La cuna del maíz
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La cuna del maíz
Numéro 1 Guadalajara México, Février 2004 La cuna del maíz Le bulletin trimestriel qui raconte une expérience de coopération dans les terres qui ont vu naître le maïs. Groupe Volontaires Outre-Mer: www.gvom.ch Red de Alternativas Sustentables Agropecuarias: http://personales.igu.net.mx/conefi/larasa/entrar.html Textes, photos et design: Diego Echeverri Chollet, e-mail: [email protected] La richesse du réseau. La RASA, Red de Alternativas Sustentables Agropecuarias ou Réseau d'Alternatives Durables Agricoles est une ONG qui sert de plate-forme à plusieurs organisations et acteurs sociaux - paysans, indigènes, femmes, consommateurs - qui pratiquent l'agriculture organique et cherchent des solutions appropriées à la problématique du développement rural dans plusieurs régions de l'état de Jalisco, au Mexique. La RASA est constituée de 17 groupes de plusieurs régions de l'état, ainsi que quelques organisations non gouvernementales et universitaires. Ma première expérience dans la RASA date du mois d'août, quand j'ai participé à Cuexcomatitlán pour la XV Rencontre de Paysans de la RASA. Ce jour là je me suis émerveillé par la richesse de ce réseau. Le nombre de participants réunis et venus des cinq coins de l'état, le contenu des discussions et le niveau de participation active des assistants sont des éléments qui ne cessent d'augmenter dans les rencontres du réseau. Pour la XVI Rencontre de Paysans de la RASA, en novembre à Juanacatlán, la tendance s'est confirmée. Les propos traités dans les rencontres comprennent des sujets très pratiques, comme la présentation par les hôtes de la rencontre des expériences locales en semences, compostes, culture de vers de terre, plantes médicinales et éco-technologies. Les rencontres abritent aussi des conférences et débats sur des sujets plus amples, tels les risques des organismes génétiquement modifiés (OGM), les enjeux entre les entreprises multinationales face aux ressources et produits locaux puis les plans gouvernementaux et internationaux. Début octobre la RASA a participé avec un stand dans la Deuxième Exposition Nationale de Produits Organiques. Le stand, produit de l'ingéniosité du mexicain sans ressources, a attiré beaucoup de monde. La RASA a pu vendre pas mal de produits et établir des liens avec des personnes et des organisations qui partagent la même philosophie. Le stand distribuait deux brochures pour lesquelles j'ai collaboré; une brochure de présentation de la RASA et l'autre proposait " Las Canastas de Verduras Sanas ", un nouveau projet de commercialisation de légumes bio, par souscription familiale. La RASA vend aussi ses produits dans un magasin, inauguré en novembre, qui marche tout doucement. La richesse du réseau n'est pas d'ordre économique. Il est riche à cause de ses membres, grâce au travail que chacun fait dans son espace et sa force est basée sur l'échange, l'identité et l'espérance. XVI Rencontre de Paysans de la RASA à Juanacatlán. 1 La cuna del maíz Au nord ; le peuple Huichol. Le peuple Wixarika, connu par les métis comme peuple Huichol, se trouve au nord de l'état de Jalisco, à l'est de celui de Nayarit et au sud de Durango. Son territoire est constitué par quatre communautés qui réunissent un très large nombre de petits villages et fermes parsemés dans la majestueuse et accidentée chaîne de montagnes connue comme la Sierra Huichola. Les huichols conservent leur culture de façon très remarquable. Ils parlent toujours leur propre langue et pratiquent toujours leurs coutumes. D'ailleurs, pour beaucoup de monde, ils sont ceux, parmi les peuples mexicains, qui ont mieux su garder leur identité. Lors de mes études j'ai eu la possibilité de visiter quelques localités huicholes quand je travaillais pour la rénovation des internats pour enfants. C'est au travers de l' Asosiación Jalisciense de Apoyo a Grupos Indígenas (AJAGI) que je retrouve à nouveau ce peuple extraordinaire. AJAGI est une organisation non gouvernementale qui a pour objectif principal la reconstitution intégrale du territoire et de l'habitat huichol. Elle accompagne le peuple huichol dans sa marche, en lui offrant son soutien et son conseil dans trois domaines; l'éducation, la défense légale et le développement durable pour l'autonomie. J'ai rejoint l'enthousiaste équipe d'AJAGI en septembre dernier pour mon premier voyage. J'avais un peu oublié combien sont longues les distances au Mexique, surtout pour atteindre des populations indigènes. Pour aller à la Sierra Huichola on fait au minimum 9 heures de trajet en camionnette… mais il nous est déjà arrivé de faire 24 heures pour un aller simple ! Dans des chemins si longs et mauvais, on n'est jamais à l'abri des crevaisons et autres incidents. Mais les paysages et l'arrivée en communauté valent toutes les aventures vécues jusqu'à maintenant. Les huichols ne sont pas toujours accessibles. Ils sont assez méfiants. D'ailleurs, pendant mes visites universitaires, je n'avais pas vraiment réussi à faire contact avec les gens. Maintenant cela va beaucoup mieux et je crois que c'est parce Numéro 1 que j'arrive en compagnie des membres d'AJAGI qui sont très connus et acceptés chez les huichols. Mon travail avec AJAGI est surtout basé dans les deux Centres Démonstratifs et de Formation (CDF) qui se trouvent dans les localités de Mesa del Tirador et celle de Mesa de los Sabinos. Les CDF sont communautaires et fonctionnent comme axe dans les travaux régionaux d'agroécologie, éco-technologies et formation d'AJAGI. À ce jour, le CDF de Mesa del Tirador réalise des travaux importants d'horticulture, de compostes et de récupération des sols. De son coté le CDF de Mesa de los Sabinos comprend une surface clôturée de nonante mètres carrés, une maison de santé, une citerne à eau, un four à pain, une surface d'horticulture et de composte. Les CDF se trouvent maintenant dans une importante phase de croissance. Nous avons organisé plusieurs ateliers de conception et planification participative. Les processus sont longs, mais cela ne nous étonne pas. C'est comme ça dans les communautés indigènes qui maintiennent leurs formes d'organisation traditionnelles. Ces formes d'organisation, qui obéissent aux assemblées et au consensus, ne doivent pas être jugées inefficaces car ce serait ignorer leur profondeur et congruence; bien au contraire, elles sont la base de l'autonomie recherchée. Dans les ateliers de conception et planification des CDF nous demandons aux assistants de dessiner leur rêve du CDF sur de grands papiers. Nous avons aussi réalisé cette dynamique avec une maquette à pièces détachées. Les résultats nous réjouissent beaucoup. Pour construire ces rêves, on aura beaucoup de travail d'ici quelques temps. Je travaille aussi avec le Grupo Indígena de Protección Ambiental (GIPA) qui Dynamique de la maquette avec les femmes de Mesa de los Sabinos 2 La cuna del maíz est un groupe de huichols qui se forment et s'organisent pour la solution des problèmes d'environnement du territoire huichol. D'ailleurs, deux membres du GIPA ; Luis et Armando, sont coordinateurs des CDF. Du 19 au 23 novembre j'ai accompagné 13 huichols membres du GIPA et Yessica, une conseillère d'AJAGI, pour la première partie du Troisième Atelier d'Agriculture Bio et Ecotechnologies, dans une ferme écologique de l'état voisin de Michoacán. L'atelier était une introduction au concept de permaculture, qui se définit comme une philosophie de design intégral promouvant le développement écologique et durable des établissements humains. Dans l'atelier on a étudié la relation des phases de la lune avec les cultures, des techniques pour la récupération des sols et des rivières, on a réalisé plusieurs genres de compostes et fertilisants naturels, on a appris des technologies appropriées comme les latrines sèches, l'énergie solaire, le traitement des eaux usées, entre autres. Cette première partie de l'atelier, m'a ouvert les yeux sur les nombreux éléments interdépendants qui composent la vie des producteurs agricoles. La deuxième partie de l'atelier se réalisera dans le CDF de Mesa de los Sabinos à la fin février 2004 et on espère pouvoir mettre en pratique sur le terrain les connaissances acquises, avec une plus ample participation des huichols. Les ateliers de conception participative, avec l'atelier de Michoacán, ont abouti à la planification des travaux suivants dans les deux CDF : la construction de latrines sèches, de cuisinières à faible consommation de bois et de locaux pour la culture de champignons et l'entreposage d'outils. Par ailleurs, dans le CDF de Mesa del Tirador on prévoit la construction d'une citerne à eau et dans le CDF de Mesa de los Sabinos des locaux à boulangerie et bibliothèque, un nouveau four à pain et un lavoir avec système de recyclage d'eau, en plus de l'agrandissement de la surface clôturée jusqu'à l'hectare complète. Enfin en janvier, lors de ma quatrième visite, nous avons commencé la construction de la latrine sèche du CDF de Mesa de los Sabinos. Le rythme de construction n'était pas très rapide, parfois interrompu Numéro 1 Construction de la latrine à Mesa de los Sabinos par le manque de matériaux ou d'outils. Nous n'avons pas réussi à la finir avant notre retour à Guadalajara, mais les gens sur place ont pris l'engagement de la finir pour qu'elle soit utilisable pendant l'atelier prévu à la fin février, pour lequel on attend la présence d'une centaine de huichols venus de plusieurs communautés. Le travail avec les camarades huichols et d'AJAGI, m'apporte beaucoup. D'abord, la culture huichole, si proche de la nature et le sens qu'ils donnent à chaque petite chose qu'ils font. Ensuite, le professionnalisme de l'équipe d'AJAGI, avec leur grande expérience de terrain, leurs méthodes toujours axées sur la participation, et l'engagement qui les motive. Je sens que le projet marche dans la bonne direction et qu'il prend un bon rythme, à nous de le soutenir. 