La narration transmedia : les enjeux d`une nouvelle expérience
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La narration transmedia : les enjeux d`une nouvelle expérience
Master 2 professionnel Conseil éditorial et gestion des connaissances UFR Philosophie – Université Paris Sorbonne La narration transmedia : les enjeux d’une nouvelle expérience créative Mémoire de fin d’études soutenu par Sibel CEYLAN Directeur de recherche : Eric Leguay Promotion 2010 - 2011 Remerciements Un mémoire n’est jamais un travail purement individuel, même si un seul nom figure en première page. Ce mémoire est le fruit de réflexions et d’échanges menés avec les professionnels que j’ai pu rencontrer mais également avec mes proches et mon entourage. Je voudrais tout d’abord remercier les enseignants du master 2 Conseil éditorial de Paris 4 et particulièrement Monique Ollier pour ses conseils et sa capacité à remotiver les troupes dans les moments de doutes, Jean-Michel Besnier pour sa présence et son calme ainsi que Eric Leguay, mon directeur de mémoire. Dans le cadre de mon stage de fin d’études au sein de la direction de la communication de Orange, j’ai eu la chance de travailler sur un projet transmedia (Fanfan2). Je remercie donc Sylvain Leroux (mon tuteur de stage) avec qui j’ai beaucoup parlé de mon sujet de mémoire. Ses nombreux conseils m’ont aidé à structurer ma réflexion. J’ai également rencontré Morgan Bouchet qui m’a éclairé sur la vision de la marque Orange dans le milieu du transmedia. Je tiens à remercier également Mathias Gimeno (directeur de la société transmedia Prospexity et auteur d’un mémoire de fin d’études sur le transmedia) et Mathieu Détaint (producteur chez Inflammables Productions) de m’avoir accorder du temps et d’avoir apporté leur regard professionnel sur ce sujet. Je dois aussi remercier mes proches qui ont supporté mes doutes et qui ont fait en sorte que ces quelques mois se passent dans la sérénité. Un très grand merci à Thibaut qui m’a soutenue, écoutée et motivée jour après jour, à mes sœurs, et à mes grands-parents (même s’ils n’ont certainement pas tout compris au sujet de mon mémoire). 2 Ce mémoire n’aurait pas eu la même dimension sans la précieuse aide de Amélie Sudrot, étudiante à l’Ecole supérieure de gestion et de médiation des Arts et auteure d’un mémoire sur les enjeux des fictions audiovisuelles interactives. Bravo pour ton travail ! Enfin, je ne pourrais pas clore ces remerciements sans citer mes camarades de la promotion Conseil éditorial 2010-2011. Merci à vous tous pour votre soutien ! 3 SOMMAIRE Introduction p.8 • Définition et contextualisation • Intérêt du sujet • Problématique et annonce du plan CHAPITRE 1 p.12-25 QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ? I) Permanences et évolutions de la narration p.12 1) Au commencement était le verbe 2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ? II) Convergence des supports et cohérence narrative p.16 1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia 2) Les différentes typologies de narration transmedia a) le transmedia natif b) le transmedia de fidélisation c) le transmedia promotionnel III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de nouveaux métiers ?p.21 1) Le décloisonnement des domaines d’activité 2) Au cœur du projet : le producteur transmedia 3) Le « story architect » et les métiers de l’animation 4 CHAPITRE 2 p.26-41 L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUEL PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ? I) Quels supports pour l’interactivité ? p.27 1) L’ARG : un modèle d’interactivité 2) L’interactivité à la télévision a) Les séries télévisées transmedia b) Les enjeux de la télévision connectée 3) Les nouvelles formes de « transmedia activism » a) Le webdocumentaire : l’information interactive b) Susciter l’engagement grâce au transmedia c) les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ? II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ? p.35 1) Les raisons d’un faible engagement a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public b) …et des univers encore peu accessibles 2) Apprentissage et médiation du transmedia a) La multiplication des journées dédiées au transmedia b) Un festival national du transmedia ? c) Des formations universitaires dédiées d) Les « curateurs » et les « community managers » 5 CHAPITRE 3 p. 42-57 QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ? I) Des modèles économiques en cours de définition p.43 1) Les nouveaux besoins de la création transmedia a) Les financements traditionnels b) Le financement participatif ou « crowdfunding » c) Les abonnements et autres formes de financements d) Le modèle gratuit est-il recevable ? e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts 2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création a) Le réseau « Creative England » : un financement régionalisé b) Le modèle économique du Canada (IRIS, FMC) c) Un fonds européen pour la création ? II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ? p.52 1) Le « brand content » : une nouvelle image de(s) marques(s) 2) Le placement de produit et le sponsoring Conclusion p.56 Bibliographie p.58 Webographie p.58 1) Sites internet dédiés aux problématiques transmedia 2) Articles d’analyse 6 3) Podcasts et vidéos Conférences p.61 Annexes p.62 - Annexe 1 p.62 Glossaire - Annexe 2 p.70 Entretiens réalisés • Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions p.70 • Morgan Bouchet, direction des contenus Orange p.75 • Mathias Gimeno, directeur de Prospexity p.79 - Annexe 3 p.81 Sondage envoyé 7 INTRODUCTION • Définition et contextualisation Cité pour la première fois en 2003 par Henry Jenkins dans un article de la Technology Review1, le terme « transmedia » consiste à développer un univers narratif sur différents supports médiatiques. Au croisement du jeu, de la réalité et de la fiction, l’univers narratif interactif semble pouvoir être démultiplié. Contrairement au plurimédia (ou encore cross média) qui décline un même contenu sur des supports médiatiques divers et complémentaires, le transmedia développe des contenus différents et complémentaires sur différents media (application, TV, site web, webdoc, film), lesquels contribuent à la création d’une seule et même histoire. De nombreux acteurs du transmedia choisissent la métaphore du puzzle pour définir le concept. Un projet transmedia est constitué de morceaux de puzzle indépendants (on peut ne consulter qu’une pièce du puzzle) mais qui, assemblés, dévoilent l’intégralité de l’univers narratif et invitent à une expérience plus riche. En ce sens, l’expérience transmedia remet en cause les techniques narratives, éditoriales mais aussi économiques du secteur du divertissement. Pour comprendre le terme transmedia, il est nécessaire d’expliquer le contexte dans lequel il est né. L’écosystème complexe qui s’est mis en place depuis une dizaine d’années via internet laisse une grande place au divertissement. Les grandes chaînes de télévision ont vu leur taux d’audience chuter de 15% à 30% ces dix dernières années notamment avec l’arrivée de la TNT. Contrairement aux idées 1 Technology Review (published by MIT) 15 janvier 2003, Henry Jenkins http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/ 8 reçues, internet n’a pas détourné les téléspectateurs de leurs postes de télévision. Les usages se sont simplement diversifiés et délinéarisés. Le développement de Youtube (2 milliards de vidéos vues par jour), la démocratisation de Facebook (300 millions de pages vues par mois) et l’émergence de Twitter (90 millions de tweets par jour) impactent les médias traditionnels (télévision, presse, radio, portails internet) et remettent en question les modèles économiques du divertissement. En cinq ans, le temps passé par semaine sur le web a été multiplié par deux. L’attention du consommateur est désormais à la fois fractionnée, multiple et soumise à des stimuli numériques qui appellent une réactivité augmentée. On parle de comportements multitâches quand un téléspectateur est en même temps connecté au web pour changer son statut Facebook ou livetweeter, qu’il envoie des sms tout en regardant une série télévisée. Les acteurs du divertissement doivent faire face à la fragmentation et la délinéarisation des usages. Il convient alors de lui proposer une expérience à l’image de son comportement. Les projets transmedia s’attachent à offrir un divertissement plus interactif, plus tourné vers le spectateur. Le transmedia peut donc être présenté comme une pratique nouvelle qui cherche à intégrer le spectateur dans une expérience immersive et ainsi mêler le réel et la fiction. Du webdocumentaire à la websérie en passant par les ARG (« Alternative Reality Games »), les séries télévisées, les films, les applications sur smartphone (iPhone ou Androïd), les sites internet, les blogs et les événements IRL (« In Real Life »), le transmedia regroupe des supports médiatiques multiples dans le but de toucher l’audience la plus large grâce à la fidélisation et l’interactivité. • Intérêt du sujet 9 Cet objet d’étude revêt un intérêt indéniable dans la mesure où il est en pleine émergence. Tout reste encore à imaginer, à découvrir, à créer. Le transmedia représente une opportunité considérable pour les auteurs de laisser place à leur imagination pour réinventer la façon d’écrire des histoires et pour casser les frontières narratives prédéfinies. L’avantage d’un secteur en pleine émergence réside également dans son ouverture aux profils professionnels multiples. L’intérêt de ce mémoire est double. Il permet d’approfondir un sujet actuel dont la bibliographie est encore naissante et d’avoir un regard neuf et prospectif. Il présente également un intérêt professionnel puisque le secteur du transmedia est un domaine d’activité ouvert et en plein essor. Si un « incommensurable champ des possibles » (Jeff Gomez) semble s’ouvrir avec la notion de transmedia, les opportunités se heurtent parfois à un manque de cadre notamment financier, juridique ou communicationnel. Car « les projets purement transmedia restent aujourd’hui assez rare, pour des raisons de coûts, de compétences et d’absence de modèles économiques. Une création originale transmedia est un projet complexe, qui requiert de la vision, une maîtrise des différents supports, et peut s’avérer risqué ».2 C’est pourquoi ce mémoire s’attachera à développer des pistes de réflexions tout en s’appliquant à prendre le recul nécessaire pour ne pas succomber à l’effet de mode que représente aussi le transmedia. • Problématique et annonce du plan 2 WebTelevisionObserver, interview réalisée par la TransmediaLab http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notre-interview-autransmedialab/ 10 La narration transmedia implique une nouvelle expérience créative. Ses codes et ses genres sont encore en définition. Le transmedia peut être utilisé par les marques dans le cadre de stratégies marketing novatrices pour toucher une cible prédéfinie. En quoi les univers transmedia permettent-ils de fédérer et de fidéliser un public ? Comment l’ensemble des producteurs de contenus réagissent-ils face à l’évolution des comportements et des usages médiatiques ? Quels en sont les enjeux ? Quel avenir peut-on envisager pour ce phénomène encore embryonnaire ? Deviendra-t-il seulement un support de communication dédié aux annonceurs ou peut-on envisager l’émergence d’une créativité narrative enrichie ? La remise en cause d’un modèle économique établi pour chaque media est un des enjeux actuels qu’il convient d’expliquer et d’approfondir. Ce mémoire présentera un état des lieux de ce phénomène en plein essor à travers des comparaisons internationales de projets divers. Le modèle économique du transmedia fera l’objet d’une étude articulée autour de la stratégie de communication des marques. Cette partie sera bien détaillée dans la mesure où elle décrira l’existant tout en proposant des pistes de réflexions relatives à l’avenir économique du transmedia. Si la bibliographie sur le sujet se limite encore à quelques ouvrages de référence, la webographie quant à elle prolifère (sites spécialisés, blogs, réseaux sociaux, curation). 11 CHAPITRE 1 QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ? I) Permanences et évolutions de la narration 1) Au commencement était le verbe Loin de nous l’idée de développer une histoire de l’écriture ou de la narration. Il s’agira plutôt de dérouler une brève chronologie des différents supports liés à la narration et d’y intégrer les nouveaux enjeux d’une écriture transmedia. Historiquement, l’homme s’est construit avec et dans la narration. Des mythes, des contes, des légendes, des récits (historiques, biographiques, fictionnels, surréalistes…) ont pris différentes formes tout au long de l’Histoire. D’abord orale, la transmission des histoires se faisait dans le cadre d’une communauté définie. La verticalité de la transmission orale a laissé place à celle de la transmission écrite. La démocratisation de la lecture grâce à la technique de l’imprimerie ouvre la voie à la créativité. Au XIIIème siècle, l’écriture romanesque adopte la prose en s’inspirant du modèle des textes juridiques. La notion de crédibilité de l’histoire intéresse particulièrement les auteurs de fiction pour attirer le lecteur et lui faire vivre une expérience fictive nouvelle qui intègre la réalité. La presse inaugure le feuilleton pour fidéliser le lecteur d’un jour à l’autre. La fin du XIXème et le début du XXème siècle voient l’apparition de la radio (1893), du cinéma (1895) et de la télévision (1926). Ces medias instaurent de nouvelles formes d’écritures, des règles et des enjeux narratifs différents de ceux de la presse. La parole, le livre, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, et les nouvelles technologies sont indissociables de la narration. Loin de créer une segmentation des 12 différents supports médiatiques, la narration les rassemble et les fait converger. Selon l’analyse de Genette, les moments de la narration peuvent être répartis ainsi : le moment ultérieur ou analepse (on raconte après ce qui s'est passé avant), le moment antérieur ou prolepse (on raconte avant ce qui va se passer), le moment simultané (on raconte directement ce qui se passe) et le moment intercalé (on mélange présent et passé).3 Ces différentes techniques narratives sont utilisées simultanément dans un univers transmedia. Au cœur de cette convergence médiatique apparait une nouvelle forme de « storytelling » (littéralement « raconter des histoires »). Le défi de l’écriture transmedia se trouve dans la création d’une histoire cohérente à travers des supports différents. Selon Michel Reilhac (directeur cinéma chez Arte France), le transmedia ne va tuer ni le cinéma, ni la télévision, cependant « nous sommes à l’aube d’un moment absolument passionnant, où