2 mars - 8 mars 2015

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2 mars - 8 mars 2015
23.02.2015
6:00
Sciences et prospectives
Les défis de l’agriculture « climato-intelligente »
La recherche agronomique se mobilise pour trouver des parades aux bouleversements
météorologiques. Objectif : concilier intensif et durable.
Chaque année en France, la mauvaise gestion agricole, l’urbanisation
galopante et le changement climatique sont responsables de la disparition de 100.000 hectares de terres agricoles. - Photo Grandguillot/
REA
P
roduire plus, durablement, avec moins de terre
et d’eau. Sous ses airs de slogan politique, le défi
de l’intensification durable des cultures au XXIe
siècle vient ouvrir une nouvelle ère dans la recherche
agronomique. « Après des décennies de travaux sur
l’amélioration des intrants, les scientifiques vont
maintenant devoir trouver les moyens d’améliorer la
productivité naturelle des sols et des plantes », résume
Hervé Guyomar, directeur scientifique agriculture à
l’Institut national de recherche agronomique (Inra).
C’est un sujet massif auquel s’attellent les scientifiques,
et les moyens mis en oeuvre sont donc considérables
: l’Inra y consacre désormais le tiers de ses effectifs
et de son budget et prévoit en dix ans de passer
maître dans ce registre du « durable » en se dotant
d’outils stratégiques d’analyse et d’observation.
Plus de 200 chercheurs et ingénieurs sont déjà
affectés à ces dispositifs d’expérimentation destinés
à mieux comprendre les échanges de flux dans les
écosystèmes et les interactions entre les systèmes
agricoles et environnementaux. L’établissement
participe globalement à plus de 150 programmes
européens dans ces domaines et pilote notamment le
projet d’infrastructure scientifique Anaee d’un coût
de 210 millions d’euros pour développer un réseau
européen d’analyse et de modélisation des réactions
des écosystèmes aux changements climatiques. « Cet
outil permettra à plus de 2.000 chercheurs en Europe,
dont 200 en France, de bénéficier d’une mutualisation
inédite de ressources », précise son coordinateur,
Abad Chabbi.
Ces moyens ne seront pas de trop pour retrouver
le chemin de la « salubrité agricole » chère au
paysan-essayiste Pierre Rabhi. Depuis cinquante ans,
l’agriculture intensive a littéralement lessivé les terres
fertiles selon l’état des lieux réalisé par la plate-forme
GenoSol : pas moins de 17 % des sols arables français
sont aujourd’hui dégradés et le phénomène s’accentue
à un rythme supérieur à celui de la pédogénèse qui
les régénère. Mauvaise gestion agricole, urbanisation
galopante et changement climatique sont ainsi
responsables de la disparition de 100.000 hectares de
terres agricoles tous les ans rien que dans notre pays.
« Frappes chirurgicales »
Pour développer l’agriculture « climato-intelligente
» qu’appelle la lutte contre cette désertification,
les scientifiques mènent de front plusieurs grands
chantiers. Le plus urgent est de faire disparaître
des usages un maximum d’engrais de synthèse. «
L’agriculture numérique qui est née de cet objectif
introduit la notion de «frappe chirurgicale» dans les
cultures », explique Hervé Guyomard. Objectif :
parvenir à doser avec précision les apports en azote
indispensables à la photosynthèse. Des start-up se
sont lancées dans ce défi en développant les moyens
de tirer parti de la masse croissante de données
disponibles sur la météo, les sols et l’état des cultures.
A la fin de l’an passé, le premier groupe coopératif du
pays, InVivo, a par exemple mis la main sur Smag, une
entreprise montpelliéraine spécialisée dans l’analyse
d’informations provenant de modèles météo, de
capteurs dans les champs et de drones. Prévenu sur
son smartphone, l’agriculteur sait précisément quand
et quelle quantité d’azote pulvériser.
Pour atteindre le même but, d’autres travaux
s’intéressent à la diversité agricole : en cultivant des
groupes d’espèces complémentaires, les chercheurs
veulent parvenir à créer des usines naturelles de
production d’azote. Des essais marient par exemple
des légumineuses et des céréales pour mettre au travail
des bactéries spécifiques qui recombinent les glucides
des plantes en molécules riches en azote.
