La narration transmedia : les enjeux d`une nouvelle expérience

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La narration transmedia : les enjeux d`une nouvelle expérience
Master 2 professionnel Conseil éditorial et gestion des connaissances
UFR Philosophie – Université Paris Sorbonne
La narration transmedia : les enjeux d’une
nouvelle expérience créative
Mémoire de fin d’études soutenu par
Sibel CEYLAN
Directeur de recherche : Eric Leguay
Promotion 2010 - 2011
Remerciements
Un mémoire n’est jamais un travail purement individuel, même si un seul nom figure
en première page. Ce mémoire est le fruit de réflexions et d’échanges menés avec
les professionnels que j’ai pu rencontrer mais également avec mes proches et mon
entourage.
Je voudrais tout d’abord remercier les enseignants du master 2 Conseil éditorial de
Paris 4 et particulièrement Monique Ollier pour ses conseils et sa capacité à
remotiver les troupes dans les moments de doutes, Jean-Michel Besnier pour sa
présence et son calme ainsi que Eric Leguay, mon directeur de mémoire.
Dans le cadre de mon stage de fin d’études au sein de la direction de la
communication de Orange, j’ai eu la chance de travailler sur un projet transmedia
(Fanfan2). Je remercie donc Sylvain Leroux (mon tuteur de stage) avec qui j’ai
beaucoup parlé de mon sujet de mémoire. Ses nombreux conseils m’ont aidé à
structurer ma réflexion. J’ai également rencontré Morgan Bouchet qui m’a éclairé sur
la vision de la marque Orange dans le milieu du transmedia.
Je tiens à remercier également Mathias Gimeno (directeur de la société transmedia
Prospexity et auteur d’un mémoire de fin d’études sur le transmedia) et Mathieu
Détaint (producteur chez Inflammables Productions) de m’avoir accorder du temps et
d’avoir apporté leur regard professionnel sur ce sujet.
Je dois aussi remercier mes proches qui ont supporté mes doutes et qui ont fait en
sorte que ces quelques mois se passent dans la sérénité. Un très grand merci à
Thibaut qui m’a soutenue, écoutée et motivée jour après jour, à mes sœurs, et à mes
grands-parents (même s’ils n’ont certainement pas tout compris au sujet de mon
mémoire).
2
Ce mémoire n’aurait pas eu la même dimension sans la précieuse aide de Amélie
Sudrot, étudiante à l’Ecole supérieure de gestion et de médiation des Arts et auteure
d’un mémoire sur les enjeux des fictions audiovisuelles interactives. Bravo pour ton
travail !
Enfin, je ne pourrais pas clore ces remerciements sans citer mes camarades de la
promotion Conseil éditorial 2010-2011. Merci à vous tous pour votre soutien !
3
SOMMAIRE
Introduction
p.8
• Définition et contextualisation
• Intérêt du sujet
• Problématique et annonce du plan
CHAPITRE 1
p.12-25
QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ?
I) Permanences et évolutions de la narration
p.12
1) Au commencement était le verbe
2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ?
II) Convergence des supports et cohérence narrative
p.16
1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia
2) Les différentes typologies de narration transmedia
a) le transmedia natif
b) le transmedia de fidélisation
c) le transmedia promotionnel
III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de nouveaux métiers ?p.21
1) Le décloisonnement des domaines d’activité
2) Au cœur du projet : le producteur transmedia
3) Le « story architect » et les métiers de l’animation
4
CHAPITRE 2
p.26-41
L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUEL PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ?
I) Quels supports pour l’interactivité ?
p.27
1) L’ARG : un modèle d’interactivité
2) L’interactivité à la télévision
a) Les séries télévisées transmedia
b) Les enjeux de la télévision connectée
3) Les nouvelles formes de « transmedia activism »
a) Le webdocumentaire : l’information interactive
b) Susciter l’engagement grâce au transmedia
c) les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ?
II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ?
p.35
1) Les raisons d’un faible engagement
a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public
b) …et des univers encore peu accessibles
2) Apprentissage et médiation du transmedia
a) La multiplication des journées dédiées au transmedia
b) Un festival national du transmedia ?
c) Des formations universitaires dédiées
d) Les « curateurs » et les « community managers »
5
CHAPITRE 3
p. 42-57
QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ?
I) Des modèles économiques en cours de définition
p.43
1) Les nouveaux besoins de la création transmedia
a) Les financements traditionnels
b) Le financement participatif ou « crowdfunding »
c) Les abonnements et autres formes de financements
d) Le modèle gratuit est-il recevable ?
e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts
2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création
a) Le réseau « Creative England » : un financement régionalisé
b) Le modèle économique du Canada (IRIS, FMC)
c) Un fonds européen pour la création ?
II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ?
p.52
1) Le « brand content » : une nouvelle image de(s) marques(s)
2) Le placement de produit et le sponsoring
Conclusion
p.56
Bibliographie
p.58
Webographie
p.58
1) Sites internet dédiés aux problématiques transmedia
2) Articles d’analyse
6
3) Podcasts et vidéos
Conférences
p.61
Annexes
p.62
- Annexe 1
p.62
Glossaire
- Annexe 2
p.70
Entretiens réalisés
•
Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions
p.70
•
Morgan Bouchet, direction des contenus Orange
p.75
•
Mathias Gimeno, directeur de Prospexity
p.79
- Annexe 3
p.81
Sondage envoyé
7
INTRODUCTION
•
Définition et contextualisation
Cité pour la première fois en 2003 par Henry Jenkins dans un article de la
Technology Review1, le terme « transmedia » consiste à développer un univers
narratif sur différents supports médiatiques. Au croisement du jeu, de la réalité et de
la fiction, l’univers narratif interactif semble pouvoir être démultiplié. Contrairement au
plurimédia (ou encore cross média) qui décline un même contenu sur des supports
médiatiques divers et complémentaires, le transmedia développe des contenus
différents et complémentaires sur différents media (application, TV, site web,
webdoc, film), lesquels contribuent à la création d’une seule et même histoire. De
nombreux acteurs du transmedia choisissent la métaphore du puzzle pour définir le
concept. Un projet transmedia est constitué de morceaux de puzzle indépendants
(on peut ne consulter qu’une pièce du puzzle) mais qui, assemblés, dévoilent
l’intégralité de l’univers narratif et invitent à une expérience plus riche. En ce sens,
l’expérience transmedia remet en cause les techniques narratives, éditoriales mais
aussi économiques du secteur du divertissement.
Pour comprendre le terme transmedia, il est nécessaire d’expliquer le contexte dans
lequel il est né. L’écosystème complexe qui s’est mis en place depuis une dizaine
d’années via internet laisse une grande place au divertissement. Les grandes
chaînes de télévision ont vu leur taux d’audience chuter de 15% à 30% ces dix
dernières années notamment avec l’arrivée de la TNT. Contrairement aux idées
1
Technology Review (published by MIT) 15 janvier 2003, Henry Jenkins
http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/
8
reçues, internet n’a pas détourné les téléspectateurs de leurs postes de télévision.
Les usages se sont simplement diversifiés et délinéarisés. Le développement de
Youtube (2 milliards de vidéos vues par jour), la démocratisation de Facebook (300
millions de pages vues par mois) et l’émergence de Twitter (90 millions de tweets par
jour) impactent les médias traditionnels (télévision, presse, radio, portails internet) et
remettent en question les modèles économiques du divertissement. En cinq ans, le
temps passé par semaine sur le web a été multiplié par deux. L’attention du
consommateur est désormais à la fois fractionnée, multiple et soumise à des stimuli
numériques qui appellent une réactivité augmentée. On parle de comportements
multitâches quand un téléspectateur est en même temps connecté au web pour
changer son statut Facebook ou livetweeter, qu’il envoie des sms tout en regardant
une série télévisée.
Les acteurs du divertissement doivent faire face à la
fragmentation et la délinéarisation des usages. Il convient alors de lui proposer une
expérience à l’image de son comportement. Les projets transmedia s’attachent à
offrir un divertissement plus interactif, plus tourné vers le spectateur.
Le transmedia peut donc être présenté comme une pratique nouvelle qui cherche à
intégrer le spectateur dans une expérience immersive et ainsi mêler le réel et la
fiction. Du webdocumentaire à la websérie en passant par les ARG (« Alternative
Reality Games »), les séries télévisées, les films, les applications sur smartphone
(iPhone ou Androïd), les sites internet, les blogs et les événements IRL (« In Real
Life »), le transmedia regroupe des supports médiatiques multiples dans le but de
toucher l’audience la plus large grâce à la fidélisation et l’interactivité.
•
Intérêt du sujet
9
Cet objet d’étude revêt un intérêt indéniable dans la mesure où il est en pleine
émergence. Tout reste encore à imaginer, à découvrir, à créer. Le transmedia
représente une opportunité considérable pour les auteurs de laisser place à leur
imagination pour réinventer la façon d’écrire des histoires et pour casser les
frontières narratives prédéfinies. L’avantage d’un secteur en pleine émergence
réside également dans son ouverture aux profils professionnels multiples. L’intérêt
de ce mémoire est double. Il permet d’approfondir un sujet actuel dont la
bibliographie est encore naissante et d’avoir un regard neuf et prospectif. Il présente
également un intérêt professionnel puisque le secteur du transmedia est un domaine
d’activité ouvert et en plein essor.
Si un « incommensurable champ des possibles » (Jeff Gomez) semble s’ouvrir avec
la notion de transmedia, les opportunités se heurtent parfois à un manque de cadre
notamment financier, juridique ou communicationnel. Car « les projets purement
transmedia restent aujourd’hui assez rare, pour des raisons de coûts, de
compétences et d’absence de modèles économiques. Une création originale
transmedia est un projet complexe, qui requiert de la vision, une maîtrise des
différents supports, et peut s’avérer risqué ».2 C’est pourquoi ce mémoire s’attachera
à développer des pistes de réflexions tout en s’appliquant à prendre le recul
nécessaire pour ne pas succomber à l’effet de mode que représente aussi le
transmedia.
•
Problématique et annonce du plan
2
WebTelevisionObserver, interview réalisée par la TransmediaLab
http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notre-interview-autransmedialab/
10
La narration transmedia implique une nouvelle expérience créative. Ses codes et ses
genres sont encore en définition. Le transmedia peut être utilisé par les marques
dans le cadre de stratégies marketing novatrices pour toucher une cible prédéfinie.
En quoi les univers transmedia permettent-ils de fédérer et de fidéliser un public ?
Comment l’ensemble des producteurs de contenus réagissent-ils face à l’évolution
des comportements et des usages médiatiques ? Quels en sont les enjeux ? Quel
avenir peut-on envisager pour ce phénomène encore embryonnaire ? Deviendra-t-il
seulement un support de communication dédié aux annonceurs ou peut-on
envisager l’émergence d’une créativité narrative enrichie ?
La remise en cause d’un modèle économique établi pour chaque media est un des
enjeux actuels qu’il convient d’expliquer et d’approfondir.
Ce mémoire présentera un état des lieux de ce phénomène en plein essor à travers
des comparaisons internationales de projets divers. Le modèle économique du
transmedia fera l’objet d’une étude articulée autour de la stratégie de communication
des marques. Cette partie sera bien détaillée dans la mesure où elle décrira l’existant
tout en proposant des pistes de réflexions relatives à l’avenir économique du
transmedia.
Si la bibliographie sur le sujet se limite encore à quelques ouvrages de référence, la
webographie
quant à elle prolifère (sites spécialisés, blogs, réseaux sociaux,
curation).
11
CHAPITRE 1
QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ?
I)
Permanences et évolutions de la narration
1) Au commencement était le verbe
Loin de nous l’idée de développer une histoire de l’écriture ou de la narration. Il
s’agira plutôt de dérouler une brève chronologie des différents supports liés à la
narration et d’y intégrer les nouveaux enjeux d’une écriture transmedia.
Historiquement, l’homme s’est construit avec et dans la narration. Des mythes, des
contes,
des
légendes,
des
récits
(historiques,
biographiques,
fictionnels,
surréalistes…) ont pris différentes formes tout au long de l’Histoire.
D’abord orale, la transmission des histoires se faisait dans le cadre d’une
communauté définie. La verticalité de la transmission orale a laissé place à celle de
la transmission écrite. La démocratisation de la lecture grâce à la technique de
l’imprimerie ouvre la voie à la créativité. Au XIIIème siècle, l’écriture romanesque
adopte la prose en s’inspirant du modèle des textes juridiques. La notion de
crédibilité de l’histoire intéresse particulièrement les auteurs de fiction pour attirer le
lecteur et lui faire vivre une expérience fictive nouvelle qui intègre la réalité. La
presse inaugure le feuilleton pour fidéliser le lecteur d’un jour à l’autre. La fin du
XIXème et le début du XXème siècle voient l’apparition de la radio (1893), du cinéma
(1895) et de la télévision (1926). Ces medias instaurent de nouvelles formes
d’écritures, des règles et des enjeux narratifs différents de ceux de la presse. La
parole, le livre, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, et les nouvelles
technologies sont indissociables de la narration. Loin de créer une segmentation des
12
différents supports médiatiques, la narration les rassemble et les fait converger.
Selon l’analyse de Genette, les moments de la narration peuvent être répartis ainsi :
le moment ultérieur ou analepse (on raconte après ce qui s'est passé avant), le
moment antérieur ou prolepse (on raconte avant ce qui va se passer), le moment
simultané (on raconte directement ce qui se passe) et le moment intercalé (on
mélange présent et passé).3 Ces différentes techniques narratives sont utilisées
simultanément dans un univers transmedia.
Au cœur de cette convergence médiatique apparait une nouvelle forme de
« storytelling » (littéralement « raconter des histoires »). Le défi de l’écriture
transmedia se trouve dans la création d’une histoire cohérente à travers des
supports différents. Selon Michel Reilhac (directeur cinéma chez Arte France), le
transmedia ne va tuer ni le cinéma, ni la télévision, cependant « nous sommes à
l’aube d’un moment absolument passionnant, où l’art de la narration lui-même va
changer »4
2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des
histoires ?
