Santé au travail

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Santé au travail
Rencontre du 18 décembre 2012 – Santé et sécurité au travail
RENCONTRE DU 18 DECEMBRE 2012
Les évolutions du droit du travail et de la sécurité sociale
dans le domaine de la santé au travail :
vers une recomposition du statut du travailleur ?
I. Ouverture
Francis KESSLER, Président de l’AFERP, Maître de conférences à l’Université de
Paris I –Panthéon La Sorbonne
Bonjour à tous.
La salle est plus remplie que d’habitude. Je m'en réjouis d’autant que j'ai la joie et l’honneur
de vous présenter mon collègue et ami Francis Meyer qui nous vient de l’université de
Strasbourg. Francis s’occupe des questions de santé au travail depuis quelques années et il est,
à mon avis, le spécialiste en la matière. Je suis très heureux qu’il ait accepté de venir nous
parler et qu'il nous fasse profiter de son immense savoir en ce domaine. Francis, je te laisse la
parole, si tu veux te présenter plus avant.
II. Intervention de Francis MEYER
Francis MEYER, Maître de conférences de Droit privé, Enseignant – Chercheur à
l’Institut du Travail de l’Université de Strasbourg
Bonjour à toutes et à tous. Merci pour votre invitation, ainsi que pour ces paroles aimables.
Je suis enseignant à Strasbourg depuis une trentaine d'années, à l'Institut du Travail. Cet
organisme fait partie de l’université, mais il est financé à la fois par le Ministère de
l’Education nationale et par le Ministère du Travail. Il se dédie notamment à la formation des
représentants des organisations syndicales. Les sessions portent sur des sujets liés à l'actualité
économique et sociale. Nous abordons également des questions formulées par les
organisations syndicales, avec lesquelles nous établissons le programme et la liste des
intervenants. Une trentaine de sessions de formation sont organisées par an, à Strasbourg, où
nous recevons les participants du dimanche soir au vendredi soir. Cet Institut est donc un lieu
d’observation privilégié.
En tant qu’enseignants, nous avons la possibilité de travailler au quotidien avec des
représentants des organisations syndicales. Bien que nous soyons localisés sur Strasbourg, nos
interlocuteurs sont plutôt sur Paris, puisque nous travaillons uniquement avec les
représentants des confédérations syndicales. L’Institut est également présent à Bourg-laReine, ainsi que dans une dizaine de régions à travers la France.
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Dans le cadre du master 2 en droit social proposé par l'université, je m’occupe plus
particulièrement du volet santé au travail. 60 % des étudiants de ce master deviennent avocats.
Par ailleurs, j'ai créé, il y a deux ans, un diplôme intitulé « Analyse du travail et risques
professionnels », qui reprend un DEA et un master sur la question de la santé au travail. Ce
diplôme, pluridisciplinaire, croise sept ou huit disciplines afférentes, parmi lesquelles la
psychologie et la sociologie, dans une formule un peu originale. Nous faisons également des
incursions dans des domaines moins connus, parfois décriés, à travers des modules consacrés
à l’ergologie, par exemple.
Après cette présentation générale de mon activité à l’Institut, je tenterai de survoler un certain
nombre de questions sur la protection de la santé au travail. Pour assurer cette protection, le
droit doit mobiliser des concepts anciens. Je ferai donc des allers-retours dans l'histoire entre
ce qui existait dans le passé, il y a quelques années, et ce qui existe aujourd'hui. Le droit
n'étant pas « naturel », je proposerai de considérer les soubassements idéologiques,
philosophiques et religieux, qui influencent la bonne ou la mauvaise manière de prendre en
compte l’individu dans sa globalité et l'individu au travail.
Je propose, dans un premier temps, de faire une intervention unilatérale, puis de discuter
autour des questions qui vous viendront au cours de cette intervention.
I)
La question de la réparation
Nous pouvons parler des questions de santé au travail sous l’angle de la prévention et sous
celui de la réparation. L'angle de la prévention paraît aujourd'hui relativement évident, à ceci
près qu'une liaison doit être faite avec celui de la réparation. Ce lien est en effet un indicateur
qui permet de savoir si la prévention fonctionne, lorsque sont comptabilisés les méfaits du
travail au niveau des atteintes à la santé psychique ou mentale. Je constate qu’en France, la
question du préjudice et celle du dommage corporel, en matière d'accidents du travail, sont
assez confidentielles. En revanche, des ouvrages divers et variés sont publiés sur le droit du
dommage corporel en matière d’accidents de la circulation ou d'accidents liés aux risques
dans les hôpitaux.
Un droit du dommage corporel existe ainsi, mais il ne porte pas sur les accidents du travail.
Peu de juristes s'intéressent à la réparation. Les observateurs sont donc peu nombreux, faute
de doctrine. Pourtant, nous comptabilisons chaque année 1,3 million d’accidents en France,
dont 620 000 accidents avec arrêts et 48 000 accidents graves, ainsi qu’environ 68 000
maladies professionnelles. Le volet des risques psychosociaux et la reconnaissance des
maladies professionnelles en général sont complètement sous-estimés. La question de la prise
en charge de la santé au travail, du côté de la réparation, est donc paradoxalement peu prise en
compte. Les organisations syndicales ne s’y intéressent pas davantage, au regard de
l'expérience que je peux en avoir à l'Institut du Travail. Pour preuve le développement
d’organismes parallèles, tels que l'ANDEVA, créés probablement pour suppléer un certain
nombre d'absences de ce côté.
Ce constat appelle des interrogations. En effet, en matière de contentieux du travail, tout le
monde sait ce que sont les Prud'hommes, mais qui sait ce qu'est un Tribunal des Contentieux
de l’Incapacité ? Ces juridictions restent extrêmement obscures et confidentielles. Nous ne
savons pas réellement ce qui s’y passe. Or, à Strasbourg, comme ailleurs, cinq ou six
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audiences ont lieu chaque jour et ces juridictions qui statuent sur la prise en compte de la
réparation du préjudice corporel, sur la hauteur de l'indemnisation et sur les droits sociaux
afférents. Aucune formation n'existe pour le président, l'assesseur employeur et l'assesseur
salarié qui assurent ces audiences. Ainsi, lorsque j’ai été nommé président de formation du
TCI, le Procureur général de la Cour d'appel
m'a dit être très heureux de me nommer
président d'un tribunal qu'il n’avait découvert que six mois auparavant. Cette situation est
troublante. La prise en charge de la perte de l'emploi est importante. Celle de l'état de santé de
l'individu, pour qu'il puisse trouver des revenus de remplacement et faire face à des situations
souvent dramatiques, ne l'est pas moins. Être en bonne santé est justement la condition sine
qua non pour retrouver du travail, dans un marché aujourd'hui extrêmement sélectif. La
question du déclassement professionnel lié à l'état de santé est complètement minorée.
