Synthèse « Mise en place d`un programme anti

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Synthèse « Mise en place d`un programme anti
Synthèse
« Mise en place d’un programme anti-corruption : retours d’expériences et
impacts du projet de Loi Sapin 2 »
Le mardi 13 septembre 2016 au sein des locaux de PwC France & Afrique francophone
Premier panel : « L’évolution législative française : le projet de Loi Sapin 2 »
Ce premier panel a été introduit et modéré par Bruno Thomas, Associé au sein de PwC Société d’avocats.
En premier lieu, Mme Xavière Simeoni, Cheffe du Service central de Prévention de la Corruption (SCPC) a rappelé
les mesures phares émanant du projet de Loi Sapin 2. Au-delà des mesures de sanction prévues en cas de
manquement à l’obligation de prévention, elle a insisté sur l’objectif pédagogique du texte. Celui-ci prévoit, en
effet, d’accompagner les entreprises dans leur démarche de mise en place d’un programme d’éthique et de
conformité grâce à la publication de recommandations adaptées selon leur taille et aux risques auxquels elles
font face. Mme Simeoni a par ailleurs présenté la Loi de blocage en matière de corruption transnationale dans le
cadre des procédures transactionnelles et le rôle d’accompagnement du SCPC et de la future Agence. A travers
la présentation des différentes mesures du projet de Loi, Mme Simeoni a souligné l’apport de celui-ci pour la
lutte contre la corruption dans les transactions commerciales, enjeu stratégique des équipes et des processus
dans le nouvel environnement mondial.
Par la suite, Mme Marie-Françoise Brulé, Conseiller Senior au SCPC, a présenté les « Lignes directrices visant à
renforcer la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales »1 en lien avec les recommandations
du projet de Loi. Elles s’articulent autour de six principes à savoir l’engagement des dirigeants au plus haut
niveau, l’évaluation des risques, la mise en place d’un programme de conformité anticorruption s’appuyant sur
les valeurs de l’entreprise, la mise en œuvre de dispositifs de contrôle, la communication et la formation ; ainsi
que la politique de sanctions. Elles traduisent la volonté des pouvoirs publics de mettre à la disposition des
entreprises un outil simple et opérationnel à destination des entreprises. Mme Brulé a souligné le caractère
directement utile aux entreprises de ces préconisations en raison de leur forme, claire et directe mais aussi
parce qu’elles correspondent aux standards internationaux de prévention de la corruption les plus élevés,
qu’elles sont par ailleurs adaptées aux spécificités françaises et qu’elles sont flexibles en fonction de leur taille,
de leur secteur d’activité, etc.
De plus, Mme Brulé a insisté sur la nécessité pour l’entreprise de réunir l’ensemble des principes constitutifs du
programme, de les faire évoluer en fonction notamment de l’évolution des risques de corruption, et de les
appliquer effectivement : la flexibilité doit rester compatible avec la réalité de la mise en œuvre de chacun des
principes, afin de relever le défi de l’éthique, enjeu majeur de la performance des entreprises.
Mme Roxana Family, Vice-Présidente de l'Université de Cergy Pontoise, Directrice de la Chaire et du Master
Droit et Ethique des affaires, a rappelé le contexte dans lequel a été élaboré le projet de Loi Sapin 2. La France
s’était déjà dotée dans les années 1990 d’un premier arsenal juridique visant à lutter contre la corruption qui
formule des sanctions. Toutefois, la faible application de ces mesures rendait le dispositif peu dissuasif. Avant la
Loi du 31 juillet 2000, le versement des pots-de-vin dans le cadre de soumission aux appels d’offre
internationaux était considéré comme une charge déductible des impôts.
Mme Family a souligné la volonté du législateur de faire converger le dispositif anticorruption français vers les
standards internationaux. Parmi les principales avancées : la possibilité de recourir à des procédures
transactionnelles, permettant aux entreprises de coopérer avec l’administration pour mettre en place un
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« Lignes directrices françaises visant à renforcer la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales » publiées
en mars 2015 par le Service Central de Prévention de la Corruption en collaboration avec le Ministère de la Justice de la
République française.
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programme de conformité anticorruption et éviter une procédure judiciaire. Ce concept de transaction judiciaire
est déjà introduit dans d’autres pays de tradition juridique romano-germanique tels que l’Allemagne ou l’Italie.
