Etonnant moment que celui que vient de nous décrire le passage d

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Etonnant moment que celui que vient de nous décrire le passage d
Messe Chrismale 2016
Etonnant moment que celui que vient de nous décrire le passage d’évangile que nous
venons d’entendre. Nous sommes au tout début du ministère public de Jésus. Luc
nous dit que Jésus revient du désert en Galilée « dans la puissance de l’Esprit » et il
ajoute : « sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues et tout le
monde faisait son éloge. ». C’est alors que se situe ce que l’on vient de nous lire. Jésus est
chez lui. Il affirme publiquement ce qu’il est et ce qu’il vit en commentant le rouleau
du prophète Isaïe, cité ici sur le texte grec (la première lecture nous a restitué le texte
hébreu). Mais aussitôt les choses vont mal se passer. Les habitants de Nazareth
veulent un Messie pour eux. Un prophète à leur usage. Ils ne peuvent pas
comprendre que celui-là parle d’une ouverture aux païens. Ils sont si furieux qu’ils
vont tenter de le lyncher et Jésus ira s’établir à Capharnaüm dans cette petite ville
interlope où se croisent toutes les ethnies et toutes les religions de l’époque. Du coup
ses compatriotes n’ont pas entendu ce que Jésus annonçait : le règne de Dieu en
procès d’accomplissement.
L’entendons-nous mieux que les habitants de Nazareth ? Avons-nous bien compris
que le règne de Dieu c’est à nous désormais de l’annoncer et qu’il nous faut être,
« dans la puissance de l’Esprit », « une Eglise en sortie » comme nous y invite le pape
François1. Si c’est bien aujourd’hui que s’accomplissent les paroles prophétiques qui
annoncent le règne de Dieu, alors il faut courir le dire autour de nous. « Tout chrétien
et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous
invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les
périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Evangile » nous disait encore le pape.2
C’est ce que signifie l’huile de joie que nous allons consacrer dans un instant. Par elle
nous avons été marqués de l’Esprit Saint, le don de Dieu, et nous avons été envoyés
en mission. Cette mission ne peut pas être seulement livrée à l’improvisation du
moment. Elle nécessite un cadre stable. Notre dernier synode diocésain a voulu
l’organiser et il est simple. En dix ans nous en avons mis en place des éléments et il
faut en achever la concrétisation.
Ce cadre ce sont les paroisses nouvelles. Pour les faire vivre il y faut des personnes
et des institutions. Au service de la paroisse, il y a le curé. Il n’est pas seul. D’autres
ministres ordonnés sont là : prêtres et diacres. Il a autour de lui une Equipe
d’animation pastorale avec qui il réfléchit et prie. Le curé et son équipe organisent la
pastorale dont les grands axes sont impulsés par le conseil pastoral de la paroisse.
Avec ce conseil il vérifie l’avancée des projets et les relit. Un secrétariat paroissial est
le visage de la paroisse : le lieu où chacun est accueilli, écouté, orienté vers les
personnes et les institutions compétentes. Un conseil des affaires économiques, avec
1
2
François, Evangelii gaudium, 20
ibidem
le curé, veille sur les biens et les ressources de la paroisse. Il est au service de la
pastorale. Enfin il y a des équipes de funérailles, de préparation aux sacrements, de
catéchèse. C’est ce que les ecclésiologues contemporains appellent la paroisse solide.
Il faut toutes ces institutions, il faut toutes ces personnes pour que la paroisse
tiennent et que la mission soit organisée. Chacune de ces personnes étant consciente
qu’elle est au service de tous et chacun travaillant en coresponsabilité et en synodalité.
Mais pour que la mission soit active il faut des communautés missionnaires au plus
près des gens : nos Equipes missionnaires de proximité, auxquelles il convient de
garder l’adjectif missionnaire. Non pas conçues comme des organismes
administratifs mais comme des communautés fraternelles, reconnues comme
responsables d’un ensemble à évangéliser : quartier, village, groupe de villages,
communautés eucharistiques dominicales. A elles il appartient de rendre l’Eglise
proche, de veiller au besoin sur les lieux de culte, d’organiser la prière, de veiller sur
la catéchèse, d’orienter les gens vers les groupes de catéchèse et de préparation aux
sacrements, de préparer avec l’équipe compétente les funérailles, d’organiser le
passage du curé et des ministres ordonnés pour qu’ils puissent rencontrer les gens de
leur territoire…Elles sont du côté solide de la paroisse mais déjà elles travaillent avec
ce qu’on appellera la paroisse liquide.
La paroisse liquide ce sont les équipes des mouvements, les équipes du Rosaire, les
équipes réunies autour d’un projet qui ne dureront pas au-delà de sa réalisation, ce
sont les groupes d’études bibliques, les groupes de prière et de louange, les antennes
du Secours catholique. Mais ce sont aussi les équipes d’animation pastorale de
l’Enseignement catholique, les Maîtrises des groupes scouts, les équipes des
aumôneries des jeunes, de la pastorale de la santé, de la pastorale familiale ou de la
pastorale des personnes handicapées. La liste n’est pas close….