Si le transmedia s’inscrit évidemment dans la continuité de l’histoire du récit et de
ses supports, il réinvente en même temps totalement la façon d’écrire voire de
penser la narration. L’écriture transmédia implique une connaissance de tous les
supports sur lesquels l’histoire sera déclinée. La délinéarisation du récit rejoint la
notion d’intercomposition, c’est-à-dire l’expression d’un univers complet et complexe
à travers plusieurs œuvres mono-medium. Cette intercomposition narrative doit
3
Gérard Genette, Figures III, Éditions du Seuil, Paris, 1972; page 280
Interview de Michel Reilhac dans Palmarès Magazine n°4, 20/04/2011 ;
http://michelreilhac.blogs.arte.tv/
4
13
également tenir compte des règles du storytelling. Souvent associé au domaine de la
communication politique, notamment depuis l’ouvrage de Christian Salmon5
(Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits), le
« storytelling » se définit simplement comme la capacité à raconter des histoires, à
produire de nouvelles formes de récit en fonction d’un environnement technique et
culturel spécifique. Dans ce sens, cette technique narrative doit s’adapter à
l’évolution des pratiques numériques et des dispositifs liés aux médias digitaux.
Selon Christian Salmon, « les consommateurs ne seraient plus attirés par un produit,
ni même par un style de vie mais par un univers narratif »6. En ce sens, la narration
transmedia consiste bien en une nouvelle façon d’écrire des histoires pour
correspondre aux attentes du spectateur et aux évolutions liées aux nouveaux
medias. Le flux d’information permanent dans lequel est plongé l’utilisateur,
symbolisé par le smartphone en situation de mobilité (autrement appelé écran
embarqué), oblige à repenser la façon dont sont écrites les histoires fictionnelles.
La métaphore du puzzle pour décrire les projets transmedia doit être prise en compte
dans le processus d’écriture. Chaque « device » (support médiatique) rend compte
d’un élément de l’histoire. Tout en étant indépendants, ces éléments narratifs doivent
être cohérents entre eux et constituer une histoire à part entière. Du point de vue du
spectateur, chaque expérience réalisée doit se suffire à elle-même. L’expérience
d’un seul média est limitée par rapport à celle du tout mais elle doit être possible.
L’expérience transmedia se caractérise par cette architecture narrative dans laquelle
le spectateur accède à différents contenus selon le support qu’il utilise. Ces points
d’entrée (« rabbit hole ») sont prédéfinis par les créateurs de l’univers en fonction de
5
Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits.
La Découverte Poche/Essais, novembre 2008.
6
Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits.
La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. p 37
14
l’univers proposé. Le public entre dans un monde narratif par un ou plusieurs
supports à travers lesquels il interagit (particulièrement via les plateformes web, les
smartphone et les événements dans la vie réelle).
Selon Eric Viennot, fondateur de Lexis Numérique et créateur du jeu In Memoriam,
l’histoire doit toujours constituer le point de départ de la création transmedia. La
structure narrative reste la base du projet. « Le transmédia, c’est une écriture pensée
très en amont par rapport à tous les médias, à leur complémentarité, au fait que l’un
ne peut pas se passer de l’autre, de pouvoir entrer dans un univers en étant
réactif. »7
Le principe même du transmedia implique la synchronicité des médias. L’écriture doit
prendre en compte les différents supports et le spectateur dans la réalisation de
l’histoire. Pour faciliter l’interactivité, les barrières technologiques doivent être
minimisées. Le travail d’ergonomie participe au bon déroulement de l’expérience
pour, ce que l’on pourrait appeler, « le spectacteur ». L’interactivité découle de la
simplicité du mécanisme. Pour en accentuer l’effet, les limites doivent rester floues
entre la réalité et la fiction pour immerger entièrement le spectateur dans l’univers.
Un engagement n’est possible que s’il y a une ambiguïté entre la fiction et la réalité.
Ces notions exigent une très bonne connaissance des outils technologiques. Selon
Nicolas Bry,
directeur du TransmediaLab d’Orange : « l’idéal transmédia a pour
objectif de créer une expérience unifiée entre différents médias donnant le sentiment
d’entrer dans un univers ».8 Un nouveau storytelling émerge avec les nouvelles
technologies. Par conséquent, l’écriture narrative transmedia pose la question de la
synchronicité des medias et de la convergence des supports. La question des
7
WebTelevisionObserver, entretien avec Eric Viennot
http://webtelevisionobserver.com/2011/03/entretien-avec-eric-viennot-auteur-et-game-designer/
8
Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ?
http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/
15
supports numériques représente un enjeu incontournable dans la narration
transmedia.
II)
Convergence des supports et cohérence narrative
1) La convergence des supports au service d’une fiction
transmedia
La multiplication des supports technologiques constitue un réel défi pour rendre le
contenu accessible à tous. La convergence des technologies est désormais un fait.
Cependant peut-on parler d’une convergence totale ? Un contenu ne peut pas être
le même sur chaque support. Il doit être adapté aux usages et aux technologies. Par
exemple un univers fermé du type Apple ne peut pas être appréhendé de la même
façon qu’un univers plus ouvert du type Android. Les règles à respecter ne sont pas
les
mêmes
sur
un
écran
de
Smartphone
ou
sur
un
écran
d’iPad.
Les outils numériques utilisés dans le cadre de projet transmedia sont multiples : la
télévision connectée, les mobiles avec des terminaux différents (Apple, Android,
Nokia), les tablettes (iPad, Samsung Galaxy), les ordinateurs (Mac ou PC), les livres
avec des QR code, les DVDs contenant des informations qui renvoient vers un site
internet dédié. Tous ces outils convergent puisqu’ils renvoient souvent l’utilisateur
d’un support à un autre afin de lui proposer plus de contenus et une immersion plus
profonde dans l’univers transmedia. Pourtant la convergence des technologies ne
suppose pas essentiellement la convergence des contenus.
Les usages doivent être pris en compte dans l’écriture d’une fiction transmedia. Les
contenus sont à adapter à l’utilisateur. Si celui-ci est en situation de mobilité, il ne
consommera pas la fiction transmedia de la même façon que s’il est chez lui devant
16
son ordinateur. La répartition des contenus sur les supports doit être pensée en
amont de l’écriture du projet. Si le « spectacteur » est appelé à interagir voire à
produire du contenu pour enrichir le projet, il le fera sans doute plus sur un site
internet ou une application iPad que sur une application iPhone/Android.
Le transmedia est à la fois une narration, une mécanique d’engagement (issue du
jeu vidéo) mais aussi une manière de transmettre une histoire. Selon Steeve Plu,
game designer à la R&D d’Orange, le transmedia est un « méta-media ». Une
narration transmedia accomplie se distingue par sa capacité à faire abstraction de la
technologie. L’écriture devient interactive lorsqu’elle oublie la technologie. Le réseau
s’entend alors comme un pont entre le monde réel et le monde numérique. La
narration transmedia, indissociable de la technologie, sera amenée à évoluer en
même temps que celle-ci. Si la convergence des technologies n’est pas directement
synonyme de convergence des contenus, les auteurs transmedia s’adapteront de
plus en plus aux fournisseurs de technologie.
2) les différentes typologies de narration transmedia
Les stratégies transmedia révèlent différentes typologies de narration. Les projets
transmedia peuvent relever de stratégies marketing plus ou moins développées. On
distingue trois grands types de narration transmedia.
a) Le transmedia natif
Il apparaît sur les réseaux sociaux, sur le web en général. Il désigne des
programmes originaux crées pour le web. On peut citer par exemple « Detective
Avenue », un jeu en ligne proposé par Orange. Inspiré de Cluedo et de Fenêtre sur
17
cour, « Detective Avenue » propose à l’internaute d’aider Gaëlle (le personnage
principal) à résoudre l’énigme de la mort de sa sœur. Cette enquête policière se joue
sur téléphones mobiles et sur le web. Le transmedia natif se définit souvent comme
une websérie interactive.
L’utilisateur entre dans l’univers de « Detective Avenue » en espionnant les habitants
de l’immeuble qui cachent tous un secret. Durant cinq semaines, il visionne 58
vidéos, il répond à des énigmes, il fouille des appartements. La vidéo, l’application
iPhone, les sms, les mails lui rappellent à quel niveau du jeu il se situe. Les joueurs
cumulent des points et les trois premiers joueurs à avoir cumulé le plus de points
gagnent un cadeau (téléviseur Samsung LG 3D, ordinateur Sony VAIO, caméscope
Canon). Après l’arrêt du jeu, l’internaute peut continuer à jouer en différé avec des
indices différents.
18
Ce modèle présente une originalité narrative puisque chaque élément de l’univers
est voué à être découvert sur le site. Tous les éléments doivent être anticipés en
amont du tournage. 58 épisodes et 5 vidéos bonus ont donc été tournés en 13 jours
avec une équipe technique de 12 personnes.
b) Le transmedia « de fidélisation »
Il permet de maintenir l’intérêt du spectateur, notamment pendant la période qui
s’intercale entre la diffusion de deux saisons d’une série télévisée, mais aussi de
capter l’audience des adolescents, de moins en moins intéressés par la télévision.
L’exemple le plus souvent cité est celui de la série « Dexter ». Avec l’aide d’agences
marketing et numérique, les créateurs de la série ont organisé des événements dans
plusieurs villes des Etats-Unis pour le lancement de la saison 2, puis développé une
websérie animée intitulée « Early Cuts » pour le lancement de la saison 4. La
websérie explore le personnage de Dexter, tente d’expliquer ces agissements et
dévoile les débuts de la série. Fin 2010, Dexter Interactive Investigation » est lancé
sur Youtube. Les internautes, dans la peau de Dexter, peuvent à leur tour résoudre
des enquêtes, trouver des indices et arrêter le meurtrier. Un site internet
« Showtime »,
des applications mobiles (iPhone, iPad) et des événements sont
proposés toute l’année pour tenir le spectateur en haleine. Un ARG (« The Hunter
Prey ») a également été crée pour le lancement de la saison 5 aux Etats-Unis. La
narration transmedia de Dexter se poursuit également et inévitablement sur les
réseaux sociaux. La page Facebook de Dexter compte 7 500 000 fans. Elle permet
notamment d’accéder à une boutique de produits dérivés en ligne. Le compte Twitter
est quant à lui suivi par 105 000 fans.
19
Le transmedia de fidélisation utilise tous les médias (numériques, sociaux,
traditionnels) disponibles pour entretenir le rapport avec les fans de la série, les
fidéliser et en toucher d’autres.
c) Le transmedia promotionnel
Il annonce la sortie d’un film et met en scène l’univers de ce film dans un processus
de promotion et de communication. Le film « The Dark Knight », deuxième opus des
débuts de Batman sortie en 2008 représente l’exemple type de transmedia
promotionnel. Cette hyperproduction hollywoodienne a bénéfice d’un budget
marketing dédié uniquement au développement de composantes transmedia. Au
lancement de la promotion du film, un ARG a crée l’événement. Puis une
quarantaine
de
sites
web
ont
été
développés,
dont
le
principal
«www.whysoserious.com ». Ces sites donnaient aux internautes les plus fidèles des
indices (sous forme d’énigme laissées par le Joker) pour découvrir en avantpremière des contenus du film (bande-annonce, extraits, teaser). Une campagne
20
marketing virale a été organisée pour entretenir l’impatience des fans de Batman
grâce à un jeu de pistes via de nombreux sites viraux crées à l’occasion. Cette
forme de transmedia dite promotionnelle relève alors plutôt du marketing que de la
production de contenus même si des contenus additionnels viennent enrichir le projet
en amont.
Les structures transmedia diffèrent donc selon le sujet et les intentions de leurs
auteurs. Quelque soit le type de projet, la multiplicité et la richesse des métiers sont
nécessaires à son bon déroulement.
La narration transmedia est par définition pluridisciplinaire et requiert des profils
multiples et complémentaires.
III)
La pluridisciplinarité narrative : une exigence de « nouveaux
métiers » ?
1) le décloisonnement des domaines d’activité
21
L’écriture transmedia peut être lue à l’aune de ce que Pierre Lévy définit en 1994
comme l’ère de « l’intelligence collective »9. Les nouvelles structures sociales
permettent la production et la circulation des connaissances dans une société
réticulaire. Les connexions donnent lieu à une mise en commun de l'information et
des connaissances. Chacun peut ainsi puiser dans l'expertise de l’autre pour
résoudre les problèmes de manière collective. Pierre Lévy affirme que dans cette ère
de connaissance collective, chacun peut transmettre ce qu’il sait dans son domaine
pour enrichir les connaissances des autres. L’enjeu n’est plus celui de l’accès mais
bien de
la reconnaissance des savoirs de chacun. L’écriture transmedia se
rapproche de ce concept dans la mesure où elle fait appel à des connaissances
interdépendantes.
Un projet transmedia existe uniquement si de nouvelles collaborations entre
informaticiens, producteurs « classiques » et designers issus du jeu vidéo se créent.
Chaque acteur détient une pièce du puzzle. Ces partenariats sont fondamentaux
pour aboutir à des œuvres qui ne relèvent pas uniquement d’effets techniques ni
d’un scénario bien amené mais qui réussissent à allier un style d’écriture, une
ergonomie, un design, des personnages, une histoire. Plutôt que de parler de
« nouveaux » métiers, il serait plus juste de parler de nouvelles méthodes de travail
et de nouvelles collaborations. Les métiers sont pour ainsi dire les mêmes, c’est la
façon dont ils se rencontrent qui est nouvelle.
9
Pierre Lévy, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994
22
2) Au cœur du projet : le producteur transmedia
En 2010, la PGA10 (« Producer Guilde of America » : association des producteurs
américains) a reconnu le métier de « producteur transmedia ». Ce nouveau métier
s’applique à celui qui produit un univers narratif sur plusieurs plateformes (film,
téléfilm, livre, BD, film ou série d’animation, contenus pour mobile, etc.) Ce nouveau
rôle officialisé marque un tournant important pour le secteur. Selon les termes du
PGA, le crédit de producteur transmédia est donné à la personne responsable
d’une partie
significative de la gestion du projet, de son développement, de sa
production et/ou de l’entretien de la continuité narrative à travers différents supports.
L’écriture doit anticiper le principe d’interactivité qui fait l’objet même des projets
transmedia. Peu à peu les auteurs pensent donc aussi la création et la narration de
manière interactive. A l’image de l’interactivité proposée dans l’univers transemdia
créé, le travail en équipe doit être collaboratif, proche et interactif. Un scénariste peut
par exemple travailler avec un spécialiste du jeu vidéo ou un ingénieur informatique.
