LA POESIE, LA MUSIQUE ET LA RADIO DANS LES

Transcription

LA POESIE, LA MUSIQUE ET LA RADIO DANS LES
1
LA POESIE, LA MUSIQUE ET LA RADIO DANS LES PRATIQUES
CURRICULAIRES EN LETTRES : ITINERAIRES DE L’AFFECTIVITE
Henrique Sérgio Beltrão de Castro
Luiz Botelho Albuerque
Résumé : Ces lignes, inspirées par le parcours autobiographique de l’étude que je réalise
au doctorat en Education à l’UFC, composent un article sur la place de l’affectivité et le
rôle de la poésie, de la musique et de la radio dans les pratiques curriculaires en Lettres :
Portugais-Français, tout en discutant la présence de la radio en éducation et de
l’éducation à la radio, spécialement à la Radio Universitária FM 107,9. Mots-clés :
poésie, radio, affectivité, curriculum, autobiographie.
Resumo: Estas linhas, inspiradas pelo percurso autobiográfico do estudo que realizo no
doutorado em Educação da UFC, compõem um artigo sobre o lugar da afetividade e o
papel da poesia, da música e do rádio nas práticas curriculares em Letras: PortuguêsFrancês, discutindo a presença do rádio em educação e da educação no rádio,
especialmente na Rádio Universitária FM 107,9. Palavras-chave: poesia, rádio,
afetividade, currículo, autobiografia.
Premiers mots, premiers pas...
Le langage vous surprendra peut-être, lectrice, lecteur, mais je ne peux laisser le
poète hors du bureau où je compose mes textes, je ne peux exclure la poésie de ces
lignes fréquentées par ma plume bien avant ce clavier – quand je ne soupçonnais pas
encore que je deviendrais professeur, animateur de radio, formateur de professeurs et
enfin chercheur. Je contemple toujours l’albatroz baudelairien qui essaie de marcher
pendant que mes mots s’envolent d’une étagère à une autre, brouillant les divisions de
différents secteurs de ma bibliothèque.
L’inquiétude et l’enthousiasme d’étudier la poésie, la musique, la radio et
l’affectivité dans la formation des professeurs de français langue étrangère (FLE) en
Lettres sont nés de mes études au master et de la pratique professionnelle quotidienne
dans laquelle j’ai toujours utilisé la poésie, le théâtre, la musique et la radio1 avec
l’intention de nous motiver, les élèves et moi, de favoriser l’interaction en salle de
cours et de créer une ambiance accueillante pour la manifestation des émotions et des
sentiments vécus dans cette situation. D’autre part, comme réalisateur et animateur à la
1
Lecture, audition, interprétation et création de poèmes ; lecture de pièces de théâtre, création et
présentation de jeux de rôles ; audition et interprétation de chansons et d’émissions radiophoniques.
2
Radio Universitária FM 107,9, je fais deux émissions hebdomadaires qui me plongent
dans l’univers artistique et éducatif, toutes les deux étant composées par une
conversation-interview avec l’invité(e) ou les invité(e)s et par des poèmes et chansons :
Sem Fronteiras : Plural pela Paz et Todos os Sentidos2 – la première consacrée à la
diversité de langues, peuples, religions, âges ; la deuxième dédiée aux personnes ayant
une déficience.
Ces lignes composent un article, le geste de quelqu’un qui recommence encore
une fois sa quête de Poésie dans l’aventure humaine de construire des connaissances.
Ces pages sont issues des réflexions faites et des sentiments et émotions vécus pendant
les rencontres avec le directeur de recherche, les autres professeurs et les étudiants,
partenaires de voyage, au port plaisant et inquiétant du Doctorat en Éducation
Brésilienne à l’Université Fédérale du Ceará – UFC. Nous avons été invités à plonger
dans l’univers changeant de l’apprentissage humain, dans mon cas tout en considérant le
domaine du curriculum : ce mot lui-même nous rappelle d’ores et déjà qu’il s’agit donc
de cheminer. Alors, je tisse ici les fils de la toile de mes premières impressions et
intuitions à propos de ce sujet et de mes études de doctorat ; j’esquisse les premiers pas
de ce nouveau parcours curriculaire où je m’interroge sur mon itinéraire précédent et
l’avenir ; je me demande comment les réflexions entreprises pendant nos débats
dialoguent avec mon projet d’études et ma vie professionnelle et personnelle.