Avec ces stratégies de régulation écologique qui
produisent des auxiliaires de culture, on pourra sans
doute lutter efficacement contre les parasites végétaux
et les insectes nuisibles. Mais leur élaboration prendra
encore du temps : les scientifiques doivent notamment
comprendre comment fonctionnent entre elles les
communautés végétales et quelles règles régissent
leur compétition pour l’accès à l’eau, à la lumière et
aux éléments nutritifs du sol.
Ces travaux fondamentaux s’accompagnent d’une
course génétique dont le but ultime est de parvenir
à activer à volonté des gènes impliqués dans certains
processus. « Il va falloir adapter les espèces végétales
plus vite que prévu », prévient l’agronome et
économiste Michel Griffon, pour qui « ce sera
l’enjeu majeur des prochaines décennies ». Avec les
premiers séquençages du génome des plantes, l’espoir
d’atteindre ce Graal se dessine mais il faudra encore
du temps pour parvenir à contrôler la croissance
des cultures. A ce jour, une vingtaine de plantes
seulement - dont un tiers sont non cultivables - ont été
séquencées, et seulement les plus simples comme la
tomate, le soja, le colza, le riz ou le maïs, qui affichent
de petits génomes d’une poignée de milliards de paires
de bases. Les chercheurs français du Genoscope qui
ont entrepris le décryptage massif de la biodiversité,
et plus encore ceux du Beijing Genomics Institute
chinois qui mettent sur cet objectif plus de 800 bioinformaticiens et 130 machines, vont enrichir les
connaissances en lançant cette armée de séquenceurs
à l’assaut de la formule génétique de 1 million de
plantes d’ici à 2020. Une fois cet alphabet connu, ils
devront encore comprendre la grammaire du langage
végétal et ses interactions avec l’environnement.
La tâche est titanesque. La première plante séquencée
il y a quinze ans, Arabidopsis (l’arabette), n’a révélé
que la moitié des fonctions et des interactions de
ses 25.000 gènes. Et que dire du génome du blé,
considéré comme un monstre du règne végétal avec
ses 17 milliards de paires de bases, cinq fois la taille
du génome humain ! « Décrypter le contenu des
21 chromosomes dans lesquels il se répartit est au
moins aussi compliqué que de déchiffrer dix volumes
encyclopédiques écrits avec quatre lettres dans le
désordre », compare Gilles Charmet, chercheur en
génomique du blé.
Le temps presse pourtant : d’ici à 2050, il faudra avoir
doublé le rendement du blé tendre, qui constitue la
nourriture de base pour plus d’un tiers de la population
mondiale. Cela laisse à peine le temps de tester huit
générations de nouvelles variétés si l’on applique
les méthodes de sélection généalogique héritées de
l’école Vilmorin.
Paul Molga
En chiffres
60 %
D’ici à 2100, la surface du territoire national qui
souffrira de sécheresse agronomique.
11 %
La proportion d’eau du milieu naturel prélevée pour
l’irrigation. Cette part peut monter jusqu’à 40 % en
été.
30 %
La diminution prévisible du débit des cours d’eau d’ici
à 2060.
1 milliard
Le nombre de bactéries qui pullulent dans un gramme
de terre. Avec les 100.000 champignons présents à
leurs côtés, ces organismes contribuent à l’essentiel
de la fertilité des sols.
27.02.2015
11:38
Idées
La révolution des céréaliers
Editorial de Jean-François Loiseau (Président d’Axéréal, coopérative leader sur les marchés du
grain)
Aujourd’hui, une tonne sur deux est commercialisée à l’international
permettant l’accès à plus de débouchés et une contribution de 7 à 8
milliards d’euros dans la balance commerciale française. ANTONIN
SABOT/Le Monde.fr
D
epuis 1992, la politique agricole commune
(PAC) n’a cessé de modifier l’organisation du
marché des céréales, ouvrant toujours plus la porte
à l’internationalisation. Aujourd’hui, une étape est
franchie et plus que jamais, la commercialisation et
la gestion des risques de volatilité du marché sont
au centre de toutes les attentions. Une révolution
silencieuse est en marche.
Réformes successives de la PAC, hésitations et
manque de conviction des pouvoirs publics, saturation
de certains marchés européens : avec la libéralisation
progressive des marchés des grains par l’Europe,
les acteurs économiques, coopératives agricoles
principalement, se sont positionnés à l’exportation.
