Séminaire MTCE/COMECE à l`occasion du 125e anniversaire de
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Séminaire MTCE/COMECE à l`occasion du 125e anniversaire de
Discours d’ouverture de S. E. Mgr. Gianni Ambrosio Séminaire MTCE/COMECE – Bruxelles, 3 mai 2016 Séminaire MTCE/COMECE à l’occasion du 125e anniversaire de Rerum Novarum Bruxelles - Mardi, 3 mai 2016 (10h00 - 17h00) Discours d’ouverture de S.E. Mgr. Gianni Ambrosio Évêque de Piacenza-Bobbio Vice-président de la COMECE VERSION FRANÇAISE Seul le texte prononcé fait foi. Excellences, Chers membres du Mouvement des travailleurs chrétiens d’Europe, Chers membres de la Commission Affaires sociales de la COMECE, Mesdames et Messieurs, Après cet accueil chaleureux de la part du Père Patrick Daly, je voudrais à mon tour, chers conférenciers et chers participants, vous souhaiter la bienvenue au nom des évêques de la COMECE. Je suis heureux que nous soyons ici aujourd’hui avec les représentants des travailleurs chrétiens d’Europe, des Institutions européennes et d’autres organisations partenaires pour réfléchir ensemble à nos sociétés d’aujourd’hui, à la lumière de l’Enseignement social de l’Eglise catholique. C’est l’occasion pour nous de célébrer le 125e anniversaire de la publication de la première encyclique sociale, Rerum Novarum. Les mots adressés en son temps par le Pape Léon XIII au monde catholique n’ont pas perdu de leur valeur, comme une demande instante de justice pour les travailleurs, pour « la condition des ouvriers », « afin de mettre en évidence les principes d'une solution conforme à la vérité et à l'équité ». A la fin du XIXe siècle, les Européens ont vécu de grands bouleversements sociaux. A la publication de Rerum Novarum en 1891, l'industrialisation avait déjà sonné le glas de la structure séculaire de la société féodale en Europe occidentale. Les citoyens n’étaient plus organisés en guildes, « les corporations anciennes qui étaient pour eux (les travailleurs) une protection », les artisans avaient abandonné leurs petits ateliers. C’était l’aube de l'ère industrielle et de la division de la société entre les patrons et la main-d’œuvre bon marché. 2 De nos jours, notre société est placée sous le signe du progrès rapide de la numérisation et de la mondialisation. Aujourd’hui comme hier, le changement social est synonyme d’opportunités mais aussi de risques. Hier, l'invention de la machine à vapeur, le courant électrique ou encore la liberté acquise suite à dissolution de la société féodale, ont permis à quelques citoyens de s’enrichir rapidement. Aujourd'hui, nous voyons augmenter les inégalités économiques et sociales. Il faut constater avec inquiétude que nous nous éloignons toujours d’avantage des principes énoncés par le Pape Léon XIII pour un développement social selon « les principes d'une solution conforme à la vérité et à l'équité ». Prenons l’exemple de son plaidoyer en faveur de l’équité salariale, pour des revenus adaptés aux familles. Cela ne devrait pas seulement permettre aux travailleurs de subvenir à leurs besoins quotidiens mais aussi d’économiser par mesure de précaution. Il a critiqué le fait que les travailleurs devaient vivre dans la pauvreté et la misère, tandis que les patrons bénéficiaient de profits élevés. Pour le Saint-Père, cela contredit tout sens de la justice, parce que : « Ce serait un crime à crier vengeance au ciel, que de frustrer quelqu'un du prix de ses labeurs ». 3 Aujourd'hui, il nous faut bien admettre que les revenus et les fameux « bonus » de certains patrons dépassent largement ceux de leurs employés. Tout ceci conduit inévitablement à des inégalités de salaires. En effet, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'écart entre riches et pauvres dans les pays occidentaux est aussi grand qu’il y a 30 ans. En moyenne, dans les pays industrialisés, les 10% les plus riches gagnent près de 10 fois plus que les 10% ayant les revenus les plus bas. Alors que les échelons supérieurs dans les entreprises continuent de percevoir des bonus élevés, il est préoccupant de voir le nombre croissant de citoyens de l'UE qui vivent dans la pauvreté bien qu’ils soient salariés. Dans son rapport récent « End Poverty in Europe », Caritas Europa constate, que de plus en plus de familles ne gagnent pas assez d’argent pour subvenir à leurs besoins malgré leur travail, surtout dans les pays qui sont fortement touchés par la crise financière. De plus, le droit préconisé dans Rerum Novarum à des conditions de travail équitables et à la participation est mis en danger par la précarité 4 de l’emploi. De nouvelles formes de travail, comme le travail