On sait que le filtre de la civilisation élit ce qui est choisi pour intégrer le
Curriculum. On pince ce qui résiste aux frontières du temps. On y trouve les luttes
entreprises dans le domaine de l’idéologie et de la culture. On y lit les fruits et les
vermines du pouvoir et des relations de pouvoir (MOREIRA et SILVA, 2002). C’est
dans ce contexte que je me pose la question sur la place de l’affectivité et le rôle de la
poésie, de la musique et de la radio dans les pratiques curriculaires en Lettres :
Portugais-Français, tout en discutant la présence de la radio en éducation et de
l’éducation à la radio, spécialement à la Radio Universitária FM 107,9
Tous les choix étant motivés et non pas neutres, j’explicite que mes études sont
issues de ma pratique et de ma réflexion quotidiennes comme poète, chanteur,
réalisateur-animateur de radio et professeur universitaire, responsable à la fois de deux
2
Les émissions Sans Frontières : Pluriel pour la Paix et Tous les Sens sont diffusées à 14 heures
respectivement le samedi et le mercredi : www.radiouniversitariafm.com.br .
3
émissions de radio citées – espaces de formation de futurs journalistes et projets
d’extension universitaire consacrés aux radio-auditeurs – et de la formation des
étudiant(e)s qui seront mes collègues comme professeurs de français. En plus de (et à
cause de) mon rapport avec la Poésie et la Musique en tant qu’artiste, j’entreprends
régulièrement l’utilisation de la Poésie et de la Musique dans les émissions que je fais et
dans les cours que je donne, ce qui rime avec l’un des poèmes de Vermelho
(BELTRÃO, 2007, p.24) : A Poesia é a minha companhia. / A Poesia é meu modo de
ser.
Au-delà de la possibilité d’éprouver du plaisir, de créer et de recréer, la Poésie et
la Musique éveillent et accueillent nos sentiments et nos émotions, elles nous amènent à
une découverte et redécouverte de soi et d’autrui ; elle nous invitent et conduisent donc
à une autre dimension d’apprentissage et de formation, qui dépasse les limites
cognitives.
Je suis bien conscient que je tatônne encore cette question, mais la présence
constante de la Poésie et de la Musique dans ma vie quotidienne veut que je me la pose.
En salle de cours, sur l’antenne ou sur scène, ce sont la Poésie et la Musique qui
m’illuminent et me séduisent, qui me troublent et me conduisent. Je ne pourrais pas
faire autrement pendant cet itinéraire comme chercheur.
L’affectivité n’est pas considérée dans le curriculum et la formation des futurs
professeurs de langue étrangère (LE) aux Cours de Lettres à l’UFC et à l’Université de
l’Etat du Ceará – UECE, où j’ai fait ma recherche pendant le master. La dimension
cognitive est priorisée : la maîtrise de la LE, les connaissances sur les théories
d’apprentissage et les méthodologies d’enseignement. Tout ceci est indispensable mais
ne touche point la dimension subjective et affective des étudiants ni de leurs formateurs.
Quelle est la place de l’affectivité dans les pratique curriculaires en Lettres ?
Comment les stratégies artistiques influencent-elles la manifestation de l’affectivité
pendant la formation en Lettres : Français-Portugais? Quel rôle jouent les radios
francophones et la Radio Universitária FM tout au long de cet apprentissage ? Quelle
est la place de l’éducation à la radio ?