Aujourd’hui, une tonne sur deux est commercialisée à
l’international permettant l’accès à plus de débouchés
et une contribution de 7 à 8 milliards d’euros dans
la balance commerciale française. Ces nouvelles
réformes confirment la volonté de l’Europe d’intégrer
la globalisation croissante et incontestable du monde.
Face à la stagnation des marchés européens, ces
décisions obligent les agriculteurs à développer
leur présence vers les nouveaux relais de croissance
: bassin méditerranéen, Asie ou Afrique. Or dans le
secteur céréalier, le positionnement à l’international
est complexe. Avec l’affaiblissement de l’organisation
commune des marchés et la baisse significative des
aides directes, les producteurs doivent avoir pour
priorité la satisfaction du client final. Une révolution
pour ce monde qui, aussi surprenant que cela puisse
paraître, n’a pas tenu ce raisonnement jusque-là.
Accompagner le produit jusqu’au client
Sur l’échiquier mondial, la concurrence est rude et
les craintes des agriculteurs justifiées. Les bassins
de consommation imposent des caractéristiques
techniques précises, adaptées à leurs utilisations.
C’est le cas par exemple du taux de protéines pour le
blé tendre, qui impacte fortement la qualité du pain
fabriqué par le boulanger. Le bassin méditerranéen,
premier importateur mondial, impose un taux jusqu’à
12,5.
Si les céréaliers peuvent relever ce défi, les pouvoirs
publics doivent les laisser identifier les facteursclés de succès et les aider à déployer les innovations
techniques : nutrition azotée pour améliorer le taux
de protéines, biotechnologie et marquage moléculaire
végétal à l’instar de ce qui est déjà fait pour les maladies
génétiques chez l’être humain.
L’affaiblissement de la PAC fait de la compétitivité et
de la qualité de la production des enjeux vitaux pour
les agriculteurs. La réglementation doit donc évoluer
en ce sens : accompagner le produit jusqu’au client
et non sanctionner la production. C’est à la France
de reprendre le chemin de l’innovation afin d’être en
capacité de valoriser sa production sur les marchés
mondiaux.
La mutation commerciale dont le monde céréalier
doit faire preuve va au-delà des évolutions des
pratiques culturales. La satisfaction du client consiste
aussi à développer une relation de confiance, en lui
garantissant un approvisionnement en quantité et
en qualité. Objectif évident dans l’industrie mais
extrêmement complexe à atteindre dans le monde du
vivant.
Satisfaction du client
L’année 2014 l’a rappelé : quinze jours de pluie
pendant les moissons dans les bassins de production
européens puis canadiens ont suffi à faire émerger
la menace d’une pénurie mondiale de blé dur. Les
opérateurs s’inquiétaient de ne plus pouvoir proposer
pâtes et semoule aux consommateurs.
Pour construire cette relation de confiance, le monde
agricole doit donc bâtir des partenariats. En amont
pour garantir l’approvisionnement tant sur le plan
cultural que logistique en traçant les routes du blé,
mais également à l’aval en accompagnant le client
dans son développement et en investissant en propre
dans les filières de transformation, pour maîtriser la
commercialisation d’un produit fini de qualité.
La production agricole ne peut plus être détachée
de la commercialisation. La satisfaction du client à
l’international devient donc une des clés fondamentales
de l’agriculture de demain. Une clé pour conserver
les millions d’emplois induits par le secteur, une
clé pour maintenir notre balance commerciale (les
céréales sont le deuxième poste excédentaire) et,
point essentiel, une clé pour nourrir le monde.
Sans accès à de nouveaux marchés dans le cadre d’une
PAC en peau de chagrin, c’est bien la pérennité de
notre agriculture céréalière et notre propre sécurité
alimentaire qui seraient remises en cause. L’enjeu est
fondamental. Nos décideurs politiques seraient bien
inconscients de l’ignorer.
Jean-François Loiseau (Président d’Axéréal,
coopérative leader sur les marchés du grain)
04.03.2015 // 8:57
Actualités, Economie
AGROÉCOLOGIE – Vers une agriculture durable
Madagascar. A travers le projet «Manitatra», des agriculteurs pilotes, dans des zones vulnérables
au changement climatique, bénéficient d’un appui logistique et de formations. Le projet vise à
augmenter les surfaces cultivées et convaincre à l’adoption de techniques agroécologiques. Les
paysans formés pourront à leur tour former d’autres agriculteurs.
