de l’Artifice21. 24. Feu Sébastien Foisy est très sévèrement blessé : fracture de la sixième vertèbre cervicale, de plusieurs côtes en antérieur et en postérieur, des deux clavicules, de l’articulation sacroiliaque droite et du fémur droit, enfoncement thoracique important, hématome important au dos, lacération des deux poumons, du foie et du mésentère, rein droit décollé et présence d’un hémopéritoine. Il est toujours en vie, quoiqu’inconscient. Les ambulanciers le conduisent à l’hôpital, où son décès est constaté à 12 h 1422. 25. Luc Monette, agent de la paix en fonctions, quittera également les lieux en ambulance, avec des blessures mineures23. 26. La preuve ne révèlera pas quelle sortie de route, celle du poursuivi ou du poursuivant, a causé le décès de feu Sébastien Foisy24. 27. À tout moment, feu Sébastien Foisy aurait pu réduire sa vitesse ou s’immobiliser en toute sécurité, s’il l’avait voulu25. 28. L’agent Luc Monette a témoigné que n’eût été le décès, il aurait procédé à l’arrestation de feu Sébastien Foisy et aurait recommandé la poursuite par mise en accusation26. 29. Les circonstances entourant le décès accidentel de feu Sébastien Foisy démontrent de façon prépondérante que l’accident est survenu alors que feu Sébastien Foisy participait à un acte criminel. 21 22 23 24 25 26 Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 181-183, contre-interrogé (Me Lamarche), D.A., vol. II, p. 227 et aux pièces D-5, D.A., vol. I, p. 108-109 et D-7, D.A., vol. I, p. 111 et s. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 185 et à la pièce D-5, D.A., vol. I, p. 108-109. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 186. Pièce D-5, D.A., vol. I, p. 108-109. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 141-193 et à la pièce D-15, D.A., vol. I, p. 122. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 196. - 53 Mémoire de la Demanderesse 30. Exposé de la position et des faits La clause d’exclusion générale stipulée au paragraphe 14 (1) f) du contrat d’assurance doit trouver application, bien que les infractions de conduite dangereuse et de délit de fuite devant un policier soient sujettes à option par le ministère public, compte tenu des faits mis en preuve en première instance et des précédents applicables en matière criminelle. ---------PARTIE II – QUESTIONS EN LITIGE I. L’acte criminel qui procède d’une infraction mixte est-il visé par le premier alinéa de l’article 2402 C.c.Q.? II. Le décès accidentel de feu Sébastien Foisy est-il survenu alors qu’il participait à un acte criminel? ---------PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS I. L’acte criminel qui procède d’une infraction mixte est-il visé par le premier alinéa de l’article 2402 C.c.Q.? 31. Desjardins plaide que l’exclusion prévue au sous-paragraphe 14 (1) f) de la police d’assurance Accirance, Assurance accident de personnes doit être appliquée aux circonstances qui ont entouré le décès accidentel de feu Sébastien Foisy le 8 juillet 2009. 32. La preuve prépondérante et les principes et précédents en matière criminelle démontrent que feu Sébastien Foisy a commis des gestes graves qui constituent un acte criminel au sens des articles 249 et 249.1 C.cr. et qui libèrent l’assureur de ses obligations, afin que le crime commis ne soit pas profitable. Les normes et les règles d’interprétation 33. Le nœud du litige repose sur l’interprétation d’une disposition du Code civil du Québec et non sur l’interprétation d’une clause d’exclusion. - 54 Mémoire de la Demanderesse 34. Exposé des arguments Le premier alinéa de l’article 2402 C.c.Q., dont il est question ici, se lit comme suit : 2402 C.c.Q. En matière d’assurance terrestre, est réputée non écrite la clause générale par laquelle l’assureur est libéré de ses obligations en cas de violation de la loi, à moins que cette violation ne constitue un acte criminel. 