3 La cuna del maíz Au sud ; le peuple Nahua Au sud de Jalisco, près de la réserve naturelle de la Biósfera de Manantlán, se trouvent plusieurs localités d'indigènes nahuas, qui composent l'Union des Villages Indigènes de la Sierra de Manantlán. Le peuple Nahua de Jalisco conserve ses traditions et ses formes d'organisation, mais ne conserve plus sa langue originelle. Il partage avec le reste des peuples indigènes du Mexique le même passé d'extermination et de pauvreté, mais il partage aussi une même espérance de justice et de dignité. La Unidad de Apoyo a Comunidades Indígenas (UACI), est une institution de l'Université de Guadalajara (institution publique de l'état de Jalisco). Elle soutient des projets qui ont pour objectif principal la récupération, la conservation, la défense et le développement des cultures indigènes et de ses territoires. La UACI travaille dans divers domaines allant du conseil légal jusqu'à la promotion culturelle, en passant par une grande variété de projets. A ce jour, j'ai visité trois fois la Sierra de Manantlán. Mon premier voyage fut seulement pour connaître la région et me présenter aux autorités traditionnelles. Les montagnes de la Sierra de Manantlán abritent une très grande variété d'espèces animales et végétales. Je me régale à chaque fois avec le paysage qui me fait beaucoup penser au Chiapas. Dans ces montagnes on trouve toujours le teocintle, qui est le prédécesseur du maïs. Pour ma deuxième visite, nous avions deux objectifs ; la réalisation d'ateliers pratiques pour apprendre à faire des engrais liquides naturels et la construction de cinq cuisinières à faible consommation de bois, dans des localités différentes. Pendant que, Rocío et Pedro, deux conseillers de la UACI, animaient l'atelier des engrais, Colores (un autre conseiller), mon frère Andrés (invité pour l'occasion) et moi avons construit les cuisinières, des fois avec l'aide de quelqu'un de la maison. En deux jours d'intense travail, nous avons réussi nos objectifs et je me suis senti content car je participais enfin à la construction de quelque chose de très concret. Mais je n'étais pas, pour autant, satisfait à cause de Numéro 1 la dynamique utilisée, dans de laquelle personne de Manantlán avait appris à construire ces cuisinières. J'ai transmis mon inquiétude au reste des conseillers, qui étaient d'accord et on s'est imposé comme condition pour la prochaine fois qu'il y ait au moins un participant de la communauté prenant part à la construction de la totalité des cuisinières. Il y a déjà un possible candidat qui s'est proposé lors de notre passage. Pour ma troisième visite, je suis allé seul chez Juan Prudencio indigène qui habite la Loma Colorada. Comme il a obtenu un soutien financier pour un projet d'horticulture avec des méthodes traditionnelles, je suis allé visiter sa parcelle, pour examiner la meilleure méthode pour faire arriver l'eau dans la parcelle. Le cas est un peu compliqué car la Loma Colorada est tout en haut d'une colline et elle n'a pas d'eau depuis deux ans. Il paraît qu'une partie des tuyaux du réseau qui amenait l'eau a été volé. Les autorités n'ont rien fait pour résoudre ce problème et les habitants de Loma Colorada doivent marcher de longues distances pour aller chercher de l'eau dans la rivière. C'est de cette même rivière que Juan pense prendre l'eau pour ses légumes. Il me semble que la meilleure solution est de réparer le réseau, mais cela va prendre beaucoup de temps, il faut commencer par attirer l'attention de la municipalité. Malheureusement les autorités municipales se trouvent dans des villages métis et n'ont pas souvent les oreilles ouvertes pour entendre les demandes des indigènes. Cuisinière construite dans la localité de Las Zorras 4 La cuna del maíz Vers une conscience d'autonomie, dans la lutte pour les droits des peuples indigènes. 