C
oncilier environnement et agriculture. C’est
l’objectif du projet « Manitatra » mis en œuvre
par le Groupe­ment semis directs de Madagascar
(GSDM), financé par la Comesa (Marché commun
de l’Afrique orientale et australe). Prévu durer une
année, le projet en est actuellement à son cinquième
mois.
« Notre objectif est d’appuyer le changement d’échelle
dans la diffusion des techniques agroécologiques à
Madagascar jugées appropriées pour une agriculture
durable », annonce le directeur exécutif du GSDM,
Rakotondramanana. Une technique qui consiste à
concilier environnement et agriculture.
Plus d’une vingtaine de paysans pilotes et pépiniéristes,
issus du Moyen Ouest et Sud Est de l’île ont pu
bénéficier de formation et de logistiques, telles que
des motos et des bicyclettes pour le partage des
techniques.
« Nous avons formé des paysans pilotes pour que, à
leur tour ils forment leur pairs. Notre objectif est
toutefois de répandre les techniques à travers le pays »,
indique le directeur exécutif. Celui-ci ajoute qu’il faut
trois ans pour maîtriser parfaitement les techniques.
D’après ses dires, ces localités ont été choisies du fait
que ce sont des zones parmi les plus vulnérables au
changement climatique. « Ils ont déjà bénéficié d’au­tres
projets liés à l’agriculture, d’où une certaine continuité
», souligne-t-il. À travers ce projet, le résultat attendu
de ces deux localités étant d’augmenter les surfaces à
exploiter, et de convaincre plus de paysans à adopter
les différentes techniques agroécologiques.
Des plantes pour la régénération de la fertilité du
sol, la gestion de la biomasse, renforcement de
capacité concernant le compostage, des formations
sur l’apiculture et la pisciculture… ont été octroyés
aux paysans pilotes. « Ces techniques nécessitent
une dépense conséquente pour la première année,
mais elle diminue au fur et à mesure », souligne
Rakoton­dra­manana. Plus de deux mille agriculteurs
bénéficient du projet, et la participation des femmes a
été vivement sollicitée. À noter que le financement du
projet est à hauteur de 250 000 dollars.
Sarindra Razafindrabe
04.03.2015
6:00
PME & Régions
Des appareils pour surveiller les ports et les champs
Deux entreprises développent des drones aux usages multiples. La Chambre d’Agriculture de la
Somme investit dans ce domaine en partenariat avec des fournisseurs d’agroéquipements.
Une
société vient de mettre au point un bateau de
surveillance insubmersible et autonome.
L
fertilisant et les zones à traiter. Plus précis, ce système
vise à réduire les intrants, notamment dans les zones
de captage.
La chambre d’agriculture a investi 35.000 euros
dans l’achat de ce drone, fourni par Airinov, l’un
des spécialistes français du secteur. Créée il y a
quatre ans, cette société multiplie actuellement les
partenariats avec les chambres d’agriculture et les
fournisseurs d’agroéquipements, comme John Deere.
Cette année, les ailes volantes d’Airinov survoleront
30.000 hectares, le cap des 100.000 hectares devant
être franchi d’ici à un an. Airinov a réalisé un chiffre
d’affaires de 1,4 million d’euros en 2014.
es usages des drones ne cessent de s’élargir.
Deux exemples récents en témoignent dans la
surveillance maritime et l’agriculture. La société
Tecknisolar, installée à Saint-Malo, vient de mettre
au point un drone maritime autonome. Il s’agit d’un
petit bateau fabriqué à base de carbone et de mousse,
long de 2,50 mètres. Il flotte, est indétectable et
insubmersible, même par gros temps. La machine peut
transporter jusqu’à 20 kilos de charges, notamment
des caméras, des systèmes de brouillage radio.
Côté énergie, l’appareil est « autonome », puisqu’il
fonctionne de jour grâce à des cellules solaires à haut S. du G. et G. R., Les Echos
rendement et de nuit grâce à deux batteries qui se
rechargent en fonction de l’oscillation de la vague. Il
peut s’éloigner à des dizaines de kilomètres du littoral.