35. Le Code prévoit des principes généraux, des normes, sans prévoir toutes les circonstances susceptibles d’en découler27. Son interprétation doit être libérale : L’interprétation libérale étend la portée de la disposition à interpréter : c’est celle qui permet l’extension d’une règle (par analogie, à titre d’exemple). L’interprétation stricte, ou étroite, empêche quant à elle d’étendre la portée de la disposition, et laisse très peu de liberté à l’interprète. Finalement, l’interprétation restrictive retranche à la loi, en diminuant sa portée. C’est donc à tort qu’on confond parfois ces deux dernières. Parce qu’elles s’expriment en termes généraux et qu’elles énoncent des principes, les règles du Code ne devraient pas, normalement, recevoir une interprétation stricte (qui ne souffre aucune extension), et encore moins restrictive (qui retranche à la loi)28. 36. Lorsque le législateur prévoit la norme selon laquelle seule une exclusion spécifique, précise et délimitée, permet à l’assureur de se libérer de ses obligations en cas de violation de la loi, il établit une norme qui vise à restreindre la liberté contractuelle dans le but de protéger les consommateurs d’assurance, afin qu’ils soient bien informés de la portée exacte de leur garantie29. 37. Lorsque le législateur prévoit la norme selon laquelle une clause d’exclusion générale permet à l’assureur de se libérer de ses obligations lorsqu’une violation de la loi constitue un acte criminel, le législateur n’a évidemment pas pour objectif premier la protection du consommateur et le rééquilibrage du rapport de force entre ces cocontractants. 27 28 29 Charlotte LEMIEUX, Éléments d’interprétation en droit civil, (1994) 24 R.D.U.S. 232, D.A., vol. III, p. 600 et s. Id., p. 236, D.A., vol. III, p. 615. Didier LLUELLES, Précis des assurances terrestres, Les éditions Thémis, 4e édition, 2005, D.A., vol. III, p. 635-637; Jean-Guy BERGERON, Les contrats d’assurance, t.2, Sherbrooke, Les Éditions SEM inc., 1989, D.A., vol. III, p. 597-599. - 55 Mémoire de la Demanderesse 38. Exposé des arguments Cette règle trouve son fondement dans un principe d’ordre public qui vise à favoriser les bonnes mœurs et à dissuader les actes répréhensibles, selon un principe de morale sociale. Elle a un fondement commun avec la règle issue de la common law selon laquelle « nul ne peut profiter de son crime ». Elle est toutefois plus étendue, en ce que le législateur québécois fait obstacle au droit de toute personne, qu’il soit l’auteur du crime ou un autre bénéficiaire de la police, de réclamer l’indemnité d’assurance et de profiter ainsi du crime commis30. 39. Le but du législateur n’est pas de créer une exception à une règle visant à protéger les consommateurs, mais de codifier un principe d’ordre public indépendant qui fait référence à un impératif de morale sociale. 40. Bien que cette règle soit rédigée sous forme d’exception, elle n’en constitue pas moins une règle véritable qui doit être interprétée de manière à en rechercher l’esprit : Par contre, les dispositions d’exception se prêteront mieux à une interprétation stricte, c’est-à-dire qu’on évitera généralement de les étendre. Cependant, l’argument voulant que les exceptions soient d’interprétation restrictive est incorrect : une interprétation restrictive ne se contente pas de limiter la portée d’une loi, elle la réduit. (…) S’il existe des exceptions qui, en raison de la rédaction nécessairement générale d’une codification, ont des allures de règles et méritent d’être circonscrites, il existe par contre des exceptions qui constituent de véritablement des règles. C’est le cas de certaines dispositions qui, tout en faisant exception à une règle énoncée au Code, nous ramènent à un principe supérieur qui, lui, ne se trouve pas dans le Code. Ces exceptions, établies pour sauvegarder un principe supérieur absent du Code, en deviennent plus importantes que le principe codifié auquel elles dérogent; l’interprétation de ces exceptions doit donc de faire de façon libérale.31 30 31 Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, 2002 1 R.C.S. 719, 2002 CSC 21, D.A., vol. II, p. 365 et s. Supra, note 27, D.A., vol. III, p. 616-618. - 56 Mémoire de la Demanderesse 41. Exposé des arguments D’autre part, le ministre de la Justice émet le commentaire suivant au sujet de l’article 2402 C.c.Q : Le premier alinéa reprend, en d’autres termes, l’article 2481 C.c.B.c.; il interdit l’insertion de clauses générales de déchéance de l’assurance dans la police, à moins que la violation ne crée un acte criminel. La disposition n’empêche pas l’exclusion d’assurance portant sur une violation précise et délimitée. 