La prise en compte de cette question n'a pas beaucoup évolué depuis une trentaine d’années,
par rapport au type de formation que nous pouvons proposer à l'Institut et au type d’expertise
que nous pouvons apporter. Les évolutions constatées ne sont pas à la hauteur de l’urgence
qui existe en la matière.
II)
Les fondements philosophiques du droit du travail français
Ce rapport compliqué du droit du travail français à la protection de l’intégrité physique et
mentale de l’individu, et son incapacité à penser l'être dans sa globalité, repose sur des
fondements philosophiques. Cette difficulté majeure n'a pas été résolue aujourd'hui, ce qui
explique la position complexe de la Cour de cassation par rapport à la nature juridique de la
rente en matière d'accidents du travail. Historiquement, nous avons toujours considéré qu'une
coupure existe entre le physique et le mental. Cette conception idéaliste du droit est fondée
sur l'approche hégélienne, selon laquelle le sujet est un pur esprit survolant le monde, sans
incarnation. Hegel considère ainsi que la personnalité commence lorsque le sujet a conscience
de soi. Tout ce qui est extérieur à cette sphère première est extérieur à la liberté. Le corps est
donc extérieur à l’individu. En raison de cette césure, de cette approche spirituelle et éthérée,
le droit, lorsqu'il aborde la question du sujet de droit, place l'essence de cet individu dans son
esprit et non dans son corps. Aucun terme juridique n'a d’ailleurs été créé pour décrire le
corps subjectif. La phénoménologie du corps a par ailleurs été approchée par les philosophes,
parmi lesquels Michel Henry. L'un des fiscalistes de notre université, Paul Amselek, qui
enseignait le droit fiscal, a aussi écrit sur le rapprochement entre subjectivité et
phénoménologie. Mais le droit français n'a toujours pas la capacité de véhiculer la dimension
subjective du corps. Il s'en tient aux deux aspects de l’intégrité physique et mentale. Les
risques psychosociaux font eux-mêmes aujourd’hui l'objet de discours éthérés, dans lesquels
le corps a disparu au profit de la seule dimension mentale. Les seules pathologies visées sont
mentales alors que les pathologies physiques générées par le stress ou le harcèlement sont
bien évidemment les plus nombreuses. Un vice de forme nuit donc à la construction de ce
système.
En Allemagne, en revanche, le concept du corps subjectif existe. Le droit allemand considère
qu’une atteinte peut être en même temps une atteinte à l’intégrité physique et à l'intégrité
mentale. Un terme comme « leiblichkeit » traduit cette réalité. En cas d'accident,
l'indemnisation opère toujours chez nous sous ces deux angles. Deux indemnités sont ainsi
versées, l'une au titre du préjudice physique et l'autre au titre du préjudice moral.
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III)
Le Code du travail et l’état de santé
Nous retrouvons cette approche hégélienne, idéaliste, dans sa traduction en droit du travail,
puisqu'un contrat n’est un accord de volonté mettant en scène un sujet éthéré, le salarié
exécutant, étant relégué dans l’ombre. L'action vient après cet accord de volonté. Nulle part il
n'est dit comment le passage à l'action engage le corps. Cette conception dans laquelle les
esprits décident et les corps exécutent est très occidentale. Les Orientaux sont beaucoup plus
modestes et n’ont pas la prétention de savoir vingt ans à l’avance ce qui va se passer. Dans le
schéma occidental, la personne embauchée à vingt ans est supposée partir à la retraite, une
quarantaine d’années plus tard, dans le même état de santé qu'à son commencement.
L'inaptitude est donc une anomalie par rapport à une bonne exécution du contrat.
Un jésuite, Monsieur Xavier Dijon, professeur à Bruxelles, montre dans son ouvrage Le sujet
de droit en son corps, que le droit du travail en France est inscrit dans une logique libérale. Il
écrit notamment que « la condition corporelle n’est pas une donnée significative de la liberté,
mais une donnée nécessaire, que la personne gère au mieux, étant le plus possible libre d’elle,
libre de son corps ». Ce propos signifie que l'individu a un rapport à lui-même, qu'il
extériorise et qu'il tente de dominer ou de contrôler. Rendre le corps objet d’un droit, c’est
dissocier le sujet de son corps. Nous touchons là au problème de l’individu et de ses pouvoirs
sur lui-même, car un phénomène d’altérité s’installe entre l’individu et lui-même. Si nous
reprenons ce problème sous l'angle de la phénoménologie, elle repenser la question d’une
manière unitaire, sans poser de distinction entre le sujet et lui-même, ni entre le corps et
l'esprit.
Un article écrit dans les années 20 m'avait interloqué, qui considérait de manière définitive
que « la corporalité est une qualité sans valeur pour la personnalité ». II faut attendre la loi de
1990 pour voir l’introduction de l'état de santé dans la personne juridique
et pour
reconnaître, dans les critères de discrimination, l’état de santé et le handicap comme éléments
faisant partie de l'état de la personne. Auparavant, dans les années 1960, un arrêt déclarait
qu'en cas d'inaptitude d'un salarié, la maladie étant extérieure à l'employeur et au salarié, le
contrat devait s'arrêter. Cette rupture ne faisait l'objet ni d'un licenciement ni d'une démission,
mais d'un arrêt du travail par arrêt de fonctionnement substrat capable de produire le travail.
Jusqu’en 1990 pour l’état de santé et jusqu’en 2002, pour l’état psychique, les qualités
substantielles de l’individu ne sont donc pas prises en compte dans le Code du travail ni
véhiculées par des concepts juridiques. Il faut attendre la loi sur le harcèlement moral pour
que les textes soient modifiés dans le Code du travail.
J'ai tendance à penser qu'il y a une continuité dans les modes de pensée et que notre système
continue d’être imprégné par ces lourdeurs et ces déviations, en quelque sorte, de la pensée
qui lui est appliquée.