Un projet transmedia exige des postes stratégiques pour organiser une équipe
cohérente et complémentaire. Ainsi, le producteur transmédia gère-t-il le budget et
surtout le relationnel. Même s’il s’agit d’un processus collectif, il joue le rôle du chef
d’équipe. Il doit maîtriser l’ensemble de la création transmédia : conception,
réalisation, production, animation de communauté et conception interactive. Il est le
garant de la cohésion du projet tout au long de sa réalisation ainsi que de son
exploitation. Il doit connaître les nouveaux modes de distribution pour travailler avec
10
Producers Guild of America (PGA) : La guilde des producteurs américains est une association qui
réunit les producteurs de films, les producteurs de télévision et les producteurs des Nouveaux
Médias. Elle compte plus de 4000 membres à qui elle fait profiter de nombreux services
(d’assurances, d’accompagnement et d’aide à la gestion des droits et crédits de production)
23
plusieurs diffuseurs : sites web, diffuseurs mobiles, cinéma, télévision, fabricants de
consoles de jeu.
3) Le strory architect et les métiers de l’animation
A l’image de Lance Weiler, un « story architect » est à la fois auteur, réalisateur,
producteur, chef de projet, designer d’architectures web, expert des médias sociaux,
spécialiste des nouveaux moyens de distribution et animateur de communautés. Ce
profil reste très rare puisqu’il nécessite une connaissance complète de l’écosystème
transmedia. Aujourd’hui, ces profils existent indépendamment les uns des autres et
coexistent sur des projets transmedia. Néanmoins, la génération Y (celle qui a
toujours connue Internet et les nouvelles technologies) commence à lancer des
projets de ce type grâce à des profils complets et riches d’étudiants formés à
l’informatique mais aussi à la conception, à l’écriture, à la production. Des sociétés
comme Prospexity11 ou Bigger than Fiction12 se lancent dans la réalisation et la
production de fictions transmedia et sont souvent codirigées par des jeunes issus de
la génération Y. L’envie de créer de nouvelles expériences, de proposer de nouvelles
histoires au public et d’inventer une nouvelle façon de raconter et de vivre des
fictions pousse cette génération à développer leurs propres sociétés.
Le projet transmedia évolue grâce et autour d’une communauté réunie autour d’une
même passion pour la thématique abordée. Cette communauté active attend d’être
guidée pour pouvoir interagir. L’animation de communauté est donc indispensable
dans des projets dits transmedia. Le community management se développe de
manière exponentielle à mesure que foisonnent les projets de ce type. Des
11
12
http://www.prospexity.net/
http://www.biggerthanfiction.com/
24
formations se multiplient pour apprendre aux community manager à bien gérer leur
communauté en ligne puisqu’ils représentent virtuellement la voix du projet. Dans
certains cas, ils incarnent les personnages de la webfiction. Leur rôle devient tout
aussi important que celui de l’auteur avec qu’ils travaillent étroitement. En effet, ils
sont chargés de faire vivre la communauté, de la faire interagir, de créer du contenu,
de modérer et de répondre aux attentes des internautes. Certains aspects de ce
nouveau métier s’apparentent à celui d’acteur qui donnerait la réplique à de
nombreux autres via une fiction transmedia. En ce sens, il semble être en passe de
devenir incontournable.
La narration transmedia modifie profondément le rapport du public à la fiction. Cette
nouvelle forme narrative inclut intrinsèquement le public (internaute, mobinaute,
spectateur,..) dans le processus transmedia. La ludification des contenus transforme
le spectateur passif en suiveur, passeur, créateur de contenus voire acteur du projet.
L’interactivité est le fer de lance de ces nouvelles formes narratives.
25
CHAPITRE 2
L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUELS PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ?
L’intention des projets transmedia n’est pas seulement de créer une histoire mais de
faire vivre une expérience. Dans ce sens, le spectateur-joueur ou « spectacteur » est
accompagné dans l’univers narratif. Il se crée alors une tension qui l’encourage à
rebondir sur tous les écrans pour suivre l’intrigue et en découvrir des éléments
inédits. L’interdépendance des supports médiatiques constitue la base des projets
transmedia. Un univers transmedia ne peut trouver et fidéliser une audience sur le
web uniquement s’il est parallèlement produits et diffusés sur d’autres écrans (TV,
cinéma, smartphones). Le spectateur se considère aujourd’hui comme son propre
directeur des programmes. Sa volonté de contrôler ce qu’il regarde, ce qu’il lit et ce
qu’il écoute redéfinit les rôles traditionnels des métiers du multimédia. Selon Eric
Viennot, l’expérience transmedia peut se résumer ainsi : c’est le film dont vous êtes
le héros ». Pour associer les termes « narration » et « interaction », David Cage
(créateur français de jeux vidéo) a développé le concept imagé de « narration
élastique ». Il propose une nouvelle forme d’arborescence. Selon lui, il ne faut pas
imaginer un arbre mais un élastique. « L’histoire écrite reste la colonne vertébrale
mais elle est élastique et le joueur, en fonction de ses actions, va pouvoir étirer cet
élastique, le rendre plus ou moins court, long mais aussi le déformer. L’élastique
conservera son milieu, son début et sa fin ».14
L’interaction totale est-elle envisageable, souhaitable ? A qui s’adresse ces types de
contenus interactifs transmedia ?
14
Podcast « La narration dans le jeu vidéo », http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narrationet-jeu-video-avec-david-cage-et-eric-v ; consulté le 10/06/2011
26
I)
Quels supports pour l’interactivité ?
1) L’ ARG : un modèle d’interactivité
Un Alternate Reality Game (ARG) est une fiction qui se joue dans la vie réelle et dont
les éléments narratifs nous parviennent par différents canaux. Ce type de jeu déploie
la logique transmedia à l’extrême puisqu’il s’agit d’une fiction qui se joue dans la
réalité et qui utilise tous les modes de communication (vidéos, blogs, sms, mails,
appels téléphoniques). « This is not a game » annonce l’ARG « The Beast »,
développé pour la sortie du film de Steven Speilberg « A.I. Intellgence Artificielle ».
Ce slogan mêle l’interactivité, la stratégie transmedia et la notion de « spectacteur ».
Chaque partie de l’histoire s’appuie sur les forces de chaque média. Les participants
peuvent avoir le pouvoir d’influencer le cours de cette histoire, comme dans un jeu
de piste. Ce procédé implique donc le déroulement interactif de l’histoire, les
nouvelles technologies et les joueurs en ligne.
Eric Viennot, créateur de l’ARG In Memoriam, parle de « fiction totale » pour définir
ce concept puisqu’il mêle le plus de media possible en mettant toujours le joueur au
centre de la narration. La fiction totale « tente de rompre avec l’esprit élitiste ou
amateur des ARG. Elle tente de les rendre plus accessibles et plus populaires.
Complémentarité des différents médias, simultanéité, cohérence, immersion, en sont
les principaux ressorts. »15
Les jeux vidéos et notamment les ARG semblent les plus adaptés pour mettre le
joueur au centre de la fiction et du jeu. Néanmoins, ces formats restent encore
réservés aux inconditionnels du jeu vidéo. L’immersion semble devenir le modèle de
production et de captation de l’attention. Un joueur vit une expérience immersive
15
http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia%C3%A0-la-fiction-totale.html
27
d’autant plus forte qu’il est lui-même actif dans le jeu. Il joue alors un rôle
déterminant dans la création, la transformation de l’univers fictif dans lequel il évolue.
Les jeux vidéo réussissent donc à allier l’immersion et la fidélisation de leur cible. Le
défi du transmedia réside alors dans la capacité à faire évoluer le « spectacteur »
dans un univers fictif proposé sur différents média et à capter son attention malgré
ces différents supports. Les ARG constituent donc a priori la forme le plus appropriée
pour vivre une expérience interactive quasi totale.
2) L’interactivité à la télévision
a) Les séries télévisées transmedia
L’interactivité à la télévision commence à émerger timidement. Les chaînes tentent
de reconquérir l’audience des jeunes générations qu’elles ont perdues petit à petit au
profit du web. En ce sens, la série télévisée semble le programme privilégié en
raison de sa capacité à créer des rendez-vous quotidiens avec l’audience. La
diffusion de séries télévisées interactives est de plus en plus fréquente, notamment
sous la forme d’épisodes courts.
Début 2010, TF1 lance sa première série transmedia : « Clem ». Le synopsis est le
suivant : Clem’, une lycéenne de 16 ans, apprend qu’elle est enceinte. Elle décide
alors d’allier sa vie de lycéenne et de mère. A travers son blog, elle partage les
événements de sa nouvelle vie. L’internaute est amené à participer en répondant à
des questions ouvertes sur les personnages et les choix qu’ils doivent faire. Des
teasers sont mis en ligne sur www.tf1.fr. Le public peut également suivre les vidéos
de Clem sur l’ensemble des plateformes de la chaine (My TF1, les applications TF1
IPhone et IPad, la chaine dédiée de Wat.tv), échanger avec les créateurs de la série
28
et les autres fans sur la page « fans de Clem » de Facebook, et accéder sur TF1
Vision à Clem saison 1. Avec 9,5 millions de téléspectateurs et 2,5 millions
d’internautes, la série connaît un réel succès. L’écriture de la saison 2 prend alors en
compte les internautes, leurs attentes et leurs centres d’intérêts. Ces nouvelles
formes d’écriture partagées émergent aujourd’hui à la télévision française. L’intérêt
transmedia de cette série est autant dans la multiplication des supports que dans
l’interaction avec les internautes. Quoique stratégiques pour leur avenir, les chaines
de télévision françaises n’ont semble-t-il pas pleinement intégré ces nouvelles
formes de narration dans leur modèle. Une série comme « Clem », même si elle se
définie comme transmedia, utilise les codes classiques d’une série télévisée. Le
scénario et le principe de narration ne se distinguent pas vraiment d’une série
classique. En France, les chaines de télévision créent des services nouveaux médias
pour s’adapter aux nouveaux usages des téléspectateurs.
En 2007, la chaine publique suédoise « Sveriges Television » lance une fiction
transmedia alliant série télévisée et ARG : « The Truth About Marika ». L’histoire met
en scène un homme à la recherche de sa jeune femme disparue le jour de son
mariage. Cette disparition semble faire écho à des dizaines d’autres qui se sont
produites dans les dernières décennies. Relayée par la télévision publique et par un
blog actif, les spectateurs étaient appelés à aider le jeune homme à retrouver sa
femme et à résoudre l’enquête. La frontière très mince entre la réalité et la fiction a
fait de ce programme une fiction totale dans la mesure où il impliquait directement
les spectateurs/joueurs avec une dimension participative très forte. La production a
été déployée sur les médias disponibles : télévision, radio, Internet et téléphones
mobiles. L’année suivante, le dispositif transmedia déployé a été récompensé par en
Emmy Award et un prix Europa.
29
b) Les enjeux de la télévision connectée
Avec l’apparition de la télévision connectée, de nouveaux services sont proposés
aux téléspectateurs. La personnalisation des programmes et l’interactivité transforme
profondément le rapport à la télévision. Le spectateur passe d’une relation
individuelle et passive à une relation interconnectée et active. La télévision
connectée
constitue
un
nouveau
débouché
pour
les
diffuseurs
et
les
programmateurs des chaines. Il s’agit désormais pour elles de développer des
programmes spécifiques, de les reformater pour ce nouveau mode de diffusion. « Ce
qu’il va être intéressant de voir se développer est la télévision connectée, avec des
programmes conçus pour Internet au sens large mais sur un média plutôt passif
d’usage collectif16 » soutient Nicolas Bry du TransmediaLab d’Orange. Même si la
télévision connectée reste encore minoritaire aujourd’hui, elle tend à devenir de plus
en plus présente et incontournable.
3) Les nouvelles formes de « transmedia activism»
a) Le webdocumentaire : l’information interactive
Le webdocumentaire n’est pas directement comparable à un projet transmedia dans
la mesure où le mot webdocumentaire « regroupe toutes les nouvelles formes de
reportage ou de documentaire interactif sur le web. S’il fallait proposer une définition,
se serait peut-être : un documentaire (film didactique), adapté au web, c’est à dire
16
Propos tenus par Nicolas Bry le 15/06/11 aux Cross Vidéo Days pour la conférence «
L’écriture numérique, révolution en marche »
30
qui utilise les outils du web (multimédia, interactivité) au service d’une narration. »17.
Le webdocumentaire pourrait faire l’objet d’un mémoire à part entière et il ne s’agit
pas ici de développer tous les enjeux de cette nouvelle forme de documentaire. Nous
dirons simplement que le webdocumentaire revêt un grand intérêt de participation de
l’audience en temps réel. L’internaute découvre les contenus au fur et mesure de son
exploration du site, objet artistique à part entière. Il peut en découvrir une partie puis
y revenir pour aller plus loin. Il peut interagir avec les autres internautes, partager
son avis sur le sujet traité. Les webdocumentaires les plus souvent cités comme
exemple de nouveau modèle d’information interactive sont Gaza/Sderot ou Prison
Valley. Quant au webdocumentaire de Bruno Masi et Guillaume Herbaut La Zone,
consacré à Tchernobyl et notamment au no man’s land qui entoure aujourd’hui les
restes de la centrale nucléaire, il se décline dans une installation photo-vidéo à la
Gaité Lyrique à Paris, un livre, une série de photoreportage dans Paris Match et un
blog.
Ces nouvelles formes d’écritures interactives et informatives promettent d’éveiller un
nouveau regard et donnent à voir des sujets parfois difficiles d’accès.
b) Susciter l’engagement grâce au transmedia
Le « transmedia activism » prend forme dans des projets multiplateformes qui visent
la prise de conscience et l’engagement pour une cause. Lina Srivastava, consultante
en stratégie transmedia, théorise ainsi le « transmedia activism »: « Il existe une
vraie opportunité pour les activists transmedia de sensibiliser et d’inciter à agir en
17
http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/ :
consulté le 15 septembre 2011
31
proposant des contenus sur des plateformes multiples à travers lesquelles le public
participe à une création » 18
Ces projets mettent en avant des causes humanitaires et sensibilisent aux
problèmes de société. Le projet I am this land, lancée par l’association humanitaire
Breakthrough, invite les citoyens à produire des vidéos sur le thème de la diversité
en Inde et aux Etats-Unis. Sous la forme d’un concours (les internautes votent pour
leurs vidéos préférées et le gagnant remporte 2,500$), ce projet incite le public à
participer, et à interagir pour l’égalité, la justice et la diversité.