42. Il découle de ce commentaire que l’exclusion générale n’étant ni précise ni délimitée, le législateur n’envisageait pas le même niveau de certitude de l’assuré quant à sa portée et à son étendue exacte au moment de la conclusion du contrat ou de son application. 43. En conclusion de ce qui précède, la règle d’ordre public selon laquelle la perpétration d’un acte criminel fait obstacle au droit de réclamer une indemnité d’assurance doit recevoir une interprétation qui permet d’en atteindre l’objet. En tout état de cause, on ne saurait restreindre la portée des termes « acte criminel » employés à l’article 2402 C.c.Q. La référence au droit fédéral et les incohérences 44. Le premier alinéa de l’article 2402 C.c.Q. fait référence à la notion d’acte criminel et renvoie nécessairement aux dispositions législatives fédérales. 45. La Loi d’interprétation fédérale dissipe toute ambiguïté quant à la qualification et la nature sous-jacente des infractions qui tirent leur origine d’une infraction mixte : Mise en accusation ou procédure sommaire 34. (1) Les règles suivantes s’appliquent à l’interprétation d’un texte créant une infraction : a) l’infraction est réputée un acte criminel si le texte prévoit que le contrevenant peut être poursuivi par mise en accusation; (…) c) s’il est prévu que l’infraction est punissable sur déclaration de culpabilité soit par mise en accusation soit par procédure sommaire, la - 57 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments personne déclarée coupable de l’infraction par procédure sommaire n’est pas censée avoir été condamnée pour un acte criminel. (…) Application aux documents (3) Dans tout document, notamment commission, proclamation ou mandat, relatif au droit pénal ou à la procédure pénale : La mention d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation équivaut à celle d’un acte criminel; La mention de toute autre infraction équivaut à celle d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. 46. Il est évidemment clair qu’en droit pénal canadien, une infraction mixte peut être punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation et constituer un acte criminel. 47. En droit civil, le fardeau de prouver l’acte criminel revient à l’assureur, qui doit s’en décharger par prépondérance des probabilités32. 48. Or, il a déjà été jugé qu’un tribunal n’est pas lié par le choix du ministère public au sujet de la procédure et du chef d’accusation retenus, en ce qui concerne l’application de l’exclusion relative à la commission d’un acte criminel. 49. En effet, dans l’affaire Axa c. Martin33, la Cour supérieure a maintenu une objection à la preuve au motif que « la nature de l’accusation que choisit de déposer la poursuite en matière pénale n’influence en rien le débat au niveau civil. » Elle a permis à l’assureur de faire la preuve d’un acte criminel distinct et l’a libéré de ses obligations sur la base de celui-ci. 32 33 Mutuelle du Canada c. Aubin, 1979 2 R.C.S. 298, D.A., vol. II, p. 388 et s. et F.H. c. McDougall, 2008 3 R.C.S. 41, 2008 CSC 53, D.A., vol. II, p. 327 et s. Axa Assurances inc. c. Martin, 2003 CanLII 33309 (QCCS), D.A., vol. II, p. 255 et s. - 58 Mémoire de la Demanderesse 50. Exposé des arguments Plus récemment, le banc majoritaire de la Cour d’appel dans l’arrêt Promutuel Bagot c. Lévesque34 a énoncé que : Notons aussi que, en la matière, un assureur peut prouver l’activité criminelle par prépondérance de preuve et que l’exclusion trouve application même si l’assuré n’a pas été condamné par un tribunal pénal ou a fait l’objet d’une poursuite sommaire plutôt que d’une poursuite par acte d’accusation. 51. Dans cette affaire, l’exclusion a trouvé application sur la base de l’acte criminel prouvé dans le cadre du procès civil, plutôt que sur la foi de l’infraction retenue par le ministère public en matière criminelle. 