l’art de la narration lui-même va changer »4 2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ? Si le transmedia s’inscrit évidemment dans la continuité de l’histoire du récit et de ses supports, il réinvente en même temps totalement la façon d’écrire voire de penser la narration. L’écriture transmédia implique une connaissance de tous les supports sur lesquels l’histoire sera déclinée. La délinéarisation du récit rejoint la notion d’intercomposition, c’est-à-dire l’expression d’un univers complet et complexe à travers plusieurs œuvres mono-medium. Cette intercomposition narrative doit 3 Gérard Genette, Figures III, Éditions du Seuil, Paris, 1972; page 280 Interview de Michel Reilhac dans Palmarès Magazine n°4, 20/04/2011 ; http://michelreilhac.blogs.arte.tv/ 4 13 également tenir compte des règles du storytelling. Souvent associé au domaine de la communication politique, notamment depuis l’ouvrage de Christian Salmon5 (Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits), le « storytelling » se définit simplement comme la capacité à raconter des histoires, à produire de nouvelles formes de récit en fonction d’un environnement technique et culturel spécifique. Dans ce sens, cette technique narrative doit s’adapter à l’évolution des pratiques numériques et des dispositifs liés aux médias digitaux. Selon Christian Salmon, « les consommateurs ne seraient plus attirés par un produit, ni même par un style de vie mais par un univers narratif »6. En ce sens, la narration transmedia consiste bien en une nouvelle façon d’écrire des histoires pour correspondre aux attentes du spectateur et aux évolutions liées aux nouveaux medias. Le flux d’information permanent dans lequel est plongé l’utilisateur, symbolisé par le smartphone en situation de mobilité (autrement appelé écran embarqué), oblige à repenser la façon dont sont écrites les histoires fictionnelles. La métaphore du puzzle pour décrire les projets transmedia doit être prise en compte dans le processus d’écriture. Chaque « device » (support médiatique) rend compte d’un élément de l’histoire. Tout en étant indépendants, ces éléments narratifs doivent être cohérents entre eux et constituer une histoire à part entière. Du point de vue du spectateur, chaque expérience réalisée doit se suffire à elle-même. L’expérience d’un seul média est limitée par rapport à celle du tout mais elle doit être possible. L’expérience transmedia se caractérise par cette architecture narrative dans laquelle le spectateur accède à différents contenus selon le support qu’il utilise. Ces points d’entrée (« rabbit hole ») sont prédéfinis par les créateurs de l’univers en fonction de 5 Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. 6 Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. p 37 14 l’univers proposé. Le public entre dans un monde narratif par un ou plusieurs supports à travers lesquels il interagit (particulièrement via les plateformes web, les smartphone et les événements dans la vie réelle). Selon Eric Viennot, fondateur de Lexis Numérique et créateur du jeu In Memoriam, l’histoire doit toujours constituer le point de départ de la création transmedia. La structure narrative reste la base du projet. « Le transmédia, c’est une écriture pensée très en amont par rapport à tous les médias, à leur complémentarité, au fait que l’un ne peut pas se passer de l’autre, de pouvoir entrer dans un univers en étant réactif. »7 Le principe même du transmedia implique la synchronicité des médias. L’écriture doit prendre en compte les différents supports et le spectateur dans la réalisation de l’histoire. Pour faciliter l’interactivité, les barrières technologiques doivent être minimisées. Le travail d’ergonomie participe au bon déroulement de l’expérience pour, ce que l’on pourrait appeler, « le spectacteur ». L’interactivité découle de la simplicité du mécanisme. Pour en accentuer l’effet, les limites doivent rester floues entre la réalité et la fiction pour immerger entièrement le spectateur dans l’univers. Un engagement n’est possible que s’il y a une ambiguïté entre la fiction et la réalité. Ces notions exigent une très bonne connaissance des outils technologiques. Selon Nicolas Bry, directeur du TransmediaLab d’Orange : « l’idéal transmédia a pour objectif de créer une expérience unifiée entre différents médias donnant le sentiment d’entrer dans un univers ».8 Un nouveau storytelling émerge avec les nouvelles technologies. Par conséquent, l’écriture narrative transmedia pose la question de la synchronicité des medias et de la convergence des supports. La question des 7 WebTelevisionObserver, entretien avec Eric Viennot http://webtelevisionobserver.com/2011/03/entretien-avec-eric-viennot-auteur-et-game-designer/ 8 Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ? http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/ 15 supports numériques représente un enjeu incontournable dans la narration transmedia. II) Convergence des supports et cohérence narrative 1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia La multiplication des supports technologiques constitue un réel défi pour rendre le contenu accessible à tous. La convergence des technologies est désormais un fait. Cependant peut-on parler d’une convergence totale ? Un contenu ne peut pas être le même sur chaque support. Il doit être adapté aux usages et aux technologies. Par exemple un univers fermé du type Apple ne peut pas être appréhendé de la même façon qu’un univers plus ouvert du type Android. Les règles à respecter ne sont pas les mêmes sur un écran de Smartphone ou sur un écran d’iPad. Les outils numériques utilisés dans le cadre de projet transmedia sont multiples : la télévision connectée, les mobiles avec des terminaux différents (Apple, Android, Nokia), les tablettes (iPad, Samsung Galaxy), les ordinateurs (Mac ou PC), les livres avec des QR code, les DVDs contenant des informations qui renvoient vers un site internet dédié. Tous ces outils convergent puisqu’ils renvoient souvent l’utilisateur d’un support à un autre afin de lui proposer plus de contenus et une immersion plus profonde dans l’univers transmedia. Pourtant la convergence des technologies ne suppose pas essentiellement la convergence des contenus. Les usages doivent être pris en compte dans l’écriture d’une fiction transmedia. Les contenus sont à adapter à l’utilisateur. Si celui-ci est en situation de mobilité, il ne consommera pas la fiction transmedia de la même façon que s’il est chez lui devant 16 son ordinateur. La répartition des contenus sur les supports doit être pensée en amont de l’écriture du projet. Si le « spectacteur » est appelé à interagir voire à produire du contenu pour enrichir le projet, il le fera sans doute plus sur un site internet ou une application iPad que sur une application iPhone/Android. Le transmedia est à la fois une narration, une mécanique d’engagement (issue du jeu vidéo) mais aussi une manière de transmettre une histoire. Selon Steeve Plu, game designer à la R&D d’Orange, le transmedia est un « méta-media ». Une narration transmedia accomplie se distingue par sa capacité à faire abstraction de la technologie. L’écriture devient interactive lorsqu’elle oublie la technologie. Le réseau s’entend alors comme un pont entre le monde réel et le monde numérique. La narration transmedia, indissociable de la technologie, sera amenée à évoluer en même temps que celle-ci. Si la convergence des technologies n’est pas directement synonyme de convergence des contenus, les auteurs transmedia s’adapteront de plus en plus aux fournisseurs de technologie. 2) les différentes typologies de narration transmedia Les stratégies transmedia révèlent différentes typologies de narration. Les projets transmedia peuvent relever de stratégies marketing plus ou moins développées. On distingue trois grands types de narration transmedia. a) Le transmedia natif Il apparaît sur les réseaux sociaux, sur le web en général. Il désigne des programmes originaux crées pour le web. On peut citer par exemple « Detective Avenue », un jeu en ligne proposé par Orange. Inspiré de Cluedo et de Fenêtre sur 17 cour, « Detective Avenue » propose à l’internaute d’aider Gaëlle (le personnage principal) à résoudre l’énigme de la mort de sa sœur. Cette enquête policière se joue sur téléphones mobiles et sur le web. Le transmedia natif se définit souvent comme une websérie interactive. L’utilisateur entre dans l’univers de « Detective Avenue » en espionnant les habitants de l’immeuble qui cachent tous un secret. Durant cinq semaines, il visionne 58 vidéos, il répond à des énigmes, il fouille des appartements. La vidéo, l’application iPhone, les sms, les mails lui rappellent à quel niveau du jeu il se situe. Les joueurs cumulent des points et les trois premiers joueurs à avoir cumulé le plus de points gagnent un cadeau (téléviseur Samsung LG 3D, ordinateur Sony VAIO, caméscope Canon). Après l’arrêt du jeu, l’internaute peut continuer à jouer en différé avec des indices différents. 18 Ce modèle présente une originalité narrative puisque chaque élément de l’univers est voué à être découvert sur le site. Tous les éléments doivent être anticipés en amont du tournage. 58 épisodes et 5 vidéos bonus ont donc été tournés en 13 jours avec une équipe technique de 12 personnes. b) Le transmedia « de fidélisation » Il permet de maintenir l’intérêt du spectateur, notamment pendant la période qui s’intercale entre la diffusion de deux saisons d’une série télévisée, mais aussi de capter l’audience des adolescents, de moins en moins intéressés par la télévision. L’exemple le plus souvent cité est celui de la série « Dexter ». Avec l’aide d’agences marketing et numérique, les créateurs de la série ont organisé des événements dans plusieurs villes des Etats-Unis pour le lancement de la saison 2, puis développé une websérie animée intitulée « Early Cuts » pour le lancement de la saison 4. La websérie explore le personnage de Dexter, tente d’expliquer ces agissements et dévoile les débuts de la série. Fin 2010, Dexter Interactive Investigation » est lancé sur Youtube. Les internautes, dans la peau de Dexter, peuvent à leur tour résoudre des enquêtes, trouver des indices et arrêter le meurtrier. Un site internet « Showtime », des applications mobiles (iPhone, iPad) et des événements sont proposés toute l’année pour tenir le spectateur en haleine. Un ARG (« The Hunter Prey ») a également été crée pour le lancement de la saison 5 aux Etats-Unis. La narration transmedia de Dexter se poursuit également et inévitablement sur les réseaux sociaux. La page Facebook de Dexter compte 7 500 000 fans. Elle permet notamment d’accéder à une boutique de produits dérivés en ligne. Le compte Twitter est quant à lui suivi par 105 000 fans. 19 Le transmedia de fidélisation utilise tous les médias (numériques, sociaux, traditionnels) disponibles pour entretenir le rapport avec les fans de la série, les fidéliser et en toucher d’autres. c) Le transmedia promotionnel Il annonce la sortie d’un film et met en scène l’univers de ce film dans un processus de promotion et de communication. Le film « The Dark Knight », deuxième opus des débuts de Batman sortie en 2008 représente l’exemple type de transmedia promotionnel. Cette hyperproduction hollywoodienne a bénéfice d’un budget marketing dédié uniquement au développement de composantes transmedia. Au lancement de la promotion du film, un ARG a crée l’événement. Puis une quarantaine de sites web ont été développés, dont le principal «www.whysoserious.com ». Ces sites donnaient aux internautes les plus fidèles des indices (sous forme d’énigme laissées par le Joker) pour découvrir en avantpremière des contenus du film (bande-annonce, extraits, teaser). Une campagne 20 marketing virale a été organisée pour entretenir l’impatience des fans de Batman grâce à un jeu de pistes via de nombreux sites viraux crées à l’occasion. Cette forme de transmedia dite promotionnelle relève alors plutôt du marketing que de la production de contenus même si des contenus additionnels viennent enrichir le projet en amont. Les structures transmedia diffèrent donc selon le sujet et les intentions de leurs auteurs. Quelque soit le type de projet, la multiplicité et la richesse des métiers sont nécessaires à son bon déroulement. La narration transmedia est par définition pluridisciplinaire et requiert des profils multiples et complémentaires. III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de « nouveaux métiers » ? 1) le décloisonnement des domaines d’activité 21 L’écriture transmedia peut être lue à l’aune de ce que Pierre Lévy définit en 1994 comme l’ère de « l’intelligence collective »9. Les nouvelles structures sociales permettent la production et la circulation des connaissances dans une société réticulaire. Les connexions donnent lieu à une mise en commun de l'information et des connaissances. Chacun peut ainsi puiser dans l'expertise de l’autre pour résoudre les problèmes de manière collective. Pierre Lévy affirme que dans cette ère de connaissance collective, chacun peut transmettre ce qu’il sait dans son domaine pour enrichir les connaissances des autres. L’enjeu n’est plus celui de l’accès mais bien de la reconnaissance des savoirs de chacun. L’écriture transmedia se rapproche de ce concept dans la mesure où elle fait appel à des connaissances interdépendantes. Un projet transmedia existe uniquement si de nouvelles collaborations entre informaticiens, producteurs « classiques » et designers issus du jeu vidéo se créent. Chaque acteur détient une pièce du puzzle. Ces partenariats sont fondamentaux pour aboutir à des œuvres qui ne relèvent pas uniquement d’effets techniques ni d’un scénario bien amené mais qui réussissent à allier un style d’écriture, une ergonomie, un design, des personnages, une histoire. Plutôt que de parler de « nouveaux » métiers, il serait plus juste de parler de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles collaborations. Les métiers sont pour ainsi dire les mêmes, c’est la façon dont ils se rencontrent qui est nouvelle. 