Défense et sécurité
Pascal Barguirdjian, le dirigeant de Tecknisolar va
démarrer dans quelques semaines la commercialisation.
Il table sur des marchés dans le secteur de la défense
en France et à l’étranger. Tecknisolar connaît bien
le secteur, puisque l’entreprise, qui réalise 700.000
euros de chiffre d’affaires annuel, a déjà conçu et
vendu plusieurs séries de courte et de moyenne
portée, notamment pour le GIGN.
Les avions sans pilote s’implantent aussi dans les usages
agricoles, comme en témoigne le nouveau service de
pilotage des fertilisations proposé aux exploitants
depuis l’automne 2014 par la Chambre d’agriculture
de la Somme. Après le survol des parcelles, les données
recueillies sont analysées par un ingénieur-conseil, qui
met en place un plan d’action indiquant les doses de
04.03.2015
10:39
Conso-Distribution
Entre génétique et numérique, les agriculteurs à l’heure du « big data »
SIMA - Salon de l’Agriculture : Les objets connectés révolutionnent les métiers de l’agriculture.
Demain, on ne lèvera plus seulement le nez pour guetter le soleil ou la
pluie, on s’appuiera sur les résultats de « big datas » modélisées d’après
les années précédentes et les configurations semblables - DR Xavier
Fontanet, ex-membre de la commission Attali pour la libération de la
Quand
le salon de l’agriculture attirait à Paris
personnalités politiques et grand public, le moins
médiatique Mondial des Fournisseurs de l’Agriculture
et de l’Élevage, le SIMA-SIMAGENA, réunissait
à Villepinte éleveurs et agriculteurs autour des
dernières innovations du secteur.
P
our nourrir les sept milliards d’humains
attendus à l’horizon de 2050, les secteurs de
l’agriculture et de l’élevage doivent encore
et toujours évoluer. Dans les allées de la 76ème
exposition internationale biennale des fournisseurs
de l’agriculture et de l’élevage, plus vieux salon au
monde de la profession, au produire plus, on préfère
désormais opposer le produire mieux. Concrètement,
le secteur veut en finir avec le gâchis.
Pour y parvenir, il compte, notamment, sur les
objets connectés. Leur données de précision sont
une révolution depuis les semailles jusqu’à la récolte,
en passant par le traitement et l’irrigation, pour un
agriculteur qui veut évaluer et anticiper au plus
juste. Demain, on ne lèvera plus seulement le nez
pour guetter le soleil ou la pluie, on s’appuiera sur
les résultats de « big datas » modélisées d’après les
années précédentes et les configurations semblables.
Dans les champs, on sèmera mathématiquement et
sans perte, de même, on arrosera pile sur la graine
la quantité nécessaire. L’éleveur sera, lui, plus à
l’écoute de sa vache, en étant plus à distance, mais en
enregistrant à l’aide de tapis connectés le moindre de
ses mouvements. Des instructions peuvent aussi être
envoyées à l’animal, par le même canal, sous forme
de vibrations à des moments clés qui le stimulent à se
rendre à la traie ou à la mangeoire.
VIDEO L’agriculteur de demain : un « geek » des
champs ?
Retour aux fondamentaux de la terre
La terre revient au premier plan et la géostatistique
est promise à un bel avenir dans ce domaine, selon
Gilbert Grenier, enseignant-chercheur à Bordeaux
Sciences Agro. Les traitements phytosanitaires étant
de plus en plus encadrés, et certains produits voués
à être interdits, on en revient aux fondamentaux de
l’agronomie, tels qu’édictés par Olivier de Serres,
père fondateur de la discipline au XVIIe siècle.
La formation suit le mouvement. Dans les meilleurs
cursus d’ingénieurs agronomes, le principe est de
savoir jouer davantage avec la nature qu’avec les
poisons en optimisant les cultures avec, par exemple,
une rotation de cultures différentes sur des parcelles
de taille raisonnable dont les plantes, non seulement
n’appauvrissent pas les sols, mais éventuellement les
équilibrent.
Les déchets transformés en revenu additionnel
Pour achever la diversification des exploitations,
les installations de méthanisation pour transformer
les déchets des cultures et de l’élevage en énergie
fournissent déjà un revenu additionnel aux
exploitations qui en sont équipées. Il reste toutefois
plus avantageux en France de revendre l’énergie
produite que de fonctionner en auto-alimentation,
alors que de l’autre côté du Rhin on privilégie
cette dernière option. Les professionnels du secteur
déplorent d’une même voix une volonté politique
insuffisante dans l’Hexagone pour que ce modèle de
transition énergétique se développe pleinement.