52. Alors, comment concilier l’opinion selon laquelle il est contraire à l’intention du législateur de soumettre l’application d’une clause d’exclusion au choix du ministère public, en référence aux infractions mixtes, si la jurisprudence est elle-même d’avis que le choix du ministère public n’est pas déterminant dans le cas de l’application d’une clause d’exclusion pour acte criminel? 53. Ce double standard selon que l’infraction visée par l’exclusion appartient à la catégorie des actes criminels « purs », toujours poursuivis par mise en accusation, plutôt qu’à la catégorie des infractions mixtes, poursuivies par mise en accusation ou par procédure sommaire au choix du ministère public, est artificiel, incohérent et illogique et il produit des résultats inéquitables. 54. Par exemple, un individu retenu coupable en matière criminelle d’un acte criminel grave et condamné à une sentence de prison de cinq ans serait admis à recevoir paiement d’une prestation d’assurance, au motif que l’infraction commise procédait d’une infraction mixte sujette à option par le ministère public, qui de facto n’est pas visée par l’exclusion générale pour acte criminel permise à l’article 2402 C.c.Q. 34 Promutuel Bagot c. Lévesque, 2011 QCCA 80, par. 32, D.A., vol. III, p. 426. - 59 Mémoire de la Demanderesse 55. Exposé des arguments D’un autre côté, un individu qui n’a pas été condamné pour un acte criminel ou qui a été poursuivi par procédure sommaire pourrait se voir refuser le paiement de sa prestation d’assurance au motif que l’assureur est en mesure de démontrer, dans le cadre d’une procédure civile et par prépondérance des probabilités, qu’il a commis un acte criminel « pur », tel que nous l’enseigne la Cour d’appel dans la décision Promutuel Bagot c. Lévesque35. 56. L’effet dissuasif et l’objectif de morale sociale de l’article 2402 C.c.Q. seraient également compromis, puisqu’une personne raisonnable normalement informée ne serait plus en mesure de déterminer quels actes criminels sont visés par son contrat d’assurance et lesquels ne le sont pas, puisque le degré de gravité de l’acte posé n’entre pas en ligne de compte, pas plus que la loi en matière criminelle fédérale ou le choix fait par le ministère public au niveau de la poursuite au criminel. 57. Pourtant, selon les circonstances qui ont entouré la perpétration d’une infraction, elle aura toujours la nature sous-jacente d’un acte criminel ou la nature sous-jacente d’une infraction punissable par procédure sommaire, selon le degré de gravité des actes au moment où ils ont été commis. Cette nature sous-jacente demeurera inchangée au fil du temps. 58. Il est raisonnable de soutenir qu’un assuré qui a commis une infraction criminelle grave et qui est informé de la clause d’exclusion pour acte criminel prévue dans son contrat d’assurance terrestre ne nourrira pas l’attente raisonnable d’être indemnisé par son assureur, que l’infraction commise soit mixte ou non. 59. D’autre part, si l’infraction commise est de peu de gravité, celui-ci sera en droit de s’attendre à ce qu’une sanction aussi sévère ne lui soit pas applicable. 60. En fait, cela équivaut aux principes dégagés depuis des décennies en common law, concernant la règle que « nul ne peut profiter de son propre crime »36. Des règles similaires 35 36 Id. Oldfield c. Transamerica Life Insurance Co. of Canada, 2002 CSC 22, D.A., vol. III, p. 395 et s. et Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, 2002 1 R.C.S. 719, 2002 CSC 21, par. 40, D.A., vol. II, p. 380. - 60 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments à l’article 2402 C.c.Q. ont d’ailleurs été adoptées dans plusieurs provinces et pays, notamment au Canada, aux États-Unis, en Angleterre ou en France, et visent à interdire qu’on puisse profiter d’une conduite moralement coupable et tirer un gain d’un méfait. Cette règle vise à dissuader les actes antisociaux graves afin de ne pas les favoriser en accordant le droit à une prestation d’assurance. 