Ces équipes savent qu’elles doivent organiser leur vie fraternelle autour des Saintes
Ecritures partagées, de la prière commune de la relecture de la vie de leur réseau de
relations, et du soutien mutuel pour la mission.
On n’est pas chrétien parce qu’on assiste, même régulièrement, au culte mais parce
qu’on vit la mission de l’Eglise. Prêtres, prophètes et rois, nous sommes envoyés
annoncer l’évangile à nos frères en les servant gratuitement et en célébrant les
mystères du salut. Bien sûr, en premier notre service sera l’accomplissement de notre
devoir d’état mais on ne pourra se soustraire au service des pauvres et à l’annonce du
royaume de Dieu. Et le moteur de notre service ce sera la charité, c’est-à-dire Dieu
lui-même, dont nous accueillerons l’amour pour qu’à travers nous cet amour rejoigne
le monde.
L’huile des malades que nous bénirons dans un instant nous redit l’impératif de ce
service de la charité.
Dans ce dispositif missionnaire, quel sera votre rôle, chers frères prêtres ? Vous
portez le poids du jour et plusieurs parmi vous le portent jusqu’à l’écrasement. Ceuxlà m’ont déjà demandé de ne plus recevoir la charge curiale même s’ils comptent bien
servir jusqu’au bout dans le ministère presbytéral. C’est évident qu’il nous faut
repenser l’exercice de ce ministère. Sous la responsabilité des curés, il doit être plus
collégial. Il s’agira, en se partageant les tâches, de susciter, soutenir, former, nourrir,
tenir en communion toutes ces petites communautés fraternelles. Selon la santé et
les charismes de chacun il s’agira de permettre à tous d’accéder aux sacrements et de
connaître l’évangile. Cette tâche nous la portons avec nos collaborateurs laïcs et à
leur service. Nous ne sommes pas des décideurs solitaires, même si à la fin c’est bien
le pasteur qui doit trancher et assumer la décision, nous sommes des serviteurs
solidaires attentifs à recevoir ce que l’Esprit dit à l’Eglise par la voix de nos frères
laïcs. Ministres premiers de la communion nous devons veiller à entretenir la paix et,
lorsque le conflit apparaît, veiller à ce que la solution soit vraiment née du dialogue.
Il ne peut pas y avoir de place pour le ressentiment ou pire pour la rétorsion.
Chers frères diacres vous connaissez votre service. Plusieurs parmi vous sont
confrontés à la maladie. Vous savez qu’en toute chose vous est confié le ministère
des pauvres et de ceux qui sont aux marges. Dans ce projet de communautés
fraternelles vous n’aurez pas de mal à trouver votre place.
Nous venons de clore l’année de la vie consacrée. A vous vierge, religieux, religieuses,
laïcs engagés dans les Instituts séculiers, il appartient de nous aider à vivre la fraternité
selon l’évangile, à chercher la pauvreté selon le Christ dans la « sobriété libératrice » à
laquelle nous invite notre pape3, à entrer dans cette chasteté véritable qui est le
renoncement à soi-même pour servir la liberté des frères.
Sur l’organisation de la mission, les différents conseils diocésains travaillent. En
septembre prochain, à partir de ce travail, je consulterai tout le diocèse, enclenchant
une démarche synodale, en vue de préparer ensemble l’avenir.
Dans un instant, avant de consacrer l’huile de joie, nous bénirons l’huile des catéchumènes,
« notamment ceux qui vont être marqués de cette huile dans l’ultime préparation à
leur illumination la nuit de Pâques. Mais elle nous dit surtout que la vie chrétienne
est un combat. Combat contre le mal, combat pour la justice, combat intérieur pour
acquérir la lucidité… Combat, non pas d’abord contre nos défauts naturels, souvent
nés de nos blessures, mais combat contre la tentation de nous sauver nous-mêmes,
combat pour s’abandonner à Dieu afin de ne rien vouloir d’autre que ce qu’il veut.
Et ce combat n’est pas seulement personnel, il se vit dans nos communautés
fraternelles à chercher ensemble la volonté de Dieu, à recevoir ensemble la force qu’il
3
François,Laudato sii, 223
nous communique dans la prière et par les sacrements, à aimer ce monde, le nôtre,
auquel il nous envoie manifester sa miséricorde.
Le royaume de Dieu accompli, pour l’Apocalypse, nous venons de l’entendre, c’est
la grande lamentation des tribus de la terre sur le Christ « qui nous aime, qui nous a
délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et
Père ». Les larmes des tribus humaine naîtront de la découverte de la miséricorde de
Dieu révélée sur la croix du Sauveur car alors elles- mêmes exprimeront ce
bouleversement du cœur qui est la miséricorde. Il est bon, pour conclure, sur ce
thème de citer notre Père Jean de Fontfroide. A un moraliste qui s’inquiétait de sa
bienveillance pour ses pénitents, le Père Jean répondait : « Le bon Dieu n’a pas étudié la
théologie dans vos manuels. Vous en faites un théologien. Il s’appelle la miséricorde »4 .
C’est cela qu’il nous faut annoncer.
+ Alain Planet
4
P. CAPELLE,Le Père Jean, Retaux-Privat, 1903, p. 269.