temporaire, le contrat « zéro heure » et le travail partagé (job sharing) ne sont pas suffisamment couverts par les législations actuelles en matière de protection du travail. A cet égard, je voudrai citer une fois encore le Pape Léon XIII : « Ce qui est honteux et inhumain, c'est d'user de l'homme comme d'un vil instrument de lucre, de ne restituer qu'en proportion de la vigueur de ses bras ». Aujourd'hui on a tous le devoir de veiller au traitement égal et digne des travailleurs quel que soit leur statut social, leur âge et leur sexe. Dans notre économie mondialisée, nous devons également être attentifs aux conditions de travail dans les « ateliers du monde » - en particulier en Chine ou au Bangladesh. Comme l'a souligné le Pape François dans Laudato si’, nous avons donc, en tant que consommateurs, le devoir moral de veiller à ce que les droits sociaux soient respectés dans la chaîne de valeur, afin que la mondialisation soit une expérience positive pour tous. La crise financière a montré qu'une économie qui ne considère pas la question sociale peut causer beaucoup de tort. Même huit ans après le début de la crise, l'Europe n’est pas encore tout à fait remise. Les 5 premières victimes sont les jeunes qui, à cause d’une crise économique sans fin dans de nombreux pays européens, entament leur vie professionnelle par le chômage et l'incertitude. A la lumière de l’enseignement du pape Léon XIII et de la doctrine sociale de l’Eglise, à la lumière aussi de l’histoire qui témoigne de l'échec du communisme et du néolibéralisme, il faut trouver des solutions qui combinent la libéralisation du marché et la justice sociale. Par exemple, l’idée d'une économie sociale de marché offre un cadre qui favorise l'esprit de compétition en tenant compte des conditions de travail humaines et la solidarité avec les plus faibles et de la conjoncture économique mondiale. De plus, à l’heure actuelle, un tel cadre ne peut laisser de côté la question écologique car, comme l’a souligné le Pape Francois dans Laudato Si’, celle-ci est directement liée à la question sociale. La crise financière a montré, cependant, que, compte tenu de l'interdépendance des économies, l'Etat-nation ne suffit plus à faire face aux grands défis économiques. Dans la mesure où les entreprises 6 opèrent déjà à l'échelle internationale, il est nécessaire que le cadre réglementaire pour la gouvernance et l'équité sociale soit au moins coordonné au niveau européen. En 2010, avec le Traité de Lisbonne, les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union européenne s’étaient fixés l’objectif d’établir « une économie sociale de marché compétitive ». En 2012, les Evêques de la COMECE ont d’ailleurs publié une déclaration à ce sujet intitulée « Une communauté européenne de solidarité et de responsabilité » dans laquelle nous avons plaidé en faveur d'une économie sociale de marché qui implique, en plus d’une concurrence régulée, la solidarité avec les pauvres, l'utilisation prudente des ressources naturelles et une concurrence équitable avec les pays en développement et les pays émergents. Malheureusement, le volet social de cet objectif du Traité a depuis été très peu concrétisé par l’Union européenne. Je me réjouis, par conséquent, que la Commission ait fait, cette année, les premiers pas vers un « socle européen des droits sociaux » destiné à renforcer la dimension sociale du projet européen. La COMECE se réjouit de cette initiative comme point de référence pour une réforme des droits sociaux 7 permettant une amélioration des conditions de vie et de travail. Dans le même temps, nous soutenons l'Union dans son projet environnemental actuel d'économie circulaire, qui est basée sur le recyclage des ressources utilisées. Mesdames et Messieurs, étant donné les défis et les initiatives actuelles de l'Union Européenne, c’est le bon moment de se tourner vers l’avenir et d’aller de l’avant pour réconcilier les objectifs économiques toujours plus exigeants avec notre vision profondément humaniste des hommes et des femmes et pour découvrir des idées nouvelles pour un vie sociale digne. Je suis ravi que le Professeur Friedhelm Hengsbach et Madame Elena Lasida se soient joints à nous aujourd’hui. Je salue aussi très chaleureusement Monsieur Sebastian Sladek qui développera les aspects pratiques d'une activité socialement et écologiquement durable. Je tiens également à remercier le modérateur de notre événement, le professeur 8 Johan Verstraeten. Un grand merci aussi à Madame Ellen van Stichel qui se joindra cet après-midi à la table ronde. Je vous souhaite à tous de très bons débats. Merci pour votre attention! 9