IV)
La catégorie des droits de la personnalité
La catégorie des droits de la personnalité s'ajoute à ces questions. La protection de l'individu
intègre ses attributs personnels et ce qui touche à sa personne. Historiquement ces droits,
inventés au début du XXème siècle, n’existaient pas, seuls les droits du patrimoine ayant été
établis. La protection de l’honneur, des valeurs personnelles, de la douleur et de tout ce qui
peut affecter l'individu, ne relevait pas du champ de l’indemnisable. Par la suite, ces droits
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ont été créés dans une catégorie définie négativement, puisqu'elle a inventé le terme de «
droits extrapatrimoniaux ». Tout ce qui ne relève pas des droits du patrimoine est donc
considéré comme droit extrapatrimonial. Ce droit regroupe la protection de la santé, celle du
nom, celle de l’honneur, celle de l’image, qui correspondent à des droits de nature très
différentes. Cette distinction entre droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux ne facilite
pas la gestion des contentieux de la réparation des dommages personnels.
En 2009, la Cour de cassation a opéré une révolution dans l'interprétation de la nature
juridique de la rente et des droits attachés à l'individu. En effet, depuis 1898, le salarié
accidenté du travail ou touché par une maladie professionnelle a droit à un revenu de
remplacement, ou rente, calculé sur un taux d’incapacité permanente partielle. Depuis que
j'étudie ces questions, il a toujours été entendu que les sommes touchée par le salarié, au titre
de la rente, remplaçaient très modestement, une perte de capacité de gain. Le plus souvent, la
personne accidentée était licenciée pour inaptitude et ne retrouvait pas d’emploi, sinon avec
un déclassement. Cette rente était donc censée remplacer les revenus non touchés. Selon des
cheminements relativement complexes, des réformes ont été apportés dans les années 2006
par un biais très technique, celui du recours des tiers payeurs.
En 2009, la Cour de cassation a donc rendu une décision stupéfiante en considérant que les
revenus de remplacement, attribués en compensation d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle, indemnisent tantôt un préjudice économique subi, tantôt
l’incidence
professionnelle, tantôt le déficit fonctionnel permanent. Eu égard à cette nature juridique «
mixte », les sommes versées relèvent à la fois du patrimonial et de l’extrapatrimonial. Du jour
au lendemain, la Cour de cassation a déplacé le problème, en considérant que la rente ne
compensait plus une perte de salaire, mais indemnisait les victimes sur ces trois registres dont
on ne sait lequel l’emporte. Lorsque le salarié peut retrouver du travail, ou lorsque sa maladie
se déclare en fin de parcours professionnel, comme dans le cas de l'amiante, cette indemnité
est versée au titre du préjudice fonctionnel, donc de l'extrapatrimonial. Par bien que de nature
très différente, les pertes de gain, l'incidence professionnelle, les préjudices personnels, sont
mélangés et la rente versée est la résultante de cette compilation.
Cette évolution, qui porte un préjudice considérable à la communauté des salariés, n’a été
relevée quasiment par personne. Seul, Pierre Sargos, qui a été président de la Chambre sociale
de la Cour de cassation et président du FIVA, a écrit un article intitulé L'erreur de droit
permanente, dans lequel il caractérise cette nouvelle manière de juger les situations comme
une aberration juridique. Il signale à ses collègues l'erreur de raisonnement dans laquelle ils
persistent et qu'ils confortent de mois en mois dans les arrêts publiés. Sans m'attarder
davantage, cet aspect me paraît fondamental. Cette évolution porte en germe cette conception
tronquée de la nature de l’individu dans sa dimension globale. Ainsi, nous ne pourrons pas
parler des risques psychosociaux ni de la prise en charge correcte des conséquences des
nuisances du travail, tant que nous ne reconstituons pas l'individu dans toutes ses composantes
physiques et psychiques. Cette décision de la Cour de cassation nous indique clairement que
nous n'en prenons pas le chemin.
La question de la dimension psychique n’existait donc pas jusqu’à une période récente. Quand
je suis entré dans le métier, les arrêts ne parlaient pas de la protection ni de l’atteinte à la
dignité. Par ailleurs, la notion de dignité corporelle, que j’ai évoquée dans ma troisième
partie, semblait incongrue à l’époque. Or, cette notion désigne la représentation de l’individu
dans son espace de travail. Le droit disciplinaire englobe pourtant la partie non contractuelle
de l’individu, c'est-à-dire les écarts de comportement qu’exprime sa simple « présence ».
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Les sociologues se sont penchés sur la question. Dans sa thèse sur l’espace industriel et la
liberté, Nicolas Fischer souligne lui aussi que lorsqu’un salarié est licencié, on dit qu’il a
perdu sa « place ». Ce n’est qu’en 2010 ou en 2011 qu’un arrêt a ajouté aux règles sur le
harcèlement la notion de dignité du travailleur, liée à l’aspect corporel. Un employeur porte
atteinte à la dignité de son employé lorsqu’il le provoque, par exemple, ou qu’il lui fait des
remarques très désobligeantes. Il a donc fallu du temps pour atteindre ces zones. La
dimension psychique, le fait que nous puissions faire du tort à l’individu, le traumatiser, en
quelque sorte, dans le cadre de sa relation de travail, ont été très longtemps regroupés sous ce
que les juges appelaient les attitudes vexatoires. Dans certains cas, aux Prud’hommes,
lorsque l’employeur avait franchi les limites en matière de licenciement, parce qu’il avait fait
ramener les salariés chez eux en taxi, sans aucune procédure, ou parce qu’il les avait licenciés
sans aucun ménagement, l’article 13182-13183 du Code civil permettait de verser une
indemnité au salarié, cette forme de licenciement ayant porté atteinte à sa personnalité. La
dimension psychique et physique, le respect de l’intégrité physique et mentale, en tant que
composantes propres, n’ont donc été introduits que très récemment dans le Code du travail.
La question se pose néanmoins de savoir ce que nous savons sur le travail. Je me réfère
beaucoup
aux travaux d’Alain Supiot, qui précise que « le droit du travail est de la
réglementation du travail qui s’arrête aux portes de l’entreprise ». Sont réglementés la durée
du travail, les heures supplémentaires, les congés, mais quel est concrètement ce travail ?
Quelles en sont les formes déshumanisantes ? Que savons-nous sur la qualité et l’intensité du
travail ? Quels sont nos indicateurs pour savoir comment les salariés sont plus ou moins
soumis à une intensité tolérable ou non ? Comment pouvons-nous définir une qualité du
travail pour contrebalancer les arguments sur la quantité ?
Nous disposons de règles sur les heures d’équivalence, qui disent que 43 heures 45 ou 48
doivent être travaillées, dans le cadre des 35 heures, pour compenser les zones « d’oisiveté » à
l’intérieur du contrat de travail. Mais nous pourrions aussi raisonner à l’inverse. Pourquoi ne
pourrions-nous pas dire que, dans certains cas, 28 heures de travail en valent 35 ? Il est
probable que, dans certains contextes, l’intensité du travail est telle que la norme habituelle,
applicable à tous, n’est plus recevable.