L’association Invisible People propose de sensibiliser le public à l’histoire des sansabris aux Etats-Unis. Mark Horvath (lui-même un ancien sans-abri) diffuse les
témoignages des populations SDF sur plusieurs plateformes et invite les internautes
à réagir aussi bien virtuellement (Facebook, FlickR, Youtube) que dans leur vie
quotidienne. Ces projets humanitaires utilisent tous les ressorts du transmedia pour
toucher le plus grand nombre et ainsi susciter l’intérêt et l’engagement. Ces
exemples prouvent que le virtuel peut avoir un impact sur le réel.
c) Les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ?
Le jeu sérieux est une « application informatique qui combine une intention sérieuse
de type pédagogique, informatif, communicationnel, idéologique ou autre, avec un
environnement d'apprentissage prenant la forme d’un jeu vidéo, afin de transmettre
un savoir pratique ou de sensibiliser à un enjeu social. Ils sont classés selon cinq
catégories : les jeux publicitaires, les jeux ludoéducatifs, les jeux de marché, les jeux
engagés et les jeux d'entraînement et de simulation. »19
18
http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/ , consulté le 15 septembre
Définition du grand dictionnaire terminologique
http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp
19
32
Ecrivain, game designer et producteur de télévision, Lee Sheldon s’intéresse au
mécanisme narratif. Il travaille actuellement sur un jeu multi-joueurs pour joueurs
occasionnels (casual games) basé sur l’univers de Star Trek. Selon lui, le transmédia
consiste effectivement à écrire pour différentes plateformes en s’adaptant aux
spécificités de chacune. L’écriture transmedia doit prendre en compte l’utilisateur et
lui
proposer
une
cohérence
narrative,
visuelle
et
fonctionnelle.
L’aspect
communautaire et collaboratif, voire compétitif stimule le joueur et l’implique
davantage dans l’univers transmedia. Les jeux sérieux posent la question de
l’éducation ludique. Dans son livre, The Multiplayer Classroom, Lee Shaldon
s’intéresse justement à l’utilisation des jeux sérieux multi-joueurs en classe. Il
constate qu’il faut élaborer la compétition et la collaboration entre les joueurs, c’està-dire les interactions entre les gens. Les jeux sérieux se fondent sur le principe de
l’immersion. Ce principe immersif implique totalement le joueur dans l’univers. Dans
ce cadre immersif, il serait plus facile d’apprendre une langue puisque le joueur
serait entrainé dans un souk de Marrakech pour apprendre l’arabe ou chez un
marchand de thé chinois pour apprendre le mandarin.
James Bower, d’abord scientifique, (études sur le cerveau et sur le comportement
animal) a développé un programme éducatif scientifique. Il dirige également la
société Numedeon qui produit la plateforme de jeux sérieux scientifiques pour les 812 ans : Whyville. Pour lui, le transmedia ouvre la voie à la création et à la
nouveauté. Sans stratégie marketing, Whyville totalise 7 millions d’utilisateurs qui
restent en moyenne 35 minutes par session (contre 10 minutes sur Habbo.).
« L’apprentissage doit être actif, car c’est un processus actif qui agit sur sa propre
33
mémoire. La simulation permet d’interagir avec les choses ».20 Pour James Bower,
le transmedia storytelling n’est pas adapté à l’apprentissage pédagogique car il est
construit comme un cours. L’immersion proposée par les jeux sérieux allient
simulation, création et interaction pour inciter les joueurs à « trouver leurs propres
solutions plutôt que d’être confrontés à une évolution trop programmée, comme on la
trouve dans Sim City par exemple où l’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que
suivre les étapes prévues par le jeu”.21
Image : simulation de récif corallien.
Dans ce jeu, les enfants sont invités à identifier les espèces du récif corallien. En
faisant disparaitre l’une des espèces, les concepteurs ont introduit un jeu et une
compétition entre les enfants pour sauver le récif. Avec 2,3 millions de visites en
deux mois, le jeu a suscité un fort intérêt de la part des enfants qui ont appris à
reconnaitre 1 million d’espèces et se sont mobilisés activement pour sauver le récif
20
http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/,
consulté le 15 septembre
21
idem
34
corallien virtuel. Pour James Bower, « ce n’est pas le contenu qui compte ou son
design, mais le processus d’apprentissage ».22
Pour Monique de Haas, présidente de www.dondersteen.net, la simulation est un
critère nécessaire mais insuffisant. Les concepteurs de projets transmedia doivent se
poser la question des publics qu’ils veulent toucher. Ils doivent être en empathie
avec leurs cibles, c’est-à-dire comprendre leurs attentes, leurs besoins et leurs
comportements.
Comment faire en sorte que les projets transmedia s’ouvre à un public plus large ?
Cette ouverture est-elle souhaitée par les producteurs transmedia ?
II)
L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ?
1) Les raisons d’un faible engagement
a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public
Beaucoup de projets transmedia ne s’intéressent encore qu’au cœur des fans déjà
acquis, au détriment du public occasionnel ou de masse. Dans ce contexte, il
apparaît évident que les projets transmedia touchent avant tout un cœur de cible
minoritaire : les fans qui suivront assidûment et sur plusieurs écrans les aventures de
leurs héros ou personnages préférés, les gameurs pour les ARG...
Le terme même de « transmedia » ne jouit pas d’une grande popularité auprès du
grand public dans la mesure où il s’agit d’un terme plus ou moins marketé, utilisé
surtout par les acteurs du secteur. Dans le cadre de cette recherche, j’ai mené un
22
ibidem
35
sondage et interrogé un échantillon de 50 personnes. Les résultats mettent en avant
plusieurs points intéressants. D’abord, le mot « transmedia » n’évoque rien à 30%
des sondés et 40% disent savoir vaguement ce que ce terme signifie. Les univers
transmedia attirent particulièrement des cibles jeunes entre 16 et 30 ans. Pour la
moitié des personnes ayant répondu au sondage, l’expérience transmedia doit avant
tout permettre de se divertir. Pour 45 % de ces personnes, un projet transmedia doit
être interactif (via des commentaires, un partage, une action de l’internaute) mais
aussi leur apprendre de nouvelles choses sur une thématique précise. Cependant, à
la question, « quelles activités interactives voudriez-vous pouvoir réaliser dans le
cadre d’un univers transmedia ? », seulement trois personnes ont répondu en
mettant l’accent sur les outils de partage et l’ergonomie. Pour seulement 20% des
sondés, un projet transmedia doit être réaliste (histoire, cadre, personnages).
Finalement lorsqu’on leur demande comment pourrait se résumer le transmedia,
50% répondent qu’il s’agit ni plus ni moins d’un contenu de base avec des produit
dérivés, quand 40% pensent qu’il s’agit d’une réelle innovation pour le spectateur.
Ces réponses montrent une certaine confusion quant à la définition de ce qu’est
réellement le transmedia. La plupart des personnes interrogées pensent que c’est
une innovation importante mais ne sont pas convaincue que cette nouveauté
changera leur mode de consommation de contenus fictionnels.
b) … et des univers encore peu accessibles
Paradoxalement, le public est souvent immergé dans un univers transmedia sans le
savoir. La grande majorité des consommateurs de divertissements (cinéma, séries
télévisées, musique, jeux vidéo) quelque soit le support qu’ils utilisent (ordinateur,
Smartphone, tablettes, DVD) est déjà plongée dans l’univers transmedia. Un fan de
36
la série télévisée Dexter qui s’inscrit sur la page Facebook de la série et achète les
coffrets DVD en attendant la saison suivante consomme cet univers transmedia sans
s’en apercevoir et surtout sans se dire qu’il gravite dans un projet transmedia. Peutêtre est-ce justement cet méconnaissance du terme « transmedia » qui est
recherchée par les créateurs de programmes. Le propre d’un projet transmedia
consiste justement à plonger le public dans un univers multiplateforme sans qu’il en
soit réellement conscient. Le grand public expérimente rarement les univers
transmedia dans leur totalité. Parfois, le public ignore qu’il peut découvrir des
contenus sur d’autres plateformes. S’il a aimé un film, il ne sait peut-être pas qu’il
peut découvrir des scènes inédites sur un site ou qu’il peut participer à un
événement dans la vie réel en lien avec ce film. L’univers transmedia dans sa totalité
est connu des grands fans, un noyau qui représente le cœur de cible des créateurs
du projet.
En effet, la déstructuration narrative proposée par le transmedia peut déstabiliser le
spectateur voire le décourager. Le public est-il prêt à une consommation délinéarisée
et engageante, comme le propose le transmedia ?
Selon Stephan Jost, responsable business et innovation des nouveaux contenus
chez Orange, le public français n’est pas encore prêt à cette forme de contenu qui
l’invite à s’engager et qui brouille les frontières entre fiction et réalité. Il faut se méfier
du microcosme parisien qui connaît les rouages de ce secteur et ne pas oublier que
ces modes de consommation restent encore minoritaires. Un travail d’éducation est
nécessaire. La stratégie de communication du groupe Orange s’appuie sur cette
volonté d’accompagnement dans la vie numérique du grand public. L’entreprise
propose d’être le coach numérique de ses clients en leur offrant l’expérience la plus
« fluide et sécurisée possible ».
37
En effet, tant pour les concepteurs et producteurs d’univers transmedia que pour le
public, un accompagnement s’avère nécessaire à la compréhension des nouveaux
enjeux liés à cette nouvelle façon d’écrire des histoires.
2) Apprentissage et médiation du transmedia
L’effervescence et le bouillonnement d’idées liés au sujet du transmedia laissent
entrevoir de la confusion dans un secteur encore imprécis. Ce manque de cohésion
dû à la nouveauté et au caractère inédit de chaque projet va à l’encontre de la
richesse des possibilités que proposent d’offrir le transmedia. De plus, cela ne
favorise pas la visibilité des projets pour le grand public.
Il s’agit alors d’imaginer des événements dédiés aux professionnels (cela est de plus
en plus le cas) pour inventer de nouvelles façons de travailler ensemble dans le but
de faire connaître ces projets au public le plus large.
a) La multiplication des journées dédiées au transmedia
Sur le modèle des TEDx Transmedia
ou des DIY Days aux Etats-Unis, les
Transmedia International Masterclass ont eu lieu à Marseille en mai dernier.
Organisées par le CNAM (Centre National des Arts et Métiers), ces trois journées de
conférences ont permis aux professionnels du secteur de se rencontrer, d’échanger
sur les enjeux du transmedia, et d’imaginer de nouvelles collaborations. De
nombreuses autres journées dédiées à la production et la création transmedia se
sont déroulées en France, notamment à Paris : les Cross Vidéo Days, les
conférences du TransmediaLab d’Orange ou de l’INA Sup, celles de Paris 2.0…
Toutes ces journées de conférences, de débats et de retour d’expériences prouvent
que le secteur est en pleine ébullition et en plein foisonnement. La multiplication de
38
ces conférences prouve également que les nouveaux enjeux liés au transmedia sont
en train d’être façonné et que la création française est riche d’idées à mettre en
œuvre.
b) Un festival national du transmedia ?
Il manque néanmoins en France un événement majeur et fédérateur autour du
transmedia. A l’image du festival des scénaristes de Bourges ou du Festival du
cinéma de Cannes, il serait envisageable de créer un festival annuel du transmedia
qui deviendrait le rendez-vous incontournable des acteurs du secteur, et le ferait en
même temps connaître du grand public. Des débats, conférences, ateliers d’écriture,
recherche de financement et présentation de projets, organisation d’un palmarès,
peuvent être imaginé pour fédérer le milieu du transmedia. Ce rendez-vous serait
l’occasion de découvrir de jeunes talents et de donner leurs chances à de nouveaux
projets.
c) Des formations universitaires dédiées
Faute de formation et d’encadrement, les professionnels du secteur se réfèrent
souvent aux modèles américains pour imaginer leurs projets. Il serait intéressant
d’imaginer des formations dédiées au transmedia dans les écoles et les universités
françaises. Des masters professionnels qui associeraient écriture, réalisation,
production pour des publics sensibles aux enjeux artistiques et économiques du
numérique. Ainsi, une personne pourrait maitriser tous les enjeux de la production
transmedia et travailler avec des spécialistes de domaines qu’il maitrise moins.
39
d) Les « curateurs » et les « community managers »
Pour favoriser la solidarité et la cohésion d’une communauté autour du transmédia,
les curateurs sont indispensables. Ils utilisent les nouveaux médias pour partager et
diffuser des contenus de qualité puisque choisis, sélectionnés et vérifiés.
La curation permet de communiquer sur un projet tout en s’assurant de la qualité de
la diffusion de l’information grâce au statut d’expert du curateur auprès des membres
de la communauté. Le curateur met en valeur les différents talents dans l’écriture, le
design ou la production transmedia. Les projets transmedia doivent également être
relayés sur les réseaux sociaux par des community managers. Les personnages des
univers transmedia ont souvent une présence sur les réseaux sociaux (Facebook,
Twitter, FlickR) pour pouvoir interagir avec le « spectacteur ». Le travail de
modération peut alors s’avérer essentiel. Pour pallier la « peur de s’impliquer » dont
parle Michel Reilhac, il est nécessaire d’accompagner le public et de proposer des
expériences nouvelles et originales.
La création transmedia vit sa genèse. Pour imaginer le futur des univers transmedia,
il faut expérimenter différents modèles économiques, mixer les financements et
travailler avec de nouveaux acteurs. Ainsi, le modèle économique du transmedia
connaît-il une phase d’exploration. Quels acteurs peuvent intervenir légitimement
dans le financement de production transmedia ? Faut-il plutôt développer des univers
« grand public » ou des univers plus fermés qui toucheront des niches ? La
problématique marketing se pose aussi pour le transmedia car le rôle des
annonceurs s’affirme de plus en plus. Pour les marques, le transmedia est un enjeu
de communication actuel et décisif ; il est moins coûteux de fidéliser un public que
d’en acquérir un nouveau ou de l’élargir.