61. Le fait de ne pas considérer, en matière d’assurance terrestre, des infractions graves issues de la catégorie des infractions mixtes comme constituant des actes criminels, alors que le droit pénal canadien le prévoit et que selon la jurisprudence, l’assureur n’est pas lié par le choix du ministère public pour faire la preuve de l’acte criminel « pur », amène des injustices importantes et des incohérences inexplicables aux yeux d’une personne raisonnable normalement informée. 62. Cette même personne raisonnable normalement informée serait choquée dans ses valeurs morales si elle devait constater qu’un individu ayant commis un acte criminel grave s’est néanmoins enrichi grâce à son crime, et ce, au détriment des autres assurés qui ont mis leur risque en commun chez l’assureur. La volonté des parties au moment de la conclusion du contrat 63. Le droit des assurances terrestres exige que l’assuré soit bien informé des limites de sa police afin qu’il puisse prévoir d’une manière claire l’étendue de sa couverture. 64. Il est raisonnable de soutenir qu’au moment de la formation du contrat d’assurance, il est plus probable qu’un assuré, qui est un profane non initié aux finesses du droit et de la procédure pénale, comprenne de l’expression « acte criminel » que toutes les infractions criminelles y sont indistinctement visées. 65. Dans son application toutefois, il est également raisonnable de soutenir qu’un assuré raisonnable normalement informé ne jugerait équitable que l’application de cette clause d’exclusion à des infractions graves qui choquent les bonnes mœurs. 66. Or, selon le degré d’attribution des actes criminels et des infractions mixtes punissables par mise en accusation, qui sont les infractions jugées les plus graves par le législateur - 61 Mémoire de la Demanderesse canadien, cette attente Exposé des arguments serait entièrement respectée, car l’interprétation de l’article 2402 C.c.Q. ferait écho aux valeurs de la société et aux bonnes mœurs qui se trouvent reflétées dans les dispositions du Code criminel et des autres lois qui créent des actes criminels et serait cohérente avec elles. 67. Aussi, le sens ordinaire de l’expression « acte criminel » devrait être privilégié, afin d’éviter qu’une interprétation plus technique ne vienne dénaturer la compréhension de l’assuré au moment de souscrire son contrat. 68. Dans la pratique, l’inclusion des actes criminels qui procèdent d’infractions mixtes dans l’application de l’exclusion générale de l’article 2402 C.c.Q. ne devrait pas amener plus d’incertitude, puisque, outre le cas de l’assurance vie, où l’assuré décédé ne peut faire face à la justice, le choix du ministère public sera vraisemblablement toujours connu et fera partie des circonstances dont l’assureur devra tenir compte dans l’évaluation du degré de gravité de l’infraction commise, selon la preuve prépondérante dont il dispose. 69. Compte tenu de tout ce qui précède, Desjardins soumet respectueusement que la clause d’exclusion générale 14 (1) f) du contrat Accirance, Assurance accident de personnes doit s’appliquer à un acte criminel qui procède d’une infraction mixte, tel que celles commises par feu Sébastien Foisy, puisque l’intention du législateur au premier alinéa de l’article 2402 C.c.Q. est de faire obstacle au paiement de prestations dues en raison de la perpétration d’un acte criminel par l’assuré. II. Le décès accidentel de feu Sébastien Foisy est-il survenu alors qu’il participait à un acte criminel? 70. Desjardins soumet que feu Sébastien Foisy a commis les actes criminels suivants : 249. (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas : a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; (…) - 62 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments (2) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) est coupable : a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. (3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans. (4) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. 