J’ébauche d’ores et déjà mon histoire de vie en formation... qui réunit la poésie,
la musique, la radio, l’éducation et encore tous les sentiments et les émotions qui
marquent en rouge mon chemin. La méthodologie de recherche-formation proposée par
4
Josso (1991, 2004) me semble un parcours possible pour réaliser l’étude dont je fais les
tout premiers pas. La proposition de Josso, à la fois scientifique et artiste, rime avec
l’intention d’alleur plus loin dans ma formation, de prononcer ma contribution.
L’Art Radiophonique : sans frontières dans tous les sens
Sur l’antenne, je vis l’aventure et le défi de révérer la diversité de la vie et de
partager la parole avec les gens ayant un handicap dans les deux émissions qui sont des
actions d’extension universitaire : Sem Fronteiras : Plural pela Paz et Todos os
Sentidos. Je retrouve dans les paroles de Boaventura de Sousa Santos (2005) l’écho des
activités ou propositions pareilles aux miennes. J’y ai trouvé l’allusion à la diversité
culturelle et aux gens discriminés (parmi lesquels se trouvent les gens ayant un
handicap). Quand il discute l’Université au XXIe siècle, dans l’extrait consacré à
l’extension universitaire, il affirme qu’elle aura bientôt une valeur très spéciale. Tandis
que le capitalisme veut rendre l’Université fonctionnelle, rentable, mercantile, à service
du secteur privé ou privatisée elle-même, en la transformant en agence d’extension sous
son contrôle,
a reforma da universidade deve conferir uma nova centralidade às actividades
de extensão (com implicações no curriculum e nas carreiras docentes) e
concebê-las de modo alternativo ao capitalismo global, atribuindo às
universidades uma participação activa na construção da coesão social, no
aprofundamento da democracia, na luta contra a exclusão social e a
degradação ambiental, na defesa da diversidade cultural (SANTOS, 2005, p.
73).
L’auteur dit qu’en plus de répondre aux besoins de destinataires précis, tels que
les mouvements sociaux, les communautés régionales, les gouvernements locaux,
l’extension universitaire doit oeuvrer ayant la société en général comme destinataire –
il cite l’exemple des activités culturelles dans le domaine des Arts et de la Littérature. Et
il nous avertit sur les risques d’orienter l’extension en employant la boussole du marché.
Para que a extensão cumpra este papel, é preciso evitar que ela seja orientada
para actividades rentáveis com o intuito de arrecadar recursos extraorçamentários (é isto que está a ocorrer no Brasil com muitas das atividades
5
de extensão das fundações das universidades). Nesse caso, estaremos perante
uma privatização discreta (ou não tão discreta) da universidade pública. Para
evitar isso, as actividades de extensão devem ter como objectivo
prioritário, sufragado democraticamente no interior da universidade, o
apoio solidário na resolução dos problemas da exclusão e da
discriminação sociais e de tal modo que nele se dê voz aos grupos
excluídos e discriminados (SANTOS, 2005, p.74).
Tout en réfléchissant sur le rôle de la radio francophone dans la formation des
professeurs de français et sur la place réservée à la diversité et aux gens ayant un
handicap aux émissions que j’ai citées, je considère le rôle et la place de la radio ellemême actuellement.
De nos jours, on peut avoir accès à des informations et à la culture de presque
partout sur la planète. Nous, les passionnés de radio, connaissions ces voyages sans
frontières dans tous les sens bien avant l’internet. Les ondes hertziennes de l’art
radiophonique ont toujours été répandues selon leur longueur dans les limites d’une
ville ou au-delà des limites des pays, les grandes ondes et les ondes moyennes étant plus
modestes dans leurs itinéraires. Les émissions sur ondes courtes ont souvent permis aux
étudiants des langues étrangères – et même aux locuteurs natifs vivant loin de leur patrie
– de prendre contact (comme auditeurs, bien entendu) avec d’autres pays. Le doigt
glissait et glisse encore sur le bouton de la radio toujours aussi doucement dans la quête
d’une voix compréhensible, qui parle ou qui chante... On a maintenant le choix de
chercher les radios préférées ou d’en découvrir d’autres à travers les chemins tissus par
nos micro-ordinateurs branchés avec le monde.