40
Il ne fait pas de doute qu’il n’existe pas de modèle unique pour le transmedia et que
chaque projet doit, pour respecter la cohérence du fond et de la forme, trouver son
modèle parmi différentes solutions économiques.
41
CHAPITRE 3
QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ?
Le rapport du public aux contenus de divertissement change. Le spectateur ne veut
plus être passif devant un écran ; il devient acteur et maitre de ce qu’il regarde. La
création et la production de contenus transmedia sont en plein foisonnement. Les
acteurs des secteurs du divertissement s’accordent pour affirmer qu’un nouvel
univers médiatique commence à émerger avec le transmedia et qu’il est important de
s’adapter aux nouveaux usages et attentes du public.
Or, par définition, un projet transmedia touche différentes industries créatives en
même temps ; la multiplication des supports est l’essence même d’un projet
transmedia. La production transmedia a cela de novateur qu’elle doit produire des
contenus de qualité adaptés à chaque support. Cette particularité est à la fois une
force et une faiblesse. Une production transmedia peut en effet être source de
revenus à partir de plusieurs types de produits d’univers (film, du jeu vidéo, web
sériie, bandes dessinées) qui ne sont pas de simples produits dérivés de l’œuvre
originale. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas un modèle économique unique
mais que chaque production transmedia doit faire l’objet d’une réflexion en amont
pour définir la meilleure façon de la financer et de la rentabiliser.
Les modèles économiques peuvent aussi se compléter pour répondre aux exigences
de coût d’une production. Une marque peut intervenir dans le financement d’une
production transmedia : le « brand content » semble devenir une solution
économique qui profite aussi bien aux producteurs (dans certaines mesures, nous y
reviendrons) qu’aux annonceurs eux-mêmes. Mais de nombreux autres modes de
financement sont possibles et à imaginer.
42
Alors, comment créer des projets riches, innovants et pertinents avec des modèles
économiques divers ? Quels sont les nouveaux modes de financement liés à la
narration transmedia ?
I)
Des modèles économiques en cours de définition
1) Les nouveaux besoins de la création transmedia
La création transmedia appelle une redéfinition des enjeux du paysage médiatique
traditionnel. En s’adaptant aux nouveaux usages, elle crée en même temps de
nouveaux besoins, notamment financiers. De nouveaux outils de financement
commencent à se développer : le « branding » ou « co-branding » (financement par
une marque), le placement de produit, le « crowdfunding » (financement par le
public), les régies publicitaires, les éditeurs mobiles... Ces nouveaux acteurs
viennent s’ajouter aux acteurs traditionnels de la production audiovisuelle.
Acteurs traditionnels et nouveaux acteurs dans le financement des programmes23
23
Inspire du slide du power point cree pour le keynote Cross Vidéo Days, keynot d’ouverture de
Romain Drosne de la societe Plinkers, aux Cross video days du 15/06/2011,
http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed
43
a) Les financements traditionnels
Si la création transmedia appelle à un renouveau du modèle économique des
secteurs du divertissement, celle-ci peut aussi compter sur les modèles traditionnels
existants. Une structure publique comme le CNC (Centre National de la
Cinématographie, aujourd’hui Centre national du cinéma et de l’image animée)
s’adaptent aux nouvelles formes de création liées aux nouvelles technologies.
Comment cette structure contribue-t-elle au financement de la création numérique ?
En 2007, le CNC a ouvert un fonds dédié spécialement aux nouveaux médias et à la
création numérique pour aider les producteurs mais aussi les auteurs de contenus
dédiés au web. Depuis la création de ce fonds, 700 projets ont été déposés parmi
lesquels environ 200 projets (dont la moitié transmedia) ont été financés pour un
montant total de six millions d’euros. Guillaume Blanchot, directeur multimédia et
industries techniques au CNC, rend compte d’une seconde évolution importante du
CNC, à savoir « la parution de textes sur le mécanisme du COSIP, mécanisme quasi
industriel mis en place à la fin des années 80 pour soutenir l’industrie de la
production télévisuelle. »24 Depuis peu, un producteur n’est plus obligé d’être
soutenu par une chaine de télévision pour disposer d’un compte de soutien
automatique au CNC, il peut l’être par un ou plusieurs services Internet.
Fondée en 1777 par Beaumarchais, la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs
Dramatiques) gère les droits de 48 000 auteurs de manière collective. Cette société
s’attache également à soutenir et à promouvoir la création contemporaine et les
nouveaux formats web. A travers un partenariat avec Orange, l’association
24
Conférence Cross vidéo Days du 16/06/2011
44
Beaumarchais - SACD, soutient financièrement les auteurs de formats innovants et
transmedia. Cette bourse récompense une dizaine de projets favorisant une écriture
novatrice, mêlant interactivité, éléments linéaires et non linéaires et multi-supports.
Les premières bourses, d’un montant de 7 000€ chacune ont été attribuées en avril
2010 à dix projets interactifs, trans- ou cross-media.
b) Le financement participatif ou crowdfunding
Le crowd-funding est une « approche permettant le financement de projets en faisant
appel à un grand nombre de personnes ordinaires (internautes, réseaux de contact,
amis, etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces
investissements permettront de financer des projets qui auraient potentiellement eu
de la difficulté à recevoir un financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.).
Grace aux réseaux sociaux et aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile
et peu couteux de rejoindre un grand nombre de personnes potentiellement
intéressées à soutenir des projets. »25
Les sites dédiés à l’économie contributive de projets culturels fleurissent sur le web.
A l’image des sites de « crowdfunding » « MyMajorCompany » pour la musique et
« MyMajorCompanyBooks » pour le livre, il pourrait être envisageable de créer une
plateforme de financement par les internautes dédiée aux projets transmedia. Ce
système de financement serait d’autant plus cohérent que le principe du transmedia
est d’intégrer le public dans son univers. En amont de la production d’une œuvre
transmedia, le public pourrait donc aider le financement du projet pour accéder en
exclusivité à des informations, des avant-premières, des indices… La phase de
production ferait alors partie intégrante de l’histoire.
25
http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding, consulté le 22 septembre
45
Dans cette idée, le site de production collaborative www.kisskisskankkank.fr propose
aux créateurs (photographes, réalisateurs, journalistes indépendants, musiciens,
écrivains…) de collecter des fonds pour mener à bien leurs projets. En fonction de
son investissement, l’internaute reçoit une contrepartie (son nom dans les
remerciements, une dédicace, un exemplaire du projet, une invitation). Il s’agit
d’ouvrir la production à d’autres modes de financements et de faire des internautes
les sociétaires du projet. Ces nouvelles formes de financement, même s’il s’agit de
micro financement, montrent un réel engouement et une volonté de soutenir la
création numérique et sont vouées à se développer de manière significative.
c) Les abonnements et autres formes de financements
Le financement de projets transmedia intervient en amont de la production mais doit
pouvoir continuer après la sortie du projet pour le rentabiliser. Les modèles payants
se déclinent sur plusieurs formes.
La VAD (vidéo à la demande) permet à l’utilisateur d’acheter ce qu’il veut
regarder de manière illimitée. Dans le cas de projets transmedia, il pourrait être
envisageable de faire payer un accès aux contenus sur certaines plateformes, soit
sous forme d’achat soit sous forme de location.
Laisser le spectateur payer ce qu’il veut peut être une autre forme de modèle
économique. Néanmoins, celui-ci exige de définir en amont les demandes et les
comportements du spectateur. Les modèles économiques doivent également être
pensé en rapport au temps de la narration. Un internaute ne s’engagera pas à payer
s’il sait qu’il ne reviendra pas dans l’univers de la fiction. La contribution du
spectateur peut dans ce cas intervenir de manière sporadique tout au long de
l’histoire.
46
Le micro paiement semble être une solution pour les projets transmedia qui ne
peuvent pas garantir un bon retour sur investissement. L’internaute paye alors une
petite somme par période. En France on compte 59 millions d’abonnés mobiles et 39
millions d’internautes. Un utilisateur mobile sur 3 se connecte à l’Internet mobile
régulièrement et même plusieurs fois par jour s’il possède un smartphone. L’achat de
contenus et de services mobiles s’intensifie : un mobinaute sur deux (48%) a déjà
effectué un achat sur l’Internet mobile. La solution du micro paiement est
envisageable selon trois types différents : le paiement à partir d’une carte bancaire ;
le paiement sur facture opérateur, le paiement via un compte (iTunes, Paypal,
Amazon). Le micro paiement sur facture semble une bonne solution. Elle permettrait
aux producteurs de travailler avec un opérateur mobile et chaque partie prenante y
trouverait un intérêt : fidélisation et simplicité de paiement.
Le paiement par contrepartie est une déclinaison plus incitative du micro
paiement. Le consommateur paye pour obtenir quelque chose d’inédit. Un système
de point peut être imaginé pour fidéliser le spectateur. Plus il participe à l’univers
transmedia (via une simple connexion, une participation ou une interaction), plus
l’accès à d’autres contenus est enrichi. Dans tous les cas, le paiement ne doit pas
venir interrompre la relation entre le joueur et l’univers ; il doit rester discret et
incitatif. L’internaute aura peut-être besoin de temps pour passer au modèle payant
dans l’univers du tout accessible et gratuit qu’est le web, mais s’il s’agit de contenus
créatifs de qualités, il n’est pas sûr qu’il ne suive pas le processus.
d) Le modèle gratuit est-il recevable ?
Plusieurs raisons sont avancées en faveur du modèle gratuit pour un projet
transmedia. C’est d’abord une manière de valoriser l’image de la société qui a conçu
47
le programme. La reconnaissance, le prestige obtenu, gage de qualité et d’originalité,
peuvent faciliter l’attraction de « participants » dans le projet et donc favoriser la
naissance d’une communauté. C’est également un moyen de valoriser les personnes
qui ont fait naitre et vivre le projet. Des équipes qui travaillent parfois pour une faible
rémunération sont reconnues pour leur expertise et leur savoir-faire. Ce modèle
s’applique surtout aux projets initiés par des étudiants qui débutent et qui n’ont pas
nécessairement les moyens de développer un budget conséquent dans un premier
projet.
Mais le modèle gratuit s’applique aussi en fonction du thème développé par le projet.
S’il s’agit d’un projet de diffusion du patrimoine intellectuel au plus grand nombre,
alors il paraît peu probable d’envisager un autre modèle que celui de la gratuité.
e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts
Le coût d’une production d’un projet transmedia reste encore très élevé. Des
solutions peuvent être trouvées pour rentabiliser et mutualiser ces coûts.
Il est important de produire un projet transmedia réutilisable et exploitable à nouveau
pour un autre projet. Plusieurs sociétés ou agences développent donc des solutions
informatiques et des logiciels qu’elles revendent à d’autres. Cela permet en fait
d’assurer un revenu pour continuer à créer de nouveaux projets. Honkytonk (société
spécialisée dans la création web) a développé un logiciel de montage appelé Klynt.
D’abord utilisé en interne puis ouvert à des non-initiés pour briser la barrière
technique qui représente un frein à la création, le logiciel leur aurait permis de «
diviser par trois les coûts du développement web de chaque création, coûts qui
représentent, en général, 30% à 40% du budget global ».
26
26
Certaines sociétés de
Propos d’Arnaud Dressen, cofondateur de Honkytonk, http://numerico.wordpress.com/, consulté le
48
production deviennent éditrices de logiciels de montage à destination des
professionnels. Honkytonk projette de commercialiser le logiciel Klynt au prix d’autres
logiciels professionnels du même type (Final Cut Pro ou Photoshop).
Cette méthode permet à ces sociétés de gagner du temps, de mutualiser le savoirfaire et de rentabiliser leur production.
La coproduction présente une solution très intéressante dans le cadre de projet à
très grand budget. Plusieurs pays peuvent s’associer (avec un investissement plus
ou moins grand) pour coproduire un projet transmedia. On pourrait alors imaginer
une coproduction entre la France (CNC) et le Canda (FMC, Fonds des Medias du
Canada) sur un sujet de francophonie ou un sujet de fiction novateur.
L’idée d’une coproduction permettrait d’ouvrir la création à la diversité et à la
richesse des expériences étrangères. En effet, étudier les exemples de production
transmedia à l’étranger en matière de création et de modèle économique est
essentielle pour enrichir son propre propos.
2) Les politiques publiques étrangères pour le financement
de la création
a) Le réseau « creative england » : un financement régionalisé
Après la suppression en juillet 2010 du « UK Film Council » qui finançait le
développement de l’accès du public au cinéma via les « Screen Agencies », les
agences régionales de soutien au cinéma ont crée le réseau « Creative England ».
Le 1er décembre 2010, le ministre de la culture, de la communication et des
industries créatives Ed Vaizey annonce la création d’une structure plus simple, plus
efficace dotée d’attributions élargies pour soutenir l’industrie créative en Angleterre.
49
Cette structure sera opérationnelle dans le courant du mois d’octobre 2011.
S’appuyant sur le travail des « Regional Screen Agencies », « Creative England »
aura pour mission de soutenir et d’encourager la création de film, de programmes
télévisuels, de l’industrie du jeu et des medias digitaux, en dehors de Londres. Le
budget 2011-2012 de cette nouvelle structure se construit en deux temps. « Creative
England » reçoit un budget initial de £900.000 de la part de la BFI (British Film
Institute) et £1M de la part de la Big Lottery Funds (une institution crée par le
gouvernement en 2004 et dotée d’un fonds de £630M destiné aux « bonnes
causes »).
b) Le modèle économique du Canada (FMC et INIS)
Véronique Marino, consultante en développement d’affaires électroniques et
directrice du programme Médias interactifs à l’INIS (centre de formation
professionnel) au Québec, explique : « au Canada, avant 2009, le web était
directement rattaché aux programmes TV. Pour pouvoir créer des sites internet, il
fallait développer aussi des programmes TV. En 2009, le gouvernement fédéral
instaure le contraire. Les producteurs de télévision doivent donc proposer aussi du
web
enrichi.
C’est
un
traumatisme
pour
eux ».