28 janvier 2004. Entretien avec Armando Hernández Carrillo, huichol promoteur de santé de Mesa de los Sabinos et coordinateur du Centre Démonstratif et de Formation. - Que signifie pour toi la lutte pour les droits des peuples indigènes ? - Elle signifie qu'on soit respectés dans nos coutumes et nos croyances, qu'on ne soit pas maltraités. Elle signifie qu'on soit ce qu'on est ; réaliser notre travail et nos coutumes dans notre territoire. Qu'on soit autonomes; que nous réalisions notre projet comme il naît en nous et non pas manipulés par le gouvernement. Que nous décidions ce qu'on veut faire et avoir, qu'on puisse protéger tout ce qu'on a dans notre région, comme l'eau, les arbres, la terre et surtout notre maïs. Nous voulons être autonomes pour élire nos représentants, sans les partis politiques. Le commissaire local, est déjà un exemple d'autonomie, car la localité le désigne et le reconnaît. Numéro 1 - Que fait-on dans ta communauté pour renforcer cette lutte? - On s'est mis d'accord avec le Conseil des Anciens pour diffuser cette lutte. Les gens sont en train de la connaître. On avait les yeux fermés, mais maintenant nous sommes en train de prendre conscience. Nous savons ce que font et veulent les grandes entreprises, en polluant et en nous apportant des choses qui ne nous servent pas. Les entreprises des grands millionnaires qui fabriquent les agrochimiques soutiennent les politiciens dans leurs campagnes, mais maintenant nous le comprenons et nous utilisons moins de produits chimiques dans nos cultures, car le maïs ne grandit plus comme il y a trente ans quand on n'utilisait pas d'engrais chimiques. Nous participons aussi au Congreso Nacional Indígena (CNI) qui s'organise avec d'autres états du pays. Grâce au CNI, nous connaissons comment font les communautés pour défendre leur autonomie, mais nous apprenons aussi qu'il y en a qui veulent breveter notre maïs sacré, alors nous nous mettons debout, nous continuons notre lutte qui marche pour l'autonomie. Aussi nous nous formons ; car si un indigène étudie une carrière ou devient professeur, c'est pour défendre sa communauté et soutenir son peuple et non pas pour oublier sa tradition. Il doit aller vers le symbole de l'autonomie et non pas vers le symbole des pesos (monnaie nationale). On ne vend pas ce qu'on a, et encore moins en échange d'une misère. - Qu'avez vous réussi avec cette lutte ? - Avec cette lutte et mobilisation on a récupéré des terres et le respect. On ne se laisse plus convaincre par les envahisseurs et les candidats des partis. Nous avons réussi des travaux dans nos localités avec des projets qui naissent des gens. Nous récupérons aussi le respect de nous mêmes ; il y a moins d'émigrants, moins de gens vont travailler loin dans des entreprises qui emploient des produits chimiques et toxiques. - Que reste t'il à faire? Quelles sont tes propositions pour renforcer cette lutte ? - Nous voulons fonder notre propre municipalité autonome, qui n'appartienne pas a des municipalités métisses et qui comprenne la totalité du territoire huichol ; ainsi nous pourrons faire plus. Pour cela nous devons nous organiser encore plus pour qu'on soit forts. Les dirigeants doivent être aussi forts et responsables pour défendre ce qu'on a et ce qu'on veut, car le métis a toujours voulu prendre les décisions. Maintenant nous sommes mûrs, nous lisons et nous écrivons, nous sommes responsables et nous sommes prêts à établir nos municipalités autonomes. Armando Hernández Carrillo 5 La cuna del maíz Numéro 1 Une légende du maïs ...la Madre del Maíz cambió su forma de paloma y adoptó la humana; le presentó al muchacho sus cinco hijas, que simbolizan los cinco colores sagrados del maíz: blanco, rojo, amarillo, moteado y azul. Como el joven tenía hambre, la Madre del Maíz le dió una olla llena de tortillas y una jícara llena de atole; él no creía que eso pudiera saciar su hambre, pero las tortillas y el atole se renovaban mágicamente, de manera que no podía acabárselos. La Madre del Maíz le pidió que escogiera a una de sus hijas y él tomó a la Muchacha del Maíz Azul, la más bella y sagrada de todas... … la Mère du Maïs quitta sa forme de colombe et elle prit forme humaine ; elle présenta au garçon ses cinq filles, qui symbolisent les cinq couleurs sacrées du maïs : la blanche, la rouge, la jaune, la tachetée et la bleue. Comme le jeune homme avait faim, la Mère du Maïs lui donna une marmite pleine de tortillas(1) et un bol plein d'atole(2) ; il ne croyait pas que cela pourrait rassasier sa faim, mais les tortillas et l'atole se renouvelaient magiquement, de telle façon qu'il n'arrivait pas a les finir. La Mère du Maïs lui demanda de choisir l'une de ses filles et il prit la Fille du Maïs Bleu, la plus belle et sacrée de toutes… (1) Tortilla = galette de maïs. (2) Atole = boisson à base de maïs. Légende soustraite du livre " Mitos y arte Huicholes " écrit par Peter T. Furst et Salomón Nahmad, édité par Sep/setentas 6