Dans les manuels d’apprentissage du français langue étrangère (FLE), on trouve
toujours des émissions ou des extraits d’émissions radiophoniques enregistré(e)s dans
un but pédagogique. Je m’en suis toujours servi avec enthousiasme, et pour cause. Les
étudiants, eux, sont en général fascinés par la possibilité de comprendre la méteo, les
informations, les interviews, les émissions concernant la culture des pays francophones
et, bien sûr, les chansons. Aux niveaux plus avancés, ils arrivent à produire des
émissions – que j’ai souvent enregistrées pour leur faire prendre conscience de leur
travail et surtout de leur voix... "On ne connaît pas sa propre voix" – dit Jean Tardieu
6
(1969, p.56) : "Elle résonne en nous, quand nous parlons, tout autrement que si nous
l’écoutions ‘au dehors’".
Dans le chapitre Poésie et Radio, de son oeuvre Grandeurs et faiblesses de la
radio, Tardieu commente :
La voix humaine ! Quelle puissance et, encore aujourd’jui, quel
mystère ! Du point de vue des grands mythes de l’humanité, elle est
porteuse du verbe, manifestation souveraine de l’esprit créateur. Du
point de vue psychologique et sociologique, elle est l’instrument du
langage, l’expression de la personnalité et de la communication entre
les hommes. Elle commence par le cri, qui nous relie à l’animalité,
elle se termine par le poème et par le chant, qui nous élèvent au-dessus
de nous-mêmes (TARDIEU, 1969, p. 54-55).
Moi qui fais ce parcours de redécouverte de moi et d’autrui, je ne peux
m’empêcher de faire résonner la voix humaine qui concerne notre corps et notre esprit à
la fois. Voilà pourquoi j’invite mes élèves à écouter la radio, les radios ! Voilà pourquoi
j’invite mes auditeurs à découvrir leur langue et les langues, la poésie de la vie, la
musique qui fait danser nos corps et nos esprits...
Je suis persuadé que l’intimité que la radio nous ouvre est unique. Quel étudiant
de français, quel auditeur francophone ne s’est pas ému, n’a pas appris, n’est pas allé
plus loin en écoutant la Radio Québecoise, la Radio Suisse Romande, la Radio France
Internationale, la Radio de la Mer, parmi tant d’autres ? Qui n’a pas été charmé et
transporté par les émissions musicales si riches, par les émissions thématiques aussi
diversifiées qu’éthiques ou par le journalisme indépendant et critique de la seule radio
publique au Ceará : la Radio Universitária FM 107,9 ?
En passant, je ne ferai que quelques brièves considérations sur ces détails
capricieux et séduisants de la radio : le public et le rôle du metteur en ondes (ou
réalisateur).
"Tous ensemble et chacun pour soi" – voilà comment Jean Tardieu caractérise le
public de la radio, "un public dont la particularité (...) est de former une multitude, mais
une multitude composée d’unités dispersées" (TARDIEU, 1969, p. 63). L’art
radiophonique, surtout l’art du metteur en ondes est, pour lui, un jeu entre présence et
absence. Comment écouter ce public ? Et comment lui passer la parole ? Lire le courrier
7
des lecteurs, les appeler à intervenir par téléphone, présenter des témoignages devant le
micro visent à "persuader ceux qui sont à l’écoute que chacun en particulier constitue un
interlocuteur valable, potentiellement permanent et réel" (TARDIEU, 1969, p.130). Ce
caractère tout particulier de l’interaction dans le domaine radiophonique a évidemment
des conséquences très importantes pour une étude sur l’affectivité.