27
L’INIS essaye d’accompagner les professionnels de l’audiovisuel dans le
changement lié aux nouveaux médias. A travers des programmes d’écritures de
réalisation, de production exclusivement orientés vers les nouveaux médias, les
étudiants et les professionnels peuvent approfondir leurs talents tout au long de leur
carrière. L’INIS peut être comparable à l’INA Sup en France.
27
Propos de Véronique Marino, conférence InaSup « Transversalité de l’écriture et du
financement : le transmedia est-il l’avenir de la télévision » ? , le 26 avril 2011
50
Quant au fonds des médias du Canada (FMC), il verse des aides précises pour des
projets transmedia. En 2011, la dotation s’est élevée à 100M$. Néanmoins, ce
fonctionnement pose un problème : la création est conditionnée en fonction du
nombre d’élus gouvernementaux. S’il n’y a pas de dotation, il n’y a pas de travail de
création possible.
c) Un fonds européen de la création ?
Le programme européen MEDIA existe depuis 1996. De 1996 à 2000 les projets
multimédia étaient soutenus grâce à des avances sur revenus. Les sommes
pouvaient atteindre 250 000 euros pour la production de projets multimédia. Mais ce
modèle a échoué car il n’était pas adapté aux productions de l’époque. Le nouveau
programme mis en place de 2000 à 2006 était basé sur un soutien à des projets
individuels. Mais en 2007, le programme n’a reçu que 17 candidatures. En 2008, un
plan particulier est crée : c’est le soutien aux travaux interactifs. Le budget de ce
nouveau plan s’élève à 2,5 millions d’euros. Des bourses allant de 10 000 à 150 00
euros
sont
destinées
à
soutenir
directement
les
producteurs
européens
indépendants. Plusieurs critères de sélection régissent ce nouveau programme.
MEDIA vise à renforcer et à développer l’industrie cinématographique et
audiovisuelle ainsi que les œuvres interactives en Europe. Il cherche donc
l’originalité artistique et technique à travers des prototypes. Les projets doivent être
interactifs et faire preuve d’un potentiel de commercialisation européen. Le
producteur doit également garantir les droits sur le concept de son projet. L’essentiel
des activités du programme Media se concentre sur les projets interactifs
numériques transmedia qui complètent des projets audiovisuels traditionnels
51
(cinéma, télévision, livre). Le programme a notamment soutenu le projet
« Prodigies », développé par Orange.
En France, trois structures du programme MEDIA existent : Media Desk France,
Media Strasbourg, Media Marseille.
II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ?
1) Le brand content : une nouvelle image de(s) marque(s)
Le « brand content » fait partie des nouvelles formes de financement de la création
de contenus. En finançant la production d’un jeu, d’un univers transmedia ou d’une
websérie, une marque valorise son image et s’assure une visibilité sur plusieurs
medias. En mars 2011, SFR participe au financement de l’ARG « Can you stop
it ? » dans le cadre de Lille 3000 (grand projet culturel lancé par la métropole depuis
2004). L’enjeu est simple : sauver la ville d’une prophétie destructrice. L’aventure se
joue sur le web, sur mobile mais aussi dans la réalité de la ville de Lille. L’idée est
de faire découvrir la ville en se servant des différents médias de l’ARG. Pour SFR, la
participation à un tel projet transmedia représente un atout de communication et
d’image indéniable. SFR est une marque résolument tournée vers une cible jeune.
Leur rôle dans le financement d’un ARG est cohérent avec leur positionnement
marketing. L’idée de la marque, au-delà de la participation à un projet novateur en
France, est aussi de valoriser son image et a fortiori de fidéliser ses clients voire d’en
recruter de nouveaux.
Riad Sattouf, réalisateur du film Les Beaux Gosses et auteur de BD s’associait en
juin 2010 à la BNP Paribas pour sa nouvelle websérie « Mes Colocs ». Les
aventures de quatre colocataires (Valentine, Sacha, Mustapha et Simon) ont été
52
suivies sur Youtube, Dailymotion et Facebook (qui totalise 46 000 fans aujourd’hui).
Les épisodes ont été visionnés plus de 15 millions de fois depuis leur sortie. Le
dispositif de communication de BNP Paribas s’adresse avant tout aux jeunes. En
parallèle, une campagne de publicité (déclinée sur Youtube, Hotmail, Deezer,
Skyrock, Letudiant.fr) met en avant les offres bancaires à destination des jeunes, de
juin à septembre : moment de rentrée scolaire et d’installation pour les étudiants.
Aider à financer la production d’une websérie s’avère une stratégie de
communication innovante pour une banque. Le logo de la BNP n’est apparu qu’au
neuvième épisode comme pour créer un effet de surprise tout en conservant un
certain recul.
Un autre exemple de « brand content » à citer est celui du groupe Orange. La
marque déploie en effet de nombreux partenariats dans ce sens. L’expérience
transmedia Fanfan2, développée avec Alexandre Jardin, peut être citée comme
exemple. La parution du roman Fanfan2 a fait l’objet d’une suite numérique et
transmedia dans laquelle les internautes (renommés fanfanautes pour l’occasion)
pouvaient suivre et participer tous les jours et en direct aux aventures romanesques
et amoureuses du personnage principal. Les internautes pouvaient interagir via un
site internet, une application iPhone, iPad, plusieurs comptes Facebook et Twitter. A
travers cette expérience transmedia, Orange prouve qu’il devient un acteur majeur et
incontournable du « brand content » qui souhaite développer son soutien à la
création numérique.
Le « brand content » est donc une nouvelle façon pour les auteurs et les producteurs
de mener à bien ensemble des projets numériques innovants. Cette solution semble
satisfaire les deux parties prenantes : le producteur peut aller au bout de son projet
grâce au soutien financier d’une marque qui valorise son image. Mais cette solution
53
n’est pas toujours acceptée par les producteurs qui craignent que la marque impose
ou refuse des choix éditoriaux contraires à ses valeurs.
2) Le placement de produit et le sponsoring
Une marque peut financer un projet transmedia par le système du « brand content »
mais également par celui du placement de produit. Selon un sondage YouGov,
commandé par l’agence anglaise « Social Media » paru en août 2010 au RoyaumeUni, 42% des 18/24 ans veulent savoir quels sont les produits dans leurs
programmes préférés (vêtements, musique, accessoires).28 Cette technique du
placement de produit semble donc une opportunité non négligeable pour les
marques. Très utilisé dans la production cinématographique, il permet de compléter
les budgets de production. Cette technique consiste à mettre en scène un ou
plusieurs produits identifiables à une marque au sein d’un univers narratif, lui
assurant par ce biais une grande visibilité en échange d’une participation financière.
Il va sans dire que la cohérence entre l’univers narratif, la cible et la marque choisie
est indispensable. Un exemple significatif est celui du projet The Inside Experience
financé par Intel et Toshiba. Film social dans lequel l’héroïne séquestrée n’a d’autres
moyens de communication avec l’extérieur qu’un ordinateur portable Toshiba
Satellite P775.
Le sponsoring d’événements peut également être une solution plus ponctuelle pour
un projet transmedia. Il s’agirait en effet pour une entreprise de financer
matériellement ou techniquement un événement interactif lié à un projet transmedia.
28
http://www.plinkers.fr/2011/06/15/presentation-keynote-douverture-des-cross-video-days/;
54
Par exemple, une marque comme Ikea pourrait financer la mise à disposition de
meubles ou d’éléments de décoration dans le cadre du lancement d’un projet
transmedia. Une entreprise pourrait financer matériellement et/ou techniquement une
partie plus événementielle de l’expérience interactive. Tout en valorisant son image,
elle collabore à une mise en scène originale et de qualité sur un projet transmedia
événementiel plus facilement accessible par les gens
Toutes ces pistes de réflexion peuvent être prise en compte et approfondies pour la
réalisation de projets concrets. Ces modes de financement peuvent se conjuguer
pour assurer le succès de projets transmedia créatifs.
55
CONCLUSION
Si la narration transmedia marque un profond changement dans le mode de création
et de consommation de projets interactifs numériques, il reste encore en pleine
élaboration. Entre enthousiasme et incertitude, les acteurs du transmedia ne peuvent
nier qu’il existe un nouvel enjeu lié aux usages et aux attentes du public.
L’interactivité fait partie de ces nouveaux enjeux. Loin d’être un simple effet de mode
marketing, la narration transmedia répond aux nouveaux besoins de consommateurs
de contenus culturels, informatifs et interactifs. Si l’audience n’est peut-être pas
encore prête à s’engager pleinement dans des projets transmedia purement
interactifs, elle cherche en tout cas à s’impliquer dans ce qu’elle regarde, écoute ou
lit. La genèse de cette nouvelle expérience créative laisse entrevoir des opportunités
d’avenir tant pour les auteurs et producteurs que pour les diffuseurs et les marques.
Des projets transmedia de plus en plus novateurs voient le jour dans le but de créer
des changements de comportements, de sensibiliser l’audience à des causes, de
développer l’apprentissage. L’activiste Jane McGonial préconise par exemple de
convertir l’engagement virtuel des joueurs en engagement social réel. A travers son
projet Evoke, elle essaye de promouvoir l’entreprenariat social en Afrique. La
narration transmedia ne servira pas seulement l’intérêt marketing des marques, mais
proposera un nouveau mode de consommation de contenus : un mode participatif et
interactif. Ces nouvelles méthodes restent encore à créer et à produire car la
narration transmedia exige des connaissances élargies dans les domaines du
numérique, de la création et de la production de contenus.
La production transmedia en France doit également faire face à une phase
d’exploration liée à son modèle économique. Un modèle unique ne peut être
56
privilégié. Il s’agit surtout d’expérimenter plusieurs formes de financement et peutêtre aussi, de la part des diffuseurs, de prendre plus de risque. La narration
transmedia ne sera mise en valeur que lorsque les créateurs eux-mêmes (auteurs,
producteurs..) auront su faire connaître leurs projets à travers une médiation et une
communication claire. Mais surtout lorsque les modèles économiques auront fait leur
preuve.
L’avenir réside sans aucun doute dans la multiplication des sources de financement :
le cofinancement de différents pays, le crowdfundind, le crowdinvestment. A l’image
du nouveau projet australo germano-finlandais Iron Sky. La narration transmedia
ouvre une porte aux entreprises qui souhaitent valoriser leur image en finançant des
nouveaux projets interactifs. La stratégie de communication des marques évolue
avec le transmedia. Néanmoins, pour le moment, seules les grandes marques à fort
capital peuvent s’associer à des projets à gros budget.
A l’avenir, la narration transmedia se transformera peut-être en ce que Michel
Reilhac appelle la « réappropriation du récit par la collectivité ».
57
BIBLIOGRAPHIE
BRUNER Jérôme, Pourquoi nous racontons-nous des histoires? Le récit au
fondement de la culture et de l’identité, Pocket coll. Agora, Paris 2005
JENKINS Henry, Convergence Culture: Where Old and New Media Collide (NYU
Press, revised 2008).
Ouvrage de référence sur le sujet. De nombreux exemples rendent l’ouvrage très
accessible, meme en anglais.
LEVY Pierre, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994
ROSE Frank, The Art of Immersion: How the Digital Generation Is Remaking
Hollywood, Madison Avenue, and the Way We Tell Stories (W.W. Norton & Co.,
2011).
SALMON Christian, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater
les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008.
Un ouvrage très utile pour prendre du recul. Très critique envers le storytelling
politique, Christian Salmon s’intéresse à la manipulation. Même s’il n’aborde pas
directement le transmedia, cet ouvrage fait référence sur le sujet.
WEBOGRAPHIE
1) Sites Internet dédiés aux problématiques transmedia
http://www.transmedialab.org/
Site internet incontournable dans l’analyse des problématiques transmedia : études
de cas, analyse, rendez-vous professionnels.
http://story-playing.com/
58
« Il était une fois, des histoires à jouer », c’est la Baseline de ce blog très riche qui
étudie les nouveautés françaises et internationales en matière de transmedia et
surtout de jeux vidéo.
http://www.cnc.fr/web/fr
Le site web du CNC permet de comprendre les enjeux du financement de projets liés
aux nouveau médias
http://www.yousuckattransmedia.com/
Le blog de Christy Dena est une mine d’informations. Auteur d’un Phd sur le
transmedia, c’est une actrice incontournable du secteur.
2) Articles d’analyse sur le transmedia
Transmedia Storytelling, par Henry Jenkins. Consulté le 10 avril 2011
http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/
Contenus web et transmedia : l’interview au transmediaLab, par Dan Benzakein.
Consulté le 10 avril 2011
http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notreinterview-au-transmedialab/
Blog de Michel Reilhac, directeur cinéma Arte France
Transmedia : une prophétie. Palmarès Magazine. Consulté le 15 mai 2011
http://michel-reilhac.blogs.arte.tv/2011/04/20/transmedia-une-prophetie/
Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ?, par Hubert Guillaud.