9 Pierre Lévy, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994 22 2) Au cœur du projet : le producteur transmedia En 2010, la PGA10 (« Producer Guilde of America » : association des producteurs américains) a reconnu le métier de « producteur transmedia ». Ce nouveau métier s’applique à celui qui produit un univers narratif sur plusieurs plateformes (film, téléfilm, livre, BD, film ou série d’animation, contenus pour mobile, etc.) Ce nouveau rôle officialisé marque un tournant important pour le secteur. Selon les termes du PGA, le crédit de producteur transmédia est donné à la personne responsable d’une partie significative de la gestion du projet, de son développement, de sa production et/ou de l’entretien de la continuité narrative à travers différents supports. L’écriture doit anticiper le principe d’interactivité qui fait l’objet même des projets transmedia. Peu à peu les auteurs pensent donc aussi la création et la narration de manière interactive. A l’image de l’interactivité proposée dans l’univers transemdia créé, le travail en équipe doit être collaboratif, proche et interactif. Un scénariste peut par exemple travailler avec un spécialiste du jeu vidéo ou un ingénieur informatique. Un projet transmedia exige des postes stratégiques pour organiser une équipe cohérente et complémentaire. Ainsi, le producteur transmédia gère-t-il le budget et surtout le relationnel. Même s’il s’agit d’un processus collectif, il joue le rôle du chef d’équipe. Il doit maîtriser l’ensemble de la création transmédia : conception, réalisation, production, animation de communauté et conception interactive. Il est le garant de la cohésion du projet tout au long de sa réalisation ainsi que de son exploitation. Il doit connaître les nouveaux modes de distribution pour travailler avec 10 Producers Guild of America (PGA) : La guilde des producteurs américains est une association qui réunit les producteurs de films, les producteurs de télévision et les producteurs des Nouveaux Médias. Elle compte plus de 4000 membres à qui elle fait profiter de nombreux services (d’assurances, d’accompagnement et d’aide à la gestion des droits et crédits de production) 23 plusieurs diffuseurs : sites web, diffuseurs mobiles, cinéma, télévision, fabricants de consoles de jeu. 3) Le strory architect et les métiers de l’animation A l’image de Lance Weiler, un « story architect » est à la fois auteur, réalisateur, producteur, chef de projet, designer d’architectures web, expert des médias sociaux, spécialiste des nouveaux moyens de distribution et animateur de communautés. Ce profil reste très rare puisqu’il nécessite une connaissance complète de l’écosystème transmedia. Aujourd’hui, ces profils existent indépendamment les uns des autres et coexistent sur des projets transmedia. Néanmoins, la génération Y (celle qui a toujours connue Internet et les nouvelles technologies) commence à lancer des projets de ce type grâce à des profils complets et riches d’étudiants formés à l’informatique mais aussi à la conception, à l’écriture, à la production. Des sociétés comme Prospexity11 ou Bigger than Fiction12 se lancent dans la réalisation et la production de fictions transmedia et sont souvent codirigées par des jeunes issus de la génération Y. L’envie de créer de nouvelles expériences, de proposer de nouvelles histoires au public et d’inventer une nouvelle façon de raconter et de vivre des fictions pousse cette génération à développer leurs propres sociétés. Le projet transmedia évolue grâce et autour d’une communauté réunie autour d’une même passion pour la thématique abordée. Cette communauté active attend d’être guidée pour pouvoir interagir. L’animation de communauté est donc indispensable dans des projets dits transmedia. Le community management se développe de manière exponentielle à mesure que foisonnent les projets de ce type. Des 11 12 http://www.prospexity.net/ http://www.biggerthanfiction.com/ 24 formations se multiplient pour apprendre aux community manager à bien gérer leur communauté en ligne puisqu’ils représentent virtuellement la voix du projet. Dans certains cas, ils incarnent les personnages de la webfiction. Leur rôle devient tout aussi important que celui de l’auteur avec qu’ils travaillent étroitement. En effet, ils sont chargés de faire vivre la communauté, de la faire interagir, de créer du contenu, de modérer et de répondre aux attentes des internautes. Certains aspects de ce nouveau métier s’apparentent à celui d’acteur qui donnerait la réplique à de nombreux autres via une fiction transmedia. En ce sens, il semble être en passe de devenir incontournable. La narration transmedia modifie profondément le rapport du public à la fiction. Cette nouvelle forme narrative inclut intrinsèquement le public (internaute, mobinaute, spectateur,..) dans le processus transmedia. La ludification des contenus transforme le spectateur passif en suiveur, passeur, créateur de contenus voire acteur du projet. L’interactivité est le fer de lance de ces nouvelles formes narratives. 25 CHAPITRE 2 L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUELS PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ? L’intention des projets transmedia n’est pas seulement de créer une histoire mais de faire vivre une expérience. Dans ce sens, le spectateur-joueur ou « spectacteur » est accompagné dans l’univers narratif. Il se crée alors une tension qui l’encourage à rebondir sur tous les écrans pour suivre l’intrigue et en découvrir des éléments inédits. L’interdépendance des supports médiatiques constitue la base des projets transmedia. Un univers transmedia ne peut trouver et fidéliser une audience sur le web uniquement s’il est parallèlement produits et diffusés sur d’autres écrans (TV, cinéma, smartphones). Le spectateur se considère aujourd’hui comme son propre directeur des programmes. Sa volonté de contrôler ce qu’il regarde, ce qu’il lit et ce qu’il écoute redéfinit les rôles traditionnels des métiers du multimédia. Selon Eric Viennot, l’expérience transmedia peut se résumer ainsi : c’est le film dont vous êtes le héros ». Pour associer les termes « narration » et « interaction », David Cage (créateur français de jeux vidéo) a développé le concept imagé de « narration élastique ». Il propose une nouvelle forme d’arborescence. Selon lui, il ne faut pas imaginer un arbre mais un élastique. « L’histoire écrite reste la colonne vertébrale mais elle est élastique et le joueur, en fonction de ses actions, va pouvoir étirer cet élastique, le rendre plus ou moins court, long mais aussi le déformer. L’élastique conservera son milieu, son début et sa fin ».14 L’interaction totale est-elle envisageable, souhaitable ? A qui s’adresse ces types de contenus interactifs transmedia ? 14 Podcast « La narration dans le jeu vidéo », http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narrationet-jeu-video-avec-david-cage-et-eric-v ; consulté le 10/06/2011 26 I) Quels supports pour l’interactivité ? 1) L’ ARG : un modèle d’interactivité Un Alternate Reality Game (ARG) est une fiction qui se joue dans la vie réelle et dont les éléments narratifs nous parviennent par différents canaux. Ce type de jeu déploie la logique transmedia à l’extrême puisqu’il s’agit d’une fiction qui se joue dans la réalité et qui utilise tous les modes de communication (vidéos, blogs, sms, mails, appels téléphoniques). « This is not a game » annonce l’ARG « The Beast », développé pour la sortie du film de Steven Speilberg « A.I. Intellgence Artificielle ». Ce slogan mêle l’interactivité, la stratégie transmedia et la notion de « spectacteur ». Chaque partie de l’histoire s’appuie sur les forces de chaque média. Les participants peuvent avoir le pouvoir d’influencer le cours de cette histoire, comme dans un jeu de piste. Ce procédé implique donc le déroulement interactif de l’histoire, les nouvelles technologies et les joueurs en ligne. Eric Viennot, créateur de l’ARG In Memoriam, parle de « fiction totale » pour définir ce concept puisqu’il mêle le plus de media possible en mettant toujours le joueur au centre de la narration. La fiction totale « tente de rompre avec l’esprit élitiste ou amateur des ARG. Elle tente de les rendre plus accessibles et plus populaires. Complémentarité des différents médias, simultanéité, cohérence, immersion, en sont les principaux ressorts. »15 Les jeux vidéos et notamment les ARG semblent les plus adaptés pour mettre le joueur au centre de la fiction et du jeu. Néanmoins, ces formats restent encore réservés aux inconditionnels du jeu vidéo. L’immersion semble devenir le modèle de production et de captation de l’attention. Un joueur vit une expérience immersive 15 http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia%C3%A0-la-fiction-totale.html 27 d’autant plus forte qu’il est lui-même actif dans le jeu. Il joue alors un rôle déterminant dans la création, la transformation de l’univers fictif dans lequel il évolue. Les jeux vidéo réussissent donc à allier l’immersion et la fidélisation de leur cible. Le défi du transmedia réside alors dans la capacité à faire évoluer le « spectacteur » dans un univers fictif proposé sur différents média et à capter son attention malgré ces différents supports. Les ARG constituent donc a priori la forme le plus appropriée pour vivre une expérience interactive quasi totale. 2) L’interactivité à la télévision a) Les séries télévisées transmedia L’interactivité à la télévision commence à émerger timidement. Les chaînes tentent de reconquérir l’audience des jeunes générations qu’elles ont perdues petit à petit au profit du web. En ce sens, la série télévisée semble le programme privilégié en raison de sa capacité à créer des rendez-vous quotidiens avec l’audience. La diffusion de séries télévisées interactives est de plus en plus fréquente, notamment sous la forme d’épisodes courts. Début 2010, TF1 lance sa première série transmedia : « Clem ». Le synopsis est le suivant : Clem’, une lycéenne de 16 ans, apprend qu’elle est enceinte. Elle décide alors d’allier sa vie de lycéenne et de mère. A travers son blog, elle partage les événements de sa nouvelle vie. L’internaute est amené à participer en répondant à des questions ouvertes sur les personnages et les choix qu’ils doivent faire. Des teasers sont mis en ligne sur www.tf1.fr. Le public peut également suivre les vidéos de Clem sur l’ensemble des plateformes de la chaine (My TF1, les applications TF1 IPhone et IPad, la chaine dédiée de Wat.tv), échanger avec les créateurs de la série 28 et les autres fans sur la page « fans de Clem » de Facebook, et accéder sur TF1 Vision à Clem saison 1. Avec 9,5 millions de téléspectateurs et 2,5 millions d’internautes, la série connaît un réel succès. L’écriture de la saison 2 prend alors en compte les internautes, leurs attentes et leurs centres d’intérêts. Ces nouvelles formes d’écriture partagées émergent aujourd’hui à la télévision française. L’intérêt transmedia de cette série est autant dans la multiplication des supports que dans l’interaction avec les internautes. Quoique stratégiques pour leur avenir, les chaines de télévision françaises n’ont semble-t-il pas pleinement intégré ces nouvelles formes de narration dans leur modèle. Une série comme « Clem », même si elle se définie comme transmedia, utilise les codes classiques d’une série télévisée. Le scénario et le principe de narration ne se distinguent pas vraiment d’une série classique. En France, les chaines de télévision créent des services nouveaux médias pour s’adapter aux nouveaux usages des téléspectateurs. En 2007, la chaine publique suédoise « Sveriges Television » lance une fiction transmedia alliant série télévisée et ARG : « The Truth About Marika ». L’histoire met en scène un homme à la recherche de sa jeune femme disparue le jour de son mariage. Cette disparition semble faire écho à des dizaines d’autres qui se sont produites dans les dernières décennies. Relayée par la télévision publique et par un blog actif, les spectateurs étaient appelés à aider le jeune homme à retrouver sa femme et à résoudre l’enquête. La frontière très mince entre la réalité et la fiction a fait de ce programme une fiction totale dans la mesure où il impliquait directement les spectateurs/joueurs avec une dimension participative très forte. La production a été déployée sur les médias disponibles : télévision, radio, Internet et téléphones mobiles. L’année suivante, le dispositif transmedia déployé a été récompensé par en Emmy Award et un prix Europa. 29 b) Les enjeux de la télévision connectée Avec l’apparition de la télévision connectée, de nouveaux services sont proposés aux téléspectateurs. La personnalisation des programmes et l’interactivité transforme profondément le rapport à la télévision. Le spectateur passe d’une relation individuelle et passive à une relation interconnectée et active. La télévision connectée constitue un nouveau débouché pour les diffuseurs et les programmateurs des chaines. Il s’agit désormais pour elles de développer des programmes spécifiques, de les reformater pour ce nouveau mode de diffusion. « Ce qu’il va être intéressant de voir se développer est la télévision connectée, avec des programmes conçus pour Internet au sens large mais sur un média plutôt passif d’usage collectif16 » soutient Nicolas Bry du TransmediaLab d’Orange. Même si la télévision connectée reste encore minoritaire aujourd’hui, elle tend à devenir de plus en plus présente et incontournable. 