249.1 (1) Commet une infraction quiconque conduisant un véhicule à moteur alors qu’il est poursuivi par un agent de la paix conduisant un véhicule à moteur, sans excuse raisonnable et dans le but de fuir, omet d’arrêter son véhicule dès que les circonstances le permettent. (2) Quiconque commet une infraction visée au paragraphe (1) est coupable : a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. (3) Commet une infraction quiconque cause des lésions corporelles à une autre personne ou la mort d’une autre personne en conduisant un véhicule à moteur de la façon visée à l’alinéa 249 (1)a) dans le cas où il est poursuivi par un agent de la paix conduisant un véhicule à moteur et, sans excuse raisonnable et dans le but de fuir, omet d’arrêter son véhicule dès que les circonstances le permettent. (4) Quiconque commet une infraction visée au paragraphe (3) est coupable d’un acte criminel passible : a) s’il a causé des lésions corporelles à une autre personne, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans; b) s’il a causé la mort d’une autre personne, de l’emprisonnement à perpétuité. - 63 Mémoire de la Demanderesse 71. Exposé des arguments Une analyse des circonstances entourant l’accident permet de démontrer, par prépondérance de preuve, la participation de feu Sébastien Foisy à un acte criminel. 72. N’eût été le décès de feu Sébastien Foisy, l’agent Monette a clairement indiqué dans son témoignage que le contrevenant aurait été mis en état d’arrestation et accusé d’infractions criminelles37 : R. … écoutez, le processus c’est que, à ce moment-là, quand on roule à deux cents (200) kilomètres heure et que ça dépasse cette vitesse-là, c’est… c’est une conduite dangereuse au Code criminel, c’est extrêmement dangereux, cette vitesse-là, c’est extrêmement dangereux. Le Code criminel est sévère, c’est une conduite dangereuse, et la personne aurait été arrêtée pour conduite dangereuse, aurait été arrêtée, ensuite, pour avoir fui un agent de la paix, qui est encore au Code criminel. Ce ne sont pas des infractions criminelles, ce sont des infractions au Code criminel. Ça, c’est au… c’est automatique, là, c’est automatique. 73. D’autre part et en semblables matières, afin d’apprécier convenablement les circonstances de la poursuite et les facteurs aggravants, la Cour suprême du Canada a rappelé dans les arrêts Hundal38 et Beatty39 dans le cadre d’une poursuite pour acte criminel, qu’il est nécessaire d’évaluer le comportement de l’accusé par rapport à ce qu’aurait fait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. 74. Dans l’affaire DeGoey40, la Cour d’appel de l’Ontario a précisé les circonstances pouvant être prises en considération afin d’évaluer si le contrevenant devait être condamné pour conduite dangereuse, notamment : 37 38 39 40 la visibilité près ou à une intersection, la vitesse, Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 196. R. c. Hundal, 1993 1 R.C.S. 867, 1993 CanLII 120 (CSC), D.A., vol. III, p. 532 et s. R. c. Beatty, 2008 1 R.C.S. 49, 2008 CCS 5, D.A., vol. III, p. 434 et s. R. c. Degoey, 2005 CanLII 17772 (ON CA), D.A., vol. III, p. 484 et s. - 64 Mémoire de la Demanderesse 75. Exposé des arguments les conditions de circulation, la présence d’un arrêt obligatoire et d’une affiche signalant sa présence, l’heure de l’accident, les marques sur la chaussée et l’omission de l’accusé de faire son arrêt obligatoire. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Richards41 a conclu que, dans certaines circonstances, la vitesse excessive en l’absence d’autres facteurs constituait un facteur aggravant qui pouvait être suffisant pour entraîner une condamnation pour conduite dangereuse. 76. Les tribunaux ont également reconnu que le fait que la circulation n’était pas importante et qu’il n’y avait pas ou peu de piétons n’était pas déterminant : il suffit qu’il ait été raisonnablement prévisible qu’il puisse y en avoir42. 77. Furent également considérés comme des circonstances pertinentes et aggravantes, les antécédents d’excès de vitesse43. 