Dans le projet de Loi, la compétence pour régulariser ce type de transaction reviendrait au Président du Tribunal
de Grande Instance. Mme Family a tenu à nuancer l’enthousiasme suscité par ce projet en s’interrogeant sur ses
modalités d’application et appelle à définir clairement les critères de la procédure transactionnelle.
De plus, elle a regretté la mise en place de seuils d’applicabilité des mesures telles que prévues à l’article 8 du
projet de Loi qui concerne ainsi uniquement les entreprises de plus de 500 collaborateurs avec un chiffre
d’affaires de plus de 100 millions d’euros. Ce seuil exonérerait certes les entreprises de petite taille en France
mais pas à l’étranger. A titre d’exemple, les législations anticorruption du Royaume-Uni ou des Etats-Unis se
montrent plus restrictives et peuvent sanctionner des entreprises de plus petite taille. Ce seuil mériterait d’être
aligné avec ceux prévus dans d’autres législations.
Au sujet du statut de la future Agence Nationale de Prévention et de détection de la corruption, Mme Family, a
déploré la levée de la cotutelle ministérielle dans le projet de Loi actuel, limitant ainsi ses moyens et son
indépendance. Madame Simeoni a abondé en ce sens et a regretté cette direction prise par le Sénat, en
espérant que cela pourra être corrigé dans le parcours législatif à venir. Cette cotutelle lui semble indispensable,
ne serait-ce que pour des raisons budgétaires, le Ministère de la Justice ne pouvant que très difficilement
supporter seul le budget nécessaire à son fonctionnement.
Second panel : « Les impacts du projet de Loi Sapin 2 dans les programmes de conformité »
Pour ce deuxième panel, animé par Françoise Bergé, Associée PwC, la parole a été donnée à des intervenants
issus de grands groupes industriels.
M. David Sentis, Compliance Manager de Novartis Pharma a souligné l’importance du management par
l’exemple. Il a ainsi évoqué non seulement la nécessité de l’engagement des dirigeants mais également des
échelons intermédiaires (« tone from the middle »), bien plus prégnants à son sens, étant données les
contraintes opérationnelles de court terme pesant sur les managers des entreprises qui peuvent être amenés à
négliger les valeurs de l’entreprise au profit des affaires courantes. Pourtant, les risques juridiques et d’atteinte à
la réputation existent bien. Il a alors été rappelé l’exemple d’un groupe industriel international impliqué dans
des affaires de corruption qui, à la suite de poursuites au pénal, a été contraint de licencier environ 400 cadres
dirigeants et de faire appel pour la première fois à un président recruté à l’extérieur du groupe.
M. Sentis a également insisté sur l’évaluation des risques au regard de la culture propre à chaque entreprise.
Interrogé sur la notion de « risques audibles », il a reconnu que certains managers pouvaient être réticents à
reconnaître les risques pesant sur leurs entités. Afin d’identifier les risques rencontrés par les collaborateurs,
l’intervenant a expliqué qu’il utilisait une grille standard d’évaluation des risques élaborée par la maison mère.
Cette grille permet de rendre objective et exhaustive l’analyse des risques même si elle ne peut remplacer
entièrement les entretiens avec les collaborateurs. Selon lui, seuls les entretiens permettent de détecter des
collaborateurs malveillants qui cachent des opérations à risque qu’ils considèrent, à tort, comme essentielles à la
conduite des opérations commerciales.
Par la suite, M. Maxime Goualin, Coordinateur RSE & Compliance au sein de Schneider Electric, a montré
comment la lutte contre la corruption et la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) sont liés, insistant sur
de nombreux objectifs communs tels que l’éthique et la lutte contre la pauvreté au-delà des préoccupations
économiques et légales. L’existence d’un programme de conformité – et plus largement de RSE –, complet et
effectif entre en compte dans le choix des partenaires des entreprises lors des due diligences. Ainsi, ces critères
peuvent constituer un pourcentage significatif de la note globale attribuée par certains clients.
Rejoignant le premier intervenant sur la nécessité de donner vie au dispositif anticorruption de l’entreprise, M.