3) Les nouvelles formes de « transmedia activism» a) Le webdocumentaire : l’information interactive Le webdocumentaire n’est pas directement comparable à un projet transmedia dans la mesure où le mot webdocumentaire « regroupe toutes les nouvelles formes de reportage ou de documentaire interactif sur le web. S’il fallait proposer une définition, se serait peut-être : un documentaire (film didactique), adapté au web, c’est à dire 16 Propos tenus par Nicolas Bry le 15/06/11 aux Cross Vidéo Days pour la conférence « L’écriture numérique, révolution en marche » 30 qui utilise les outils du web (multimédia, interactivité) au service d’une narration. »17. Le webdocumentaire pourrait faire l’objet d’un mémoire à part entière et il ne s’agit pas ici de développer tous les enjeux de cette nouvelle forme de documentaire. Nous dirons simplement que le webdocumentaire revêt un grand intérêt de participation de l’audience en temps réel. L’internaute découvre les contenus au fur et mesure de son exploration du site, objet artistique à part entière. Il peut en découvrir une partie puis y revenir pour aller plus loin. Il peut interagir avec les autres internautes, partager son avis sur le sujet traité. Les webdocumentaires les plus souvent cités comme exemple de nouveau modèle d’information interactive sont Gaza/Sderot ou Prison Valley. Quant au webdocumentaire de Bruno Masi et Guillaume Herbaut La Zone, consacré à Tchernobyl et notamment au no man’s land qui entoure aujourd’hui les restes de la centrale nucléaire, il se décline dans une installation photo-vidéo à la Gaité Lyrique à Paris, un livre, une série de photoreportage dans Paris Match et un blog. Ces nouvelles formes d’écritures interactives et informatives promettent d’éveiller un nouveau regard et donnent à voir des sujets parfois difficiles d’accès. b) Susciter l’engagement grâce au transmedia Le « transmedia activism » prend forme dans des projets multiplateformes qui visent la prise de conscience et l’engagement pour une cause. Lina Srivastava, consultante en stratégie transmedia, théorise ainsi le « transmedia activism »: « Il existe une vraie opportunité pour les activists transmedia de sensibiliser et d’inciter à agir en 17 http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/ : consulté le 15 septembre 2011 31 proposant des contenus sur des plateformes multiples à travers lesquelles le public participe à une création » 18 Ces projets mettent en avant des causes humanitaires et sensibilisent aux problèmes de société. Le projet I am this land, lancée par l’association humanitaire Breakthrough, invite les citoyens à produire des vidéos sur le thème de la diversité en Inde et aux Etats-Unis. Sous la forme d’un concours (les internautes votent pour leurs vidéos préférées et le gagnant remporte 2,500$), ce projet incite le public à participer, et à interagir pour l’égalité, la justice et la diversité. L’association Invisible People propose de sensibiliser le public à l’histoire des sansabris aux Etats-Unis. Mark Horvath (lui-même un ancien sans-abri) diffuse les témoignages des populations SDF sur plusieurs plateformes et invite les internautes à réagir aussi bien virtuellement (Facebook, FlickR, Youtube) que dans leur vie quotidienne. Ces projets humanitaires utilisent tous les ressorts du transmedia pour toucher le plus grand nombre et ainsi susciter l’intérêt et l’engagement. Ces exemples prouvent que le virtuel peut avoir un impact sur le réel. c) Les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ? Le jeu sérieux est une « application informatique qui combine une intention sérieuse de type pédagogique, informatif, communicationnel, idéologique ou autre, avec un environnement d'apprentissage prenant la forme d’un jeu vidéo, afin de transmettre un savoir pratique ou de sensibiliser à un enjeu social. Ils sont classés selon cinq catégories : les jeux publicitaires, les jeux ludoéducatifs, les jeux de marché, les jeux engagés et les jeux d'entraînement et de simulation. »19 18 http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/ , consulté le 15 septembre Définition du grand dictionnaire terminologique http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp 19 32 Ecrivain, game designer et producteur de télévision, Lee Sheldon s’intéresse au mécanisme narratif. Il travaille actuellement sur un jeu multi-joueurs pour joueurs occasionnels (casual games) basé sur l’univers de Star Trek. Selon lui, le transmédia consiste effectivement à écrire pour différentes plateformes en s’adaptant aux spécificités de chacune. L’écriture transmedia doit prendre en compte l’utilisateur et lui proposer une cohérence narrative, visuelle et fonctionnelle. L’aspect communautaire et collaboratif, voire compétitif stimule le joueur et l’implique davantage dans l’univers transmedia. Les jeux sérieux posent la question de l’éducation ludique. Dans son livre, The Multiplayer Classroom, Lee Shaldon s’intéresse justement à l’utilisation des jeux sérieux multi-joueurs en classe. Il constate qu’il faut élaborer la compétition et la collaboration entre les joueurs, c’està-dire les interactions entre les gens. Les jeux sérieux se fondent sur le principe de l’immersion. Ce principe immersif implique totalement le joueur dans l’univers. Dans ce cadre immersif, il serait plus facile d’apprendre une langue puisque le joueur serait entrainé dans un souk de Marrakech pour apprendre l’arabe ou chez un marchand de thé chinois pour apprendre le mandarin. James Bower, d’abord scientifique, (études sur le cerveau et sur le comportement animal) a développé un programme éducatif scientifique. Il dirige également la société Numedeon qui produit la plateforme de jeux sérieux scientifiques pour les 812 ans : Whyville. Pour lui, le transmedia ouvre la voie à la création et à la nouveauté. Sans stratégie marketing, Whyville totalise 7 millions d’utilisateurs qui restent en moyenne 35 minutes par session (contre 10 minutes sur Habbo.). « L’apprentissage doit être actif, car c’est un processus actif qui agit sur sa propre 33 mémoire. La simulation permet d’interagir avec les choses ».20 Pour James Bower, le transmedia storytelling n’est pas adapté à l’apprentissage pédagogique car il est construit comme un cours. L’immersion proposée par les jeux sérieux allient simulation, création et interaction pour inciter les joueurs à « trouver leurs propres solutions plutôt que d’être confrontés à une évolution trop programmée, comme on la trouve dans Sim City par exemple où l’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que suivre les étapes prévues par le jeu”.21 Image : simulation de récif corallien. Dans ce jeu, les enfants sont invités à identifier les espèces du récif corallien. En faisant disparaitre l’une des espèces, les concepteurs ont introduit un jeu et une compétition entre les enfants pour sauver le récif. Avec 2,3 millions de visites en deux mois, le jeu a suscité un fort intérêt de la part des enfants qui ont appris à reconnaitre 1 million d’espèces et se sont mobilisés activement pour sauver le récif 20 http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/, consulté le 15 septembre 21 idem 34 corallien virtuel. Pour James Bower, « ce n’est pas le contenu qui compte ou son design, mais le processus d’apprentissage ».22 Pour Monique de Haas, présidente de www.dondersteen.net, la simulation est un critère nécessaire mais insuffisant. Les concepteurs de projets transmedia doivent se poser la question des publics qu’ils veulent toucher. Ils doivent être en empathie avec leurs cibles, c’est-à-dire comprendre leurs attentes, leurs besoins et leurs comportements. Comment faire en sorte que les projets transmedia s’ouvre à un public plus large ? Cette ouverture est-elle souhaitée par les producteurs transmedia ? II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ? 1) Les raisons d’un faible engagement a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public Beaucoup de projets transmedia ne s’intéressent encore qu’au cœur des fans déjà acquis, au détriment du public occasionnel ou de masse. Dans ce contexte, il apparaît évident que les projets transmedia touchent avant tout un cœur de cible minoritaire : les fans qui suivront assidûment et sur plusieurs écrans les aventures de leurs héros ou personnages préférés, les gameurs pour les ARG... Le terme même de « transmedia » ne jouit pas d’une grande popularité auprès du grand public dans la mesure où il s’agit d’un terme plus ou moins marketé, utilisé surtout par les acteurs du secteur. Dans le cadre de cette recherche, j’ai mené un 22 ibidem 35 sondage et interrogé un échantillon de 50 personnes. Les résultats mettent en avant plusieurs points intéressants. D’abord, le mot « transmedia » n’évoque rien à 30% des sondés et 40% disent savoir vaguement ce que ce terme signifie. Les univers transmedia attirent particulièrement des cibles jeunes entre 16 et 30 ans. Pour la moitié des personnes ayant répondu au sondage, l’expérience transmedia doit avant tout permettre de se divertir. Pour 45 % de ces personnes, un projet transmedia doit être interactif (via des commentaires, un partage, une action de l’internaute) mais aussi leur apprendre de nouvelles choses sur une thématique précise. Cependant, à la question, « quelles activités interactives voudriez-vous pouvoir réaliser dans le cadre d’un univers transmedia ? », seulement trois personnes ont répondu en mettant l’accent sur les outils de partage et l’ergonomie. Pour seulement 20% des sondés, un projet transmedia doit être réaliste (histoire, cadre, personnages). Finalement lorsqu’on leur demande comment pourrait se résumer le transmedia, 50% répondent qu’il s’agit ni plus ni moins d’un contenu de base avec des produit dérivés, quand 40% pensent qu’il s’agit d’une réelle innovation pour le spectateur. Ces réponses montrent une certaine confusion quant à la définition de ce qu’est réellement le transmedia. La plupart des personnes interrogées pensent que c’est une innovation importante mais ne sont pas convaincue que cette nouveauté changera leur mode de consommation de contenus fictionnels. b) … et des univers encore peu accessibles Paradoxalement, le public est souvent immergé dans un univers transmedia sans le savoir. La grande majorité des consommateurs de divertissements (cinéma, séries télévisées, musique, jeux vidéo) quelque soit le support qu’ils utilisent (ordinateur, Smartphone, tablettes, DVD) est déjà plongée dans l’univers transmedia. Un fan de 36 la série télévisée Dexter qui s’inscrit sur la page Facebook de la série et achète les coffrets DVD en attendant la saison suivante consomme cet univers transmedia sans s’en apercevoir et surtout sans se dire qu’il gravite dans un projet transmedia. Peutêtre est-ce justement cet méconnaissance du terme « transmedia » qui est recherchée par les créateurs de programmes. Le propre d’un projet transmedia consiste justement à plonger le public dans un univers multiplateforme sans qu’il en soit réellement conscient. Le grand public expérimente rarement les univers transmedia dans leur totalité. Parfois, le public ignore qu’il peut découvrir des contenus sur d’autres plateformes. S’il a aimé un film, il ne sait peut-être pas qu’il peut découvrir des scènes inédites sur un site ou qu’il peut participer à un événement dans la vie réel en lien avec ce film. L’univers transmedia dans sa totalité est connu des grands fans, un noyau qui représente le cœur de cible des créateurs du projet. En effet, la déstructuration narrative proposée par le transmedia peut déstabiliser le spectateur voire le décourager. Le public est-il prêt à une consommation délinéarisée et engageante, comme le propose le transmedia ? Selon Stephan Jost, responsable business et innovation des nouveaux contenus chez Orange, le public français n’est pas encore prêt à cette forme de contenu qui l’invite à s’engager et qui brouille les frontières entre fiction et réalité. Il faut se méfier du microcosme parisien qui connaît les rouages de ce secteur et ne pas oublier que ces modes de consommation restent encore minoritaires. Un travail d’éducation est nécessaire. La stratégie de communication du groupe Orange s’appuie sur cette volonté d’accompagnement dans la vie numérique du grand public. L’entreprise propose d’être le coach numérique de ses clients en leur offrant l’expérience la plus « fluide et sécurisée possible ». 37 En effet, tant pour les concepteurs et producteurs d’univers transmedia que pour le public, un accompagnement s’avère nécessaire à la compréhension des nouveaux enjeux liés à cette nouvelle façon d’écrire des histoires. 2) Apprentissage et médiation du transmedia L’effervescence et le bouillonnement d’idées liés au sujet du transmedia laissent entrevoir de la confusion dans un secteur encore imprécis. Ce manque de cohésion dû à la nouveauté et au caractère inédit de chaque projet va à l’encontre de la richesse des possibilités que proposent d’offrir le transmedia. De plus, cela ne favorise pas la visibilité des projets pour le grand public. Il s’agit alors d’imaginer des événements dédiés aux professionnels (cela est de plus en plus le cas) pour inventer de nouvelles façons de travailler ensemble dans le but de faire connaître ces projets au public le plus large. a) La multiplication des journées dédiées au transmedia Sur le modèle des TEDx Transmedia ou des DIY Days aux Etats-Unis, les Transmedia International Masterclass ont eu lieu à Marseille en mai dernier. Organisées par le CNAM (Centre National des Arts et Métiers), ces trois journées de conférences ont permis aux professionnels du secteur de se rencontrer, d’échanger sur les enjeux du transmedia, et d’imaginer de nouvelles collaborations. De nombreuses autres journées dédiées à la production et la création transmedia se sont déroulées en France, notamment à Paris : les Cross Vidéo Days, les conférences du TransmediaLab d’Orange ou de l’INA Sup, celles de Paris 2.0… Toutes ces journées de conférences, de débats et de retour d’expériences prouvent que le secteur est en pleine ébullition et en plein foisonnement. La multiplication de 38 ces conférences prouve également que les nouveaux enjeux liés au transmedia sont en train d’être façonné et que la création française est riche d’idées à mettre en œuvre. b) Un festival national du transmedia ? Il manque néanmoins en France un événement majeur et fédérateur autour du transmedia. A l’image du festival des scénaristes de Bourges ou du Festival du cinéma de Cannes, il serait envisageable de créer un festival annuel du transmedia qui deviendrait le rendez-vous incontournable des acteurs du secteur, et le ferait en même temps connaître du grand public. Des débats, conférences, ateliers d’écriture, recherche de financement et présentation de projets, organisation d’un palmarès, peuvent être imaginé pour fédérer le milieu du transmedia. Ce rendez-vous serait l’occasion de découvrir de jeunes talents et de donner leurs chances à de nouveaux projets. c) Des formations universitaires dédiées Faute de formation et d’encadrement, les professionnels du secteur se réfèrent souvent aux modèles américains pour imaginer leurs projets. Il serait intéressant d’imaginer des formations dédiées au transmedia dans les écoles et les universités françaises. Des masters professionnels qui associeraient écriture, réalisation, production pour des publics sensibles aux enjeux artistiques et économiques du numérique. Ainsi, une personne pourrait maitriser tous les enjeux de la production transmedia et travailler avec des spécialistes de domaines qu’il maitrise moins. 39 d) Les « curateurs » et les « community managers » Pour favoriser la solidarité et la cohésion d’une communauté autour du transmédia, les curateurs sont indispensables. Ils utilisent les nouveaux médias pour partager et diffuser des contenus de qualité puisque choisis, sélectionnés et vérifiés. La curation permet de communiquer sur un projet tout en s’assurant de la qualité de la diffusion de l’information grâce au statut d’expert du curateur auprès des membres de la communauté. Le curateur met en valeur les différents talents dans l’écriture, le design ou la production transmedia. Les projets transmedia doivent également être relayés sur les réseaux sociaux par des community managers. Les personnages des univers transmedia ont souvent une présence sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, FlickR) pour pouvoir interagir avec le « spectacteur ». Le travail de modération peut alors s’avérer essentiel. Pour pallier la « peur de s’impliquer » dont parle Michel Reilhac, il est nécessaire d’accompagner le public et de proposer des expériences nouvelles et originales. La création transmedia vit sa genèse. Pour imaginer le futur des univers transmedia, il faut expérimenter différents modèles économiques, mixer les financements et travailler avec de nouveaux acteurs. Ainsi, le modèle économique du transmedia connaît-il une phase d’exploration. Quels acteurs peuvent intervenir légitimement dans le financement de production transmedia ? Faut-il plutôt développer des univers « grand public » ou des univers plus fermés qui toucheront des niches ? La problématique marketing se pose aussi pour le transmedia car le rôle des annonceurs s’affirme de plus en plus. Pour les marques, le transmedia est un enjeu de communication actuel et décisif ; il est moins coûteux de fidéliser un public que d’en acquérir un nouveau ou de l’élargir. 