l`évolution du transport ferroviaire de marchandises en europe
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l`évolution du transport ferroviaire de marchandises en europe
défense du chemin de fer L’ÉVOLUTION DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE MARCHANDISES EN EUROPE Après la mise en place d’une politique des transports au sein de l’Union européenne (UE) à partir de 1995, l’ouverture progressive du marché à la concurrence et cinq années de crises économiques, la situation du fret ferroviaire en Europe fait l’objet de nombreux débats et mérite notre attention. Qu’en est-il du trafic de marchandises ? En 2012, le volume total de marchandises transportées par voies terrestres dans l’UE des vingt-huit s’élève à 2 365 milliards de tonnes-kilomètres (t-km). Le transport par route représente 71,6 % du total, le transport par chemin de fer 17,2 %, les voies navigables 6,3 % et les pipelines 4,9 %. Quant à l’évolution de 1995 à 2012, la croissance de l’ensemble du fret dans l’UE s’élève à 23 %. Les transports ferroviaires augmentent de 5 % et la route de 31 % ! Si l’essentiel des flux de marchandises se concentre sur des axes qui vont des grands ports de la mer du Nord vers le sud et l’est de l’Europe, de nouvelles portes d’accès voient le jour avec les projets de transports transfrontaliers (franchissement des Pyrénées et des Alpes, autoroutes de la mer...) et l’ouverture des marchés de l’Est qui offrent de nouvelles opportunités. Comment se situent les transports ferroviaires ? Depuis 1995, la part modale du rail a connu sa plus forte augmentation dans le nord de l’Europe et a décliné dans le Sud et l’Est. Elle est faible et en déclin dans les pays d’Europe de l’Ouest comme la France, l’Espagne et l’Italie dont les parts modales sont inférieures à la moyenne européenne et en baisse depuis 2006. D’autres pays comme la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne affichent une part modale voisine de 20 % en augmentation. Cela peut s’expliquer pour l’Allemagne par l’existence d’importants flux liés à l’industrie du pays, pour la Suisse par la politique de limitation de circulation des camions et pour l’Autriche par l’incitation au transport ferroviaire pour le transit. Pour les pays d’Europe de l’Est, la forte part modale du rail dépasse encore la moyenne européenne, mais elle tend à diminuer. L’ouverture des réseaux à la concurrence a progressivement attiré de nouveaux acteurs sur les marchés des pays de l’Union européenne venant directement concurrencer les opérateurs historiques. Si certains pays comme la Suède, la Roumanie et les Pays-Bas ont des marchés fortement captés par les nouveaux entrants, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, qui affichent une importante part modale ferroviaire, restent pour autant des marchés dominés par l’opérateur historique. Par ailleurs, on constate que pour se développer à l’international, certains opérateurs ont choisi de créer des filiales. En France, Euro Cargo Rail est une filiale de DB Schenker, tandis que Captrain Deutschland est une filiale de la SNCF présente en Allemagne. Mais jusqu‘à aujourd’hui, aucun lien entre l’ouverture à la concurrence et l’augmentation de la part modale du fret ferroviaire n’a pu être prouvé. Avec la crise économique, les flux ont baissé de près de 11 % entre 2008 et 2009 si bien que les volumes de marchandises transportées par le rail dans l’UE sont quasiment stables entre 2000 et 2012. La variation du trafic enregistré ces dernières années correspond à la crise économique, mais elle peut également être imputée, pour plus de la moitié, à des évolutions sectorielles spécifiques. Au sein de l’UE, il apparait que le fret ferroviaire intermodal lié aux échanges mondiaux connait une croissance continue. Par contre, le transport de marchandises par wagons isolés subit un déclin généralisé ; en Allemagne par exemple il a régressé de près de 40 % entre 2004 et 2012. Le chemin de fer a une forte propension à transporter des produits lourds issus de la sidérurgie, des charbonnages… Ces activités ont connu des restructurations, leur importance dans les économies va en diminuant. Ainsi, en Pologne, qui constitue le deuxième marché par son importance au sein de l’UE pour le fret ferroviaire, la baisse enregistrée est due pour moitié au recul du trafic charbonnier. En Allemagne, le transport ferroviaire a connu une forte augmentation en passant de 70,5 à 110,6 milliards de t-km de 1995 à 2012. L’accroissement de ce trafic concerne essentiellement les produits chimiques. En France, le trafic est passé de 48,3 à 32,6 milliards de t-km dans la même période, la diminution a concerné les produits chimiques et les minerais. Ce recul par rapport aux principaux voisins européens s’explique en partie par la désindustrialisation du pays, par la concurrence des entreprises de transport non ferroviaire, y compris sur les longues distances, et par le maillage plus dense du réseau routier. Pour soutenir la reprise économique et la politique de développement durable, les pouvoirs publics européens ne devraient-ils pas investir dans les infrastructures ferroviaires ? Joël Forthoffer