Que savons-nous des apports réalisés par les individus dans leur dimension subjective ? Il
faudrait outiller le droit du travail pour qu’il soit capable de pénétrer dans les organisations du
travail, dans le management, et de déterminer si les règles du management sont recevables, si
elles sont d’un niveau trop élevé ou si elles sont pathogènes. Encore une fois, le droit du
travail ne dispose pas d’instruments pour connaître la réalité du travail. Dans un ouvrage
récent de Bruno Trentin, la Cité du travail, ces éléments sont décortiqués. L’auteur montre
que la période du taylorisme et du fordisme a consisté à acheter des compensations en
contrepartie du travail, mais que le travail n’a pas réellement été analysé. Chaque nuisance,
chaque inconvénient trouvait sa contrepartie dans le salaire. Mais ces nuisances étaient-elles
supportables et monnayables ? La question ne se posait pas. Cette mécanique a peu à peu
abîmé la santé des travailleurs, au travers des primes d’insalubrité, des primes de nuisance, du
travail de nuit, des primes de productivité, des primes de qualité. Mais nous devons constater
que la compensation par l’argent ne permet pas de résoudre tous les problèmes.
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V)
Problématiques de la santé au travail pour les employeurs
La question de la prise en charge de cette intégrité physique et psychique pose problème aux
salariés, mais aussi aux employeurs. Ceux-ci sont en effet effrayés par ce qu’ils ont ou qu’ils
auraient à porter au travers de cette dimension physique et mentale. Ils peuvent assez aisément
circonscrire un accident du travail, ses dégâts, les réparations à payer, encore que nous
pourrions aussi parler des difficultés que les personnes rencontrent pour faire reconnaître leurs
droits. Mais dès que nous abordons les préjudices psychiques, les employeurs sont inquiets,
car nous savons que, dans nos sociétés, les éléments qui angoissent, qui stressent ou qui
traumatisent l’individu ne sont pas uniquement liés au travail, même si un lien existe. Cette
réticence n’est pas singulière, comme le montre l’article de Nicolas Hatzfeld sur la longue
reconnaissance des TMS. L’auteur décrit l’histoire de cette reconnaissance de 1921 jusqu’à la
naissance du tableau des TMS en 1998. Le processus était le même. L’auteur observe une
négation totale, jusqu’en dans les années 60, des dégâts que peuvent causer les gestes
répétitifs dans le travail. La question a émergé petit à petit, mais il faudra attendre le tableau
de 1996 et de 1998 pour acter cette reconnaissance.
Les employeurs sont donc aujourd’hui dans le déni. Ils considèrent ne pas pouvoir porter la
question de la santé et de la sécurité au travail sous l’angle psychique, car ils ignorent où cette
question les mène. Ils ne savent pas comment contrôler, comment mesurer les rapports entre
les individus, vérifier s’ils sont conflictuels ou non, ce que l’un est capable de supporter par
rapport à l’autre, dans quelle mesure l’un va basculer dans le stress et dans des manifestations
pathologiques plus importantes. Pour le moment, malheureusement, les employeurs utilisent
plutôt l’appareillage juridique pour essayer de contourner, par tous les biais, les conséquences
qui leur seraient imposées du fait de la reconnaissance des maladies professionnelles et des
risques psychosociaux. Ces biais, qui sont aussi la source de revenus des optimisateurs de
coût, sont nombreux et visent, au travers de systèmes de tarifications, de contestations, de
non-respect par la Sécurité sociale de ses obligations, à échapper à ces conséquences. Les
employeurs discutent ainsi la question de la part attribuable au travail, dans les dépressions
professionnelles, dans les angoisses et les pathologies classifiées dans les registres
internationaux sur la psychiatrie.
Néanmoins, nous progressons. Les partenaires sociaux ont signé un document dans le cadre
de la commission des conditions de travail et se sont mis d’accord sur un texte qui vise à
répertorier les conditions de travail en termes de surcharge, de stress, d’ordres contradictoires,
d’atteinte à des valeurs éthiques et morales. Il s’agit de voir si ces questions ne pourraient pas
être prises en charge par un système de maladie professionnelle, de tableau, ou par un système
complémentaire, qui permettrait d’attribuer au travail et à l’employeur une partie de ces
nuisances. Aujourd’hui, ces coûts sont externalisés sur la collectivité. Or, 28 % des causes de
départ en invalidité concernent les maladies mentales liées au travail, et 25 % sont liées au
TMS. Ces deux causes sont les premières de départ en invalidité. L’année dernière, dans le
système complémentaire qui est le nôtre, 62 cas seulement de maladies professionnelles au
titre des risques psychosociaux ont été reconnus pour toute la France. Le système de
l’invalidité en porte les conséquences. Tout est reversé dans le régime général. En Allemagne,
la situation est plus grave. Les chiffres sont galopants au niveau des départs anticipés. Environ
10 % des salariés partent prématurément en retraite pour des raisons mentales liées au travail,
qui sont devenues insupportables. Il faudra aborder cette question, car l’externaliser signifie la
faire porter par la collectivité et faire apparaître ces maladies sur les compteurs de la sécurité
sociale et de la protection sociale.
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La difficulté, pour prendre en charge cette question, vient de ce que le système est « fermé »
et qu’il n’y a pas de réparation équitable en direction des accidentés du travail et des maladies
professionnelles. Toutes les règles de prévention que nous inventons aujourd’hui pour tenter
de faire progresser les choses sont retournées par ceux qui visent à obtenir l’indemnisation
pour les victimes. Ils utilisent à rebours les éléments de la prévention, le document unique,
l’évaluation des risques, la traçabilité, la pénibilité, pour montrer aux employeurs ce qu’ils
n’ont pas fait et demander une réparation complémentaire ou les attaquer devant le Tribunal.
Ce comportement contribue à développer la méfiance des employeurs. Pour eux, accepter un
début de reconnaissance signifie mettre le doigt dans un engrenage et risquer d’être attaqués à
la moindre difficulté sur les carences qu’ils auront eux-mêmes pointées dans le document
unique. Le non-respect des règles de la prévention est ainsi utilisé pour augmenter la
réparation.