40 Il ne fait pas de doute qu’il n’existe pas de modèle unique pour le transmedia et que chaque projet doit, pour respecter la cohérence du fond et de la forme, trouver son modèle parmi différentes solutions économiques. 41 CHAPITRE 3 QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ? Le rapport du public aux contenus de divertissement change. Le spectateur ne veut plus être passif devant un écran ; il devient acteur et maitre de ce qu’il regarde. La création et la production de contenus transmedia sont en plein foisonnement. Les acteurs des secteurs du divertissement s’accordent pour affirmer qu’un nouvel univers médiatique commence à émerger avec le transmedia et qu’il est important de s’adapter aux nouveaux usages et attentes du public. Or, par définition, un projet transmedia touche différentes industries créatives en même temps ; la multiplication des supports est l’essence même d’un projet transmedia. La production transmedia a cela de novateur qu’elle doit produire des contenus de qualité adaptés à chaque support. Cette particularité est à la fois une force et une faiblesse. Une production transmedia peut en effet être source de revenus à partir de plusieurs types de produits d’univers (film, du jeu vidéo, web sériie, bandes dessinées) qui ne sont pas de simples produits dérivés de l’œuvre originale. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas un modèle économique unique mais que chaque production transmedia doit faire l’objet d’une réflexion en amont pour définir la meilleure façon de la financer et de la rentabiliser. Les modèles économiques peuvent aussi se compléter pour répondre aux exigences de coût d’une production. Une marque peut intervenir dans le financement d’une production transmedia : le « brand content » semble devenir une solution économique qui profite aussi bien aux producteurs (dans certaines mesures, nous y reviendrons) qu’aux annonceurs eux-mêmes. Mais de nombreux autres modes de financement sont possibles et à imaginer. 42 Alors, comment créer des projets riches, innovants et pertinents avec des modèles économiques divers ? Quels sont les nouveaux modes de financement liés à la narration transmedia ? I) Des modèles économiques en cours de définition 1) Les nouveaux besoins de la création transmedia La création transmedia appelle une redéfinition des enjeux du paysage médiatique traditionnel. En s’adaptant aux nouveaux usages, elle crée en même temps de nouveaux besoins, notamment financiers. De nouveaux outils de financement commencent à se développer : le « branding » ou « co-branding » (financement par une marque), le placement de produit, le « crowdfunding » (financement par le public), les régies publicitaires, les éditeurs mobiles... Ces nouveaux acteurs viennent s’ajouter aux acteurs traditionnels de la production audiovisuelle. Acteurs traditionnels et nouveaux acteurs dans le financement des programmes23 23 Inspire du slide du power point cree pour le keynote Cross Vidéo Days, keynot d’ouverture de Romain Drosne de la societe Plinkers, aux Cross video days du 15/06/2011, http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed 43 a) Les financements traditionnels Si la création transmedia appelle à un renouveau du modèle économique des secteurs du divertissement, celle-ci peut aussi compter sur les modèles traditionnels existants. Une structure publique comme le CNC (Centre National de la Cinématographie, aujourd’hui Centre national du cinéma et de l’image animée) s’adaptent aux nouvelles formes de création liées aux nouvelles technologies. Comment cette structure contribue-t-elle au financement de la création numérique ? En 2007, le CNC a ouvert un fonds dédié spécialement aux nouveaux médias et à la création numérique pour aider les producteurs mais aussi les auteurs de contenus dédiés au web. Depuis la création de ce fonds, 700 projets ont été déposés parmi lesquels environ 200 projets (dont la moitié transmedia) ont été financés pour un montant total de six millions d’euros. Guillaume Blanchot, directeur multimédia et industries techniques au CNC, rend compte d’une seconde évolution importante du CNC, à savoir « la parution de textes sur le mécanisme du COSIP, mécanisme quasi industriel mis en place à la fin des années 80 pour soutenir l’industrie de la production télévisuelle. »24 Depuis peu, un producteur n’est plus obligé d’être soutenu par une chaine de télévision pour disposer d’un compte de soutien automatique au CNC, il peut l’être par un ou plusieurs services Internet. Fondée en 1777 par Beaumarchais, la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) gère les droits de 48 000 auteurs de manière collective. Cette société s’attache également à soutenir et à promouvoir la création contemporaine et les nouveaux formats web. A travers un partenariat avec Orange, l’association 24 Conférence Cross vidéo Days du 16/06/2011 44 Beaumarchais - SACD, soutient financièrement les auteurs de formats innovants et transmedia. Cette bourse récompense une dizaine de projets favorisant une écriture novatrice, mêlant interactivité, éléments linéaires et non linéaires et multi-supports. Les premières bourses, d’un montant de 7 000€ chacune ont été attribuées en avril 2010 à dix projets interactifs, trans- ou cross-media. b) Le financement participatif ou crowdfunding Le crowd-funding est une « approche permettant le financement de projets en faisant appel à un grand nombre de personnes ordinaires (internautes, réseaux de contact, amis, etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces investissements permettront de financer des projets qui auraient potentiellement eu de la difficulté à recevoir un financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.). Grace aux réseaux sociaux et aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile et peu couteux de rejoindre un grand nombre de personnes potentiellement intéressées à soutenir des projets. »25 Les sites dédiés à l’économie contributive de projets culturels fleurissent sur le web. A l’image des sites de « crowdfunding » « MyMajorCompany » pour la musique et « MyMajorCompanyBooks » pour le livre, il pourrait être envisageable de créer une plateforme de financement par les internautes dédiée aux projets transmedia. Ce système de financement serait d’autant plus cohérent que le principe du transmedia est d’intégrer le public dans son univers. En amont de la production d’une œuvre transmedia, le public pourrait donc aider le financement du projet pour accéder en exclusivité à des informations, des avant-premières, des indices… La phase de production ferait alors partie intégrante de l’histoire. 25 http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding, consulté le 22 septembre 45 Dans cette idée, le site de production collaborative www.kisskisskankkank.fr propose aux créateurs (photographes, réalisateurs, journalistes indépendants, musiciens, écrivains…) de collecter des fonds pour mener à bien leurs projets. En fonction de son investissement, l’internaute reçoit une contrepartie (son nom dans les remerciements, une dédicace, un exemplaire du projet, une invitation). Il s’agit d’ouvrir la production à d’autres modes de financements et de faire des internautes les sociétaires du projet. Ces nouvelles formes de financement, même s’il s’agit de micro financement, montrent un réel engouement et une volonté de soutenir la création numérique et sont vouées à se développer de manière significative. c) Les abonnements et autres formes de financements Le financement de projets transmedia intervient en amont de la production mais doit pouvoir continuer après la sortie du projet pour le rentabiliser. Les modèles payants se déclinent sur plusieurs formes. La VAD (vidéo à la demande) permet à l’utilisateur d’acheter ce qu’il veut regarder de manière illimitée. Dans le cas de projets transmedia, il pourrait être envisageable de faire payer un accès aux contenus sur certaines plateformes, soit sous forme d’achat soit sous forme de location. Laisser le spectateur payer ce qu’il veut peut être une autre forme de modèle économique. Néanmoins, celui-ci exige de définir en amont les demandes et les comportements du spectateur. Les modèles économiques doivent également être pensé en rapport au temps de la narration. Un internaute ne s’engagera pas à payer s’il sait qu’il ne reviendra pas dans l’univers de la fiction. La contribution du spectateur peut dans ce cas intervenir de manière sporadique tout au long de l’histoire. 46 Le micro paiement semble être une solution pour les projets transmedia qui ne peuvent pas garantir un bon retour sur investissement. L’internaute paye alors une petite somme par période. En France on compte 59 millions d’abonnés mobiles et 39 millions d’internautes. Un utilisateur mobile sur 3 se connecte à l’Internet mobile régulièrement et même plusieurs fois par jour s’il possède un smartphone. L’achat de contenus et de services mobiles s’intensifie : un mobinaute sur deux (48%) a déjà effectué un achat sur l’Internet mobile. La solution du micro paiement est envisageable selon trois types différents : le paiement à partir d’une carte bancaire ; le paiement sur facture opérateur, le paiement via un compte (iTunes, Paypal, Amazon). Le micro paiement sur facture semble une bonne solution. Elle permettrait aux producteurs de travailler avec un opérateur mobile et chaque partie prenante y trouverait un intérêt : fidélisation et simplicité de paiement. Le paiement par contrepartie est une déclinaison plus incitative du micro paiement. Le consommateur paye pour obtenir quelque chose d’inédit. Un système de point peut être imaginé pour fidéliser le spectateur. Plus il participe à l’univers transmedia (via une simple connexion, une participation ou une interaction), plus l’accès à d’autres contenus est enrichi. Dans tous les cas, le paiement ne doit pas venir interrompre la relation entre le joueur et l’univers ; il doit rester discret et incitatif. L’internaute aura peut-être besoin de temps pour passer au modèle payant dans l’univers du tout accessible et gratuit qu’est le web, mais s’il s’agit de contenus créatifs de qualités, il n’est pas sûr qu’il ne suive pas le processus. d) Le modèle gratuit est-il recevable ? Plusieurs raisons sont avancées en faveur du modèle gratuit pour un projet transmedia. C’est d’abord une manière de valoriser l’image de la société qui a conçu 47 le programme. La reconnaissance, le prestige obtenu, gage de qualité et d’originalité, peuvent faciliter l’attraction de « participants » dans le projet et donc favoriser la naissance d’une communauté. C’est également un moyen de valoriser les personnes qui ont fait naitre et vivre le projet. Des équipes qui travaillent parfois pour une faible rémunération sont reconnues pour leur expertise et leur savoir-faire. Ce modèle s’applique surtout aux projets initiés par des étudiants qui débutent et qui n’ont pas nécessairement les moyens de développer un budget conséquent dans un premier projet. Mais le modèle gratuit s’applique aussi en fonction du thème développé par le projet. S’il s’agit d’un projet de diffusion du patrimoine intellectuel au plus grand nombre, alors il paraît peu probable d’envisager un autre modèle que celui de la gratuité. e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts Le coût d’une production d’un projet transmedia reste encore très élevé. Des solutions peuvent être trouvées pour rentabiliser et mutualiser ces coûts. Il est important de produire un projet transmedia réutilisable et exploitable à nouveau pour un autre projet. Plusieurs sociétés ou agences développent donc des solutions informatiques et des logiciels qu’elles revendent à d’autres. Cela permet en fait d’assurer un revenu pour continuer à créer de nouveaux projets. Honkytonk (société spécialisée dans la création web) a développé un logiciel de montage appelé Klynt. D’abord utilisé en interne puis ouvert à des non-initiés pour briser la barrière technique qui représente un frein à la création, le logiciel leur aurait permis de « diviser par trois les coûts du développement web de chaque création, coûts qui représentent, en général, 30% à 40% du budget global ». 26 26 Certaines sociétés de Propos d’Arnaud Dressen, cofondateur de Honkytonk, http://numerico.wordpress.com/, consulté le 48 production deviennent éditrices de logiciels de montage à destination des professionnels. Honkytonk projette de commercialiser le logiciel Klynt au prix d’autres logiciels professionnels du même type (Final Cut Pro ou Photoshop). Cette méthode permet à ces sociétés de gagner du temps, de mutualiser le savoirfaire et de rentabiliser leur production. La coproduction présente une solution très intéressante dans le cadre de projet à très grand budget. Plusieurs pays peuvent s’associer (avec un investissement plus ou moins grand) pour coproduire un projet transmedia. On pourrait alors imaginer une coproduction entre la France (CNC) et le Canda (FMC, Fonds des Medias du Canada) sur un sujet de francophonie ou un sujet de fiction novateur. L’idée d’une coproduction permettrait d’ouvrir la création à la diversité et à la richesse des expériences étrangères. En effet, étudier les exemples de production transmedia à l’étranger en matière de création et de modèle économique est essentielle pour enrichir son propre propos. 2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création a) Le réseau « creative england » : un financement régionalisé Après la suppression en juillet 2010 du « UK Film Council » qui finançait le développement de l’accès du public au cinéma via les « Screen Agencies », les agences régionales de soutien au cinéma ont crée le réseau « Creative England ». Le 1er décembre 2010, le ministre de la culture, de la communication et des industries créatives Ed Vaizey annonce la création d’une structure plus simple, plus efficace dotée d’attributions élargies pour soutenir l’industrie créative en Angleterre. 