Il me reste à remettre en question le rôle et le pouvoir du réalisateur ou metteur
en ondes. Dans mon cas, à la Radio Universitária FM, je travaille avec un ingénieur de
son, Lima ou Assis, et je compte sur deux étudiantes en Journalisme comme assistantes
de prodution : Lorena Alves et Iara Moura (en 2009). Pourtant, je joue encore trois
rôles : celui de coordinateur des projets d’extension qui sont les émissions que je fais,
celui de produteur et celui de présentateur (ou animateur). Il faut tenir compte de
l’affectivité de celui qui se trouve devant le micro, l’endroit où cette voix traduit ce que
cette personne est pendant qu’elle fait son métier. Il faut rappeler que toute information
naît de ce que Morin (apud TARDIEU, 1969, p.120) appelle "le processus psychoaffectif lié à la communication" : "Le vécu de chacun déborde à chaque instant le
répertoire de termes objectifs" dans lesquels on essaye de traduire son expérience
subjective :
(...) l’homme qui parle [à la radio] participe à la vie des hommes. Sa
parole s’inscrit dans le présent : son temps coïncide avec le temps
même de son élaboration. Elle n’est pas le résultat fini d’une praxis,
mais
praxis elle-même.
Mieux !
Celui qui
parle
révèle
–
intentionnellement ou non – son effort, tout son travail et, par là
même, une partie non négligeable de sa personnalité (TARDIEU,
1969, p. 129).
L’utilisation que je fais des émissions radiophoniques francophones dans la
formation des professeurs de FLE et celles que je fais à la Radio Universitária
constituent des objets d’étude dont je m’approche depuis le début du doctorat d’une
façon différente – je recommence. Dans mon cas, plusieurs auditeurs viennent à la
Radio pour faire la connaissance de l’équipe – ce qui change le rapport
absence/présence discuté par Tardieu et d’autres. D’autre part, les personnes ayant une
déficience ont accès aux questions qu’on leur propose avant qu’on soit sur l’antenne –
8
ce qui n’est pas habituel et qui surprend les étudiants en Journalisme qui travaillent avec
moi : les interviewés peuvent supprimer, modifier ou ajouter des questions.
L’art radiophonique continue à m’inspirer dans mon chemin d’apprentissage,
quand je chante la diversité humaine ou les personnes ayant une déficience ; à chaque
rencontre tissue avec un auditeur, un collaborateur, un iterviewé, un collègue de radio ;
à chaque fois que l’on passe une chanson ou que je dis un poème qui flottent librement
jusque je-ne-sais-pas-où grâce aux ondes hertziennes...
La Poésie d’apprendre ensemble
Si le métier à la radio concerne l’art radiophonique, à mon avis le métier
enseignant aussi exige l’art d’apprendre ensemble : la poésie de partager les savoirs et
l’affectivité. Je fais chaque cours, chaque émission comme si je créais un poème
collectif – avec les étudiants ou les auditeurs et les invités. Cette attitude de cultiver les
liens entre les mots, les rapports entre les gens, les découvertes des mystères séduisants
de la langue me fait remettre en question quotidiennement ma pratique.
Travaillant au cours de Lettres, la littérature est évidemment une partie
importante de la formation y réalisée. Les étudiants lisent des romans, des pièces de
théâtre, des poèmes. On discute leur compréhension. On y découvre les questions
linguistiques. On les lit à haute voix, pour les goûter au bout de la langue. Comme le
disait de la radio Tristan Tzara, "ici, la parole se fait dans la bouche". Les émissions
radiophoniques, les chansons écoutées ou interprétées ensemble à l’aide de ma guitare
et bien entendu les paroles de ces chansons constituent d’autres textes qui nourrissent
l’itinéraire de nos découvertes et apprentissages.
Je suis bien conscient que la place de l’art dans les processus formatifs ne se
réduit pas à l’utilisation que je fais, je crois d’autre part que, même sans l’utilisation des
stratégies artistiques, la dimension affective – quoique souvent reniée – est inaliénable,
inséparable de toute expérience vitale humaine.