Quant aux jeunes futurs agriculteurs, issus d’une
génération biberonnée au numérique, la perspective
de gérer leur exploitation plus souvent depuis un
écran que depuis le siège d’un tracteur a tout pour les
séduire.
@michelewarnet
05.03.2015
9:11
Sciences et prospectives
Point de vue. L’agriculture ne doit pas craindre le futur
L’avenir certain de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire doit se fonder sur des stratégies
territoriales et politiques volontaristes.
En un siècle, la production a été multipliée par 6
pour une population agricole divisée par 13, grâce à
un décuplement de la taille des exploitations et à une
multiplication par 40 de la mécanisation.
Xavier Fontanet, ex-membre de la commission Attali pour la libération
de la croissance. | DR
Nos régions, la Bretagne en particulier, ont été partie
prenante de cette transformation. Elles ne doivent
pas craindre le futur si l’on en juge par les marges
de progrès et les nouvelles technologies disponibles.
Il s’agit de faire les bons choix, de se préparer à une
remise à plat de la Pac (Politique agricole commune)
et, par anticipation, d’aller chercher des marchés hors
d’Europe.
Deux facteurs vont y contribuer. D’abord, le coût des
transports maritimes et aériens va baisser et permettre
d’élargir les débouchés comme l’ont fait les grandes
coopératives agricoles hollandaises et néo-zélandaises.
Au Salon de l’agriculture, nos hommes politiques Aujourd’hui, le trajet Saint-Nazaire-Singapour ne
sont venus en nombre assurer les paysans de leur coûte pas plus cher que Pontivy-Marseille. Le monde
soutien.
est à portée de main, si l’on remet le port de Brest
aux normes internationales et si l’on dispose d’un
’est bien. On a eu cependant beaucoup de gros aéroport dans la région. Ensuite, les salaires de
mal à percevoir dans leur propos une vision la partie côtière de la Chine vont dépasser les nôtres.
stratégique.
Cela ouvre de fantastiques marchés si l’on sait séduire
les palais chinois avides de nouveautés.
Les axes sont pourtant simples à définir. Entre 1950
et2050, la population mondiale triplera. La terre Il faudra ensuite décider si notre région se met dans
arable par habitant, du fait de l’urbanisation, sera les commodités ou cherche à se démarquer sur des
divisée par plus de 2,5. L’agriculture et l’industrie produits combinant santé, respect de l’environnement
agroalimentaire ont donc de beaux jours devant et saine nutrition (type « Produits de Bretagne »). Il
elles. À condition de poursuivre leurs efforts de faudra rentrer dans les nouveaux créneaux que sont
productivité.
l’élevage du poisson et la culture des algues, domaines
où la Bretagne dispose de potentiel si elle tisse les
C
bons partenariats avec les Asiatiques, maîtres en la
matière. Le potentiel est donc là pour une agriculture
florissante.
« Avec l’aide d’un État moins hypertrophié »
Enfin, il faut que l’État et les syndicats comprennent
qu’ils sont responsables de la gestion de 57% du PIB
(1), c’est-à-dire de la majorité du prix de revient des
produits agricoles. Nos paysans n’en contrôlent que
43% ! Toutes les études montrent que notre sphère
publique est à peu près 50% plus dispendieuse que
les sphères allemande et hollandaise (et sans parler
de celle de la Nouvelle-Zélande, infiniment moins
chère). Ce surcoût, ajouté à l’explosion législative due
à l’hypertrophie de l’État, fait courir un risque aux
paysans.
Si tout cela est bien compris, l’axe pour nos politiques
est simple : reformer notre sphère publique pour
baisser fortement son coût (et les impôts qui la
financent) tout en simplifiant et en stabilisant le cadre
de travail des entreprises ; la filière agroalimentaire
saura dans ces conditions concevoir et exécuter des
stratégies agricoles gagnantes.
(1) La sphère publique française représente 57% du
PIB, elle a la main sur 57% du coût d’un produit
100% fait en France.