49 Cette structure sera opérationnelle dans le courant du mois d’octobre 2011. S’appuyant sur le travail des « Regional Screen Agencies », « Creative England » aura pour mission de soutenir et d’encourager la création de film, de programmes télévisuels, de l’industrie du jeu et des medias digitaux, en dehors de Londres. Le budget 2011-2012 de cette nouvelle structure se construit en deux temps. « Creative England » reçoit un budget initial de £900.000 de la part de la BFI (British Film Institute) et £1M de la part de la Big Lottery Funds (une institution crée par le gouvernement en 2004 et dotée d’un fonds de £630M destiné aux « bonnes causes »). b) Le modèle économique du Canada (FMC et INIS) Véronique Marino, consultante en développement d’affaires électroniques et directrice du programme Médias interactifs à l’INIS (centre de formation professionnel) au Québec, explique : « au Canada, avant 2009, le web était directement rattaché aux programmes TV. Pour pouvoir créer des sites internet, il fallait développer aussi des programmes TV. En 2009, le gouvernement fédéral instaure le contraire. Les producteurs de télévision doivent donc proposer aussi du web enrichi. C’est un traumatisme pour eux ». 27 L’INIS essaye d’accompagner les professionnels de l’audiovisuel dans le changement lié aux nouveaux médias. A travers des programmes d’écritures de réalisation, de production exclusivement orientés vers les nouveaux médias, les étudiants et les professionnels peuvent approfondir leurs talents tout au long de leur carrière. L’INIS peut être comparable à l’INA Sup en France. 27 Propos de Véronique Marino, conférence InaSup « Transversalité de l’écriture et du financement : le transmedia est-il l’avenir de la télévision » ? , le 26 avril 2011 50 Quant au fonds des médias du Canada (FMC), il verse des aides précises pour des projets transmedia. En 2011, la dotation s’est élevée à 100M$. Néanmoins, ce fonctionnement pose un problème : la création est conditionnée en fonction du nombre d’élus gouvernementaux. S’il n’y a pas de dotation, il n’y a pas de travail de création possible. c) Un fonds européen de la création ? Le programme européen MEDIA existe depuis 1996. De 1996 à 2000 les projets multimédia étaient soutenus grâce à des avances sur revenus. Les sommes pouvaient atteindre 250 000 euros pour la production de projets multimédia. Mais ce modèle a échoué car il n’était pas adapté aux productions de l’époque. Le nouveau programme mis en place de 2000 à 2006 était basé sur un soutien à des projets individuels. Mais en 2007, le programme n’a reçu que 17 candidatures. En 2008, un plan particulier est crée : c’est le soutien aux travaux interactifs. Le budget de ce nouveau plan s’élève à 2,5 millions d’euros. Des bourses allant de 10 000 à 150 00 euros sont destinées à soutenir directement les producteurs européens indépendants. Plusieurs critères de sélection régissent ce nouveau programme. MEDIA vise à renforcer et à développer l’industrie cinématographique et audiovisuelle ainsi que les œuvres interactives en Europe. Il cherche donc l’originalité artistique et technique à travers des prototypes. Les projets doivent être interactifs et faire preuve d’un potentiel de commercialisation européen. Le producteur doit également garantir les droits sur le concept de son projet. L’essentiel des activités du programme Media se concentre sur les projets interactifs numériques transmedia qui complètent des projets audiovisuels traditionnels 51 (cinéma, télévision, livre). Le programme a notamment soutenu le projet « Prodigies », développé par Orange. En France, trois structures du programme MEDIA existent : Media Desk France, Media Strasbourg, Media Marseille. II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ? 1) Le brand content : une nouvelle image de(s) marque(s) Le « brand content » fait partie des nouvelles formes de financement de la création de contenus. En finançant la production d’un jeu, d’un univers transmedia ou d’une websérie, une marque valorise son image et s’assure une visibilité sur plusieurs medias. En mars 2011, SFR participe au financement de l’ARG « Can you stop it ? » dans le cadre de Lille 3000 (grand projet culturel lancé par la métropole depuis 2004). L’enjeu est simple : sauver la ville d’une prophétie destructrice. L’aventure se joue sur le web, sur mobile mais aussi dans la réalité de la ville de Lille. L’idée est de faire découvrir la ville en se servant des différents médias de l’ARG. Pour SFR, la participation à un tel projet transmedia représente un atout de communication et d’image indéniable. SFR est une marque résolument tournée vers une cible jeune. Leur rôle dans le financement d’un ARG est cohérent avec leur positionnement marketing. L’idée de la marque, au-delà de la participation à un projet novateur en France, est aussi de valoriser son image et a fortiori de fidéliser ses clients voire d’en recruter de nouveaux. Riad Sattouf, réalisateur du film Les Beaux Gosses et auteur de BD s’associait en juin 2010 à la BNP Paribas pour sa nouvelle websérie « Mes Colocs ». Les aventures de quatre colocataires (Valentine, Sacha, Mustapha et Simon) ont été 52 suivies sur Youtube, Dailymotion et Facebook (qui totalise 46 000 fans aujourd’hui). Les épisodes ont été visionnés plus de 15 millions de fois depuis leur sortie. Le dispositif de communication de BNP Paribas s’adresse avant tout aux jeunes. En parallèle, une campagne de publicité (déclinée sur Youtube, Hotmail, Deezer, Skyrock, Letudiant.fr) met en avant les offres bancaires à destination des jeunes, de juin à septembre : moment de rentrée scolaire et d’installation pour les étudiants. Aider à financer la production d’une websérie s’avère une stratégie de communication innovante pour une banque. Le logo de la BNP n’est apparu qu’au neuvième épisode comme pour créer un effet de surprise tout en conservant un certain recul. Un autre exemple de « brand content » à citer est celui du groupe Orange. La marque déploie en effet de nombreux partenariats dans ce sens. L’expérience transmedia Fanfan2, développée avec Alexandre Jardin, peut être citée comme exemple. La parution du roman Fanfan2 a fait l’objet d’une suite numérique et transmedia dans laquelle les internautes (renommés fanfanautes pour l’occasion) pouvaient suivre et participer tous les jours et en direct aux aventures romanesques et amoureuses du personnage principal. Les internautes pouvaient interagir via un site internet, une application iPhone, iPad, plusieurs comptes Facebook et Twitter. A travers cette expérience transmedia, Orange prouve qu’il devient un acteur majeur et incontournable du « brand content » qui souhaite développer son soutien à la création numérique. Le « brand content » est donc une nouvelle façon pour les auteurs et les producteurs de mener à bien ensemble des projets numériques innovants. Cette solution semble satisfaire les deux parties prenantes : le producteur peut aller au bout de son projet grâce au soutien financier d’une marque qui valorise son image. Mais cette solution 53 n’est pas toujours acceptée par les producteurs qui craignent que la marque impose ou refuse des choix éditoriaux contraires à ses valeurs. 2) Le placement de produit et le sponsoring Une marque peut financer un projet transmedia par le système du « brand content » mais également par celui du placement de produit. Selon un sondage YouGov, commandé par l’agence anglaise « Social Media » paru en août 2010 au RoyaumeUni, 42% des 18/24 ans veulent savoir quels sont les produits dans leurs programmes préférés (vêtements, musique, accessoires).28 Cette technique du placement de produit semble donc une opportunité non négligeable pour les marques. Très utilisé dans la production cinématographique, il permet de compléter les budgets de production. Cette technique consiste à mettre en scène un ou plusieurs produits identifiables à une marque au sein d’un univers narratif, lui assurant par ce biais une grande visibilité en échange d’une participation financière. Il va sans dire que la cohérence entre l’univers narratif, la cible et la marque choisie est indispensable. Un exemple significatif est celui du projet The Inside Experience financé par Intel et Toshiba. Film social dans lequel l’héroïne séquestrée n’a d’autres moyens de communication avec l’extérieur qu’un ordinateur portable Toshiba Satellite P775. Le sponsoring d’événements peut également être une solution plus ponctuelle pour un projet transmedia. Il s’agirait en effet pour une entreprise de financer matériellement ou techniquement un événement interactif lié à un projet transmedia. 28 http://www.plinkers.fr/2011/06/15/presentation-keynote-douverture-des-cross-video-days/; 54 Par exemple, une marque comme Ikea pourrait financer la mise à disposition de meubles ou d’éléments de décoration dans le cadre du lancement d’un projet transmedia. Une entreprise pourrait financer matériellement et/ou techniquement une partie plus événementielle de l’expérience interactive. Tout en valorisant son image, elle collabore à une mise en scène originale et de qualité sur un projet transmedia événementiel plus facilement accessible par les gens Toutes ces pistes de réflexion peuvent être prise en compte et approfondies pour la réalisation de projets concrets. Ces modes de financement peuvent se conjuguer pour assurer le succès de projets transmedia créatifs. 55 CONCLUSION Si la narration transmedia marque un profond changement dans le mode de création et de consommation de projets interactifs numériques, il reste encore en pleine élaboration. Entre enthousiasme et incertitude, les acteurs du transmedia ne peuvent nier qu’il existe un nouvel enjeu lié aux usages et aux attentes du public. L’interactivité fait partie de ces nouveaux enjeux. Loin d’être un simple effet de mode marketing, la narration transmedia répond aux nouveaux besoins de consommateurs de contenus culturels, informatifs et interactifs. Si l’audience n’est peut-être pas encore prête à s’engager pleinement dans des projets transmedia purement interactifs, elle cherche en tout cas à s’impliquer dans ce qu’elle regarde, écoute ou lit. La genèse de cette nouvelle expérience créative laisse entrevoir des opportunités d’avenir tant pour les auteurs et producteurs que pour les diffuseurs et les marques. Des projets transmedia de plus en plus novateurs voient le jour dans le but de créer des changements de comportements, de sensibiliser l’audience à des causes, de développer l’apprentissage. L’activiste Jane McGonial préconise par exemple de convertir l’engagement virtuel des joueurs en engagement social réel. A travers son projet Evoke, elle essaye de promouvoir l’entreprenariat social en Afrique. La narration transmedia ne servira pas seulement l’intérêt marketing des marques, mais proposera un nouveau mode de consommation de contenus : un mode participatif et interactif. Ces nouvelles méthodes restent encore à créer et à produire car la narration transmedia exige des connaissances élargies dans les domaines du numérique, de la création et de la production de contenus. La production transmedia en France doit également faire face à une phase d’exploration liée à son modèle économique. Un modèle unique ne peut être 56 privilégié. Il s’agit surtout d’expérimenter plusieurs formes de financement et peutêtre aussi, de la part des diffuseurs, de prendre plus de risque. La narration transmedia ne sera mise en valeur que lorsque les créateurs eux-mêmes (auteurs, producteurs..) auront su faire connaître leurs projets à travers une médiation et une communication claire. Mais surtout lorsque les modèles économiques auront fait leur preuve. L’avenir réside sans aucun doute dans la multiplication des sources de financement : le cofinancement de différents pays, le crowdfundind, le crowdinvestment. A l’image du nouveau projet australo germano-finlandais Iron Sky. La narration transmedia ouvre une porte aux entreprises qui souhaitent valoriser leur image en finançant des nouveaux projets interactifs. La stratégie de communication des marques évolue avec le transmedia. Néanmoins, pour le moment, seules les grandes marques à fort capital peuvent s’associer à des projets à gros budget. A l’avenir, la narration transmedia se transformera peut-être en ce que Michel Reilhac appelle la « réappropriation du récit par la collectivité ». 57 BIBLIOGRAPHIE BRUNER Jérôme, Pourquoi nous racontons-nous des histoires? Le récit au fondement de la culture et de l’identité, Pocket coll. Agora, Paris 2005 JENKINS Henry, Convergence Culture: Where Old and New Media Collide (NYU Press, revised 2008). Ouvrage de référence sur le sujet. De nombreux exemples rendent l’ouvrage très accessible, meme en anglais. LEVY Pierre, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994 ROSE Frank, The Art of Immersion: How the Digital Generation Is Remaking Hollywood, Madison Avenue, and the Way We Tell Stories (W.W. Norton & Co., 2011). SALMON Christian, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. Un ouvrage très utile pour prendre du recul. Très critique envers le storytelling politique, Christian Salmon s’intéresse à la manipulation. Même s’il n’aborde pas directement le transmedia, cet ouvrage fait référence sur le sujet. WEBOGRAPHIE 1) Sites Internet dédiés aux problématiques transmedia http://www.transmedialab.org/ Site internet incontournable dans l’analyse des problématiques transmedia : études de cas, analyse, rendez-vous professionnels. http://story-playing.com/ 58 « Il était une fois, des histoires à jouer », c’est la Baseline de ce blog très riche qui étudie les nouveautés françaises et internationales en matière de transmedia et surtout de jeux vidéo. http://www.cnc.fr/web/fr Le site web du CNC permet de comprendre les enjeux du financement de projets liés aux nouveau médias http://www.yousuckattransmedia.com/ Le blog de Christy Dena est une mine d’informations. Auteur d’un Phd sur le transmedia, c’est une actrice incontournable du secteur. 