1973 : Coup d`État du 11 septembre 1973 au Chili Le 4

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1973 : Coup d`État du 11 septembre 1973 au Chili Le 4
1973 : Coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili
Le 4 septembre 1970, après 20 ans de campagne, Salvador Allende, tête de liste de l'Unité
populaire (UP), gagne l’élection présidentielle. Alors que la violence et la guérilla gagnent
toute l’Amérique latine, Allende se lance dans une aventure entièrement inédite : celle de
conduire un pays vers le socialisme d’une manière légale, sans détruire le système établi et, de
plus, en s’appuyant sur les dispositions légales existantes. Il est convaincu qu’une vraie
démocratie conduit logiquement au socialisme. C’est le temps des grands pas historiques.
Allende nationalise les usines et les grandes entreprises, les banques, l’acier, le charbon, le
salpêtre et le cuivre.
Extraits du programme :
- nationalisation à grande échelle de certaines industries (notamment le cuivre, principale
exportation du Chili)
- réforme du système de santé
- blocage des prix
- augmentation des salaires de 40 à 60 %
- poursuite des réformes du système d'éducation entreprises par son prédécesseur Eduardo
Frei Montalva
- programme de lait gratuit pour des enfants (à raison d'un demi litre de lait par jour et par
bébé)
- tentative de réforme agraire
- nouvel « impôt sur les bénéfices » est créé.
- moratoire sur les remboursements de la dette extérieure et cesse le paiement des dettes
auprès des créanciers internationaux et les gouvernements étrangers.
La première année est un immense succès. La moitié du peuple se reconnaît en lui. La
politique économique avait pour but la relance économique, mais les effets psychologiques
induits par la peur du collectivisme chez de nombreux patrons ont nettement limité la hausse
de la production. Le pays se trouve ainsi polarisé. Les opposants de Salvador Allende
représentent une classe puissante, à savoir en grande partie l'oligarchie représentée au
parlement par la coalition de droite (démocrates chrétiens et Parti national). Ne supportant pas
d'être mis à l'écart, ils font appel aux États-Unis pour se débarrasser de son gouvernement.
Dès 1971, les États-Unis cessent toute aide au Chili et découragent les investissements
internationaux.
Salvador Allende dira à l'ONU, le 4 septembre 1972 : " Le drame de ma patrie est celui d’un
Vietnam silencieux. Il n’y a pas de troupes d’occupation ni d’avions dans le ciel du Chili.
Mais nous affrontons un blocus économique et nous sommes privés de crédits par les
organismes de financement internationaux. (...)Nous sommes face à un véritable conflit entre
les multinationales et les États. Ceux-ci ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales,
politiques, économiques et militaires à cause de multinationales qui ne dépendent d’aucun
État."
Les États-Unis vont jusqu'à financer des grèves de camionneurs chiliens, afin de paralyser les
transports internes du pays. En octobre 1972, une grève patronale de grande envergure
paralyse le pays : 70 000 camions, des milliers d’autobus, cessent de rouler, les petits
commerces et les professions libérales arrêtent le travail. On ne trouve plus d’essence, la
nourriture manque et la plupart des usines ne reçoivent plus de matières premières. C’est la
guerre des nerfs. Les ennemis d’Allende sont sur le point de gagner la bataille. Mais aucune
usine ne suit la grève, les trains roulent, les ports restent ouverts, les services publics
travaillent. Le pays est plongé dans la crise, bien que les bidonvilles, dont
l'approvisionnement est pris en charge directement par le gouvernement, se trouvent pour la
première fois dans une situation plus ou moins acceptable. Pour Allende, il est impossible de
changer la loi, et son "légalisme" l’empêche d’avancer plus vite. Malgré les millions de
dollars venus des États-Unis, malgré l’usure et les tensions, l’Unité Populaire obtient 43,4 %
des voix aux élections de mars 1973. C'est une nouvelle victoire pour le parti de Salvador
Allende qui augmente son score à chaque nouveau scrutin.
Le 28 juin, un régiment de blindés attaque le palais présidentiel. Le coup d’État échoue grâce
au Général Carlos Prats, qui soutient le président. Mais bientôt Prats est contraint de
démissionner. Allende le remplace par le Général Augusto Pinochet. Dès les premières heures
du 11 septembre 1973, Salvador Allende croit encore pouvoir régler le conflit par le dialogue
et dans un appel à la radio invite ses partisans à rester chez eux pour ne pas envenimer la
situation. À 9 heures du matin, le palais présidentiel est assiégé par l'armée sous le
commandement du général Augusto Pinochet. Le palais présidentiel est bombardé par
l'aviation. Le putsch de la junte présidée par le général Augusto Pinochet mettait un terme,
dans un bain de sang, à trois années d’une expérience sans précédent. Pour la bourgeoisie
chilienne comme pour les dirigeants des Etats-Unis, il fallait briser le rêve de Salvador
Allende et de l’Unité populaire - une transition pacifique vers un socialisme démocratique avant qu’il ne soit trop tard. A tout prix...
Sous la dictature de Pinochet, des milliers de Chiliens sont arrêtés, torturés, déportés, exécutés
(les célèbres « Caravanes de la Mort »). 3 197 personnes assassinées ou « disparues », à ce
total, il faut ajouter le nombre de victimes du coup d'État lui-même, 150 000 personnes
emprisonnées pour des motifs politiques, un million d'exilés dont 160 000 exilés politiques.
Il faut rappeler que le Chili de Pinochet est le premiers pays à mettre en oeuvre les politiques
néolibérales pensées par Friedrich Von Hayek et Milton Friedman. Entamant ainsi, le début
de la mondialisation néo-libérale. Le Royaume-Uni de Margaret Thatcher et les Etats-Unis
Ronald Reagan suivront bien après dans les années 80. Après le coup d’Etat du 11 septembre
1973, les syndicats et les partis de gauche chiliens n’étaient plus en mesure de résister à la «
thérapie de choc » rêvée par les économistes « libéraux » de l’université de Chicago.
"On trouve encore aujourd'hui un professeur d'économie de Harvard, membre de la Hoover
Institution, pour affirmer tranquillement, dans sa chronique régulière de Business Week, que
le général Pinochet mérite l'éloge et que « l'ampleur et la durée de l'animosité » qu'il a suscitée
à gauche « témoignent de son succès économique. Nul n'a fait davantage que Pinochet et ses
conseillers pour démontrer la supériorité de l'économie de marché sur le socialisme ». (Cité
dans "Le grand bond en arrière" de Serge Halimi, p214, article original : Robert J. Barro,
«One Pinochet legacy that deserves to live», Business Week, 17 janvier 2000).
L'action des Etats-Unis au service de régimes militaires plus ou moins tyranniques eut une
conséquence politique majeure favorisant l'internationalisation du néolibéralisme qui nous
occupe. (...)"Le triomphe du néolibéralisme et de son nouveau projet économique, résume
l'universitaire brésilien Emir Sader, ne peut être séparé du démantèlement de la gauche par les
dictatures. Avec sa longue tradition de luttes pour les droits économiques et sociaux et son
histoire de démocratie politique, le Chili n'aurait servi de fer de lance à ce projet sans la
violente répression menée par le général Pinochet, qui détruisit toute l'ossature ayant fait de ce
pays une référence latino-américaine et même mondiale." (Cité dans "Le grand bond en
arrière" de Serge Halimi, p353)