Comme mettre fin à cette mécanique ? La réponse de la Cour de cassation n’est certainement
pas la bonne. Nous devons discuter de la question de la réparation personnalisée du salarié. Le
salarié touche une rente forfaitaire, qui est aujourd’hui divisée par deux, en dessous de 50 %,
lorsqu’il est en taux d’IPP. Pourquoi ? Dans la fonction publique, la rente n’est pas divisée par
deux ; si le taux d’IPP est de 50 % la rente devrait être de 50 %, pas de 25 %. Or, les règles
de la sécurité sociale sont de diviser, sous prétexte que l’employé est à demi responsable ou
qu’il doit participer aux charges de l’entreprise. Tant que la réparation ne sera pas correcte,
personnalisée, légitime vis-à-vis des salariés, pour que ceux-ci, mal couverts, n’aient pas
envie de faire des recours contre l’employeur, nous n’aurons pas de répit pour construire une
protection préventive non indexée sur la réparation. Je ne sais pas comment nous allons y
parvenir et cesser d’utiliser les règles de la prévention pour accroître la réparation.
Les arrêts de la Cour de cassation accentuent régulièrement le problème. Considérer que la
rente AT/MP indemnise des préjudices fonctionnels permanents, c’est-à-dire des droits
extrapatrimoniaux, subjectifs et personnels de l’individu, est une invention totale et absolue.
Ce n’est en aucun cas aux juges de prendre une telle décision, mais à la loi de changer les
règles du jeu, à supposer que nous ayons envie de les changer. Les juges ont inventé une
jurisprudence qui dessert les salariés. Le salarié à la retraite reçoit une rente qui répare son
préjudice fonctionnel permanent et son préjudice personnel, mais celui qui est victime d’un
accident du travail ou qui perd son emploi n’est indemnisé que pour une petite part du
préjudice économique et plus du tout pour son préjudice personnel ; il doit donc attendre de
partir à la retraite pour recevoir une rente réparant le préjudice fonctionnel permanent. C’est
cette conception juridique à géométrie variable qui a amené le président Sargos à qualifier
cette démarche d’aberrante. Je vous invite à lire son article, car je trouve courageux de sa part
d’avoir dénoncé ses collègues dans leur manière de fonctionner.
Je vous remercie pour votre attention.
Francis KESSLER
Merci pour cette leçon magistrale et passionnante, qui montre les fondements que nous
retrouvons et cette grande difficulté à appréhender la question.
Je laisserai maintenant la parole à la salle.
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Rencontre du 18 décembre 2012 – Santé et sécurité au travail
III.Echanges avec la salle
De la salle
Quelle est la justification de cet arrêté de la Cour de cassation ? Les décisions ne sont pas
gratuites en général. Sur quelle philosophie s’appuie-t-il ?
Francis MEYER
Nous aimerions le savoir. L’une de mes étudiantes termine une thèse sur la question des
maladies professionnelles, qu’elle soutiendra avant juin 2013. Elle a écrit
à Madame
Mazard, conseillère de la Cour de cassation qui a participé au rendu de cet arrêt. Elle n’en a
obtenu qu’une réponse évasive.
Je pense qu’une question d’économie se cache dans cette décision, dans la mesure où les
rapports successifs sur la démarche vers la réparation intégrale ont indiqué qu’elle coûterait
entre deux et quatre milliards d’euros et qu’il est inenvisageable d’augmenter les cotisations,
pour financer le régime AT MP qui se monte aujourd’hui a à peu près 12,5 milliards dans le
projet de loi 2013.
C’est la raison pour laquelle, me semble-t-il, la rente versée à un salarié n’est plus considérée
uniquement comme une réparation de la perte de gains professionnels et que la mixité de sa
nature juridique permet d’intégrer artificiellement différents dommages, traduits sous forme
de divers préjudices. Le FIVA s’était basé dans un premier temps sur la rente AT pour ne pas
verser de sommes faisant doublon avec celles de la sécurité sociale. Les sommes versées par
le FIVA correspondent, en principe, à une indemnisation intégrale pour les victimes de
l’amiante, tandis que celles de l’AT/MP ne réparent que forfaitairement le préjudice
économique. Lorsque la sécurité sociale versait une rente, le FIVA proposait une
indemnisation pour les préjudices personnels. Pour mieux indemniser la victime, une décision
a été prise le 1er avril 2009, selon laquelle le FIVA considère désormais les sommes versées
au titre du patrimonial, pour réparer le déficit fonctionnel permanent, comme des sommes de
nature extrapatrimoniale. Cette modification lui
a permis
de verser des sommes en
complément de ce que la sécurité sociale paie. Constatant que le FIVA avait « déguisé » le
droit patrimonial en droit extrapatrimonial, la Cour de cassation a décidé, le 11 juin 2009, de
grimer également la rente patrimoniale en rente extrapatrimoniale. Les sommes versées aux
victimes peuvent ainsi être reprises par la sécurité sociale ou les assurances au titre du tiers
payeurs. Les débats très médiatisés cette année sur l’obligation de reversement des sommes
perçues par les victimes de l’amiante suite à l’alignement de la cour de Douai ont notamment
été générées par la nouvelle interprétation de la Cour de cassation Il est frappant de constater
que personne ne se penche sur ces questions, pas même les avocats de défense des victimes ni
les cabinets comme ceux de Michel Ledoux ou de Teissonnière. Lors du procès de Douai, le
débat s’est focalisé sur un autre point : celui de la linéarité de la rente : il s’agissait de savoir
si, une victime pouvant obtenir 5 % d’IPP et une autre 95 %, il fallait augmenter en
proportion, c’est-à-dire multiplier le taux de 5 %, ou si les indemnités des victimes
gravement atteintes devaient être calculées sur un indice de plus grande
valeur. La
discussion ne portait donc nullement sur la nature juridique de la rente.
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De la salle
A une époque, dans le monde bancaire français, les agences subissaient 5 à 6 agressions à
main armée par jour. Les réseaux se sont tous réunis pour essayer de trouver une solution. Le
problème que nous avons rencontré a été celui des névroses post-traumatiques. Tous les
réseaux, appuyés par le Ministère de l’intérieur, ont fait une demande pour que ces névroses
soient reconnues par la sécurité sociale comme un accident du travail ou une maladie
professionnelle. Nous avons été repoussés par la Chancellerie, par le Premier ministre de
l’époque et par la sécurité sociale. Nous avions des cas extrêmement avérés, que nous
indemnisions au niveau interne, mais ce n’était pas satisfaisant. Néanmoins, il nous a été
impossible d’être reconnus.
Francis MEYER
Vous avez quand même été des pionniers puisque dix ans plus tard, une lettre réseau de la
sécurité sociale est sortie qui fait aboutir ce combat. Celui-ci a servi de marchepied pour la
reconnaissance actuelle des nouvelles dépressions professionnelles, pour lesquelles le seuil de
25 %, quasiment inaccessible, doit être atteint. Cette pierre a permis une avancée.