2) Articles d’analyse sur le transmedia Transmedia Storytelling, par Henry Jenkins. Consulté le 10 avril 2011 http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/ Contenus web et transmedia : l’interview au transmediaLab, par Dan Benzakein. Consulté le 10 avril 2011 http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notreinterview-au-transmedialab/ Blog de Michel Reilhac, directeur cinéma Arte France Transmedia : une prophétie. Palmarès Magazine. Consulté le 15 mai 2011 http://michel-reilhac.blogs.arte.tv/2011/04/20/transmedia-une-prophetie/ Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ?, par Hubert Guillaud. Consulté le 10 juin 2011 59 http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/ Transmedia : la convergence des contenus, par Hubet Guillaud. Consulté le 20 mai 2011 http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/ Du transmedia à la fiction totale, par Eric Viennot. Consulté le 20 mai 2011 http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia%C3%A0-la-fiction-totale.html Qu’est-ce-qu’un webdocumentaire ? Consulté le 15 septembre 2011 http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/ 5 examples of Transmedia Activism, par Brannon Cullum. Consulté le 15 septembre http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/ Power point de Romain Drosne (société Plinkers) crée pour le Cross Vidéo Days du 15 juin 2011, consulté le 29 mai 2011 http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed Définition du crowdfunding sur Ekopédia, consulté le 22 septembre http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding Klynt, la solution pour la création sur internet, par Yoan Hentgen. Consulté le 25 septembre 2011 60 http://numerico.wordpress.com/2010/04/09/klynt-la-solution-pour-la-creation-surinternet/ 3) Podcast et vidéos « La narration dans le jeu vidéo », consulté le 10 juin 2011 http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narration-et-jeu-video-avec-davidcage-et-eric-v « Le transmedia expliqué aux gens », production Les Raconteurs. Consulté le 28 avril 2011 http://vimeo.com/10258017 « L’univers transmedia : comment raconter une histoire transmedia ? », conférence Paris 2.0. Consulté le 13 août 2011 http://vimeo.com/10177077 « C’est quoi le transmedia ? », consulté le 13 août 2011 http://vimeo.com/11467865 Video de présentation du jeu transmedia Detective Avenue http://vimeo.com/22881879 CONFERENCES InaSup « Transversalité de l’écriture et du financement : le transmedia est-il l’avenir de la télévision ? » (mars 2011) 2ème édition des Cross Vidéo Days (15 et 16 juin 2011) Creative Mutation, Petit Web (29 septembre 2011) 61 ANNEXES - Annexe 1 Glossaire - Annexe 2 Entretiens réalisés • Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions • Morgan Bouchet, direction des contenus Orange • Mathias Gimeno, directeur de Prospexity - Annexe 3 Sondage envoyé GLOSSAIRE ARG ou alternate reality game (jeu en réalité alternée en français) : Forme de narration qui consiste à faire participer la communauté à un jeu. Les organisateurs jouent sur la superposition de l’univers de la fiction et de l’univers réel des joueurs par l’usage de mises en scènes sur des supports du quotidien. Source : http://www.transmedialab.org/2009/08/13/l%E2%80%99arg-alternate-realitygamedefinition-et-role-social/ Avatar : Fixe ou anime, un avatar est une image choisie ou créée par un internaute afin de se représenter au sein d'une communauté virtuelle Source : http://www.dicodunet.com/definitions/internet/avatar.html 62 Barcamp : "non conférence" ouverte qui prend la forme d'ateliers évènements participatifs ou le contenu est fourni par les participants qui doivent tous, a un titre ou a un autre, apporter quelque chose au Barcamp. L'objectif est avant tout de partager des projets et si possible, de produire quelque chose ensemble : des spécifications, un meilleur projet, des perspectives de partenariat, des capacités de financement... Source : http://www.veilleperso.com/rails-camp-paris-1850 Brand content : nouvelle forme de financement de la création de contenus. La marque finance la production d’un jeu, d’un documentaire, d’une série et maintenant d’expériences transmedia. SFR avec Can you stop it, BNP Paribas avec la webserie Mes Colocs, Sunny Delight avec Surf Camp. Il s’agit d’associer implicitement des produits ou services à une œuvre. Source : Mathias Gimeno « Narration transmedia. Acteurs et enjeux d’une forme de création émergente » Memoire, sous la direction de Marc Alvarado, Promotion MICNI 2010, Gobelins l’ecole de l’image, p36, http://www.scribd.com/doc/38326864/Narrationtransmedia-acteurs-et-enjeux-d-uneforme-de-creation-emergente Catch-up tv ou replay : Système de télévision a la demande par Internet qui permet de revoir en ligne et gratuitement les vidéos diffusées récemment sur la chaine. Cette possibilité est souvent de 7 jours mais cela peut aller jusqu’à plusieurs semaines selon les chaines. http://replaytele.com/ Community manager: Professionnel en charge du développement et de la gestion d’une communauté sur Internet. 63 Creative commons (CC) : Offre une série de licences, qui protègent les œuvres des créateurs mais qui permettent certains droits d'utilisation au public. Les licences sont basées sur quatre conditions initiales, qui, lorsqu'elles sont combinées, permettent de créer une licence personnalisée pour le créateur. Les quatre conditions sont : la paternité (Autorise la redistribution libre de l'œuvre tant que le créateur original est cité), la non-utilisation commerciale (l'œuvre peut être reproduite, distribuée, communiquée ou modifiée mais elle ne peut être réutilisée a des fins commerciales), la non-modification (l’'oeuvre peut être reproduite, distribuée, communiquée ou utilisée a des fins commerciales mais elle ne peut être modifiée, transformée ou adaptée), le partage des conditions initiales à l'identique (l'œuvre peut être modifiée, transformée ou adaptée mais la création qui en résulte doit être distribuée sous un contrat identique a celui de l'œuvre originale). http://cc.bingj.com/cache.aspx?q=creative+commons+definition&d=47310699106155 21&mkt=fr-FR&setlang=fr-FR&w=60b70856,ef503215 Cross-media : Production d’un même contenu sur différents supports. Ainsi, les éditeurs doivent en amont adapter la chaine éditoriale afin d’assurer une automatisation de la production de site internet, CDROM, livres papier ou numérique… Ce concept s’apparente donc a la notion d’édition multi supports. Source : http://patriciagendrey.com/2010/04/26/multimedia-cross-media-transmediaquelquesdefinitions/ ; Crowd-funding : Approche permettant le financement de projets en faisant appel a un grand nombre de personnes via internet (internautes, réseaux de contact, amis, etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces investissements permettront de financer des projets qui n’auraient peut-être pas pu recevoir un 64 financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.). Grâce aux réseaux sociaux et aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile et peu coûteux de rejoindre un grand nombre de personnes potentiellement intéressées pour soutenir des projets. Source : http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding Crowd-sourcing : Technique qui consiste à faire appel au grand public ou aux consommateurs pour proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix de marque, création de slogan, création de vidéo). Les prestataires amateurs peuvent alors être récompensés ou rémunérés. Cette technique peut être employée dans une autre optique que le marketing, à savoir la création de contenus même de l’histoire. Source : http://definitionsmarketing.com/Definition-Crowdsourcing Curation : Désigne l’acte d’agrégation, de sélection et de distribution d’un contenu par une personne. Le « digital curateur » est donc un utilisateur de l’internet qui va consommer des contenus au travers de clients de syndication (RSS) mais qui ne va pas se contenter de les lire. Il va sélectionner les contenus les plus intéressants et les partager auprès de sa communauté via son blog, son compte Twitter ou encore sur sa page LinkedIn. L’acte de curation va lui permettre de valoriser son expertise auprès de son réseau en lui apportant une valeur ajoutée certaine : la veille pertinente sur un sujet précis. Source : http://www.blogoergosum.com/23893-lacuration-pour-lesnuls Gameplay : Ensemble des possibilités interactives proposées entre le joueur et une interface virtuelle. 65 Source : http://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=65:le- gameplay Géolocalisation : Procédé technique par lequel il est possible de localiser géographiquement les destinataires d’un message marketing sur un téléphone portable ou les visiteurs d’un site web. La géolocalisation permet un ciblage géographique des campagnes et un renforcement de l’efficacité des messages. Elle peut également être considérée, à juste titre parfois, comme une atteinte a la vie privée. Source : http://www.definitions-marketing.com/Definition-Geolocalisation Interactivité : Possibilité d’échange entre un utilisateur et un programme informatique.Source : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/interactivite/ Interface : Dispositif physique ou logique entre deux systèmes ou deux parties d'un même système, défini par la spécification de caractéristiques appropriées et permettant des échanges d'informations. http://mediadico.com/dictionnaire/definition/interfaces/1 Micro-paiement : Consiste pour l’internaute à payer une petite somme par période pour accéder à un service ou un produit Motion capture : Procédé graphique consistant à enregistrer les mouvements de comédiens a l’aide de capteurs. Les mouvements sont ensuite modélisés et utilisés dans un jeu afin d’augmenter le réalisme des animations d’un personnage. http://www.jeuxonline.info/lexique/mot/Motion_capture 66 Participatif : Tous les comportements en ligne se résumant à des opérations documentaires apparentées a l’indexation, au commentaire ou à l’amélioration (Wikipedia par exemple) de ressources déjà existantes. Il s’agit d’une logique de post-production à l’œuvre. Les comportements contributifs en ligne sont les plus qualifiés (en terme de compétence ou niveau d’interaction) et s’inscrivant dans une logique de production de contenus originaux. Source : http://www.co-lab.fr/2010/10/ Réalité augmentée : Désigne les systèmes (au sens informatique) qui rendent possible la superposition d'un modèle virtuel 3D ou 2D et la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel. […] Ce concept vise à compléter notre perception du monde réel, en y ajoutant des éléments fictifs, non perceptibles naturellement. Cela consiste concrètement à incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d’images. Ses applications sont multiples et touchent de plus en plus de domaines : jeux vidéo et edutainment, chasses au trésor virtuelles, cinéma et télévision (post-production, studios virtuels, retransmissions sportives...), industries (conception, design, maintenance, assemblage, pilotage, robotique...), médical, culturel (Château de Versailles, Grand Palais)... Cette technique coûte encore très chère et n’est donc pas accessibles à tous. Source : http://www.xb-labs.fr/techno.html Serious game : Il s’agit d’une application développée à partir des technologies du jeu vidéo (simulation d’objets, d’individus, d’environnements) mais qui dépassent la dimension du divertissement. Elles combinent en effet des ressorts ludiques et/ou 67 technologiques issus du jeu vidéo avec une intention sérieuse de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entrainement. Source : http://www.seriousgaming.fr/definitionserious-game/ Showrunner : Il s’applique à la production états-unienne uniquement et c’est un métier de télévision. Sans être le créateur d’une série, il en est le chef d’orchestre : Matthew Weiner pour Mad Men, David Chase pour Les Soprano. Il assure au jour le jour le contrôle créatif de l’œuvre sur laquelle il travaille et ne doit des comptes qu’au network pour lequel il travaille et la compagnie de production. Le showrunner est également scénariste. Source : http://www.critictoo.com/les-chroniques/tv-shows-for-dummies-showrunnercarlton-cuse-robertoorci-brian-burk-jj-abrams-damon-lindelof-alex-kurtzman/ Story architect : Nom donne aux auteurs transmedia aux Etats-Unis. Il s’agit d’une personne à la fois auteur, réalisateur, producteur, chef de projet, designer d’architectures web, expert des medias sociaux, spécialiste des nouveaux moyens de distribution, acteur, animateur de communautés. Cette personne est capable de porter la même vision tout au long du projet comme dans les productions plus traditionnelles, classiques. Source : http://www.transmedialab.org/2010/04/08/cestquoi-uneequipe-transmedia/ Storytelling : C’est le fait de raconter une histoire à des fins communicationnelles. Cela consiste donc à utiliser une histoire (de préférence joyeuse ou du moins émouvante) plutôt qu’à développer des arguments sur la marque ou le produit. La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de 68 susciter l’émotion. Source : http://www.definitions-marketing.com/Definition- Storytelling Télévision connectée : Raccordée à Internet, elle permet au téléspectateur d’accéder au web et d’enrichir l’offre via des applications qui permettent d’accéder a différents services (réseaux sociaux et autres). http://www.republicain- lorrain.fr/france-monde/2011/04/07/le-defi-de-latelevision-connectee Transmedia : Pratique qui consiste à développer un contenu narratif sur plusieurs medias en différenciant le contenu développé et les capacités d’interaction en fonction des spécificités de chaque media. Le transmedia va au delà du crossmédia ou du plurimédia dans la mesure ou il ne s’agit pas de décliner un contenu principal sur des medias complémentaires, mais de créer un récit spécifique sur chaque media et de donner la possibilité au public d’utiliser différents points d’entrée (rabbit hole) dans l’histoire. L’aspect marketing du transmedia est double. Une diffusion transmedia est une technique marketing permettant d’augmenter le marché potentiel d’un contenu et de l’enrichir, mais le transmedia ouvre également de nouvelles voies a la création de contenus. Source : http://www.definitions-marketing.com/DefinitionTransmedia 69 Entretien avec Mathieu Détaint, producteur et photographe Inflammable Productions Présentation Inflammable Productions est une société de production qui réunit 3 associés. Eléonore Lamothe : gérante et productrice Mathieu Détaint : producteur, photographe et responsable éditorial Nicolas Sauret : producteur et responsable de l’innovation Inflammable Productions a développé des outils destinés à la mise en scène de contenus multimédia sur Internet. Ils permettent notamment de créer des webdocumentaires et des visuels interactifs, grâce à un back office simple facilement administrable. En partenariat avec l’IRI (Institut de recherche et d’innovation au sein du centre Georges Pompidou), Inflammable Productions créer de nouvelles formes de scénarisation et de narration. En utilisant le web sémantique, la société de production réfléchit aux liens à mettre en place entre les médias en vue d’une écriture pour les projets transmedia. Inflammable Productions conseille et accompagne pour faire évoluer la stratégie éditoriale de façon adaptée aux nouveaux usages, aux nouvelles formes d'écriture : - Choix des supports et des outils adaptés au projet, aux histoires - Cohérence narrative de la diffusion multi supports ; - Gestion des communautés et de la viralité des contenus via les réseaux sociaux ; - Synergie online / offline ; - Optimisation des coûts de production ; - Aide au montage de partenariat 70 1) Qu’est-ce-que la narration transmedia ? Quels sont les aspects indispensables pour créer un projet transmedia ? L’Homme est profondément narratif. Il s’est construit en racontant des histoires. L’intérêt du transmedia réside peut-être dans le questionnement de la cohérence des usages. Face à cette ébulition, face à ce changement il est nécessaire de se poser la question du sens. Il ne faut pas succomber à l’effet de mode et bien se demander ce qui est profond et ce qui n’est que surface. Tous ces changements n’ont que 3 ou 4 ans. Ce qui ne change pas c’est le fait de raconter des histoires. 