J’ai commenté au début de cet article que, pendant le master, j’ai étudié la
compréhension de l’interaction en salle de cours selon les sujets concernés dans
l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère (LE) et dans la formation de
professeurs aux Cours de Lettres à l’UFC et à l’UECE. D’après la plupart des
interviewés, les activités artistiques que j’ai citées suscitent le plaisir et favorisent les
9
interactions, tout en facilitant l’apprentissage. Ces résultats et ma pratique comme
formateur de professeurs m’ont fait indiquer depuis le master que l’adoption des
stratégies artistiques peut être systématique pour que les étudiants et les professeurs
puissent vivrent plus consciemment leurs expériences affectives.
Je partage l’opinion d’Izaíra Silvino Moraes (1993, p. 34) : "Creio que a arte tem
função clara na escola e através dela a escola assumirá a responsabilidade prioritária e
única de superação do cognitivo pela formação da sensibilidade.". A mon avis, il ne
suffit pas d’étudier l’affectivité : il faut s’opposer à ou plutôt dépasser la dichotomie
raison/affectivité. Dans ce domaine, il faut donc considérer la contribution de l’art dans
le curriculum adopté pour la formation des professeurs, comme l’a dit le Maestro Elvis
Matos (2002, p.59): "as atividades artísticas podem desencadear um processo de autoconhecimento: auto-mineração do precioso ouro dos sentimentos: diamantes emotivos".
L’Affectivité : le coeur du parcours de recherche-formation
Selon Damásio (2004) et Sawaia (2000), l’affectivité, ce sont tous les sentiments
et toutes les émotions. Pour Damásio (2004), inspiré par le philosophe Spinoza,
l’affectivité est un aspect essentiel de l’humanité et il n’y a pas de dichotomie entre la
raison et l’affectivité. D’après Sawaia (2000, p.2), l’affectivité est "la tonalité, la couleur
émotionnelle qui imprégne l’existence de l’être humain et elle est vécue comme
émotions ou sentiments". Pour cette étude, l’affectivité est définie donc comme tous les
sentiments et les émotions qui constituent un aspect essentiel de la condition humaine et
qui marquent notre vie.
Paulo Freire disait qu’il faut abandonner la séparation entre le métier enseignant
et l’affectivité : "Ensinar exige querer bem aos educandos (...) Significa esta abertura ao
querer bem a maneira que tenho de autenticamente selar o meu compromisso com os
educandos (...) A afetividade não se acha excluída da cognoscibilidade" (FREIRE,
2007, p.141).
Si, d’une part, l’affectivité n’est pas considérée dans la formation en Lettres ou
dans le métier du metteur en ondes, d’autre part, il faut faire très attention et assumer
une attitude critique pour réaliser une étude sur ce sujet. Sawaia (2000) avertit sur les
risques d’étudier les thèmes qui sont à la mode. Cet auteur critique l’exploitation de
l’affectivité, c’est-à-dire, l’utilisation tordue des sentiments et émotions et des études
sur eux : “O que está ocorrendo não é o interesse por uma dimensão humana, até então
10
abafada pelo triunfo da razão iluminista, mas a exploração da emoção e sua
subordinação aos interesses, exclusivamente, econômicos. O que não é novidade
(SAWAIA, 2000, p.08).”
Sawaia approfondit cette réflexion, ce qui peut m’inspirer dans la recherche
critique du rôle de l’affectivité dans la formation des étudiants et dans l’art
radiophonique.
A gestão pós-moderna descobriu a chamada inteligência emocional. Peritos em
afetividade criam conhecimentos, receituários e tecnologias de rápida aplicação para
manipular e regular sentimentos. Cursos para empresários sensíveis e estressados
surgem com velocidade espantosa, ensinando que o chefe emocionalmente
inteligente evita atritos pessoais e passa aos trabalhadores a sensação de que são
amados e reconhecidos, ao que se pode completar, embora mal remunerados. Nesses
cursos, emoções ditas femininas e, portanto, circunscritas à esfera privada são
carreadas para fins capitalistas e transformadas em fórmula de sucesso como as
expressões, atualmente, corriqueiras nos setores de recursos humanos “dedicação
afetiva”, “trabalho amoroso”, “sensibilidade feminina” (SAWAIA, 2000, p.09).