De la salle
Je suis l’un des rédacteurs de la demande au Ministère.
Ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui le seul moyen de reconsidérer le salarié serait de revoir le
financement des accidents du travail et des maladies professionnelles ?
Francis MEYER
Les indicateurs sur le sujet sont très contradictoires. Selon un rapport réalisé sur ce thème, il y
a trois ou quatre ans, le seul intérêt de la tarification est, en résumé, de faire travailler des
agents de la sécurité sociale qui gèrent les dossiers. L’intérêt en termes de prévention n’est
pas évident. Cette question est compliquée. Nous ne savons pas dans quel sens réformer cette
tarification. Le nouveau compromis qui vient d’être instaurer est à mon avis contre-productif
par rapport une liaison entre la prévention et la réparation. Le système a été re-mutualisé et
trois niveaux ont été créés, de sorte qu’un accident qui coûtait auparavant 79 000 euros à un
employeur lui coûte aujourd’hui 350 000 euros, un taux d’IPP de 40 % ayant maintenant la
même valeur qu’un décès. Les employeurs ont pourtant accepté, ce qui ne doit pas masquer
les tiraillements qui les divisent. En effet, les employeurs qui ont produit les dégâts du passé,
par rapport à l’amiante ou à la métallurgie par exemple, ne sont pas les mêmes que ceux qui
représentent les emplois de service et sont à la tête du MEDEF. Au sein même des
employeurs, les positions ne sont pas non plus très accordées. Il faudrait probablement revoir
le système. Je ne sais pas exactement dans quel sens, du fait que celui-ci coûte dix ou douze
milliards d’euros chaque année, même si ce coût n’est pas énorme par rapport au budget de la
sécurité sociale.
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De la salle
Il faudrait revoir le système, peut-être en créant un système assurantiel. En effet, un accidenté
de la route par exemple est aujourd’hui mieux couvert qu’un accidenté du travail, ce qui est
aberrant au regard du droit à la réparation. Par ailleurs, les entreprises craignent sans doute, si
nous revoyons ce système, que la prévention soit mise au centre des débats, avec une
utilisation renforcée du document unique, et que cette politique de prévention permette de
montrer du doigt ce qui n’a pas été fait ou la case qui n’a pas été remplie. Des entreprises du
bâtiment notamment se refusent à faire des chantiers et les laissent à des entreprises
spécialisées ou revoient l’organisation du travail, non pour limiter les risques, mais pour les
reporter sur des sous-traitants qui seront confrontés de plein fouet à des difficultés.
Francis MEYER
Je n’ai pas de position claire là-dessus. Des pays en Europe ont banalisé la cotisation AT/MP
en en mettant une part à la charge des salariés et une part à la charge des employeurs. C’est le
cas notamment aux Pays-Bas, ou en Suisse dont le fonctionnement est différent puisque basé
sur une assurance privé. Ces choix ont des avantages et des inconvénients. Mais il est certain
que le système français, tel qu’il fonctionne, est brutal dans la mesure où les indicateurs ne
sont pas des indicateurs de sinistre habilités. Les petits incidents et accidents ne coûtent pas
chers, mais une rente AT, avec provisionnement des capitaux représentatifs – puisque la
sécurité sociale provisionne à hauteur de 32 années, sur des capitaux représentatifs –
coûteront 350 000 euros à l’entreprise pour un IPP supérieur à 39 %. Même si cette somme
est étalée sur 7 ou 8 ans, elle reste extrêmement lourde.
Ce système est tourné vers le passé, non vers l’avenir. Il vaudrait mieux définir des
indicateurs et mieux utiliser la notion de risque exceptionnel, avec un vecteur de majoration
des rentes. Cette notion n’est pourtant que peu utilisée. Ne vaudrait-il pas mieux, encore une
fois, disposer d’indicateurs de sinistre habilités ? Ils permettraient, lorsque des cas d’accident
sont relevés dans les registres d’infirmerie par exemple, et avec ce que nous sommes capables
de faire sur l’anticipation des risques et la prévisibilité des événements, de redresser tout de
suite les comportements des entreprises plutôt que d’attendre l’accident et de payer des rentes
qui coûtent très chers à l’employeur, ne rapportent pas suffisamment au salarié et sont très
injustes.
De la salle
Je me pose une question pour laquelle je ne suis pas sûr d’avoir trouvé la bonne formulation.
Si je vous demande quelles sont vos solutions, la question est trop vaste. Mais quelles
seraient, selon vous, puisque vous êtes très critique sur les fondements de ce système, les
directions, les pistes, les premières actions vers lesquelles il faudrait s’orienter pour redresser
ce système juridique ? Il faudrait tenir compte, comme vous l’avez dit, de l’effet de flottille,
de la série de petits incidents qui préparent l’accident. Quels seraient les axes sur lesquels il
faudrait travailler pour corriger le système que nous avons aujourd’hui ?
Francis MEYER
Je pense qu’il faudrait au moins réformer la loi de 1898. Nous avons écrit un article dans les
Petites Affiches sur la manière de réformer le système. Mais, comme vous le savez, «
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certaines vaches sont sacrées ». Ni les organisations syndicales ni les associations de défense
des victimes n’étaient prêtes à recevoir nos propositions. Cet article rappelait que la loi avait
été discutée en 1880 et votée en 1898. Or, une entreprise ne travaille plus avec des outils
forgés cent ans auparavant. Les maladies professionnelles ont été greffées sur cette loi en
1919, sans aucune réflexion, en étant considérées comme un AT. Or, ce n’est pas du tout la
même chose. L’AT présume en effet qu’un événement à détérioré la santé du travail, mais
que celle-ci va se stabiliser et s’améliorer dans l’avenir. Pour les maladies professionnelles,
c’est souvent l’inverse qui se produit. Le mal commence petit et ne cesse de progresser.
L’idée de stabilisation ou de consolidation ne fonctionne pas. Ce système est d’autant moins
adapté que l’écart entre la causalité juridique et la causalité scientifique est considérable. Les
discussions sur la causalité médicale, qui a fait d’importants progrès, sont constantes. Mais la
causalité juridique reste basée sur la présomption d’imputabilité de 1919. Peu importent les
apports de la science médicale, puisque la maladie est imputable au travail du moment qu’elle
est arrivée sur le temps du travail, même si les rapports médicaux prouvent le contraire. Nous
devons constamment gérer d’un côté des outils médicaux scientifiques très élaborés et de
l’autre une causalité juridique rustique et dépassée même si les juges font ce qu’ils peuvent
pour actualiser le système.