2) Comment travaillez-vous ? quels sont les rôles de chacun ? S’agit-il de nouveaux métiers ou plutôt d’une nouvelle façon de travailler ? Chez Inflammable Production nous sommes trois. Nicolas Sauret (producteur et responsable de l’innovation) Eléonore Lamothe (gérante et productrice) et moi-même qui suis producteur, photographe et responsable éditorial. Nous travaillons aussi avec des prestataires externes Les métiers se multiplient, se structurent. Il ne s’agit pas de nouveaux métiers à proprement parler mais plutôt d’un nouveau mode de fonctionnement. Un nouveau métier pour les documentaristes est celui de « story architect ». Il s’agit de concevoir une narration transmedia et donc de casser les codes prédéfinis par le documentaire. Il réfléchit un peu comme un game designer, c'est-à-dire en structurant l’information par rapport à l’expérience de l’utilisateur. Les auteurs eux-mêmes commencent à comprendre comment écrire pour le web. Il y a des formations professionnelles consacrées à ce type de problématique. 71 Il n’y a pas vraiment de formation spécifique. Les profils sont très divers. C’est la richesse des profils qui fait la qualité d’une équipe. Les diffuseurs deviennent des innovateurs, des producteurs de contenus (ex : le monde.fr). 3) Quel est le rôle du producteur ? Le producteur doit maitriser tous les aspects du projet pour pouvoir le piloter efficacement. Il doit faire de la veille sur le secteur, maitriser la technologie (le websémantique par exemple), savoir gérer un projet et une équipe et trouver des financements. Il doit détecter ce qui peut devenir un bon projet en accord avec son « éthique ». Il doit avoir un grand réseau autour de lui. 4) Quelle place laissez-vous à l’internaute dans vos productions ? Avant de se poser la question de l’interactivité ou du participatif, nous devons d’abord nous poser la question primordiale de l’audience. Être diffusé sans être regardé n’a pas vraiment d’intérêt. Il faut toujours se poser la question de la cible et donc du diffuseur qui correspondra au projet. Pour notre prochaine production (qui se déclinera en webdocumentaire, BD et vidéo) sur le Sahara occidental, nous avons fait le choix de ne pas ouvrir au participatif. Sur un sujet aussi sensible, nous avons préféré expliquer la réalité du moment et ses enjeux. Le webdoc sera interactif mais pas participatif dans le sens où l’internaute pourra choisir son mode d’entrée mais ne pourra pas laisser de commentaire. Le travail de community management aurait été trop lourd pour modérer les propos sur un tel sujet. Ce sera un objet délinéarisé, fermé et périmétré. La production documentaire pense différemment de la production d’un jeu vidéo par exemple. L’intérêt du 72 webdocumentaire réside dans sa capacité à dépasser l’actualité. Il continue à être visible sur le long terme. 5) Avez-vous des exemples marquants de projets transmedia ou au moins interactif en ce moment ? Du point de vue de l’usage et de l’expérience, les jeux vidéo et les arts numériques développent une narration onirique très intéressante. Je pense par exemple au projet « noussommes.ca » de l’ONF (l’Office National du Film) au Canada. Ce projet présente un portrait vivant de la mosaïque canadienne à travers les récits de ceux qui la composent. La mosaïque des vidéos représente elle-même un visage. Les serious game présentent aussi un intérêt à travers le mariage vie réelle/vie numérique qu’ils instaurent. Celui des primaires socialistes sur lemonde.fr était très intéressant puisqu’il prenait le pari de capter l’attention de l’internaute pendant 45 minutes maximum. Le problème majeur reste cependant qu’à un certain point, cela devenait plus du game que du « serious ». 6) Quels sont les enjeux financiers de la création transmedia ? La chance dans les nouveaux medias c’est qu’il y a plusieurs modèles économiques. On entend souvent que le modèle économique reste à trouver mais il n’y a pas un modèle unique et parfait. C’est la grande chance des projets nouveaux medias. Les productions étant différentes, il ne peut pas y avoir de modèle économique unique. Disons que le premier modèle hérité de l’audiovisuel est celui des diffuseurs traditionnels (CNC, chaînes, collectivités...). Il y a le modèle premium de l’abonnement (ex : mediapart) et celui des annonceurs. 73 7) Que pensez-vous du financement par les marques ? Cela ne dénature-t-il pas le projet ? Les accords à trouver sont possibles et envisageables. Bien-sûr une marque interviendra dans le contenu du projet, d’abord par son identité visuelle. Elle aura un droit de regard sur le fond du sujet pour que celui-ci reste en accord avec l’image qu’elle souhaite véhiculer. Si c’est une commande de la marque elle-même, elle pourra aussi faire du placement de produit. Mais les diffuseurs interviennent aussi dans les projets, plus sur la forme (durée, format…) mais il existe toujours une forme de contrainte. Il n’y a pas de mauvaise solution de financement. Il s’agit en fait de se demander pourquoi on raconte des histoires documentaires et pourquoi il est important que le transmedia ne soit pas uniquement de la communication de marque. 74 Entretien Morgan Bouchet Vice-président du département transmedia & media social chez Orange 1) Quelle est ta définition du transmedia ? Depuis une dizaine dʼannées, un nouvel écosystème complexe, via Internet, sʼest mis en place. Avec lʼémergence des nouvelles technologies, les usages ont évolué. A la différence du crossmedia qui duplique un contenu sur différents media, le transmedia est pensé comme une expérience narrative mulit-écran pour encourager les interactions sociales. Il y a plusieurs typologies de projets transmedia. - le transmedia natif est celui qui nait sur les réseaux sociaux, sur le web. Il désigne des programmes originaux crées pour le web. On peut citer par exemple Detective avenue, un jeu en ligne proposé par Orange. - Le transmedia « de fidélisation » permet de maintenir lʼintérêt du spectateur, notamment pendant la période qui sʼintercale entre la diffusion de deux saisons, mais aussi de capter lʼaudience des adolescents, de moins en moins intéressée par la télévision .Lʼexemple typique est celui dʼune série Tv comme Dexter qui a développé une websérie (Early Cuts), un site internet (Showtime), une vidéo interactive sur Youtube et des applications mobiles - Le transmedia promotionnel annonce la sortie prochaine dʼun film dont lʼunivers permet une riche déclinaison, à lʼimage de The Dark Knight. Les studios Warner Bros ont en effet sorti un site internet dédié au film, Whysoserious.com. Une campagne marketing virale a été organisé pour tenir entretenir lʼimpatience des fans de Batman grâce à jeu de pistes via de nombreux sites viraux crées à lʼoccasion. Dans ce cas, il sʼagit vraiment de 75 marketing. Cette forme de transmedia sʼapplique plutôt au cinéma. 2) Quelles sont les exigences de la narration transmedia ? Il nʼy a pas vraiment de règles narratives. Pour un projet transmedia, il faut a minima que les réseaux sociaux soient présents dès les début de lʼécriture narrative. Aujourdʼhui le public a lʼhabitude de dialoguer avec une communauté, il est plus mature. En revanche, sʼil sent que le projet nʼest que marketing ou publicitaire, il fuit, il se bloque. Il doit quand même y avoir une histoire, un contenu, un intérêt pour se lancer dans un projet transmedia. Définir la cible constitue un enjeu indispensable à tout projet transmedia. Avant même dʼécrire, il faut savoir à qui on sʼadresse pour que la participation soit naturelle. La génération Y (les jeunes entre 18 et 30 ans) devient leader dans ce secteur car pour elle cʼest naturel. Ils pensent et écrivent avec les codes des réseaux sociaux. Pourtant, leur visibilité reste limitée. Ils doivent encore se familiariser avec le modèle économique de ce secteur. 3) Selon toi, sʼagit-il de nouveaux métiers ou juste dʼune nouvelle façon de travailler ensemble ? Je pense quʼil sʼagit de nouveaux métiers ou en tout cas de nouveaux profils. Ces profils sont ceux des gens qui sont nés avec les nouvelles technologies. Il faut un chef dʼorchestre pour faire travailler tous ces profils différents. Il nʼy a pas encore de formation universitaire même si je crois que ça commence à être pris en compte. Les formations existantes sont plutôt destinées aux professionnels du secteur. 76 Un nouveau métier par exemple est celui quʼon pourrait appeler « facilitateur de contenus ». A la direction des contenus, nous proposons des solutions techniques narratives. Il sʼagit dʼun accompagnement technique via des plateformes, des logiciels, des outils informatiques. Cʼest un vrai nouveau métier ! 4) Plus spécifiquement, quel est le rôle du pôle transmedia à la division des contenus dʼOrange ? Dans le cas de lʼaccompagnement technique dont je te parlais, Orange nʼest pas sponsor dʼun projet. Plus précisement, nous intégrons cette nouvelle façon de penser les contenus et nous proposons des expériences créatives nouvelles à nos abonnés et pas seulement. Nous entreprenons deux ou trois projets par an pour apprendre, tester, construire une connaissance car il ne faut pas oublier que tout cela nʼest quʼau balbutiement. Nous nous concentrons donc sur quelques projets pour parfaire notre connaissance et notre expertise. Nous avons travaillé notamment avec Alexandre Jardin sur fanfan2 avec Happy Fannie. Ce projet transmedia à partir dʼun livre papier est novateur et nous avons beaucoup appris pendant ces 6 mois. 5) Lorsque Orange participe au financement dʼun projet transmedia, estce-que vous avez un droit de regard sur le contenu ? Oui, bien-sûr. Nous pouvons donner notre avis sur le contenu sʼil ne correspond pas à lʼimage du groupe. 6) Selon toi, vers quel modèle économique se dirige-t-on ? Y en a-t-il un à 77 privilégier ? Cʼest encore flou. On tend vers une articulation des micro modèles économiques : le modèle freemium, le modèle de licence, le modèle commercial (achat dʼéléments liés à lʼhistoire par exemple appels ou sms pour avancer dans un programme). Lʼémergence de la diversité des modèles économiques possible est une chance. 7) Pour finir, est-ce-que le transmedia est une mode ou une réelle évolution ? Je ne pense pas que ce soit une mode. Ce sujet est vraiment pris au sérieux. La preuve, la Guild a reconnu le terme de « transmedia producer » alors que cʼest une entité assez stricte. France Télévisions se met de plus en plus à ce genre de programmes. A la différence du crossmedia qui est purement marketing, le transmedia constitue un changement profond. Cʼest un fait, les jeunes délaissent les medias classiques, il faut donc trouver de nouvelles formes de contenus si on ne veut pas perdre cette audience. 78 Entretien avec Mathias Gimeno Directeur de lʼagence transmedia Prospexity (design narratif, conception, réalisation de fictions transmedia) Formation à lʼécole des Gobelins. Auteur dʼun mémoire de référence sur la narration transmedia. Participe à lʼorganisation des barcamps transmedia à Marseille 1) La narration transmedia marque-t-elle une rupture dans lʼhistoire de la narration ? La narration a toujours évolué dans le sens de la réalité. Ce qui est intéressant avec lʼécriture transmedia est son ancrage dans la réalité dès le début du processus dʼécriture alors que les supports classiques ont peut-être tendance à enfermer une histoire dans une boîte. Ce qui change dans la narration transmedia, cʼest que lʼhistoire se développe sur un support en fonction du succès et des utilisateurs. Les auteurs ont une vision globale de lʼunivers, ils pensent la narration en même temps que les supports. La forme et la fond sont indissociables. 2) Quel rapport le public entretient avec ce genre de nouveaux projets ? Lʼutilisateur doit savoir quʼil est dans une fiction. Même sʼil sʼagit dʼun ARG, il ne faut pas biaiser lʼutilisateur. Il est important de respecter une certaine éthique. Il faudrait peut-être penser à créer une « éthique du créateur transmedia ». Si cʼest purement marketing, il faut mettre des limites. 79 Dans les mentions légales, on doit obligatoirement indiquer que le site fait partie dʼune fiction et donner les noms des gens qui lʼont créée. Par exemple, Facebook a mis en place la notion de « personnage fictif », ce qui va dans le sens dʼune responsabilité des créateurs. 3) Pour toi, la convergence des supports est-elle synonyme de convergence des contenus ? Non, je crois que certains messages ont des supports de prédiléction. Par exemple, pour faire un buzz (positif ou négatif) autour dʼun personnage dʼune fiction transmedia il vaut mieux faire une chaine Youtube. 4) Penses-tu que le transmedia crée de nouveaux métiers ? En fait il sʼagit plus dʼun croisement de plusieurs métiers déjà existant. Les gens des médias traditionnels ne sont pas forcément au fait de ces métiers dʼinnovation numérique. 5) Selon toi, quels sont les enjeux financiers des projets transmedia ? Il y a plusieurs points de réflexions pour envisager le financement des projets transmedia : - envisager le placement de produits dès lʼécriture même du projet - le brand content : une marque choisit de financer une partie du projet en mettant en avant un produit. Par exemple, The Inside Experience, financé en partie par Intel et Toshiba. 80 - La publicité intégrée directement dans le contenu. Une publicité pour une voiture, un téléphone, une marque de vêtement discrètement placée. Ces possibilités de financement sont impossibles à la télévision ou au cinéma mais autorisées sur le web. Le problème en France cʼest que les producteurs sont trop frileux. Ils ne prennent pas de risques. SONDAGE « le transmedia et vous » Sexe - femme - homme âge - moins de 15 ans - entre 16 et 25 ans - entre 26 et 35 ans - entre 36 et 45 ans - 45 et plus Vous êtes - artisan commerçant - cadre en entreprise - fonctionnaire 81 - retraité - étudiant - professionnel des nouvelles technologies (web, audiovisuel, cinéma...) - autre Connaissez-vous le terme "transmedia" ? - oui - oui mais c'est flou - non Sur quels supports regardez-vous les contenus fictionnels ? - TV - DVD - ordinateur (streaming, webdoc) - smartphone - tablette - cinéma - Vidéo à la demande Selon vous, une fiction transmedia doit - être réaliste (histoire, cadre, personnages...) - être interactive avant tout (commentaire, partage, action, ...) - divertir - apprendre de nouvelles choses sur une thématique Aimeriez-vous plus d'interactions dans les fictions que vous suivez ? 82 - oui - non - sans avis Si oui, quelles actions aimeriez-vous pouvoir réaliser ? Finalement pour vous le transmedia peut se résumer à - un jeu vidéo interactif - une série ou un film avec des produits dérivés - une réelle innovation pour le spectateur 83