Consulté le 10 juin 2011
59
http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/
Transmedia : la convergence des contenus, par Hubet Guillaud. Consulté le 20 mai
2011
http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/
Du transmedia à la fiction totale, par Eric Viennot. Consulté le 20 mai 2011
http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia%C3%A0-la-fiction-totale.html
Qu’est-ce-qu’un webdocumentaire ? Consulté le 15 septembre 2011
http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/
5 examples of Transmedia Activism, par Brannon Cullum. Consulté le 15 septembre
http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/
Power point de Romain Drosne (société Plinkers) crée pour le Cross Vidéo Days du
15 juin 2011, consulté le 29 mai 2011
http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed
Définition du crowdfunding sur Ekopédia, consulté le 22 septembre
http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding
Klynt, la solution pour la création sur internet, par Yoan Hentgen. Consulté le 25
septembre 2011
60
http://numerico.wordpress.com/2010/04/09/klynt-la-solution-pour-la-creation-surinternet/
3) Podcast et vidéos
« La narration dans le jeu vidéo », consulté le 10 juin 2011
http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narration-et-jeu-video-avec-davidcage-et-eric-v
« Le transmedia expliqué aux gens », production Les Raconteurs. Consulté le 28
avril 2011 http://vimeo.com/10258017
« L’univers transmedia : comment raconter une histoire transmedia ? », conférence
Paris 2.0. Consulté le 13 août 2011 http://vimeo.com/10177077
« C’est quoi le transmedia ? », consulté le 13 août 2011 http://vimeo.com/11467865
Video de présentation du jeu transmedia Detective Avenue
http://vimeo.com/22881879
CONFERENCES
InaSup « Transversalité de l’écriture et du financement : le transmedia est-il l’avenir
de la télévision ? » (mars 2011)
2ème édition des Cross Vidéo Days (15 et 16 juin 2011)
Creative Mutation, Petit Web (29 septembre 2011)
61
ANNEXES
- Annexe 1
Glossaire
- Annexe 2
Entretiens réalisés
•
Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions
•
Morgan Bouchet, direction des contenus Orange
•
Mathias Gimeno, directeur de Prospexity
- Annexe 3
Sondage envoyé
GLOSSAIRE
ARG ou alternate reality game (jeu en réalité alternée en français) : Forme de
narration qui consiste à faire participer la communauté à un jeu. Les organisateurs
jouent sur la superposition de l’univers de la fiction et de l’univers réel des joueurs
par l’usage de mises en scènes sur des supports du quotidien. Source :
http://www.transmedialab.org/2009/08/13/l%E2%80%99arg-alternate-realitygamedefinition-et-role-social/
Avatar : Fixe ou anime, un avatar est une image choisie ou créée par un internaute
afin
de
se
représenter
au
sein
d'une
communauté
virtuelle
Source
:
http://www.dicodunet.com/definitions/internet/avatar.html
62
Barcamp : "non conférence" ouverte qui prend la forme d'ateliers évènements
participatifs ou le contenu est fourni par les participants qui doivent tous, a un titre ou
a un autre, apporter quelque chose au Barcamp. L'objectif est avant tout de partager
des projets et si possible, de produire quelque chose ensemble : des spécifications,
un meilleur projet, des perspectives de partenariat, des capacités de financement...
Source : http://www.veilleperso.com/rails-camp-paris-1850
Brand content : nouvelle forme de financement de la création de contenus. La
marque finance la production d’un jeu, d’un documentaire, d’une série et maintenant
d’expériences transmedia. SFR avec Can you stop it, BNP Paribas avec la webserie
Mes Colocs, Sunny Delight avec Surf Camp. Il s’agit d’associer implicitement des
produits ou services à une œuvre. Source : Mathias Gimeno « Narration transmedia.
Acteurs et enjeux d’une forme de création émergente » Memoire, sous la direction de
Marc Alvarado, Promotion MICNI 2010, Gobelins l’ecole de l’image, p36,
http://www.scribd.com/doc/38326864/Narrationtransmedia-acteurs-et-enjeux-d-uneforme-de-creation-emergente
Catch-up tv ou replay : Système de télévision a la demande par Internet qui permet
de revoir en ligne et gratuitement les vidéos diffusées récemment sur la chaine.
Cette possibilité est souvent de 7 jours mais cela peut aller jusqu’à plusieurs
semaines selon les chaines. http://replaytele.com/
Community manager: Professionnel en charge du développement et de la gestion
d’une communauté sur Internet.
63
Creative commons (CC) : Offre une série de licences, qui protègent les œuvres des
créateurs mais qui permettent certains droits d'utilisation au public. Les licences sont
basées sur quatre conditions initiales, qui, lorsqu'elles sont combinées, permettent
de créer une licence personnalisée pour le créateur. Les quatre conditions sont : la
paternité (Autorise la redistribution libre de l'œuvre tant que le créateur original est
cité), la non-utilisation commerciale (l'œuvre peut être reproduite, distribuée,
communiquée ou modifiée mais elle ne peut être réutilisée a des fins commerciales),
la non-modification (l’'oeuvre peut être reproduite, distribuée, communiquée ou
utilisée a des fins commerciales mais elle ne peut être modifiée, transformée ou
adaptée), le partage des conditions initiales à l'identique (l'œuvre peut être modifiée,
transformée ou adaptée mais la création qui en résulte doit être distribuée sous un
contrat
identique
a
celui
de
l'œuvre
originale).
http://cc.bingj.com/cache.aspx?q=creative+commons+definition&d=47310699106155
21&mkt=fr-FR&setlang=fr-FR&w=60b70856,ef503215
Cross-media : Production d’un même contenu sur différents supports. Ainsi, les
éditeurs doivent en amont adapter la chaine éditoriale afin d’assurer une
automatisation de la production de site internet, CDROM, livres papier ou
numérique… Ce concept s’apparente donc a la notion d’édition multi supports.
Source : http://patriciagendrey.com/2010/04/26/multimedia-cross-media-transmediaquelquesdefinitions/ ;
Crowd-funding : Approche permettant le financement de projets en faisant appel a
un grand nombre de personnes via internet (internautes, réseaux de contact, amis,
etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces investissements
permettront de financer des projets qui n’auraient peut-être pas pu recevoir un
64
financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.). Grâce aux réseaux sociaux et
aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile et peu coûteux de rejoindre
un grand nombre de personnes potentiellement intéressées pour soutenir des
projets. Source : http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding
Crowd-sourcing : Technique qui consiste à faire appel au grand public ou aux
consommateurs pour proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix
de marque, création de slogan, création de vidéo). Les prestataires amateurs
peuvent alors être récompensés ou rémunérés. Cette technique peut être employée
dans une autre optique que le marketing, à savoir la création de contenus même de
l’histoire. Source : http://definitionsmarketing.com/Definition-Crowdsourcing
Curation : Désigne l’acte d’agrégation, de sélection et de distribution d’un contenu
par une personne. Le « digital curateur » est donc un utilisateur de l’internet qui va
consommer des contenus au travers de clients de syndication (RSS) mais qui ne va
pas se contenter de les lire. Il va sélectionner les contenus les plus intéressants et
les partager auprès de sa communauté via son blog, son compte Twitter ou encore
sur sa page LinkedIn. L’acte de curation va lui permettre de valoriser son expertise
auprès de son réseau en lui apportant une valeur ajoutée certaine : la veille
pertinente sur un sujet précis. Source : http://www.blogoergosum.com/23893-lacuration-pour-lesnuls
Gameplay : Ensemble des possibilités interactives proposées entre le joueur et une
interface virtuelle.
65
Source
:
http://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=65:le-
gameplay
Géolocalisation : Procédé technique par lequel il est possible de localiser
géographiquement les destinataires d’un message marketing sur un téléphone
portable ou les visiteurs d’un site web. La géolocalisation permet un ciblage
géographique des campagnes et un renforcement de l’efficacité des messages. Elle
peut également être considérée, à juste titre parfois, comme une atteinte a la vie
privée. Source : http://www.definitions-marketing.com/Definition-Geolocalisation
Interactivité : Possibilité d’échange entre un utilisateur et un programme
informatique.Source : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/interactivite/
Interface : Dispositif physique ou logique entre deux systèmes ou deux parties d'un
même système, défini par la spécification de caractéristiques appropriées et
permettant des échanges d'informations.
http://mediadico.com/dictionnaire/definition/interfaces/1
Micro-paiement : Consiste pour l’internaute à payer une petite somme par période
pour accéder à un service ou un produit
Motion capture : Procédé graphique consistant à enregistrer les mouvements de
comédiens a l’aide de capteurs. Les mouvements sont ensuite modélisés et utilisés
dans un jeu afin d’augmenter le réalisme des animations d’un personnage.
http://www.jeuxonline.info/lexique/mot/Motion_capture
66
Participatif : Tous les comportements en ligne se résumant à des opérations
documentaires apparentées a l’indexation, au commentaire ou à l’amélioration
(Wikipedia par exemple) de ressources déjà existantes. Il s’agit d’une logique de
post-production à l’œuvre. Les comportements contributifs en ligne sont les plus
qualifiés (en terme de compétence ou niveau d’interaction) et s’inscrivant dans une
logique de production de contenus originaux.
Source : http://www.co-lab.fr/2010/10/
Réalité augmentée : Désigne les systèmes (au sens informatique) qui rendent
possible la superposition d'un modèle virtuel 3D ou 2D et la perception que nous
avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel. […] Ce concept vise à
compléter notre perception du monde réel, en y ajoutant des éléments fictifs, non
perceptibles naturellement. Cela consiste concrètement à incruster de façon réaliste
des objets virtuels dans une séquence d’images. Ses applications sont multiples et
touchent de plus en plus de domaines : jeux vidéo et edutainment, chasses au trésor
virtuelles, cinéma et télévision (post-production, studios virtuels, retransmissions
sportives...), industries (conception, design, maintenance, assemblage, pilotage,
robotique...), médical, culturel (Château de Versailles, Grand Palais)... Cette
technique coûte encore très chère et n’est donc pas accessibles à tous. Source :
http://www.xb-labs.fr/techno.html
Serious game : Il s’agit d’une application développée à partir des technologies du
jeu vidéo (simulation d’objets, d’individus, d’environnements) mais qui dépassent la
dimension du divertissement. Elles combinent en effet des ressorts ludiques et/ou
67
technologiques issus du jeu vidéo avec une intention sérieuse de type pédagogique,
informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entrainement. Source :
http://www.seriousgaming.fr/definitionserious-game/
Showrunner : Il s’applique à la production états-unienne uniquement et c’est un
métier de télévision. Sans être le créateur d’une série, il en est le chef d’orchestre :
Matthew Weiner pour Mad Men, David Chase pour Les Soprano. Il assure au jour le
jour le contrôle créatif de l’œuvre sur laquelle il travaille et ne doit des comptes qu’au
network pour lequel il travaille et la compagnie de production. Le showrunner est
également scénariste.
Source : http://www.critictoo.com/les-chroniques/tv-shows-for-dummies-showrunnercarlton-cuse-robertoorci-brian-burk-jj-abrams-damon-lindelof-alex-kurtzman/
Story architect : Nom donne aux auteurs transmedia aux Etats-Unis. Il s’agit d’une
personne à la fois auteur, réalisateur, producteur, chef de projet, designer
d’architectures web, expert des medias sociaux, spécialiste des nouveaux moyens
de distribution, acteur, animateur de communautés. Cette personne est capable de
porter la même vision tout au long du projet comme dans les productions plus
traditionnelles, classiques. Source : http://www.transmedialab.org/2010/04/08/cestquoi-uneequipe-transmedia/
Storytelling : C’est le fait de raconter une histoire à des fins communicationnelles.
Cela consiste donc à utiliser une histoire (de préférence joyeuse ou du moins
émouvante) plutôt qu’à développer des arguments sur la marque ou le produit. La
technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de
68
susciter
l’émotion.
Source
:
http://www.definitions-marketing.com/Definition-
Storytelling
Télévision connectée : Raccordée à Internet, elle permet au téléspectateur
d’accéder au web et d’enrichir l’offre via des applications qui permettent d’accéder a
différents
services
(réseaux
sociaux
et
autres).
http://www.republicain-
lorrain.fr/france-monde/2011/04/07/le-defi-de-latelevision-connectee
Transmedia : Pratique qui consiste à développer un contenu narratif sur plusieurs
medias en différenciant le contenu développé et les capacités d’interaction en
fonction des spécificités de chaque media. Le transmedia va au delà du crossmédia
ou du plurimédia dans la mesure ou il ne s’agit pas de décliner un contenu principal
sur des medias complémentaires, mais de créer un récit spécifique sur chaque
media et de donner la possibilité au public d’utiliser différents points d’entrée (rabbit
hole) dans l’histoire. L’aspect marketing du transmedia est double. Une diffusion
transmedia est une technique marketing permettant d’augmenter le marché potentiel
d’un contenu et de l’enrichir, mais le transmedia ouvre également de nouvelles voies
a la création de contenus. Source : http://www.definitions-marketing.com/DefinitionTransmedia
69
Entretien avec Mathieu Détaint, producteur et photographe
Inflammable Productions
Présentation
Inflammable Productions est une société de production qui réunit 3 associés.
Eléonore Lamothe : gérante et productrice
Mathieu Détaint : producteur, photographe et responsable éditorial
Nicolas Sauret : producteur et responsable de l’innovation
Inflammable Productions a développé des outils destinés à la mise en scène de
contenus multimédia sur Internet. Ils permettent notamment de créer des
webdocumentaires et des visuels interactifs, grâce à un back office simple facilement
administrable. En partenariat avec l’IRI (Institut de recherche et d’innovation au sein
du centre Georges Pompidou), Inflammable Productions créer de nouvelles formes
de scénarisation et de narration. En utilisant le web sémantique, la société de
production réfléchit aux liens à mettre en place entre les médias en vue d’une
écriture pour les projets transmedia.
Inflammable Productions conseille et accompagne pour faire évoluer la stratégie
éditoriale de façon adaptée aux nouveaux usages, aux nouvelles formes d'écriture :
- Choix des supports et des outils adaptés au projet, aux histoires
- Cohérence narrative de la diffusion multi supports ;
- Gestion des communautés et de la viralité des contenus via les réseaux
sociaux ;
- Synergie online / offline ;
- Optimisation des coûts de production ;
- Aide au montage de partenariat
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1) Qu’est-ce-que la narration transmedia ? Quels sont les aspects
indispensables pour créer un projet transmedia ?
L’Homme est profondément narratif. Il s’est construit en racontant des histoires.
L’intérêt du transmedia réside peut-être dans le questionnement de la cohérence des
usages. Face à cette ébulition, face à ce changement il est nécessaire de se poser la
question du sens. Il ne faut pas succomber à l’effet de mode et bien se demander ce
qui est profond et ce qui n’est que surface.
Tous ces changements n’ont que 3 ou 4 ans. Ce qui ne change pas c’est le fait de
raconter des histoires.
2) Comment travaillez-vous ? quels sont les rôles de chacun ? S’agit-il de
nouveaux métiers ou plutôt d’une nouvelle façon de travailler ?
Chez Inflammable Production nous sommes trois. Nicolas Sauret (producteur et
responsable de l’innovation) Eléonore Lamothe (gérante et productrice) et moi-même
qui suis producteur, photographe et responsable éditorial.
Nous travaillons aussi avec des prestataires externes
Les métiers se multiplient, se structurent. Il ne s’agit pas de nouveaux métiers à
proprement parler mais plutôt d’un nouveau mode de fonctionnement.
Un nouveau métier pour les documentaristes est celui de « story architect ». Il s’agit
de concevoir une narration transmedia et donc de casser les codes prédéfinis par le
documentaire. Il réfléchit un peu comme un game designer, c'est-à-dire en
structurant l’information par rapport à l’expérience de l’utilisateur.