78. De plus, la Cour d’appel de l’Alberta a également précisé ce qui suit dans l’arrêt Roberts44 concernant la gravité de l’infraction de fuite devant les agents de la paix : Parliament has recognized three things: 41 42 43 44 (a) the offence is very dangerous to the public, and (b) the moral turpitude is great, greater than that for dangerous driving because of the deliberateness and contumacy required, and R. c. Richards, 2003 CanLII 48437 (ON CA), D.A., vol. III, p. 571 et s. R. c. Mueller, (1975) 29 C.C.C. (2d) 243 (C.A. Ont.), D.A., vol. III, p. 568 et s. Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980, D.A., vol. II, p. 276 et s. R. c. Roberts, 2005 ABCA 11, par. 93, D.A., vol. III, p. 587. - 65 Mémoire de la Demanderesse (c) 79. Exposé des arguments there can be no deterrence (individual or general) unless the penalties equal or exceed those for the pre-existing offences whose detection or prosecution is being fled. Dans l’affaire Furtado45, la Cour d’appel du Québec rappelait que les infractions de fuite lors d'une poursuite policière et de conduite dangereuse sont des infractions objectivement graves. En l'absence de lésions corporelles ou de mort, elles sont passibles, lorsque poursuivies comme actes criminels, d'un emprisonnement maximal de cinq ans. Elle ajoute que les peines sont évidemment plus importantes lorsque les accusations visent à la fois la conduite dangereuse et la fuite lors d'une poursuite policière. 80. Par ailleurs, le fait que l’assuré ait été la seule victime de l’accident ne permettrait pas de banaliser la gravité des actes commis. En semblables matières, des sentences de prison pour des cas de conduite dangereuse ne causant pas de lésions ou la mort d’une autre personne ont été notamment ordonnées dans l’affaire Mertion46. 81. En l’espèce, l’analyse des circonstances de l’accident et des circonstances particulières et aggravantes suivantes amène une présomption claire d’acte criminel : Il n’y a pas eu qu’une seule infraction, mais bien la combinaison de deux infractions dangereuses pour le public; Feu Sébastien Foisy circulait à une vitesse excessive, ayant été capté par le radar à 123 km/h dans une zone de 50 km/h et dépassant la barre des 200 km/h dans une zone réglementée à 80 km/h47; La poursuite a débuté vers 11 h 00, au centre du village, pour se dérouler toujours dans des lieux habités, à un moment et un endroit propices à la présence d’autres voitures ou piétons48; 45 46 47 48 R. c. Furtado, 2014 QCCA 549, D.A., vol. III, p. 525 et s. R. c. Mertion, 1999 BCCA 606, D.A., vol. III, p. 563 et s.; Voir également : R. c. Lefebvre, 2011 QCCQ 12291, D.A., vol. III, p. 555 et s.; Ruel c. R., 2009 QCCA 545, D.A., vol. III, p. 591 et s.; R. c. De Souza, 2011 ABCA 220, D.A., vol. III, p. 481 et s. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 141, 145, 147-149, 154, 162-165, 168, 170-171, 175-176 et à la pièce D-5, D.A., vol. I, p. 108-109. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 147. - 66 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments L’agent Monette a été blessé lors de l’accident et a dû être transporté à l’hôpital49; Feu Sébastien Foisy, conscient qu’il faisait l’objet d’une poursuite, ne s’est jamais immobilisé de plein gré afin de mettre fin à sa fuite alors qu’il en avait l’occasion50; Feu Sébastien Foisy a omis de respecter plusieurs arrêts obligatoires tout au long de la poursuite51; Le refus de s’arrêter, la vitesse et la durée de la poursuite ont menacé la sécurité de plusieurs membres du corps policier52; Feu Sébastien Foisy avait des antécédents d’excès de vitesse53; Feu Sébastien Foisy ne possédait qu’un permis probatoire pour sa motocyclette et par conséquent, il ne pouvait conduire seul54. Or, la Cour du Québec précisait dans l’affaire Désormeaux55 que conduire avec un permis suspendu démontre une insouciance au respect des lois. En l’espèce, l’assuré a certes démontré une insouciance au respect des lois en conduisant seul sa motocyclette; L’âge de l’assuré au moment des faits, trente (30) ans, doit également être considéré comme un facteur aggravant56; 82. En raison des circonstances et facteurs aggravants précités, il est indéniable que feu Sébastien Foisy a participé à un acte criminel en raison de sa conduite dangereuse et de sa fuite face à des agents de la paix, selon les articles 249 et 249.1 du Code criminel. 