Une nomenclature Dintilhac, correspondant à un mode de classement des préjudices
patrimoniaux et extrapatrimoniaux, a été introduite. Les juges et les avocats devraient
aujourd’hui s’en inspirer, mais cet outil est lui aussi assez sophistiqué et personne ne sait
vraiment le manipuler. Il faudrait donc uniformiser les modes d’indemnisation, les barèmes,
et les rendre plus justes. Les victimes d’un accident de la route ou d’un accident du travail
subissent le même préjudice ou le même handicap, cependant leur réparation varie de 1 à 10
ou de 1 à 100, selon la case dans laquelle rentre l’accident. Ce dysfonctionnement déstabilise
le droit du dommage corporel. La recherche de solution n’est pas facile, puisque d’une part
les magistrats invoquent le pouvoir souverain d’appréciation, d’autre part les avocats n’ont
pas le temps de se former et ne sont pas toujours au courant de la dernière version des
procédures d’indemnisation. Il faudrait également informer les organisations syndicales et les
victimes. Une normalisation ainsi qu’une mise à jour des compteurs doivent être faites au
niveau des systèmes de référence qui sont trop datés et écartelés entre des logiques
différentes. Je participe depuis 30 ans à des commissions de réforme, mais nous ne savons
toujours pas par où commencer.
De la salle
Le droit de la responsabilité, au sens large du mot, ne serait-il pas une piste ?
Francis MEYER
Le problème du droit civil, donc du droit du dommage corporel, vient des procès qu’il faut
systématiquement mener, sauf si des accords ont été trouvés entre les assureurs. L’avantage
du système AT/MP serait de reposer sur des prestations forfaitaires versées par la sécurité
sociale, sans contentieux. En réalité, ce n’est pas toujours le cas, car par exemple toutes les
décisions de relèvement des droits des victimes du TCI de Strasbourg sont contestées devant
la CNITAAT. Dans notre société, la compensation de la perte du préjudice physique ne
devrait pas être la seule déterminante pour la réparation. Le fait que la personne soit écartée
du marché du travail, qu’elle n’ait plus d’identité sociale, qu’elle soit rejetée de l’institution
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sociale, devrait aussi être réparé par l’incidence professionnelle ou le coefficient
professionnel. A l’époque du plein emploi, ce coefficient n’avait pas beaucoup d’intérêt.
Aujourd’hui, les personnes sont stigmatisées et ne sont plus embauchées si elles ne sont pas
performantes. Mais la sécurité sociale refuse cette indemnisation. Des consignes internes
limitent entre 2 % et 5 % le coefficient professionnel, sauf circonstances exceptionnelles.
Pour la victime, au chômage depuis des mois ou des années, ces quelques pourcents ne vont
pas résoudre le problème. La désinsertion professionnelle est pourtant très coûteuse. Elle
provoque un handicap social peut-être plus important que le handicap physique.
De la salle
Le médecin du travail a eu auparavant un rôle de lanceur d’alerte. Au moment où le rôle des
médecins généralistes sur le terrain est déconsidéré, ne devrions-nous pas remettre les choses
à plat, s’agissant des médecins du travail, et retrouver des financements pertinents ? Pour
l’avoir expérimenté dans différentes entreprises que j’ai dirigées, un médecin du travail libre,
qui vient à la rencontre du salarié, devient un véritable indicateur d’alerte, en ce qui concerne
les TMS, l’ergothérapie ou l’émergence d’un mal-être. Je suis également l’un des porteurs de
l’association Ciel, à Strasbourg, et nous savons que plus la sonnette d’alarme est tirée tôt, plus
les différents intervenants s’investissent.
Francis MEYER
Je partage ce que vous dites, à ceci près que 50 % des médecins du travail ont plus de 55 ans.
La France compte actuellement 6 000 médecins. Dans dix ans, ils ne seront plus que 3 000.
Que faisons-nous ?
De la salle
Vous touchez du doigt un vrai problème politique au sens noble du terme, c’est-à-dire qui
tend à administrer la cité et rendre le citoyen acteur de son destin.
Ne pensez-vous pas qu’au-delà de l’aspect juridique, nous devrions mettre l’accent sur
l’aspect moral, c’est-à-dire sur une étude professionnelle en termes de prévention ?
Francis MEYER
La loi de 1898 a, entre autres, pour inconvénient d’évacuer cette question de l’éthique et de la
morale, puisque nous fonctionnons sur une mathématique de la réparation dans laquelle la
victime ne se sent jamais réparée moralement. La victime est isolée de son employeur, de son
contexte, puisqu’elle n’a comme interlocuteur que la sécurité sociale. Or, pour être réparé
moralement, il faut que celui qui est à l’origine du dommage reconnaisse avoir effectivement
joué un rôle. Ce n’est pas le cas dans les procédures habituelles où le contentieux entre
l’employeur et le salarié est étanche. Par ailleurs, je vous renvoie à l’un de mes articles
récents, publié dans la revue de Droit du travail, sur les risques psychosociaux, dans lequel
j’ai écrit qu’il faudrait introduire un peu plus d’humanité dans le management.
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Rencontre du 18 décembre 2012 – Santé et sécurité au travail
Notre Institut a organisé des stages sur le management socialement responsable ou sur le
management alternatif pour faire émerger la souffrance des cadres, auxquels il est demandé
des actes qui vont à l’encontre de leur éthique. Mais ce n’est pas simple. Je cite notamment,
dans mon article, les gourous du management dont l’ouvrage de référence préféré reste celui
d’un Chinois du IVe s. avant Jésus-Christ, qui s’intitule L’art de la guerre. Tant que cette
lecture sera celle des managers, je vous renvoie la question sur la moralité.
De la salle
Nous pouvons toutefois leur donner une déontologie professionnelle.
Francis MEYER
Bien sûr, toutes sortes d’instruments ou de chartes existent au niveau de la responsabilité
sociale des entreprises.
De la salle
Je souhaiterais revenir sur le document unique et sur ce que vous avez dit concernant
l’attitude des employeurs et des entreprises, qui font en sorte de contourner un certain nombre
de choses, parce qu’ils considèrent, à juste titre compte tenu de mon expérience d’avocat, que
la part attribuable qui leur est imputée est excessive. Le contentieux que je connais le mieux
est celui du harcèlement moral, sauvé par la juridiction que font les conseils des Prud'hommes
et, dans une moindre mesure, la Cour d’appel, en regardant les différents certificats médicaux
avec un œil pertinent et critique. Sur ce point, la déontologie des médecins mériterait elle
aussi d’être interrogée. Je souhaiterais donc connaître vos préconisations en matière de
détermination probablement quasi scientifique de cette part attribuable. La réalité de ce
problème vient de ce que l’approche en est empirique, au cas par cas. Avez-vous une façon de
systématiser cette part attribuable, qu’il s’agisse d’une souffrance psychique ou corporelle ?