Les auteurs eux-mêmes commencent à comprendre comment écrire pour le web. Il y
a des formations professionnelles consacrées à ce type de problématique.
71
Il n’y a pas vraiment de formation spécifique. Les profils sont très divers. C’est la
richesse des profils qui fait la qualité d’une équipe. Les diffuseurs deviennent des
innovateurs, des producteurs de contenus (ex : le monde.fr).
3) Quel est le rôle du producteur ?
Le producteur doit maitriser tous les aspects du projet pour pouvoir le piloter
efficacement. Il doit faire de la veille sur le secteur, maitriser la technologie (le
websémantique par exemple), savoir gérer un projet et une équipe et trouver des
financements. Il doit détecter ce qui peut devenir un bon projet en accord avec son
« éthique ». Il doit avoir un grand réseau autour de lui.
4) Quelle place laissez-vous à l’internaute dans vos productions ?
Avant de se poser la question de l’interactivité ou du participatif, nous devons
d’abord nous poser la question primordiale de l’audience. Être diffusé sans être
regardé n’a pas vraiment d’intérêt. Il faut toujours se poser la question de la cible et
donc du diffuseur qui correspondra au projet.
Pour notre prochaine production (qui se déclinera en webdocumentaire, BD et vidéo)
sur le Sahara occidental, nous avons fait le choix de ne pas ouvrir au participatif. Sur
un sujet aussi sensible, nous avons préféré expliquer la réalité du moment et ses
enjeux. Le webdoc sera interactif mais pas participatif dans le sens où l’internaute
pourra choisir son mode d’entrée mais ne pourra pas laisser de commentaire. Le
travail de community management aurait été trop lourd pour modérer les propos sur
un tel sujet.
Ce sera un objet délinéarisé, fermé et périmétré. La production documentaire pense
différemment de la production d’un jeu vidéo par exemple. L’intérêt du
72
webdocumentaire réside dans sa capacité à dépasser l’actualité. Il continue à être
visible sur le long terme.
5) Avez-vous des exemples marquants de projets transmedia ou au moins
interactif en ce moment ?
Du point de vue de l’usage et de l’expérience, les jeux vidéo et les arts numériques
développent une narration onirique très intéressante. Je pense par exemple au projet
« noussommes.ca » de l’ONF (l’Office National du Film) au Canada. Ce projet
présente un portrait vivant de la mosaïque canadienne à travers les récits de ceux
qui la composent. La mosaïque des vidéos représente elle-même un visage.
Les serious game présentent aussi un intérêt à travers le mariage vie réelle/vie
numérique qu’ils instaurent. Celui des primaires socialistes sur lemonde.fr était très
intéressant puisqu’il prenait le pari de capter l’attention de l’internaute pendant 45
minutes maximum. Le problème majeur reste cependant qu’à un certain point, cela
devenait plus du game que du « serious ».
6) Quels sont les enjeux financiers de la création transmedia ?
La chance dans les nouveaux medias c’est qu’il y a plusieurs modèles économiques.
On entend souvent que le modèle économique reste à trouver mais il n’y a pas un
modèle unique et parfait. C’est la grande chance des projets nouveaux medias. Les
productions étant différentes, il ne peut pas y avoir de modèle économique unique.
Disons que le premier modèle hérité de l’audiovisuel est celui des diffuseurs
traditionnels (CNC, chaînes, collectivités...).
Il y a le modèle premium de l’abonnement (ex : mediapart) et celui des annonceurs.
73
7) Que pensez-vous du financement par les marques ? Cela ne dénature-t-il
pas le projet ?
Les accords à trouver sont possibles et envisageables. Bien-sûr une marque
interviendra dans le contenu du projet, d’abord par son identité visuelle. Elle aura un
droit de regard sur le fond du sujet pour que celui-ci reste en accord avec l’image
qu’elle souhaite véhiculer. Si c’est une commande de la marque elle-même, elle
pourra aussi faire du placement de produit.
Mais les diffuseurs interviennent aussi dans les projets, plus sur la forme (durée,
format…) mais il existe toujours une forme de contrainte.
Il n’y a pas de mauvaise solution de financement. Il s’agit en fait de se demander
pourquoi on raconte des histoires documentaires et pourquoi il est important que le
transmedia ne soit pas uniquement de la communication de marque.
74
Entretien Morgan Bouchet
Vice-président du département transmedia & media social chez Orange
1) Quelle est ta définition du transmedia ?
Depuis une dizaine dʼannées, un nouvel écosystème complexe, via Internet, sʼest
mis en place. Avec lʼémergence des nouvelles technologies, les usages ont évolué.
A la différence du crossmedia qui duplique un contenu sur différents media, le
transmedia est pensé comme une expérience narrative mulit-écran pour encourager
les interactions sociales.
Il y a plusieurs typologies de projets transmedia.
- le transmedia natif est celui qui nait sur les réseaux sociaux, sur le web. Il
désigne des programmes originaux crées pour le web. On peut citer par
exemple Detective avenue, un jeu en ligne proposé par Orange.
- Le transmedia « de fidélisation » permet de maintenir lʼintérêt du spectateur,
notamment pendant la période qui sʼintercale entre la diffusion de deux
saisons, mais aussi de capter lʼaudience des adolescents, de moins en moins
intéressée par la télévision .Lʼexemple typique est celui dʼune série Tv comme
Dexter qui a développé une websérie (Early Cuts), un site internet (Showtime),
une vidéo interactive sur Youtube et des applications mobiles
- Le transmedia promotionnel annonce la sortie prochaine dʼun film dont
lʼunivers permet une riche déclinaison, à lʼimage de The Dark Knight. Les
studios Warner Bros ont en effet sorti un site internet dédié au film,
Whysoserious.com. Une campagne marketing virale a été organisé pour tenir
entretenir lʼimpatience des fans de Batman grâce à jeu de pistes via de
nombreux sites viraux crées à lʼoccasion. Dans ce cas, il sʼagit vraiment de
75
marketing. Cette forme de transmedia sʼapplique plutôt au cinéma.
2) Quelles sont les exigences de la narration transmedia ?
Il nʼy a pas vraiment de règles narratives. Pour un projet transmedia, il faut a minima
que les réseaux sociaux soient présents dès les début de lʼécriture narrative.
Aujourdʼhui le public a lʼhabitude de dialoguer avec une communauté, il est plus
mature. En revanche, sʼil sent que le projet nʼest que marketing ou publicitaire, il fuit,
il se bloque. Il doit quand même y avoir une histoire, un contenu, un intérêt pour se
lancer dans un projet transmedia. Définir la cible constitue un enjeu indispensable à
tout projet transmedia. Avant même dʼécrire, il faut savoir à qui on sʼadresse pour
que la participation soit naturelle.
La génération Y (les jeunes entre 18 et 30 ans) devient leader dans ce secteur car
pour elle cʼest naturel. Ils pensent et écrivent avec les codes des réseaux sociaux.
Pourtant, leur visibilité reste limitée. Ils doivent encore se familiariser avec le modèle
économique de ce secteur.
3) Selon toi, sʼagit-il de nouveaux métiers ou juste dʼune nouvelle façon de
travailler ensemble ?
Je pense quʼil sʼagit de nouveaux métiers ou en tout cas de nouveaux profils. Ces
profils sont ceux des gens qui sont nés avec les nouvelles technologies.
Il faut un chef dʼorchestre pour faire travailler tous ces profils différents. Il nʼy a pas
encore de formation universitaire même si je crois que ça commence à être pris en
compte. Les formations existantes sont plutôt destinées aux professionnels du
secteur.
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Un nouveau métier par exemple est celui quʼon pourrait appeler « facilitateur de
contenus ». A la direction des contenus, nous proposons des solutions techniques
narratives. Il sʼagit dʼun accompagnement technique via des plateformes, des
logiciels, des outils informatiques. Cʼest un vrai nouveau métier !
4) Plus spécifiquement, quel est le rôle du pôle transmedia à la division
des contenus dʼOrange ?
Dans le cas de lʼaccompagnement technique dont je te parlais, Orange nʼest pas
sponsor dʼun projet. Plus précisement, nous intégrons cette nouvelle façon de penser
les contenus et nous proposons des expériences créatives nouvelles à nos abonnés
et pas seulement.
Nous entreprenons deux ou trois projets par an pour apprendre, tester, construire
une connaissance car il ne faut pas oublier que tout cela nʼest quʼau balbutiement.
Nous nous concentrons donc sur quelques projets pour parfaire notre connaissance
et notre expertise. Nous avons travaillé notamment avec Alexandre Jardin sur
fanfan2 avec Happy Fannie. Ce projet transmedia à partir dʼun livre papier est
novateur et nous avons beaucoup appris pendant ces 6 mois.
5) Lorsque Orange participe au financement dʼun projet transmedia, estce-que vous avez un droit de regard sur le contenu ?
Oui, bien-sûr. Nous pouvons donner notre avis sur le contenu sʼil ne correspond pas
à lʼimage du groupe.
6) Selon toi, vers quel modèle économique se dirige-t-on ? Y en a-t-il un à
77
privilégier ?
Cʼest encore flou. On tend vers une articulation des micro modèles économiques : le
modèle freemium, le modèle de licence, le modèle commercial (achat dʼéléments liés
à lʼhistoire par exemple appels ou sms pour avancer dans un programme).
Lʼémergence de la diversité des modèles économiques possible est une chance.
7) Pour finir, est-ce-que le transmedia est une mode ou une réelle
évolution ?
Je ne pense pas que ce soit une mode. Ce sujet est vraiment pris au sérieux. La
preuve, la Guild a reconnu le terme de « transmedia producer » alors que cʼest une
entité assez stricte. France Télévisions se met de plus en plus à ce genre de
programmes. A la différence du crossmedia qui est purement marketing, le
transmedia constitue un changement profond. Cʼest un fait, les jeunes délaissent les
medias classiques, il faut donc trouver de nouvelles formes de contenus si on ne
veut pas perdre cette audience.
78
Entretien avec Mathias Gimeno
Directeur de lʼagence transmedia Prospexity (design narratif, conception,
réalisation de fictions transmedia)
Formation à lʼécole des Gobelins. Auteur dʼun mémoire de référence sur la narration
transmedia.
Participe à lʼorganisation des barcamps transmedia à Marseille
1) La narration transmedia marque-t-elle une rupture dans lʼhistoire de la
narration ?
La narration a toujours évolué dans le sens de la réalité. Ce qui est intéressant avec
lʼécriture transmedia est son ancrage dans la réalité dès le début du processus
dʼécriture alors que les supports classiques ont peut-être tendance à enfermer une
histoire dans une boîte.
Ce qui change dans la narration transmedia, cʼest que lʼhistoire se développe sur un
support en fonction du succès et des utilisateurs. Les auteurs ont une vision globale
de lʼunivers, ils pensent la narration en même temps que les supports. La forme et la
fond sont indissociables.
2) Quel rapport le public entretient avec ce genre de nouveaux projets ?
Lʼutilisateur doit savoir quʼil est dans une fiction. Même sʼil sʼagit dʼun ARG, il ne faut
pas biaiser lʼutilisateur. Il est important de respecter une certaine éthique. Il faudrait
peut-être penser à créer une « éthique du créateur transmedia ». Si cʼest purement
marketing, il faut mettre des limites.
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Dans les mentions légales, on doit obligatoirement indiquer que le site fait partie
dʼune fiction et donner les noms des gens qui lʼont créée. Par exemple, Facebook a
mis en place la notion de « personnage fictif », ce qui va dans le sens dʼune
responsabilité des créateurs.
3) Pour toi, la convergence des supports est-elle synonyme de
convergence des contenus ?
Non, je crois que certains messages ont des supports de prédiléction. Par exemple,
pour faire un buzz (positif ou négatif) autour dʼun personnage dʼune fiction
transmedia il vaut mieux faire une chaine Youtube.
4) Penses-tu que le transmedia crée de nouveaux métiers ?
En fait il sʼagit plus dʼun croisement de plusieurs métiers déjà existant. Les gens des
médias traditionnels ne sont pas forcément au fait de ces métiers dʼinnovation
numérique.
5) Selon toi, quels sont les enjeux financiers des projets transmedia ?
Il y a plusieurs points de réflexions pour envisager le financement des projets
transmedia :
- envisager le placement de produits dès lʼécriture même du projet
- le brand content : une marque choisit de financer une partie du projet en
mettant en avant un produit. Par exemple, The Inside Experience, financé en
partie par Intel et Toshiba.
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- La publicité intégrée directement dans le contenu. Une publicité pour une
voiture, un téléphone, une marque de vêtement discrètement placée.
Ces possibilités de financement sont impossibles à la télévision ou au cinéma mais
autorisées sur le web. Le problème en France cʼest que les producteurs sont trop
frileux. Ils ne prennent pas de risques.
SONDAGE
« le transmedia et vous »
Sexe
-
femme
-
homme
âge
-
moins de 15 ans
-
entre 16 et 25 ans
-
entre 26 et 35 ans
-
entre 36 et 45 ans
-
45 et plus
Vous êtes
-
artisan commerçant
-
cadre en entreprise
-
fonctionnaire
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-
retraité
-
étudiant
-
professionnel des nouvelles technologies (web, audiovisuel, cinéma...)
-
autre
Connaissez-vous le terme "transmedia" ?
-
oui
-
oui mais c'est flou
-
non
Sur quels supports regardez-vous les contenus fictionnels ?
-
TV
-
DVD
-
ordinateur (streaming, webdoc)
-
smartphone
-
tablette
-
cinéma
-
Vidéo à la demande
Selon vous, une fiction transmedia doit
-
être réaliste (histoire, cadre, personnages...)
-
être interactive avant tout (commentaire, partage, action, ...)
-
divertir
-
apprendre de nouvelles choses sur une thématique
Aimeriez-vous plus d'interactions dans les fictions que vous suivez ?
82
-
oui
-
non
-
sans avis
Si oui, quelles actions aimeriez-vous pouvoir réaliser ?
Finalement pour vous le transmedia peut se résumer à
-
un jeu vidéo interactif
-
une série ou un film avec des produits dérivés
-
une réelle innovation pour le spectateur
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