Comptant sur la contribution de Sawaia, je pense qu’il est nécessaire que les
chercheurs qui étudient l’affectivité s’opposent aux formules toutes faites du type
"l’important est être heureux", "tout par amour", posant des questions contrehégémoniques, c’est-à-dire que “não podemos nos iludir com a ênfase no sujeito
autônomo e feliz” (SAWAIA, 2000, p.10). En accord avec cet auteur, je pense que les
études sur l’affectivité doivent se faire “na contra-mão da ênfase em seu caráter de
negatividade, de anomia inquietante que perturba a razão e, portanto, de variável a ser
controlada” (SAWAIA, 2000, p.13). Les recherches déjà réalisées sur l’affectivité
réaffirment son importance dans la vie humaine, mais je pense qu’elles doivent
contredire ces deux visions : celle qui suggère qu’elle trouble la raison, mais aussi celle
qui la présente comme une solution extraordinaire pour la quête humaine, comme un
paliatif ou une panacée dans cette société qui exclue les uns et déshumanise les autres. Il
ne suffit pas d’étudier les émotions et les sentiments : il faut dépasser la dichotomie
raison/affectivité.
L’Histoire de Vie en Formation : un parcours de recherche
11
"Ir em busca de si visa a descoberta e a compreensão de que viagem e viajante
são apenas um" – voici l’un des passages tissus par la plume de Josso (2004, p.58) qui
inspire ma quête de redécouverte de la réalité où je vis plongé et à laquelle j’invite les
étudiants avec lesquels je partage la formation des professeurs de français langue
étrangère au cours de Lettres à l’UFC et les auditeurs de la Radio Universitária FM
107,9. J’ai été étudiant où je travaille comme formateur de professeur ; j’ai été (et je suis
toujours) auditeur de la Radio Universitária FM. Éternel passage : le voyage et le
voyageur composent un seul paysage. Le voyageur est son voyage.
Je m’interroge d’ores et déjà sur mon histoire de vie en formation... Le rôle du
chercheur dans l’abordage Histoires de vie est de savoir comment et quelles questions
poser et aussi cultiver le terrain pour la prise de conscience: "O essencial do trabalho do
formador nesta pesquisa-formação reside na formulação das questões que permitem a
cada participante colocar em movimento o seu próprio questionamento. Trata-se pois de
facilitar o processo de elaboração de uma narrativa, a reflexão sobre a sua própria
narrativa e a dos outros, e no fim das contas, criar um clima, um terreno propício à
tomada de consciência" (JOSSO, 2004, p.132).
Selon Josso (2004, p.80), il faut être “consciemment attentif” à son propre
processus. A mon avis, se regarder et regarder l’autre, s’écouter et écouter l’autre,
considérer les émotions et les sentiments vécus dans la formation et dans l’exercice de
son métier conduisent à une conscience plus éveillée de son parcours. Pour Josso (2004,
p.58-59), “transformar a vida sócio-culturalmente programada numa obra inédita a
construir, guiada por um aumento de lucidez, tal é o objetivo central que oferece a
transformação da abordagem Histórias de Vida”.
Enfin, pour Josso (2004, p.88), les recherches qui orientent nos itinéraires et nos
choix au long de la vie sont les recherches de soi et de nous, de bonheur, de
connaissance et de sens. La recherche de soi est donc l’invitation du chemin de celui qui
aprend à apprendre avec soi et avec autrui. L’abordage Histoires de vie est l’occasion de
se faire connaître “um sujeito empenhado com lucidez na procura de uma arte de viver,
a que nós chamamos busca de sabedoria de vida” (JOSSO, 2004, p.103).