Avez-vous une démarche ou des réflexions pour l’identifier ?
Francis MEYER
Il est déjà difficile d’identifier cette part attribuable pour les risques physiques. Ce que je
constate néanmoins c’est que nous ne pouvons pas entièrement rester dans la négation. Les
mineurs, par exemple, sont indemnisés au titre de l’amiante, dans le cas du cancer bronchopulmonaire. Pourtant, nous savons que beaucoup de mineurs ont fumé. Le problème de la part
attribuable existe, à ceci près que le coefficient passe de 1 à 16 lorsque la personne qui fume a
été exposée à l’amiante. En matière de risques psychosociaux, nous ne pouvons pas remonter
dans la vie de l’individu, faire une autopsie psychique et vérifier s’il n’y a eu aucun traitement
ni aucune prise en charge. Il ne faut ni tout attribuer au travail, ni déclarer, en cas de problème
au travail, que ce dernier est lié à l’enfance, même si la psychanalyse aurait tendance à nous
pousser dans ce sens.
Certains facteurs sont déterminants. A ce propos, un tableau des maladies professionnelles a
été ébauché. Une colonne répertorie des situations, sans liens avec les métiers, qui sont des
vecteurs forts de perturbations psychiques, à mettre en rapport avec des délais d’exposition et
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avec les trois pathologies reconnues par le document qui sert de référence internationale en
matière de maladies psychiques. Il arrive aussi qu’aucune trace dans le passé ne soit relevée,
que le parcours de l’individu soit exsangue de maladies mentales ou de traitements, qu’aucun
indice d’un possible basculement dans la dépression profonde ne soit apparu, mais qu’en
revanche la personne soit brutalement exposée et que la situation de travail révèle un certain
nombre d’indicateurs. Nous ne pouvons donc pas nous cantonner dans la négation, même si
l’erreur est toujours possible. C’est le principe même du système du compromis social et de la
prévention d’origine professionnelle. Pour le moment, les avocats et les employeurs sont dans
cette négation. Pour eux, les risques psychosociaux sont une invention, les salariés sont tous
fragilisés et cherchent à déclarer dans le cadre de l’entreprise des risques qui viennent
d’ailleurs.
De la salle
Cette démarche est celle de la ligne Maginot. Vous avez affaire à des personnes qui se sentent
agressées depuis 15 ans. J’imagine que leur réflexe est très humain et qu’il ne s’agit même
pas pour eux de protéger des intérêts économiques ou sociaux. Le sentiment d’agression
confine toutefois au repli.
Francis MEYER
Je comprends, mais ce déni m’a frappé lors d’un colloque récent à l’école des avocats de
Paris. Pourtant en face des employeurs, la victime est là, avec sa souffrance. Des personnes
sont réellement atteintes. Dire que tout le monde simule ou profite est un peu caricatural.
Nous ne pouvons pas généraliser. Il faut nuancer pour entrer dans le débat.
De la salle
Je me fais aussi l’écho de ce qui vient d’être dit. En tant que conseil d’employeur, je témoigne
que les entreprises sont conscientes de leurs obligations, mais elles constatent qu’aucun
indicateur n’existe. Pour faire beaucoup de judiciaire, je remarque également, au quotidien,
une inflation des Prud’hommes et des dossiers, non plus du côté du harcèlement moral, mais
du côté des risques psychosociaux, de l’atteinte à la dignité et des manquements de
l’employeur sur la prévention des risques. Les dossiers ne sont même pas ceux de salariés
ayant des pathologies médicales, mais ceux de cadres de très haut niveau, qui attaquent aux
Prud’hommes pour une remise en cause de forfaits jour et qui s’adressent à la sécurité sociale
pour une surcharge de travail. Ces salariés ont des rémunérations et des responsabilités très
élevées, inhérentes à la fonction qu’ils occupent, mais ils engagent néanmoins des procès.
Nous faisons face à une véritable problématique. Les entreprises en sont conscientes et font
au mieux pour la gérer, mais la difficulté est réelle. Les médecins du travail sont eux-mêmes
dépassés par ces situations et renvoient auprès de psychologues du travail et de médecins
traitants. Nous sommes dans une situation d’impasse et de judiciarisation de l’état de santé.
De la salle
Je viens de la sidérurgie et j’aurais souhaité que vous mettiez en évidence la différence de
situation qui s’est produite entre l’époque des CHS et celle des CHSCT. Dans les entreprises
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sidérurgiques, les problèmes d’organisation du travail faisaient peu de cas de la prévention.
L’entreprise comptait sur un ingénieur responsable de la sécurité, un médecin du travail à ses
ordres et un infirmier. Mais l’amélioration des conditions de travail était une chose, les
conditions dans lesquelles se déroulait le travail en étaient une autre. Les différences de
température étaient considérables ; la pression sur l’organisme était la plus forte à la fonderie
ou à l’aciérie, où il fallait travailler 8 heures. Nous avons dû nous battre pour obtenir du
personnel de remplacement. L’entreprise avait délégué le problème de la sécurité à un seul
ingénieur. A partir de la création des CHSCT, l’amélioration a été davantage envisageable.
Notre organisation syndicale s’est battue pour faire avancer les choses. L’ANACT a aussi été
créée dans cette perspective. Pour autant, cette lutte pour l’organisation du travail et la
prévention des accidents interne à l’entreprise a été longue et difficile, parce que les
employeurs avaient la main sur les médecins du travail. Quand des accidents graves
survenaient, nous demandions que l’inspection du travail vienne dans l’entreprise, mais nous
rencontrions des barrages du côté des responsables du service du personnel qui voulaient
éviter cette visite.
IV.Conclusion
Francis KESSLER
Le sujet est loin d’être épuisé. Je voudrais remercier Francis pour cette leçon. Nous allons
probablement aborder, dans un futur proche, la question des Tribunaux de Contentieux de
l’Incapacité, sans doute avec le TCI de Strasbourg dont l’expérience théorique et pratique
n’est pas monnaie courante.
Merci à vous d’être venus. Nous continuerons nos petits-déjeuners l’an prochain avec des
thèmes sur les retraites et le droit du travail. Le programme est disponible sur le site internet
de l’AFERP.
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