Xavier Fontanet
05.03.2015
15:23
Blog - Relais d’Opinion
L’agriculture durable, facteur de réassurance du consommateur
Agroalimentaire : les agriculteurs en première ligne dans la stratégie de communication des
marques face au consommateur.
Pour cette nouvelle session de contributions,
l’INSEAD Alumni Association France et l’Opinion
ont décidé de mettre l’agroalimentaire à l’honneur.
Au lendemain du Salon de l’agriculture, il nous a
semblé intéressant de mettre en avant ce secteur
en perpétuel changement. Quel est son avenir, ses
enjeux… ? Evolution ou révolution ?
D
ans un contexte de méfiance des
consommateurs, l’agriculteur représente
désormais un vecteur de communication de
choix pour les marques alimentaires nationales.
C’est un fait, les scandales alimentaires des 20
dernières années ont développé une méfiance des
Français dans les produits alimentaires qu’ils achètent
au quotidien. Désormais le consommateur se pose (à
tort) la question de la sécurité sanitaire des produits
qu’il achète dans un acte aussi banal que les courses
hebdomadaires. Ces crises ont ainsi modifié les
attentes des consommateurs envers les industriels de
l’agroalimentaire : 7 consommateurs sur 10 déclarent
accorder plus d’attention qu’avant aux informations
concernant les ingrédients (71%*), au même niveau
que le prix, le lieu de fabrication (71%) ou encore à
l’origine des ingrédients (69%).
Les consommateurs qui cherchent désormais en
priorité les informations relatives à la composition et
à l’origine des produits avouent, dans le même temps,
éprouver de réelles difficultés à les identifier et à les
comprendre. Face à ce paradoxe, ils développent
de plus en plus des attitudes de contournement
en « recherchant » ces informations directement
auprès d’acteurs comme les associations de défense
des consommateurs, les ONG, les influenceurs/
blogueurs… En fait de recherches (combien d’entre
nous avons le temps de faire des recherches sur
des produits alimentaires avant d’entrer dans un
supermarché), disons plutôt que les consommateurs
sont très perméables aux informations émises par
ces acteurs sur les marques alimentaires nationales
car ces nouveaux relais d’opinion font un travail de
digestion de l’information que les consommateurs
n’ont pas le temps ou la capacité de faire.
Dans ce contexte de méfiance et d’émergence de
nouveaux influenceurs du comportement d’achat,
les marques alimentaires devraient toutes se poser
la question de leur réputation et de ce qu’elles font
pour l’entretenir que ce soit en mode défensif
(avoir un discours opposable en cas d’attaque)
ou offensif, tout simplement pour se différencier.
Certaines marques comme LU (https://www.
lulechampdespossibles.fr/Engagement/La-CharteLU-HARMONY) ou Fleury Michon (http://www.
fleurymichon.fr/venezverifier) ont bien compris la
nécessité de changer le discours et ont développé des
programmes de production durable avec un acteur
clé de leur chaîne d’approvisionnement : l’agriculteur.
Seul l’agriculteur (local ou national) est aujourd’hui
perçu comme encore capable de tenir une promesse
vis-à-vis du consommateur « en faisant des efforts
» pour le respect des saveurs, de la santé et de
l’environnement. Pour 52%* des consommateurs ce
sont les agriculteurs qui en font le plus en faveur du
goût et de la saveur des produits, contre seulement
28% pour les industriels de l’agroalimentaire et 16%
pour les grandes surfaces.
C’est fort de ce constat que des agriculteurs français
ont fait l’effort de s’inscrire dans une démarche
innovante de production de céréales. Avec l’objectif
de s’adresser directement aux consommateurs, ils ont
créé RESPECT’in, la première marque de céréales
durables, des céréales cultivées avec un engagement
de respect de l’environnement et une empreinte
carbone réduite.
Sertaç Turan (EMBA INSEAD 08),
http://blog.respectin.com/
www.respectin.com
@TuranSertac
*Une enquête auprès de la population française
réalisée par Ipsos pour la marque de céréales
durables RESPECT’in. L’étude a été réalisée du 30
septembre au 7 octobre 2013 auprès d’un échantillon
représentatif de 1005 Français âgés de 15 ans et plus
(méthode des quotas INSEE : sexe, âge, profession
de la personne de référence du ménage, région et
catégorie d’agglomération).

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