Vers une Pédagogie Poétique
12
Il est tôt pour lancer une proposition pédagogique, mais j’avoue que je serais
content de provoquer une réflexion sur la présence plus systématique de la radio en
éducation et de l’éducation à la radio ; que j’aimerais bien pouvoir coopérer encore que
simplement au perfectionnement du curriculum et de la formation des professeurs ;
j’oserais y cultiver l’amitié comme Épicure avec ses disciples ; je voudrais chanter dans
la chorale de la sensibilité ; je serais ravi de pouvoir assaisonner l’alchimie de
l’apprentissage avec des chansons et des poèmes !
Les meilleures idées appartenant à tous, selon Sénèque, je viens boire à la source
des auteurs que j’ai cités et je recommence chaque jour mon chemin, dans l’espoir de
contribuer quoique humblement dans la construction d’un monde plus beau et plus
sensible à la beauté. Ce qui m’inspire, c’est l’amour, la parole, la rencontre avec les
étudiants et les auditeurs, partenaires au long du voyage, comme le disent les vers du
poème A Última Aula (BELTRÃO, 2007, p. 88-89) :
A minha vida é toda pautada na palavra e na interação com o outro.
Quantos cursos, quantas aulas assim começaram ou se encerraram!
Tantas citações e provérbios e poemas copiei na lousa,
coloquei nas provas e exercícios! Tantas lições!
O tempo todo eu quis aprender o que estive ensinando...
(...) Muitos mestres e mensagens voltam à baila
em meu peito de poeta e professor.
Vejo a sala de aula a me acolher amiga.
Olho minhas alunas e meus alunos com ternura e serenidade.
(...) Tenho aprendido com eles a ser aprendiz para sempre.
Références bibliographiques
BELTRÃO, Henrique. Vermelho. 2 ed. Fortaleza: Expressão Gráfica e Editora, 2007.
DAMÁSIO, Antonio. Em busca de Espinosa: prazer e dor na ciência dos sentimentos.
São Paulo: Companhia das Letras, 2004.
FREIRE, Paulo. Pedagogia da autonomia: saberes necessários à prática educativa. São
Paulo: Paz e Terra, 1996 (Coleção Leitura).
13
JOSSO, Marie-Christine. Cheminer vers soi. Lausanne : Ed. l’Age d’Homme, 1991.
JOSSO, Marie-Christine. Experiências de vida e formação. São Paulo: Cortez, 2004.
MATOS, Elvis de Azevedo. O artista, o educador, a arte e a educação: um mergulho
nas águas da Pedagogia Waldorf em busca de um sentido poético para a formação
docente, ou artifícios às artimanhas. Dissertação de mestrado (186 p.). FACED,
Programa de Pós-Graduação em Educação Brasileira da Universidade Federal do Ceará,
Fortaleza, 2002.
MORAES, Maria Izaíra Silvino. Arte no processo de formação do educador:
estratégias de aquisição e experiência compartilhada da sensibilidade artística e de
linguagem musical ou um passeio coletivo. Dissertação de mestrado (156 p.). FACED,
Programa de Pós-Graduação em Educação Brasileira da Universidade Federal do Ceará,
Fortaleza, 1993.
MOREIRA, Antonio Flávio e SILVA, Tomaz Tadeu (org.). Currículo, cultura e
sociedade. São Paulo: Cortez, 2002.
SANTOS, Boaventura de Sousa. A Universidade no século XXI: para uma reforma
democrática e emancipatória da Universidade. São Paulo: Cortez, 2005.
SAWAIA, Bader B. Por que investigo afetividade? São Paulo: texto apresentado para
concurso de promoção na carreira para a categoria de Professor Titular do
Departamento de Sociologia da PUC-SP, março de 2000.
TARDIEU, Jean. Grandeurs et faiblesses de la radio. Paris : Unesco, 1969.