Goualin a décrit les efforts pédagogiques mis en œuvre au sein de Schneider Electric. A ce titre, cela inclut des
notes de procédures, des référentiels de valeurs et un ensemble de formations ayant pour but de sensibiliser
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tous les collaborateurs à la lutte contre la corruption. Il a souligné que certains collaborateurs étaient réceptifs
aux menaces de sanctions légales liées aux activités de corruption mais que d’autres étaient encore plus
sensibles à la notion d’éthique associée à une conduite des affaires affranchie de toute corruption. La RSE de
l’entreprise se focalise ainsi sur les mesures de prévention et se coordonne avec les responsables juridiques et
de contrôle interne pour l’application effective du dispositif anticorruption.
Enfin M. Michel Dufourt, Risk & Compliance Officer au sein de la Division Internationale d’EDF, a souligné la
prégnance des enjeux de conformité et leur influence directe sur les activités quotidiennes de son entreprise. En
effet, les activités internationales du Groupe EDF sont souvent développées dans des régions du monde
considérées comme présentant des risques élevés en termes de conformité et de transparence. Notamment,
EDF est amenée à conclure des partenariats avec des structures publiques locales ou des entreprises liées aux
autorités publiques à l’instar des grands acteurs du secteur de l’énergie.
Dans ces activités de « BtoG » (Business to Government), la vigilance du Compliance Officer est indispensable
pour appréhender les risques et fixer la limite entre pratiques commerciales acceptables et celles qui
exposeraient le Groupe et ses collaborateurs. Pour cela, le Compliance Officer se doit d’utiliser l’ensemble des
informations dont il dispose, y compris celles recueillies sur le terrain, pour comprendre l’environnement global
d’une relation d’affaires, conduire des due diligence sur les parties impliquées en amont et tout au long des
projets, en déduire une cartographie des risques et ainsi protéger les intérêts de l’entreprise. En matière de due
diligence, la valeur ajoutée du Compliance Officer réside principalement dans l’analyse des informations
recueillies et dans la qualification juridique des risques potentiels encourus. Tous les intervenants du panel ont
reconnu que dans certains cas, la conclusion de contrats n’a pas pu aboutir en raison du manque d’information
ou d’un niveau de risque jugé comment étant trop élevé.
Les participants à cette table ronde ont exprimé leurs difficultés à sensibiliser l’ensemble des acteurs de
l’entreprise sur l’importance de la lutte contre la corruption. Pour certains collaborateurs, la conformité resterait
une activité séparée des affaires, pouvant même constituer un obstacle pour ces dernières. En réponse,
l’ensemble du panel a indiqué que la conformité se voulait au service de l’entreprise : elle protège l’employé
intègre contre les tentatives de corruption tout comme elle protège l’entreprise contre les actes isolés de
collaborateurs s’adonnant à des pratiques illégales. L’entreprise ayant mis en place un programme de
conformité efficace peut alors se retourner contre un salarié ayant commis un acte de corruption. A titre
d’exemple, Schneider Electric a mis fin à 20 contrats en 2014 en raison de faits de corruption avérés.
En réponse à une interrogation du public sur la marche à suivre pour mettre en œuvre un programme de
conformité efficace pour les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI), le panel s’est accordé pour affirmer que
l’implémentation d’un tel dispositif était variable en fonction de nombreux paramètres propres à chaque
entreprise : à la culture du risque, aux valeurs de l’entreprise et au secteur d’activité s’ajoutent des facteurs
humains, des questions d’effectifs et de moyens. L’adaptation s’avère alors l’élément clé d’un programme
répondant, par exemple, aux 6 principes diffusés par le SCPC en 2015. Si un tel objectif est plus difficile à
atteindre pour les ETI, ces dernières peuvent recourir à support aide externe afin de les aider à poser les jalons
indispensables de leur programme de conformité.
Conclusion
Pour conclure cet évènement, Mme Charlotte Frérot, Secrétaire Générale du Global Compact France, a rappelé
sur les avancées indéniables du projet de Loi Sapin 2, mais également sur les marges de progression qui
subsistent. Mme Frérot a suggéré pour l’année prochaine de donner la parole à des intervenants issus d’ETI, afin
de mesurer l’impact des enjeux de conformité et d’anticorruption sur ces structures qui comptent parmi les plus
concernées par le projet de Loi Sapin 2.
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