49 50 51 52 53 54 55 56 Id., D.A., vol. I, p. 186. Id., D.A., vol. I, p. 170, 174, 178-179; Luc Monette, contre-interrogé (Me Lamarche), D.A., vol. II, p. 212. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 151-152, 173-174. Luc Monette, interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 153 et 157. Pièce D-14, D.A., vol. I, p. 118-121. Victor Foisy, contre-interrogé (Me Lussier), D.A., vol. I, p. 133-134. R. c. Désormeaux, 2000 CanLII 7267 (QCCQ), D.A., vol. III, p. 495 et s. Bourgault c. R., 2014 QCCA 273, D.A., vol. II, p. 292 et s. - 67 Mémoire de la Demanderesse 83. Exposé des arguments Une application de l’exclusion aux faits en litige permet de conclure à l’application de l’exclusion prévue sous-paragraphe 14 (1) f) du contrat d’assurance Accirance, Assurance Accident de personne. 84. Ces erreurs de faits et de droit sont déterminantes et nécessitent l’intervention de cette Cour. ---------PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS 85. La Demanderesse ne réclame pas les dépens. ---------PARTIE V – ORDONNANCES DEMANDÉES 86. Pour ces motifs, la Demanderesse demande respectueusement à cette Cour de l’autoriser à interjeter appel du jugement de la Cour d’appel du Québec rendu le 2 février 2016 dans le dossier portant le numéro 500-09-024401-143, ou de rendre toute ordonnance que la Cour jugera appropriée. Lévis, 31 mars 2016 ________________________________________ Me Maria Isabel Garcia Cholette Houle, Avocats Procureure de la Demanderesse - 68 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments PARTIE VI – TABLE DES SOURCES Jurisprudence Paragraphe(s) Axa Assurances inc. c. Martin, 2003 CanLII 33309 (QCCS) ................................................. 49 Bilodeau c. R., 2013 QCCA 980 ................................................77 Bourgault c. R., 2014 QCCA 273 ................................................81 F.H. c. McDougall, 2008 3 R.C.S. 41, 2008 CSC 53 ................................................47 Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, 2002 1 R.C.S. 719, 2002 CSC 21 ...........................................38,60 Mutuelle du Canada c. Aubin, 1979 2 R.C.S. 298 ................................................47 Oldfield c. Transamerica Life Insurance Co. of Canada, 2002 CSC 22 ................................................60 Promutuel Bagot c. Lévesque, 2011 QCCA 80 ......................................50,51,55 R. c. Beatty, 2008 1 R.C.S. 49, 2008 CCS 5 ................................................73 R. c. De Souza, 2011 ABCA 220 ................................................80 R. c. Degoey, 2005 CanLII 17772 (ON CA) ................................................74 R. c. Désormeaux, 2000 CanLII 7267 (QCCQ) ................................................81 R. c. Furtado, 2014 QCCA 549 ................................................79 R. c. Hundal, 1993 1 R.C.S. 867, 1993 CanLII 120 (CSC) ................................................73 R. c. Lefebvre, 2011 QCCQ 12291 ................................................80 R. c. Mertion, 1999 BCCA 606 ................................................80 R. c. Mueller, (1975) 29 C.C.C. (2d) 243 (C.A. Ont.) ................................................76 R. c. Richards, 2003 CanLII 48437 (ON CA) ................................................75 R. c. Roberts, 2005 ABCA 11 ................................................78 Ruel c. R., 2009 QCCA 545 ................................................80 - 69 Mémoire de la Demanderesse Exposé des arguments Doctrine Paragraphe(s) BERGERON, J.-G., Les contrats d’assurance, t.2, Sherbrooke, Les Éditions SEM inc., 1989 ................................................36 LEMIEUX, C., Éléments d’interprétation en droit civil, (1994) 24 R.D.U.S. 232 ...........................................35,40 LLUELLES, D., Précis des assurances terrestres, Les éditions Thémis, 4e édition, 2005 ................................................36 ____________