Pourquoi Slumdog devait gagner

Transcription

Pourquoi Slumdog devait gagner
Le Soir Mardi 24 février 2009
CINÉMA Dans le film de Joann Sfar sur la vie de Gainsbourg, Yolande Moreau interprète la chanteuse réaliste Fréhel.
P.31
PPDA sur Arte
Patrick Poivre d’Arvor revient en
prime time. Avec une émission
européenne sur Arte.
© FRÉDÉRIC MAIGROT.
laculture
25
L’ÉQUIPE DE « SLUMDOG MILLIONAIRE » , presque au complet sur la scène des Oscars. Une image de fête qui fait écho à celle d’« Entre les murs », lorsque Cannes lui décerna sa Palme d’or. © AP.
Cinéma / Le sacre du film de Danny Boyle aux Oscars
Pourquoi Slumdog devait gagner
POURQUOI ? Non pas parce
qu’il était le meilleur. Mais
parce qu’il est arrivé au bon
moment.
n couvrant de récompenses Slumdog Millionaire
(huit Oscars pour onze nominations), l’Académie des Oscars n’a cette année pas plébiscitée un film majeur. Elle en avait
pourtant la possibilité, avec
L’étrange histoire de Benjamin
Button, de David Fincher.
En soi, la chose n’est pas neuve,
et si l’on fait exception des sacres
E
récents de No country for old
men (frères Coen) ou de Million
dollar baby (Clint Eastwood), on
peut même affirmer que c’est, à
Hollywood, un classique.
Kubrick, Lubitsch, Welles, Hitchcock ou Lynch, pour ne citer
qu’eux, en ont fait par le passé les
frais. Les Oscars les ont tous boudés. En consacrant souvent de
sympathiques divertissements :
Rocky (1976), Tendres passions
(1983), Shakespeare in love
(1998), Chicago (2002)…
« Indiamania »
Cette année, on est dans ce scénario. Slumdog millionaire, film
efficace, tonique, généreux, bien
monté, emmené par une bande
originale euphorisante, est un joli flirt de vacances. Il tombe à un
moment idéal, où l’Amérique
sous Obama se découvre des envies de chanter, de danser, de
s’ouvrir sur le monde et de voir la
vie en couleurs. Or, dans Slumdog millionaire, on chante, on
danse, on affronte les pires périls
le cœur au ventre, et on succombe au ravissement de voir une fic-
tion si joliment emballée dans
l’ère du black. Après la vague afroaméricaine, voici l’indienne ; et
avec l’Inde, acteur principal du
film de Danny Boyle, voilà l’heure venue de saluer dans le même
temps une civilisation milliardaire (un milliard d’habitants), fière
de son identité, en plein essor, et
l’un des plus grands temples du
cinéma contemporain. Une façon, pour Hollywood, de draguer
l’immense public de Bollywood.
Cela dit, il y a lieu de se réjouir
de voir consacré un film modeste, au tout petit budget (dix fois
moins que Benjamin Button et sa
caravane de stars), défendu par
des inconnus et rafraîchi par le
charisme solaire de gamins.
Chaque année, ou presque, un l’époque : la célébrité télévisuelle
petit film indépendant s’invite (Jamal Malik passe à Qui veut gadans la cour des grands. Little gner des millions ?, comme il auMiss Sunshine en 2007, Juno en rait pu passer à la Star Acade2008, Slumdog Millionaire cette my), et le cross-over (lisez : la
année. Derrière ces nominations « mixité ») des cultures. Conclusurprises, ne soyons pas hypocri- sion, et pour détourner la morale
tes, il y a un peu de « l’effet quo- du film, à la question à choix multa » propre à garantir la conscien- tiple « Pourquoi Slumdog Millioce et le – prétendu – esprit de tolé- naire a-t-il raflé les Oscars ? », la
rance de Hollywood. Chaque an- bonne réponse n’était pas la « d »
née, l’outsider joue sa carte à (c’était son destin), mais la « c » :
fond, et bénéficie en général d’un il a eu de la chance ! ■
NICOLAS CROUSSE
capital de sympathie immédiat.
Il n’est pas étonnant de voir plébiscité un film signé par un en- 씰 P.16 L’ACTEUR :
ALLAH RAKHA RAHMAN
fant du rock (Boyle est l’auteur
P.27 UN DEUXIÈME
de Trainspotting). Qui plus est,
Slumdog Millionaire saupoudre
OSCAR POUR SEAN PENN habilement deux obsessions de
LE PALMARÈS
P.26 scènes
P.26 scènes
« Le chagrin des ogres »,
une fable terrible qui nous
plonge dans le malaise.
« Lettre ouverte aux fanati- La vente de la collection Ber- Histoire et histoires. La réaliques » : à trop dénoncer, on di- gé-Saint Laurent a débuté lun- té et la fiction, la vérité et le
lue le propos.
di soir.
faux.
© D. R.
www.lesoir.be
© STÉPHANIE JASSOGNE.
P.27 marché de l’art P.28 télévision
© RÉMY DE LA MAUVINIÈRE/AP.
© CHRISTOPHE RUSSELL/FR2.
1NL

Documents pareils